Peut-on, doit-on partager des informations?



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Peut-on, doit-on partager des informations? Le secret professionnel, le devoir de discrétion, la confidentialité et les professionnels de l enfance Introduction Joëlle Mottint, juillet 2009 L objectif de ce texte est de proposer des balises pour les professionnels de l enfance à propos du secret professionnel, du devoir de réserve ou de discrétion et du partage des informations. Comme nous le verrons, il ouvre de nouvelles questions, matière à débat pour les professionnels. La nécessité de rédiger ce document est apparue lors des formations «voir et recevoir la maltraitance» 1 et à l occasion de l accompagnement d un projet d inclusion d enfants psychotiques dans les écoles de l enseignement ordinaire 2. Des questions relatives au secret professionnel des uns et des autres et au partage des informations ont émergé dans ces groupes de réflexion. Ce texte, qui n a pas de prétention juridique, fait le point sur le secret professionnel, le devoir de discrétion ou de réserve et le secret professionnel partagé, tout en proposant des pistes de réflexions et de débat aux professionnels concernés. Le secret professionnel Le secret professionnel est mentionné dans le Code pénal à l article 458 : «Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d'enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de cent francs à cinq cents francs». Concrètement, si quelqu un soumis au secret professionnel divulgue des informations confidentielles, il est susceptible d être condamné au pénal d une amende et d un emprisonnement. Le Code pénal prévoit des exceptions au secret professionnel. Ainsi, l article 458 cite le témoignage en justice (ou devant une commission d enquête parlementaire). Cela signifie que si un professionnel soumis au secret professionnel est amené à témoigner en justice ou devant une commission d enquête parlementaire, il peut dévoiler les secrets en question sans craindre une sanction pénale. Il peut aussi choisir de se taire. L article 458 du Code pénal parle également des cas où la loi oblige les professionnels «à faire connaître ces secrets». Quelles sont ces exceptions légales? On peut notamment citer certains articles du Code pénal. C est le cas de l article 422bis (obligation de porter assistance à une personne en danger), dont le non-respect peut être sanctionné d une amende ou d un emprisonnement. C est le cas également de l article 458bis : «Toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a, de ce fait, connaissance d une infraction prévue aux articles 372 à 377, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 426, qui a été commise sur un mineur, peut sans préjudice des obligations que lui impose l article 422bis, en informer le procureur du Roi, à condition qu elle ait 1 Le Centre d'expertise et de Ressources pour l'enfance organise des formations sur le thème «voir et recevoir la maltraitance». Elles s adressent aux professionnels des milieux d accueil 0-3 ans et extrascolaire et sont agréées et subventionnées par l ONE. 2 Il s agit d une des expériences pilote que suit le CERE dans le cadre de la recherche-action DiversCités, subventionnée par la Cocof dans le cadre de l Observatoire de l enfant.

examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-ci, qu il existe un danger grave et imminent pour l intégrité mentale ou physique de l intéressé et qu elle ne soit pas en mesure, elle-même ou avec l aide de tiers, de protéger cette intégrité». Les crimes et délits visés sont : attentat à la pudeur, viol, homicide et lésions corporelles volontaires, provocation, mutilation des organes génitaux d une personne de sexe féminin, délaissement ou abandon d enfants, privations d aliments et de soins. Il faut toutefois attirer l attention sur le fait que, tant pour l article 422bis que 458bis, les professionnels sont tenus de porter aide et assistance eux-mêmes. «Rappelons, et la nuance est importante, que l article 422bis du Code pénal prévoit l obligation d apporter une aide et non de dénoncer ou de révéler. Une situation de péril grave, c est ce que vise le texte, n oblige donc pas automatiquement à parler mais bien à apporter personnellement ou à faire en sorte que la personne ou le service compétent apporte l aide adéquate pour conjurer ce péril grave. C est dans ce cadre que la révélation aux autorités judiciaires peut, dans certains cas, être cette aide adéquate.» (Servais, in Barthélemi et coll, p.22). L article 458bis permet au professionnel de parler dans certains cas précis et à certaines conditions. «Ces conditions sont : - être dépositaire du secret, par état ou par profession - s agir d un délit ou d un crime énuméré à l article 458bis du Code pénal, commis sur un mineur - avoir examiné la victime ou recueilli les confidences de celle-ci - existence d un danger grave et imminent pour l intégrité mentale ou physique de l intéressé - ne pas être en mesure, soi-même ou avec l aide de tiers, de protéger cette intégrité.» (Servais, in Barthélemi et coll, p.22). De plus, le secret professionnel ne concerne que la personne qui se confie ou pour qui le professionnel a, dans le cadre de sa profession, recueilli des informations la concernant. «L appréciation de l opportunité de faire usage du droit de se taire ne se pose donc pas dans les mêmes termes suivant que le dépositaire du secret est le confident de la victime ou de l auteur des faits. Ainsi, le confident de la victime ne peut utiliser le droit de se taire pour couvrir l auteur en laissant la victime exposée à un péril grave. Par contre, lorsqu il est le confident de l auteur des faits, le dépositaire du secret doit, pour apprécier s il y a lieu de parler ou de se taire, prendre en compte l intérêt de son client, la confiance que celui-ci doit garder dans la profession et la possibilité de trouver une autre voie pour mettre fin au péril grave.» (Tulkens et Moreau, 2000, p.956). Cette précision est particulièrement importante pour les professionnels de l enfance qui suspecteraient une maltraitance chez un enfant qu ils côtoient dans le cadre de leur profession. Il convient toutefois de rester prudent : il ne s agit pas de dévoiler inconsidérément les confidences d une victime : «L article 61 du Code de déontologie médicale, tel que modifié le 16 novembre 2002, prescrit qu en présence d une situation de maltraitance, d abus sexuels ou de négligence grave, si les capacités de discernement du patient le permettent, le médecin l incitera à prendre luimême les initiatives nécessaires. Si la discussion avec le patient est impossible, le médecin traitant peut se concerter avec un confrère à propos de la suite à apporter à la situation. Ce n est toutefois que dans une situation d état de nécessité 3 qu il prendra l initiative d informer le procureur du Roi. Même s il s agit d un enfant, le médecin doit lui parler de ses intentions avant de prendre toute initiative, si les capacités de discernement de l enfant le permettent. La question est d autant plus délicate dans le cas de la maltraitance d enfants, qu il peut se produire que l enfant soit amené chez un intervenant psycho-médico-social par les parents qui l ont maltraité. Il serait catastrophique que des parents en arrivent à renoncer à faire appel à des professionnels pouvant apporter une aide à leur enfant de crainte d être dénoncés.» (Nouwynck et Rans, 2005, p.211). 3 «L état de nécessité renvoie à un conflit de valeurs : respecter la loi, donc se taire, ou la transgresser pour sauvegarder un intérêt plus impérieux» (Nouwynck et Rans, 2005, p.220).

Le devoir de réserve ou de discrétion Certaines professions ne sont pas soumises au secret professionnel, mais sont toutefois tenues à une certaine confidentialité, appelée devoir de discrétion ou de réserve. Cet aspect figure souvent dans le contrat de travail voire dans le règlement de travail. Concrètement, violer le devoir de discrétion n est pas considéré comme une infraction pénale. Toutefois, un travailleur n ayant pas respecté le devoir de discrétion pourrait se voir condamné à des dommages et intérêts (condamnation au civil) mais pas à une peine pénale. Le partage des informations Le secret professionnel, en principe, ça ne se partage pas! Il existe néanmoins ce qu on appelle le secret professionnel partagé. Il convient de rester très prudent avec cette notion qui est une violation tolérée du Code pénal. Il est communément admis que le secret professionnel peut être partagé à condition de respecter cinq conditions : - le maître du secret (patient, client) - et, le cas échéant, ses représentants légaux (par exemple, les parents) - doit être averti du fait qu on s apprête à partager des informations confidentielles le concernant, - il doit, de plus, donner son accord, - le secret ne peut être partagé qu avec des professionnels eux-mêmes soumis au secret professionnel, - ces professionnels doivent poursuivre un objectif commun, - enfin, le partage des informations doit être limité à celles qui sont vraiment nécessaires. Ces cinq conditions préalables au partage du secret entraînent un certain nombre de questions. Qui est soumis au secret professionnel? Le Code pénal cite quelques professions, la jurisprudence en reconnaît d autres. Mais celle-ci évolue et il n est pas toujours évident de décider si oui ou non certains professionnels sont tenus au secret professionnel ou seulement au devoir de discrétion. De plus, le Code pénal précise bien qu il s agit des secrets confiés ou recueillis dans «l exercice de leurs fonctions». Comme le souligne J-F. Servais (in Barthélemi et coll., p.20), «C est en effet beaucoup plus la fonction ou la mission que le diplôme qui va être déterminante. Ainsi une assistante sociale sera dans une position tout à fait différente si elle travaille au C.P.A.S. ou si elle est intégrée à un service de police. Ainsi encore en est-il d un médecin, d un psychologue, d une assistante sociale suivant qu ils interviennent à titre privé, dans le cadre d un service, dans le cadre d une enquête sociale ou d une expertise demandée par le tribunal.» Parmi, les professionnels de l enfance, les infirmiers, assistants sociaux et psychologues sont clairement tenus au secret professionnel. De plus, toute personne qui collabore à l application de la loi du 8 avril 1965 (art. 77) relative à la protection de la jeunesse ou du décret de l aide à la jeunesse du 4 mars 1991 (art. 57), quelle que soit sa profession ou sa fonction, est soumise au secret professionnel visé par l article 458 du Code pénal. Cela comprend également les personnes qui apportent leur concours à titre bénévole, ainsi que les stagiaires et les familles d accueil. En revanche, de nombreux juristes 4 considèrent que les enseignants et les animateurs ne sont pas des confidents nécessaires (c est-à-dire des personnes qui doivent recueillir des confidences pour pouvoir exercer leurs missions) et ne sont dès lors pas soumis au secret professionnel (mais bien à un devoir de discrétion). Néanmoins, cette position ne paraît pas rencontrer l unanimité parmi les juristes. Ainsi, selon le service juridique de la Communauté française et celui de la Direction générale de 4 C est notamment le cas de Servais (in Barthélemi, date non précisée), Tulkens et Moreau (2000).

l enseignement obligatoire, un enseignant, un éducateur d école ou d internat et un chef d établissement «peuvent être aux yeux de l article 458 du Code pénal assimilé «à des personnes dépositaires par état ou par profession des secrets qu on leur confie».» (Le secret professionnel et les enseignants, p.5). Selon le service juridique de l ONE, le personnel d accueil, qu ils s agissent de l accueil des moins de trois ans ou de l accueil extrascolaire, est certainement soumis à un devoir de discrétion et probablement au secret professionnel. C est de toute façon le cas du personnel des SASPE 5, ainsi que des travailleurs collaborant de fait à l application de décret de l Aide à la Jeunesse. Donc, lorsqu un enfant fréquente une crèche ou un centre de vacances dans un cadre SAJ 6 ou SPJ 7, le secret professionnel est de mise. Il est dès lors difficile de ne pas étendre celui-ci à toutes les situations d accueil. On le voit, il n est pas facile de trancher clairement qui est soumis au secret professionnel et qui ne l est pas. Or, dans le cadre d un partage éventuel d un secret, il est indispensable de déterminer qui est soumis au secret professionnel, puisque le partage ne peut se faire qu entre personnes soumises au secret professionnel. Qu est-ce qu un secret? Toutes les informations ne sont pas considérées comme confidentielles. «Il s agit de tout élément qui tient à l intimité de la personne et qui est connu du confident du fait de sa profession. D après le Répertoire pratique de Droit Belge, «il s agit de faits ignorés, de nature à porter atteinte à l honneur, la considération, la réputation ou dont la non-révélation a été demandée : ce sont des faits qu on a intérêt à tenir cachés.» Plus précisément, lorsque l on parle de secret professionnel, on distingue les confidences, qui sont les secrets confiés comme tels, c est-à-dire les faits dont la non-révélation a été demandée (expressément ou tacitement) et les faits secrets par nature qui sont les faits concernant le consultant et dont le confident a connaissance en raison de sa profession. En substance, tout ce qui est appris, surpris, constaté, déduit, interprété dans l exercice de la profession est donc couvert par le secret professionnel» (Le secret professionnel et les enseignants, p.3). Que signifie poursuivre un but commun? Il est important que les différents acteurs explicitent le but qu ils poursuivent avec l enfant et sa famille afin de déterminer s il y a ou non un but commun. Par exemple, des professionnels qui sont engagés dans un travail auprès de l enfant et d autres auprès de ses parents ne poursuivent pas un but commun. Dès lors, le partage des informations entre eux n est pas possible. Dans d autres cas, il n est pas facile de déterminer si un but commun est défini. Par exemple, dans le cas de l inclusion d un enfant psychotique suivi par un service de santé mentale dans une classe de l enseignement ordinaire, on peut considérer que l école et le service de santé mentale poursuivent tous deux un but d épanouissement de l enfant. Mais on peut également considérer qu ils ne poursuivent pas un but commun, l école ayant des objectifs pédagogiques et d intégration dans le groupe classe et le service de santé mentale un objectif de développement personnel de l enfant. En outre, il est très important que le partage d informations ne mette pas en péril le travail mené par l un des acteurs. Ainsi, pour reprendre cet exemple, la relation entre le service de santé mentale et la famille de l enfant psychotique est parfois fragile et risque d être rompue si le service de santé mentale demande seulement aux parents leur autorisation pour partager des informations avec l école. Parfois, même 5 Services d Accueil Spécialisés de la Petite Enfance, anciennement dénommés pouponnières. 6 Service d Aide à la Jeunesse. 7 Service de Protection Judiciaire.

si ceux-ci donnent leur accord, le but poursuivi par le service de santé mentale risque d être mis à mal. Qui est le maître du secret? Quand il s agit d enfant, il n est pas toujours évident de répondre à cette question. S agit-il de l enfant? Des parents? De la famille dans son ensemble? Dans quelle mesure, les parents doivent-ils être mis au courant de ce qui concerne leur enfant? Cela dépend-t-il de l âge de l enfant? De la nature des informations à révéler ou à taire? Dans quelle mesure, les enfants ont-ils droit à une vie privée? Selon le Code de déontologie des psychologues, les enfants mineurs et les personnes incapables de discernement «jouissent du droit au respect de leur vie privée et donc au respect du secret de cette vie. Tel est le principe. D autre part, les parents ont un devoir d éducation pour leurs enfants mineurs, et les personnes chargées de la tutelle un devoir de représentation. Ces devoirs impliquent un droit à l information utile pour remplir ces missions et rien au-delà. La limite du respect du Secret Professionnel vis-à-vis des parents et des représentants légaux sera la capacité de discernement chez les personnes concernées c est-à-dire leur aptitude à gérer leur propre vie, leur capacité à prendre des décisions les concernant. Aucune performance, aucun âge, aucun critère n est fixé par le législateur pour définir cette capacité. Ce sont la conscience, la formation professionnelle et la clairvoyance des confidents obligés qui permettront à ceux-ci de déterminer dans quelle mesure ils peuvent divulguer des faits couverts par le Secret Professionnel. (voir N. Lahaye in Revue de Droit Pénal et de Criminologie, 1950 p.595)» (Code de déontologie des psychologues, annexe Le secret professionnel). Quelles pistes pour (ne pas) partager des informations? Différents services partenaires, d une certaine façon, dans l éducation et le développement d un enfant peuvent avoir légitimement envie de se rencontrer et d échanger. Mais comment parler ensemble sans trahir le secret professionnel? Comment s épauler entre professionnels sans mettre éventuellement en péril une relation fragile avec un enfant, une famille? Une première piste est de discuter préalablement des conditions du partage d informations. Avant de parler de l enfant ou de sa famille, il s agit de se rencontrer pour élaborer un cadre au sein duquel on définit ce qui est partageable et ce qui ne l est pas, en tenant notamment compte des cinq conditions nécessaires au partage du secret. Par exemple, il est essentiel de définir qui est soumis au secret professionnel et qui ne l est pas, ainsi que de préciser les buts poursuivis par chacun. Les raisons pour lesquelles le secret n est pas partageable doivent être clairement actées. Une deuxième piste est de construire des espaces où l on peut parler, partager ses interrogations, ses inquiétudes, ses prises de décision. Il s agit ici d échanger avec des professionnels qui ne sont pas impliqués dans la situation, qui ne connaissent pas l enfant et sa famille. Dans cet espace de parole, les professionnels peuvent parler des situations en les anonymisant. Cela leur permet de prendre du recul et de se confronter à des questions d un tiers, extérieur à la situation et aux enjeux de celle-ci. C est le principe de la supervision ou de l intervision 8 (supervision entre pairs). Bibliographie Barthélemi, E., Meersseman, Cl., Servais, J-Fr., Delattre, Th., Confidentialité et secret professionnel, Temps d arrêt : lectures, Coordination de l aide aux victimes de maltraitance, (date non précisée). Téléchargeable sur http://www.yapaka.be/professionnels/publication/confidentialit-et-secret-professionnel 8 Voir à ce sujet les fiches «L intervision : les enjeux du processus» téléchargeable sur http://www.cereasbl.be/spip.php?article55 et «Le travail en réseau : travailler ensemble pour optimaliser les pratiques au profit de tous», téléchargeable sur http://www.cere-asbl.be/spip.php?article62.

Code de déontologie des psychologues, Fédération belge des psychologues. Téléchargeable sur http://www.bfp-fbp.be/index.php?hid=13&sid=41&bid=62&language=fr Daloze, C., Secret professionnel : des paroles retenues, Alter Educ, Bruxelles, 9/2/2007. Téléchargeable sur http://www.altereduc.be/index.php?page=archivelist&content=article&list_p_num=0&lg=1&s_id=9&art_id=160 40&display=item Le secret professionnel et les enseignants. Pistes de gestion. AGERS (Administration générale de l Enseignement et de la Recherche scientifique), Bruxelles, date non précisée. Téléchargeable sur www.enseignement.be/download.php?do_id=1353... Nouwynck, L., Rans, P., Secret professonniel, protection de la vie privée et communication d informations entre acteurs de la protection de la jeunesse, in Moreau, TH. (Ed), Actualités en droit de la jeunesse, De Boeck & Larcier, Editions Larcier, Bruxelles, 2005, pp.195-250. Tulkens, Fr., Moreau, Th., Droit de la jeunesse. Aide. Assistance. Protection, De Boeck & Larcier, Editions Larcier, Bruxelles, 2000.