Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial



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Transcription:

Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial Louisa DAHMANI Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER Promotion 2010-2011 1

Les opinions émises dans le mémoire n'engagent que leur auteur et non la Faculté Libre de Droit. 2

LES STRATÉGIES DU BAILLEUR POUR ABORDER LE RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL Louisa DAHMANI Master 2 Pratique du Droit des Affaires sous la Direction de Madame LAUGIER Promotion 2010-2011 3

REMERCIEMENTS Je remercie Madame BRUNEAU, intervenante en baux commerciaux et gestionnaire immobilier, pour m avoir transmis sa riche expérience des baux commerciaux et pour avoir dirigé ce mémoire. Je tiens également à remercier l équipe du cabinet Triplet et associés pour leur accueil, leur disponibilité et leur écoute. Je remercie tout particulièrement Maître Bailleul, avocate spécialisée en droit des baux commerciaux. Elle m a offert un terrain propice à l enrichissement de mes connaissances. Son écoute, sa disponibilité et son professionnalisme m ont permis de développer cette étude J exprime toute ma gratitude envers Madame Laugier, Directrice du Master 2 Pratique du droit des affaires et Maître de conférences, pour ses conseils et son soutien permanent. Je remercie Monsieur Martel et son équipe, Experts immobiliers, d avoir accepté de participer à cette réflexion en mettant l accent sur la pratique des baux commerciaux lillois. 4

SOMMAIRE INTRODUCTION GÉNÉRALE PREMIÈRE PARTIE. LES STRATÉGIES PRÉCONTRACTUELLES DU BAILLEUR COMMERCIAL CHAPITRE I. La connaissance préalable de l environnement juridico-économique du bail commercial CHAPITRE II. Les stratégies contractuelles de détournement du droit au renouvellement et du déplafonnement DEUXIÈME PARTIE. LES STRATÉGIES DU BAILLEUR COMMERCIAL FACE AU RENOUVELLEMENT CHAPITRE I. La limitation statutaire des stratégies du bailleur commercial CHAPITRE II. Repenser le statut CONCLUSION GÉNÉRALE 5

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS Act. Jurispr. : Actualité jurisprudentielle Adde : Ajouter Administrer : Revue Administrer AJ : Actualité jurisprudentielle du Recueil Dalloz AJDI : Actualité juridique, Droit immobilier (Dalloz, à partir de 1998) AJPI : Actualité juridique, Propriété immobilière (jusqu à décembre 1997) al. : Alinéa Ann. Loyers : Annales des loyers art. : Article Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de cassation BICC : Bulletin de la cour de cassation Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation C. : Code C. baux : Code des baux C. civ. : Code civil Code de commerce : Code de commerce CA : Cour d'appel Cass. ch. mixte : Arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation Cass. ch. réun. : Arrêt rendu par les chambres réunies de la Cour de Cassation. CE : Conseil d État CEDH : Cour européenne des droits de l homme Chron. : Chronique Civ. : Chambre civile de la Cour de cassation Com. : Chambre commerciale de la Cour de cassation Comp. : Comparer concl. : Conclusions Contra : Solution contraire Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales C. pr. civ. : Code de procédure civile 6

Crim. : Chambre criminelle de la Cour de cassation D. : Dalloz Décr. : Décret Defrénois : Répertoire du notariat Defrénois Doctr. : Doctrine Esp. : Espèce et a. : et autre(s) et s. : et suivantes fasc. : fascicule Gaz. Pal. : Gazette du Palais ibid. : Au même endroit ICC : Indice Insee du coût de la construction ILC : Indice des loyers commerciaux Infra : Ci-dessous IR : Informations rapides (du Recueil Dalloz) J : Jurisprudence JCP : Juris-classeur périodique (Semaine juridique), édition générale JCP E : Juris-classeur périodique, édition Entreprise JCP N : Juris-classeur périodique, édition Notariale JO : Journal officiel L. : Loi LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence Loyers et copr. : Loyers et copropriété LPA : Les Petites Affiches Mod. : Modifié n : Numéro not. : Notamment Nouv. : Nouveau obs. : Observations Ord. : Ordonnance p. : Page Pan. : Panorama 7

R. : Rapport annuel de la Cour de cassation rappr. : Rapprocher RCS : Registre du commerce et des sociétés RDI : Revue de droit immobilier (Dalloz) Rect. : Rectificatif Rép. civ. : Répertoire de droit civil Dalloz Rép. com. : Répertoire de droit commercial Dalloz Rép. min. : Réponse ministérielle Rép. pr. civ. : Répertoire de procédure civile Dalloz Req. : Requête Rev. bleue : Revue bleue Rev. Loyers : Revue des loyers et des fermages RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz) RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial Somm. : Sommaires Spéc. : Spécialement ss. : Sous Supra : Ci-dessus t. : Tome TGI : Tribunal de grande instance TI : Tribunal d instance V. : Voir 8

INTRODUCTION GÉNÉRALE «Il a quelques fois accommodé à ses propres dépens de procès, même considérables ; et un trait rare, en fait de finances, c'est d'avoir refusé, à un renouvellement de bail, cent mille écus qui lui étaient dus par un usage établi : il les fit porter au Trésor Royal pour être employés au paiement de pensions les plus pressées des Officiers de Guerre». Cet extrait de l ouvrage de Bernard le Bouyer de Fontenelle intitulé «Eloge des membres de l Académie Royale des Sciences» publié au XVIII ème siècle fait la louange de la grande générosité de Monsieur d Argenson, propriétaire et ancien académicien, qui offrit l indemnité reçue du renouvellement d un bail au Trésor public. 1 Pourtant, les auteurs du siècle suivant évoquaient plutôt «l abus de puissance du bailleur 2» et relataient leur comportement déloyal à l égard des preneurs, avec la complicité parfois des grandes firmes de l époque. En effet, deux siècles plus tard, la loi du 17 mars 1909 relative au fonds de commerce avait eu pour conséquence d augmenter leur valeur. Avec l apparition des grandes entreprises, celles-ci proposaient aux propriétaires bailleurs des offres de relocation «à des prix défiant toute concurrence 3» se substituant aux locataires en place. Les auteurs rapportent que les bailleurs les expulsaient «sans bourse délier 4» pour profiter de la clientèle développée et des éventuels profits générés tout en s assurant pour l avenir de la solvabilité des nouveaux preneurs : «La morale n avait pas gagné à la réforme de 1909 et les commerçants y avaient quelque peu perdu de leur sécurité 5». Face à ce rapport de force, la construction du statut des baux commerciaux s est réalisée dans le sens d une protection du preneur présumé être la partie économiquement faible du contrat de bail commercial 6. En effet, au XIX ème siècle et au début du XX ème siècle, la 1 DE FONTENELLE (1657-1757), Éloge des membres de l Académie royale des Sciences, «Éloge de Monsieur d Argenson», Académie française des belles lettres de Londres, Nancy, Berlin et Rome, tome sixi e, 1694-1727. 2 RTD Com. 2005 p. 256 «Bail commercial, accord sur les modalités ou le montant du loyer à payer en cas de renouvellement du bail», J. DERRUPPÉ. 3 Mbotaingar A., Statut des baux commerciaux et concurrence, Litec, décembre 2007. 4 ANZEMA, MUTELET, PRIGENT, Les baux commerciaux, Revue des loyers, octobre 2010, Lamy, p. 1. 5 Marion, Gaz. Pal. 1960, 2, doctr. p.65 6 Thèse de J. AUBERT, «La fixation des loyers commerciaux : la pratique judiciaire dans les ressorts de la Cour d appel d Aix-en-Provence et du Tribunal de Grande Instance de Marseille», Université d Aix-en-Provence, 1976, p. 13. Il nuance ce propos en soutenant que la règlementation sur le fonds de 9

valeur économique et patrimoniale du fonds de commerce est mise en valeur et reconnue par la loi 7. C est ainsi qu après la Grande Guerre, la loi du 30 juin 1926 8 accordait au preneur le droit de demander le renouvellement, de réclamer le paiement d une indemnité en cas de refus de renouvellement abusif ou d enrichissement sans cause et de proposer une conciliation pour conclure un nouveau bail à l expiration de la première. L ensemble du dispositif était déjà frappé d ordre public. Le décret du 30 septembre 1953 9 a scellé ce régime : «En instituant au profit du titulaire d un bail commercial un droit de principe au renouvellement de celui-ci le décret vise à assurer aux commerçants la stabilité matérielle nécessaire à la pérennité du fonds qu ils exploitent 10». C est ainsi que ce bref aperçu historique révèle que le contrat de bail commercial a pour dessein depuis 1909 de compenser la perte du droit de propriété du bailleur, tout en préservant les intérêts économiques des preneurs. Dans ce contexte, l évolution des rapports entre bailleurs et preneurs révèle une ambivalence. En effet, s ils sont apparemment associés au développement prospère du local, il existe également un «conflit d intérêt» 11. D une part, ils sont associés dans la mise en valeur du fonds de commerce exploité et a fortiori du local par le contrat de bail. Toutefois, cette association trouve ses limites au niveau du calcul du loyer. En effet, le bailleur souhaite rentabiliser le prix d acquisition du local et optimiser sa valeur en augmentant les loyers ; le preneur souhaite a contrario limiter les frais liés à l occupation du local et acquitter un faible loyer et assumer un minimum de charges et d obligations. D autre part, le statut est le lieu de confrontation permanente entre les droits respectifs des parties. Tout d abord, le bailleur a un droit de propriété sur son immeuble. Le droit de propriété est un droit inviolable et sacré reconnu par les articles 2 et 17 de la Déclaration commerce et la propriété commerciale est le «résultat de l action d un groupe de pression, représentant une corporation riche, puissant, et dont la richesse était en pleine expansion». 7 La loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce a consacré cette évolution. 8 Loi du 30 juin 1926 qui règle les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyers d immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel. 9 Décret n 53-960 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne les baux à loyers d immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal. S agissant d un décret-loi, les dispositions législatives ont été insérées dans le nouveau C. Com. par l ordonnance du 18 septembre 2000 et les dispositions règlementaires dans un décret du 27 mars 2007. 10 Sol. Minist. JO déb. A.N 15 août 1994, p. 417, RL. 1994 p. 476. 11 Ibidem p. 2. 10

des Droits de l Homme et du Citoyen 12. Il est également un principe à valeur constitutionnelle 13. A l inverse, le preneur s est vu accordé un «droit à la propriété commerciale» par le législateur. Cette notion génère de nombreux débats doctrinaux. Sans remettre en cause sa prégnance dans le statut des baux commerciaux, des auteurs regrettent cette expression puisqu il ne s agit pas de transférer le droit de propriété du bailleur sur la tête du preneur 14. L expression est toutefois largement reprise dans les manuels, les enseignements et en doctrine. Elle signifierait en substance que le preneur disposant d un contrat de bail de neuf ans 15 et d un droit au renouvellement 16, protège son fonds de commerce, le développe dans de très bonnes conditions et bénéficie en définitive du «droit à la propriété commerciale» ou du droit à l exploitation commerciale de ces locaux pour son industrie de façon pérenne. De plus, cette protection est justifiée par le fait que son exploitation étant liée intimement à l emplacement de son local, sa perte aurait des conséquences économiques graves. D ailleurs, le Rapporteur de la loi à l Assemblée Nationale a confirmé cette approche en 1964 : «Il est aujourd hui reconnu que, pour assurer l amortissement de ses investissements, le commerçant locataire doit être assuré d une durée suffisante de son bail. [ ] C est pourquoi la commission a jugé nécessaire de fixer à neuf ans la durée minimale du bail commercial 17». En conséquence, le noyau dur du bail commercial est l ajustement entre ces deux prérogatives et entre les desseins économiques ambivalents des cocontractants. Dans cette perspective, le moment du renouvellement est au cœur de la réflexion puisque c est à cette occasion qu il peut heurter le droit de propriété absolu et perpétuel du bailleur et/ou consumer voire anéantir les efforts d exploitation du preneur : «Le moment du renouvellement du bail est un temps où s affrontent des intérêts contradictoires. Ceux du preneur souhaitant une augmentation modérée du loyer afin de préserver la santé financière de son activité et ceux du bailleur voulant conserver la rentabilité de son 12 Art. 2 de la DDHC : «Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l oppression.» Art. 17 : «La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.» 13 Conseil constitutionnel, décision n 81-132 du 16 janvier 1982. 14 Certains auteurs nuancent la portée de cette expression : voir supra note 3, p. 1. 15 Art. L. 145-34 du C. Com. 16 Décret n 53-960 du 30 septembre 1953 (JO du 1 er octobre 1953, p. 8618 et s.). 17 JO déb. AN 1964, p. 2194. 11

immeuble 18». En effet, les ambitions économiques de chacune des parties au moment du renouvellement sont différentes. Ainsi, la loi a encadré leurs relations et il est intéressant d analyser l ensemble des dispositions et de déceler la marge de manœuvre dont dispose le bailleur pour optimiser le renouvellement éventuel de son bail commercial. De même, le preneur pourra prendre connaissance de cette étude pour contrecarrer ou anticiper la position du bailleur. C est ainsi que le sujet de ce mémoire s intitule : «Les stratégies du bailleur pour aborder le renouvellement du bail commercial». À cet égard, il convient de délimiter ainsi l objet de notre étude en définissant les termes du sujet. Tout d abord, il s agit de définir l expression «les stratégies». Selon le sens commun 19, la stratégie est «l art de coordonner l action des forces militaires, politiques, et morales impliquées dans la conduite d une guerre ou la préparation de la défense d une nation». Le second sens, que nous choisirons, définit la stratégie comme «l art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un but». La caractéristique de la stratégie est «l habileté», soit l adresse, l ingéniosité, la ruse. L adresse est l habileté physique ou intellectuelle. L ingéniosité se dit d une personne pleine d esprit d invention, de subtilité. La ruse a une connotation péjorative puisqu elle fait référence aux procédés habiles et déloyaux dont une personne se sert pour parvenir à ses fins. La stratégie peut donc être soumise aux activités les plus diverses dont la matière juridique fait partie. En effet, les dispositifs juridiques sont un réservoir de contraintes et de possibilités et ce d autant plus dans une matière éminemment technique qu est le droit des baux commerciaux. De nombreux outils juridiques sont donc mis à la disposition des parties pour envisager le renouvellement (dispositions législatives et réglementaires, stipulations contractuelles, jurisprudence, doctrine). Néanmoins, à côté de cette hiérarchie des normes classique, il y a des espaces libres de toute action ou de toute abstention qu il faut aussi exploiter. Or, le contentieux relatif au renouvellement est important étant donné que la pratique révèle qu il s agit d une matière non maîtrisée ou très peu maîtrisée par les 18 AJDI 2009, p. 289 «Les relations financières entre bailleur et preneur à bail commercial», DEJOIE ET PHAN THANH. 19 Encyclopédie Larousse, éd. 2011 12

professionnels du droit 20 voire inconnue par certains preneurs. Ainsi, choisir une vision stratégique dans l optique du renouvellement permet de déterminer les outils juridiques mobilisables et non mobilisables en fonction des objectifs économiques du bailleur en vue du renouvellement. En effet, le point de vue choisi est celui du «bailleur». On rencontre le terme «balleour» dès le XIV ème siècle pour désigner celui qui donne à bail. Toutefois, un tout autre sens familier était répandu pour l associer au caractère trompeur d une personne, à celui qui a l habitude de dire des choses fausses 21. Dans le contrat de bail, le bailleur est celui qui s engage à procurer au cocontractant la jouissance d une chose mobilière ou immobilière, contre une rémunération 22. Il peut s agir d une personne physique ou morale. En outre, la loi n exige pas qu il ait la qualité de commerçant, contrairement au preneur titulaire d un fonds de commerce 23. La pratique distingue les bailleurs privés et les bailleurs institutionnels, ces derniers étant notamment des banques ou des compagnies d assurance. L autre partie au contrat de bail est le locataire ou preneur qui est celui qui obtient le droit d utiliser la chose louée contre le versement d une somme d argent appelée loyer 24. De plus, il faut se garder de confondre systématiquement le bailleur et le propriétaire de l immeuble. Si dans la majorité des cas le propriétaire a la qualité de bailleur, il peut également déléguer sa prérogative de mise à disposition de la jouissance des locaux à un tiers. En effet, le propriétaire est celui qui dispose du droit réel sur la chose et de toutes les prérogatives qui s y rattachent : le droit d user et de détenir la chose sans en percevoir les fruits, le droit d en percevoir les fruits et le droit d en disposer. En revanche, le bailleur, s il n est pas le propriétaire, ne peut que mettre à disposition la jouissance des locaux sans outrepasser ces prérogatives. Le propriétaire dans ce cas n interviendra pas au contrat de bail dans le cadre du renouvellement par exemple puisqu il a délégué le fructus à une tierce personne, bien que les actes de disposition soient soumis à son agrément. De même, il y a des cas de démembrement de propriété qui ont pour conséquence cette même distinction et 20 Voir supra note 2 p. 21, par exemple, sur la délégation de la rédaction de la partie technique par des experts : «Les avocats sont rarement suffisamment spécialistes des problèmes d évaluation des loyers commerciaux pour rédiger eux-mêmes des mémoires sur des locaux qu ils ne connaissent parfois que par ouï-dire». 21 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicale : http://www.cnrtl.fr/definition/bailleur 22 Lexique des termes juridiques, 16 e édition, Dalloz. 23 Art. L. 145-1 du C. Com. 24 Supra note 12. 13

que l on n étudiera pas. C est le cas de l usufruit qui est un droit réel principal qui confère à son titulaire le droit d utiliser la chose et d en percevoir les fruits mais non celui d en disposer lequel appartient au propriétaire 25. Ainsi, dans le cadre d un bail commercial, le propriétaire a la qualité de nu-propriétaire et le bailleur celle d usufruitier. Toutefois, pour des raisons de commodité, ces options ne seront pas envisagées et l on retiendra que les qualités de bailleur et de propriétaire se confondent dans une même personne. Par ailleurs, la perception du bailleur au sein de l opinion publique est plutôt négative. À Lille, par exemple, un journaliste rapporte : «Depuis qu'il est propriétaire de 57 commerces, VastNed Retail passe pour le grand méchant loup de l'immobilier à Lille. 26» En défense, les bailleurs rappellent qu ils détiennent un droit de propriété sur leurs biens et qu à ce titre le législateur leur a offert des droits dont celui d augmenter son loyer conformément à la valeur locative lors du renouvellement. C est ainsi qu il ne faut pas perdre de vue ce dessein économique du bailleur qui agit dans le but de générer un profit en mettant à disposition la jouissance de son bien. C est pourquoi le terme de stratégie est approprié. En outre, le fil rouge de ce mémoire est l expression «pour aborder». Ce terme est polysémique. Dans le langage marin, il signifie arriver au rivage, atteindre la terre. Dans le langage commun, il s agit soit de s approcher d une personne, soit d arriver à un lieu, à un passage que l on doit emprunter. Les expressions «aborder un problème, une question, un sujet» signifient «en venir à les traiter». C est ce dernier sens qui est privilégié dans cette étude. De plus, l adjonction de la préposition «pour» dénote la destination, le but. Il s agira donc d envisager les stratégies du bailleur en vue du renouvellement, soit dès le début de la signature du contrat de bail jusqu à la date du renouvellement. D ailleurs, qu est-ce que le «renouvellement»? Dans le langage courant, renouveler signifie remplacer une personne ou une chose par une nouvelle. Dans un contrat de bail, le renouvellement intervient à l échéance du terme contractuel du premier bail de neuf années ou au-delà 27 pour procéder à la signature d un nouveau bail. Il ne faut pas confondre le renouvellement du bail commercial et le cas spécifique de la tacite reconduction des baux de plus de 12 ans. En effet, ces derniers font 25 Voir note supra 12. 26 «Qu y a-t-il derrière les loyers de VastNed Retail?», Nord Eclair, édition du 7 janvier 2011. http://www.nordeclair.fr/locales/lille/2011/01/07/qui-y-a-t-il-derriere-les-loyers-de-vast.shtml 27 Art. L. 145-4 du C. Com. 14

l objet de ce qui est improprement qualifié de «tacite reconduction» 28 29, à savoir que le bail se poursuit tacitement, se proroge, se prolonge sous les conditions du bail expiré. Or, en cas de renouvellement, c est un nouveau contrat de bail qui remplace le bail initial, conformément au sens du verbe. Juridiquement, le statut offre un «droit» au renouvellement au preneur et cette disposition est d ordre public 30. Toutefois, la jurisprudence a interprété restrictivement ces dispositions et considère qu aucune des règles de fixation du loyer renouvelé n'est d'ordre public, et sont ainsi notamment exclues les dispositions de l'article L. 145-34 en matière de plafonnement 31. S agissant du mécanisme de renouvellement, le preneur ou le bailleur peut être à l initiative de celui-ci : - Le bailleur peut notifier au preneur soit un congé avec offre de renouvellement, soit son refus exprès avec ou sans indemnité d éviction ; - Le preneur peut prendre l initiative de le demander ou de délivrer un congé pur et simple 32. Cette présentation succincte du mécanisme du renouvellement montre qu'il ne faut pas considérer cet événement comme ponctuel et certain. En effet, le renouvellement est un processus qui s'anticipe avant la signature du contrat de bail, dont la période de neuf ans commence à s'écouler à sa signature et dont l'avenir définitif est incertain un an avant la fin du contrat de bail voire deux trois mois après. C'est ainsi que le renouvellement intègre parfaitement l'idée de stratégie et les parties ne doivent pas le négliger bien que la durée de neuf ans puisse paraître lointaine le jour de la signature du contrat. D'autres évènements sont à distinguer du renouvellement. C'est le cas de la révision dite «triennale» organisée par l'article L. 145-38 du Code de commerce. Elle consiste à ouvrir la possibilité au bailleur ou au preneur de demander, au moins trois ans après l'entrée en jouissance ou après le bail renouvelé, la révision légale du loyer à la hausse ou à la baisse 28 Art. L. 145-9 du C. Com. 29 AJDI, 20011, p. 359, J-P BLATTER : «Aussi longtemps que le texte de l'art. L. 145-9 n'aura pas été modifié pour remplacer définitivement la tacite reconduction par la tacite prolongation, la confusion restera possible.» 30 Art. L. 145-15 du C. Com. 31 Civ. 3 e. 4 mars 1998, AJDI 1998, p. 620 ; CA Versailles, 12 e ch., 2 e sect., 16 octobre 1997, Dalloz Affaires 1998, p. 100, obs. Y. R. ; 26 novembre 1998, RD imm. 1999, p. 162, obs. J. Derruppé ; CA Paris, 16 e ch. B, 12 février 1999, Gaz. Pal. 1999, 2, somm. p. 211, obs. J.-D. Barbier. 32 Art. L. 145-9 du C. Com. 15

pour atteindre la valeur locative dans la limite du respect d un plafond sauf dérogation 33. Toutefois, la révision du loyer ne sera pas le cœur de notre sujet bien qu'il sera parfois évoqué en soutien aux développements liés au renouvellement. De même, il convient de définir d'autres notions juridiques qui cohabitent avec le domaine du renouvellement et dont la compréhension préalable est nécessaire pour envisager le sujet de mémoire. Tout d'abord, le renouvellement suppose souvent l octroi d indemnités. Elles peuvent avoir plusieurs destinations. On appelle «indemnité d'éviction» l'indemnité due par le bailleur qui refuse le renouvellement pour compenser le «préjudice causé par le défaut de renouvellement 34». L'originalité de cette indemnité est qu'elle est l'expression du droit de propriété du bailleur qui, en principe, ne doit pas justifier d un motif de refus de renouvellement. À l'inverse, elle permet au preneur de réparer cette atteinte au droit au renouvellement accordé par le législateur. Ce concept illustre l'idée évoquée précédemment selon laquelle le droit des baux commerciaux est la confrontation permanente entre le droit de propriété du bailleur et le droit à la propriété commerciale du preneur. De plus, la loi a prévu des cas où le bailleur pourra se soustraire au paiement de l indemnité d éviction bien qu il l ait refusé 35. Le législateur a également prévu une indemnité d'occupation. Chronologiquement, lorsque le locataire prétend à l'indemnité d'éviction, une instance judiciaire est en cours pour statuer sur son octroi ou pour en fixer le montant. Si la prétention est sérieuse, le locataire a un droit au maintien dans les lieux 36 dans les conditions du bail expiré jusqu'à son paiement intégral. Mais, si le preneur est en définitive débouté de sa demande ou s'il se désiste, il doit payer au bailleur une indemnité d'occupation puisqu'il a occupé les locaux sans droit ni titre 37. Ces indemnités ne doivent pas être confondues avec le pas-de-porte. Également appelé droit d entrée, il s agit de «la somme en capital versée par le locataire au bailleur lors de son entrée dans les lieux. Il est également appelé droit d entrée ou denier d entrée. Il peut être réglé en une ou plusieurs échéances 38». Le pas-de-porte est né de la pratique et est 33 Pour plus de détails sur les règles de plafonnement et de déplafonnement, voir les art. L. 145-33 à L. 145-40 et R. 145-2 à R. 145-10 du C. Com. 34 Art. L. 145-14 du C. Com. 35 Voir le cas de l art. L. 145-18 du C. Com. par exemple. 36 Art. L. 145-28 du C. Com. 37 Comm. 20 décembre 1962, Civ. 3 e, 17 juillet 1997, Civ. 3 e, 21 janvier 1998. 38 Voir supra note 2, note 210-10, sous l entrée «pas-de-porte». 16

souvent proportionnel à la qualité de l emplacement. Il s'agit également d'un élément à envisager en vue du renouvellement. C'est pourquoi cette notion sera traitée dans ce mémoire. Enfin, l étude s inscrit dans le domaine spécifique des «baux commerciaux». Il s agit du contrat par lequel une partie, le bailleur, met à la disposition d une autre partie, le preneur, la jouissance de locaux pendant une certaine durée en vue de son exploitation commerciale, artisanale ou industrielle moyennant le paiement de loyers. C est un contrat synallagmatique : «le bailleur doit fournir la chose convenue et maintenir en possession, le preneur doit payer le prix et servir la chose comme le veut l esprit de la convention 39». L article 1709 du Code civil définit plus généralement le louage de choses 40 et requiert un prix 41 (les loyers), une durée et l obligation du bailleur de faire jouir le preneur de la chose louée 42. L article L. 145-1 du Code de commerce exige quant à lui la réunion cumulative de quatre conditions pour conclure un bail de nature commerciale : l existence d un bail, l existence d un local, la nécessité d un fonds en exploitation ou de l exercice effectif d une profession artisanale et la nécessité d une immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Par ailleurs, une assimilation trompeuse peut être faite entre le droit au bail commercial et le fonds de commerce. Or, il s agit de deux concepts juridiques de nature absolument différente puisque pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le preneur doit justifier de l existence d un fonds en exploitation. En d autres termes, le droit au bail est une des composantes du fonds de commerce, parmi d autres éléments. Les professionnels du droit regrettent l absence de définition légale du fonds de commerce. Nous retiendrons la définition proposée par le Professeur Cohen dans son ouvrage intitulé Traité des fonds de commerce : «universalité mobilière, composée principalement d éléments incorporels, accessoirement d éléments corporels et servant à l exercice d une profession commerciale ou artisanale» 43. C est ainsi que le droit au bail n est pas le fonds de commerce ; le fonds de commerce se compose notamment du droit au bail. 39 Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire scientifique nouveau, volume 2, P. LEROUX et J. REYNAUD, p. 363. 40 Voir supra note 5 p. 2. 41 CA Lyon, 8 e ch. 6 septembre 2005 : Il peut s agir de loyers mais aussi de la prise en charge par le preneur d obligations incombant au propriétaire (taxes, primes d assurance, charges) à conditions qu elles soient suffisamment importantes pour valoir loyers 42 Voir supra note 2, étude 101-03. 43 COHEN A., Traité des fonds de commerce, 2 e édition, n 15. 17

C est ainsi que se clôt la délimitation du sujet de mémoire et la définition des termes du sujet et que s ouvre la question des intérêts théoriques et pratiques que présente ce sujet de mémoire. D une part, ce sujet présente un intérêt théorique. En effet, il faut partir du postulat que le renouvellement des baux commerciaux est un enjeu économique très important pour le bailleur. Or, il est peu voire mal maîtrisé par une partie des acteurs juridiques et économiques. S ils sont présumés être la partie forte au contrat et sont de facto limités dans leur stratégie par le statut, la méconnaissance d une règle subtile de procédure peut leur être économiquement grave. De plus, l aborder comme un processus est intéressant : en mettant l accent sur la période précontractuelle, le champ de la réflexion s étend aux périodes de négociation et de rédaction d actes ; en abordant les périodes contractuelle et post contractuelle, une réflexion contemporaine est proposée à partir de la loi et de la jurisprudence. De plus, aborder une matière éminemment juridique dans une optique stratégique permet de concilier les aspects juridiques et économiques. Enfin, ce sujet permet de développer la recherche universitaire à travers une optique Droit des affaires. En effet la plupart des mémoires sur le sujet dans la région sont rédigés par des praticiens civilistes (notamment dans le cadre du Master 2 Droit notarial dirigé par Monsieur le Professeur Kherkove à l université Lille 2). D autre part, ce sujet présente des intérêts pratiques. En effet, cette étude pourrait être à la base de la création d un outil à destination des bailleurs et des preneurs. Les bailleurs pourraient l employer comme un outil de gestion des risques ou de résolution des litiges alors que le preneur pourra prendre connaissance des stratégies du bailleur et anticiper éventuellement ses actions. De plus, les développements ont un ancrage local étant donné les difficultés rencontrées par la ville de Lille suite à l augmentation exponentielle des loyers depuis quelques années 44. A cet égard, une plate-forme juridique va bientôt être mise en place pour absorber une partie des litiges et favoriser l information des acteurs des baux commerciaux lillois 45. Cette étude pluridisciplinaire est en lien avec le stage effectué auprès d un avocat spécialisé en droit des baux commerciaux en exercice depuis plus de vingt ans à Lille. De 44 Plus de vingt articles ont été recensés uniquement dans les archives des sites internet des quotidiens La Voix du Nord et Nord Éclair entre 2009 et 2011. 45 Proposition de Jacques Mutez, adjoint au commerce de la ville de Lille, Première conférence annuelle des loyers commerciaux, septembre 2011. 18

plus, il correspond au Master 2 Pratique du Droit des affaires et aux cours de gestion des risques suivis en partenariat avec l EDHEC Business School. L approche juridicoéconomique permet de faire d une matière juridique un outil au service de la stratégie du bailleur lors du renouvellement. Dans ce contexte, la démarche consiste à se fonder sur les socles théoriques du statut des baux commerciaux pour révéler les opportunités et les risques pratiques pour le bailleur. Ses objectifs sont facilement identifiables au renouvellement : déplafonner le loyer, ne pas payer d indemnité d éviction, ne pas être piégé par un vice de procédure, trouver un preneur plus rentable et/ou solvable, augmenter la valeur de son local, transférer les charges sur le preneur etc. Toutefois, comme il a été évoqué précédemment, ils ne sont pas visés par l ordre public de protection qui saupoudre le statut. Sa marge de manœuvre a été limitée, conditionnée et au-delà de la connaissance de ses droits, il sera pertinent de trouver les failles du statut ou de la jurisprudence pour en tirer profit, tant au sens courant qu économique. À cet égard, on peut se demander si la marge de manœuvre du bailleur est d un degré différent en présence de prévisions contractuelles et l absence de telles prévisions? Comment le bailleur peut-il anticiper les conséquences du renouvellement qui aura lieu en principe neuf ans plus tard? Dans quelle mesure peut-il l organiser contractuellement? Comment peut-il s assurer un déplafonnement du loyer de renouvellement? Quelles sont les subtilités procédurales piégeuses? Comment anticiper les augmentations de loyer? Quel est le poids de l intervention judiciaire? Pour y répondre, la réflexion sera subdivisée en deux parties qui correspondent respectivement aux stratégies du bailleur à la signature du contrat de bail (PARTIE I) et aux stratégies du bailleur après la signature du contrat de bail (PARTIE II) 19

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