ENTREPRISES EN DIFFICULTES REACTIONS AU PROJET DE LOI DE SAUVEGARDE DES ENTREPRISES Après avoir présenté un avant projet de loi de sauvegarde des entreprises à la fin de l année 2003, le Garde des sceaux a présenté le 12 mai dernier un projet de loi destiné à être examiné par le Parlement. Ce texte apporte un certain nombre de novations destinées à anticiper le traitement des difficultés. Afin d atteindre cet objectif, une procédure de sauvegarde a été créée. Proche du redressement judiciaire, elle est destinée aux débiteurs n étant pas en état de cessation des paiements et à l image du «chapter 11», prévoit l intervention de comités de créanciers. Le texte proposé revient également sur les privilèges exorbitants jusqu alors accordés aux créanciers publics et développent ceux des créanciers présents lors des différentes procédures. Ce projet permet enfin de préciser le rôle des différents intervenants et de revenir sur le régime des sanctions. Toutefois, si les directions prises étaient attendues et participent à un meilleur traitement des difficultés d entreprises, l esprit de réforme est pénalisé par une rédaction qui complique la compréhension des mécanismes proposés. En effet, le projet tente d individualiser au maximum les procédures, eu égard à la situation de l entreprise et à sa taille. Même si ce projet tend vers une plus grande adaptation des textes aux besoins du débiteur, la contrepartie en est une complexification du droit de telle sorte que sans l assistance d un conseil professionnel, un chef d entreprise connaîtra des difficultés pour déterminer la procédure à mettre en œuvre. Enfin, nous souhaitons revenir sur ce qui avait été la principale demande de la CGPME lors de travaux préparatoires, c est-à-dire la création d une procédure amiable dégagée de la tutelle du tribunal de commerce et s appuyant sur un organisme de type CODEFI. Afin de pouvoir remplir ses missions, ce comité devrait se voir attribuer les moyens de traiter les premières difficultés, de réaliser des bilans et d orienter les débiteurs. A ce sujet, des améliorations sont intervenues par le biais de la circulaire du 25 novembre 2004 qui a complété et précisé les moyens et les attributions des CODEFI. Cette action mérite toutefois d être poursuivie. Cette observation faite, il convient d examiner le texte du projet de loi et de faire une remarque d ordre général avant de s intéresser au détail des propositions. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 1
Remarques générales Des observations peuvent être formulées s agissant des critères déterminant la procédure applicable. En effet, afin de pouvoir bénéficier de la conciliation, le chef d entreprise doit faire état de «difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible».or, le critère conduisant à appliquer la procédure de sauvegarde exige «des difficultés susceptibles de conduire à la cessation des paiements». A notre sens, il apparaît que ces deux critères sont source de confusion de par leur similitude, et donneront lieux à des divergences d interprétation de la jurisprudence. En effet, le juge devra apprécier non pas la difficulté stricto sensu mais le degré de difficulté de l entreprise à un instant T, et donc se livrer à une appréciation in concreto des faits. Dès lors, ce manque de clarté dans la définition des critères constitue un risque réel d insécurité juridique pour le chef d entreprise, à l image de la jurisprudence fournie ayant alimenté l appréciation de la faute afin de déterminer la responsabilité du commettant. En outre, la nouvelle procédure de sauvegarde trouve sa place dans la partie du code réservée au redressement judiciaire. Il aurait été plus logique de conserver le chapitre dédié au redressement judiciaire en l état et de le faire suivre des articles relatifs à la procédure de sauvegarde, tout en modifiant la numérotation ; le redressement judiciaire étant le principe et la sauvegarde une exception à ce dernier. Cette réforme aurait été l occasion de modifier l agencement des articles, afin de mieux pouvoir appréhender les différents mécanismes de traitement des difficultés. Ainsi, la CGPME préconise une évolution du plan général de la partie traitant des procédures collectives. Cette partie pourrait être divisée comme suit : Livre Sixième : Des difficultés d entreprises Titre I : De la prévention des difficultés des entreprises et de la procédure de conciliation. Chapitre I : De la prévention des difficultés d entreprises : - des groupements de préventions agréés, - des dispositions applicables aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique, Chapitre II : De la procédure de conciliation et du mandat ad hoc. Titre II : Du redressement judiciaire, de la sauvegarde, et de la liquidation judiciaire des entreprises. Chapitre I : De la saisine et de la période d observation. Cette partie traiterait des règles communes aux trois procédures : sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire. Elle permettrait de préciser les principes et les différentes exceptions. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 2
Section I : De l ouverture de la procédure (saisine, compétences,...), Section II : De la période d observation, Section III : Du bilan économique, social et environnemental. Chapitre II : De la procédure de redressement judiciaire Chapitre III : De la procédure de sauvegarde Chapitre IV : De la procédure de liquidation judiciaire Chapitre V : Des voies de recours Chapitre VI : Des sanctions Chapitre VII : Dispositions applicables aux départements du Haut-Rhin et de la Moselle. Cette nouvelle répartition a l avantage de remettre les choses dans l ordre. Le traitement anticipé des procédures. Hormis les réserves exprimées précédemment, la CGPME ne peut être que favorable à toute mesure qui renforce le recours à une procédure de traitement anticipé des difficultés. Mesures de détection L obligation faite aux dirigeants de déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce est un élément essentiel de détection précoce. Cependant, une lacune persiste au travers de l absence de force coercitive. Actuellement un peu moins de la moitié des entreprises assujetties à cette obligation ne déposent pas leurs comptes. les contrevenant à cette obligation peuvent encourir une amende de 1500. Le projet vient combler ce manque en disposant que le président du tribunal de commerce pourra délivrer une injonction de faire à l encontre des dirigeants ne déposant pas leurs comptes aux greffes des tribunaux. Cette règle est complétée par la possibilité offerte au président du tribunal de se faire communiquer les informations par les tiers, si le dirigeant ne s est pas rendu à l entretien découlant de la non publication. Ceci plaide pour une meilleure détection des difficultés. Toutefois, comme nous avions pu l affirmer, la volonté, le temps et les moyens seront nécessaires à la mise en oeuvre de ces instruments. Mandat ad hoc La CGPME insiste sur la nécessité de conserver la souplesse du mandat ad hoc. A ce titre, comme le propose la commission des lois de l Assemblée nationale, la communication de cette nomination au parquet pourrait être revue afin de supprimer un frein psychologique pour le débiteur. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 3
Procédure de conciliation? Suspension provisoire des poursuites Dans la procédure proposée, il apparaît que la suspension provisoire des poursuites disparaît des textes relatifs au redressement amiable. Cette option est importante, car elle permet de négocier dans un climat serein. En conséquence, la CGPME estime que cette possibilité doit être conservée en droit positif. Ceci d autant plus que, procédure proposée, l accord homologué par le Tribunal fait lui même l objet de publicité. Les difficultés de l entreprise seront alors révélées à brève échéance.? Formalités de publicité Une entreprise ayant recours à la procédure de conciliation éprouve par définition des difficultés. Il ne convient pas de les accroître en divulguant sa situation, ce qui ne ferait qu accentuer les problèmes rencontrés. C est pourquoi l article 10 du projet de loi, qui transforme le secret professionnel imposé aux personnes ayant connaissance du règlement amiable en simple obligation de confidentialité va à l encontre du but recherché ; les sanctions pénales étant remplacées par de simples sanctions civiles. La même crainte peut intervenir face à l article 177 qui permet de rendre certains débats publics.? Remise de dette sur le principal pour les administrations La CGPME est en accord avec l avancée majeure destinée à être intégrée à l article L. 626-4-1 du Code commerce, qui permet aux administrations financières, aux organismes de Sécurité sociale, aux institutions gérant le régime d assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du Code du travail et aux institutions régies par le livre IX du Code de la Sécurité sociale, d effectuer des remises de créances concomitamment à l effort consenti par certains créanciers.? Privilège accordé au créancier finançant l entreprise et assurant sa pérennité Ce privilège nous semble utile puisqu il permettra à l entreprise de se refinancer de manière sérieuse, étant donné que l une des deux conditions requises est d assurer la pérennité de l entreprise (qui ne peut s apprécier que dans le temps). Le privilège consenti est attaché à un financement qui permettra à l entreprise de retrouver à terme une situation in bonis. Cette disposition devrait toutefois pouvoir être ouverte aux fournisseurs consentant des délais de paiements nécessaires à la continuation de l entreprise. Par ailleurs, le même article permet de restreindre les recours pour soutien abusif. L atténuation du frein que constituait la crainte d une telle action devrait permettre aux établissements de crédits de soutenir de manière plus active les entreprises en difficultés. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 4
Cette notion semble bien encadrée par le projet en conservant une sanction pour les fraudes ou les comportements manifestement abusifs. Il convient toutefois de ne pas annihiler toute notion de soutien abusif et ainsi de déresponsabiliser les établissements financiers. De plus, dans le but de favoriser le refinancement de l entreprise, il serait opportun d élargir le champ d application de la déduction des abandons de créance consentis.? Recours possible à la conciliation dans les 45 jours de la cessation des paiements. Cette novation permet de saisir le tribunal pour bénéficier d un plan de redressement amiable alors que l entreprise se trouve déjà en état de cessation des paiements. Le danger est que cette option soit utilisée à des fins dilatoires et conduise à l allongement des procédures.? Sécurisation du plan issu de la conciliation. Cette mesure était devenue une nécessité. La CGPME ne peut qu être favorable à une telle disposition. Procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire. La CGPME est favorable à l ouverture des procédures collectives aux professionnels libéraux exerçant à titre individuel. En effet, ces derniers sont exclus de toute procédure collective puisqu ils ne peuvent actuellement, ni bénéficier de la procédure de rétablissement personnel pour la portion des dettes professionnelles, ni de la procédure collective dans sa mouture actuelle. Le projet permet également aux personnes n exerçant plus d activité et sous certaines conditions de bénéficier d une telle procédure.? Procédure de sauvegarde. - La mise en place d une action permettant de bénéficier d une procédure collective judiciaire avant la survenance de l état de cessation des paiements est incontestablement un progrès. Le débiteur doit toutefois garder la maîtrise du déclenchement de l action (c est le cas dans le présent projet). Cette procédure est d autant plus attrayante que le recours est favorisé par l article 77 du projet. En effet, celui-ci prévoit que les cautions personnelles et coobligés personnes physiques pourront se prévaloir des dispositions du plan. Il s agit d une prime à la saisine du tribunal. Le chef d entreprise ou ses proches, qui dans les TPE/PME sont fréquemment cautions personnelles, seront incités à utiliser cette disposition. L inquiétude est que devant la possible perte de sûretés, l accès des entreprises aux financements externes se restreigne. - En matière de Sauvegarde comme en matière de Redressement judiciaire, la CGPME est nuancée sur la mise en place de différentes procédures favorisant un traitement différencié des entreprises et surtout des créanciers en fonction de la taille de la société. Ces derniers seront plus activement impliqués dans la procédure destinée aux structures importantes que dans la procédure de droit commun. En effet, dans la procédure proposée, les comités de Projet de loi de sauvegarde des entreprises 5
créanciers interviennent activement à l élaboration et à l adoption du plan ce qui n est pas le cas des créanciers exclus de ces comités. Subsiste également la question de la fixation des seuils et de la détermination de la frontière entre les fournisseurs principaux et les autres. La procédure proposée à l article L. 626-26 et suivants du Code de commerce (dans le projet de loi), n est pas destinée aux PME. Celles-ci pourront toutefois y recourir et seront concernées en tant que fournisseurs. Le rôle des créanciers chirographaires et non principaux ne doit pas être négligé. Il ne doit pas, par conséquent y avoir une différence anormale de traitement entre catégories de créanciers. Cette procédure étant fortement inspirée du droit des Etats-Unis et plus précisément du chapter 11, il conviendrait de la reprendre également en ce qui concerne la composition des deux comités soit : un comité de créanciers privilégiés et un comité de créanciers chirographaires. Ceci permettrait de rétablir plus d égalité dans ce mécanisme.? Redressement judiciaire Cette procédure est similaire à la sauvegarde. Lors d un redressement judiciaire et à l inverse de l action précédente, les cautions et coobligés ne peuvent se prévaloir du plan. Les créanciers ont besoin d une sécurité juridique qui est largement remise en cause par la survenance d une procédure collective. De plus, il n est pas nécessaire d inciter les débiteurs à avoir recours au redressement judiciaire. En effet, s ils sont en état de cessation des paiements, ils ont l obligation légale de demander l ouverture d une procédure collective. Dans la rédaction de ce texte, le redressement perd de son importance. En effet il est relégué à la suite de la sauvegarde. Dans les procédures collectives, le principe devrait être le redressement et la sauvegarde l exception. Il est ainsi vidé de sa teneur. Le fait que le redressement judiciaire ne puisse pas avoir comme issue une cession totale de l entreprise ne fait qu accentuer cette impression. Désormais, lorsque l on parle de redressement judiciaire, c est en premier lieu le débiteur qui retrouve la gestion de son entreprise. Les mêmes observations peuvent êtres évoquées en matière de liquidation judiciaire où ce n est plus seulement l entreprise qui est dissoute, puisqu un plan de continuation est possible. Cette évolution donne le sentiment d un glissement d une procédure tournée vers l entreprise à une procédure dirigée vers le débiteur. Les procédures collectives doivent rester orientées sur l entreprise et non sur son dirigeant. C est pourquoi la CGPME souhaite que la cessation de l entreprise puisse intervenir dans le cadre du redressement et non plus seulement lors d une liquidation. La CGPME est par conséquent favorable à la possibilité de cession de l entreprise dans le cadre d un redressement judiciaire proposé par la commission des lois de l Assemblée nationale.? Liquidation judiciaire Procédure accélérée de liquidation judiciaire Comme nous avions déjà pu l indiquer, cette mesure, favorable à un traitement accéléré des difficultés, tend vers une plus grande célérité et donc un meilleur traitement des créanciers, qui connaîtront rapidement le sort de leurs créances. De plus, ceci permettra de réduire les frais de justice et par conséquent la dépréciation du patrimoine de l entreprise. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 6
De manière générale, la volonté du rédacteur est d accélérer les procédures, puisque le tribunal fixera dès l ouverture de la procédure une date à laquelle l affaire sera examinée en vue de sa clôture. De même, à l expiration d un délai de deux ans à compter du jugement de liquidation, le procureur de la République, le débiteur ou tout créancier peut saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure. La CGPME est favorable à une telle procédure, sous réserve qu elle soit encadrée et mise en application avec discernement. Dispositions diverses? Sanctions du chef d entreprise Le projet de loi modifie le régime des sanctions en aggravant les peines à la charge des défaillants fautifs. Ainsi, l article 16 étend la procédure lorsqu il a pu être constaté une confusion de patrimoines et le caractère fictif de la personne morale. Concernant l interdiction de gérer et la faillite personnelle, il est instauré une limite supérieure qui n existait pas précédemment et il n est plus fait référence à de seuil minimum, ce qui permettra de faire diminuer la durée des sanctions. Cette nouvelle rédaction est conforme au Code pénal qui ne prévoit plus que le seuil maximum des peines. Prendre des risques fait partie de la gestion d une entreprise et se trouve à la base de nombreuses réussites. Il ne faut donc pas sanctionner la simple prise de risques.? Sûretés Le droit commun des garanties est remis en cause par la survenance d une procédure collective. En effet, la qualité même de la garantie qui est de protéger les créanciers et d apporter une sécurité juridique au préteur se trouve altérée et primée par un impératif supérieur qui est la sauvegarde de l entreprise en difficultés. C est cet intérêt qui justifie la remise en cause du droit commun. La CGPME souhaite que les créanciers, fournisseurs et financiers puissent en contrepartie de leur soutien primer les créanciers antérieurs au jugement d ouverture. Cette dimension est prise en compte dans le projet. Il est d ailleurs institué une graduation entre les créanciers intervenant dans le cadre d une sauvegarde et ceux parties à un redressement judiciaire. L évolution est notable car les dispositions figurant aux articles 34 et 120 prennent en compte les crédits, et délais de paiement et englobent ainsi les fournisseurs, la place de ceux-ci était moins affirmée dans l avant projet. Il convient de persister dans cette voie. Réaction à certains amendements de la commission des lois? Article 5 Il est proposé que lors de la nomination d un mandataire ad hoc, le procureur ne soit pas systématiquement informé. La CGPME est favorable à une telle mesure qui peu permettre de lever un frein psychologique à la saisine du Président du tribunal de commerce.? Article 7 Projet de loi de sauvegarde des entreprises 7
Possibilité de conclure l accord qui met fin à la procédure de conciliation par une simple constatation du Président du tribunal sans mesure de sécurité. Cette disposition favorise la confidentialité et par conséquent un meilleur traitement des difficultés. Ainsi, en matière de conciliation, pourraient cohabiter deux procédures, l une sans mesures de publicité mais avec une sécurité de l accord moindre et une seconde, plus sécurisée mais rendue publique et à laquelle la CGPME propose de réintégrer la suspension provisoire des poursuites. En tout état de cause, les PME recherchent dans une telle réforme une évolution vers une procédure simple, peu coûteuse, avec un nombre d intervenants limité. La CGPME aurait souhaité, notamment en matière de règlement amiable, une action se fondant sur un organisme autre que judiciaire. Projet de loi de sauvegarde des entreprises 8