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Hémorragies digestives (205) J.P. Bernard Octobre 2005 Objectifs pédagogiques : Diagnostiquer une hémorragie digestive Identifier les situations d urgence et planifier leur prise en charge 1. Introduction On désigne sous le terme d hémorragie digestive l extériorisation de sang par la bouche, au cours d efforts de vomissements, ou par l anus indépendamment ou non de l émission de selles. Deux circonstances peuvent néanmoins poser d emblée un problème de diagnostic : il s agit du saignement minime, où la faible quantité de sang présente dans les selles n est pas identifiée par le patient et à l inverse, l hémorragie importante non extériorisée, où les signes généraux et hémodynamiques seront seuls à même de faire suspecter le diagnostic. Dans la grande majorité des cas, l hémorragie digestive est la conséquence d une lésion siégeant sur le tube digestif ou ses annexes. Ceci rend compte de la grande diversité des causes possibles d hémorragie, ce qui justifiera le recours à des examens complémentaires soigneusement sélectionnés. Il faut enfin considérer que toute hémorragie digestive est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ; ceci nécessitera de prévoir l hospitalisation, en milieu spécialisé médico-chirurgical, de tout patient présentant une telle symptomatologie. 2. Reconnaître l hémorragie Reconnaître l hémorragie est en général facile quand celle-ci est extériorisée. Plusieurs situations cliniques sont possibles : 2.1. l hématémèse Il s agit du rejet de sang rouge ou noir par la bouche au cours d efforts de vomissements ; le sang est mêlé à des débris alimentaires. L hématémèse sera distinguée d une épistasis postérieure déglutie ou d une hémoptysie d origine broncho-pulmonaire ; il faut savoir que certains vomissements teintés par certains aliments (vin, café, betterave) peuvent à tort être pris pour une hémorragie. 2.2. le méléna Il s agit de l émission de sang digéré par l anus donnant un aspect de selles noires et pâteuses présentant une odeur caractéristique. Certaines spécialités pharmaceutiques à base de charbon et de fer sont susceptibles de colorer les selles et d induire une confusion avec le diagnostic de méléna. 2.3. la rectorragie Elle se définit comme l émission de sang rouge par l anus accompagnant ou non les selles. Quand elle est de faible abondance, elle oriente le diagnostic vers une cause de saignement au niveau de la partie basse du tractus digestif (anus, rectum, côlon descendant). 1

2.4. le choc hémorragique isolé Il traduit une hémorragie digestive massive entraînant des perturbations hémodynamiques sans extériorisation de sang immédiate. La pose d une sonde gastrique et le toucher rectal permettront dans la majorité des cas de suspecter le diagnostic, un traitement chirurgical étant souvent envisagé en urgence. 2.5. le saignement occulte Cette hémorragie chronique et de faible abondance n est pas identifiée directement par le patient. C est le plus souvent la découverte d une anémie ferriprive microcytaire hypochrome qui fait suspecter le diagnostic. Une fois éliminés chez la femme une grossesse et un saignement d origine gynécologique, une cause de saignement digestive sera systématiquement recherchée. 3. Evaluer la gravité de l hémorragie Seuls les critères objectifs cliniques ou biologiques permettront d apprécier en urgence la gravité d un saignement digestif. 3.1. l interrogatoire L interrogatoire du malade et de son entourage est souvent peu informatif pour quantifier l importance de la déperdition sanguine. Il permet de se renseigner sur une pathologie associée (insuffisance cardiopulmonaire, trouble de la coagulation) et sur les premiers signes d orientation étiologiques (consommation chronique d alcool). Il fournit également des informations sur d éventuels traitements gastro-toxiques susceptibles de favoriser l apparition d une hémorragie. 3.2. l examen clinique Il a une grande valeur d appréciation de la gravité de l hémorragie. L association d une hématémèse et d un méléna traduit en général une hémorragie importante, surtout quand sont présents des signes généraux et hémodynamiques : tachycardie, hypotension, malaise avec lipothymie, pâleur, sueur et polypnée. Un état de choc avec trouble de la conscience est parfois présent dès le premier examen du patient. 3.3. les examens biologiques La chute du taux d hémoglobine et de l hématocrite sont les deux critères essentiels permettant d apprécier objectivement le degré de la spoliation sanguine. Ces paramètres peuvent rester normaux au tout début de l hémorragie, ce qui peut entraîner transitoirement une sous-estimation de la gravité de la situation. De même le retour à des valeurs normales est souvent retardé au cours de la restauration du volume plasmatique. 4. Prendre les premières mesures thérapeutiques d urgence Toute hémorragie digestive sévère impose l hospitalisation du patient en milieu spécialisé médico-chirurgical. Cette hospitalisation aura trois objectifs : 2

4.1. Restaurer la masse sanguine La mise en place d une perfusion au moyen d un ou de deux cathéters de gros calibre est impérative ; dans les hémorragies digestives sévères, la mise en place d un cathéter veineux central sera envisagée d emblée. Un groupage sanguin, une numération, un bilan de la coagulation seront demandés en urgence et un remplissage vasculaire au moyen de soluté macromoléculaires (plasmion, plasmagel) sera débuté dans l attente des résultats des tests sanguins de compatibilité demandés en urgence, avant toute transfusion de culots globulaires. Un examen des gaz du sang artériel sera effectué au moindre doute devant l existence de troubles respiratoires ; une oxygénothérapie sera préconisée en cas de saignement important, éventuellement complétée d une ventilation assistée en cas de troubles de la conscience. 4.2. Mettre en place les paramètres de surveillance La fréquence de contrôle du pouls, de la pression artérielle et de la diurèse, sera adaptée en fonction de la gravité de l hémorragie. Les hémorragies sévères seront au mieux prises en charge en unité de soins intensifs, où un contrôle continu des fonctions vitales du patient peut être réalisé (pression artérielle, fréquence cardiaque, pression veineuse centrale). 4.3. Commencer l enquête étiologique Ces mesures prises en urgence permettent de contrôler plus de 90% des cas d hémorragies digestives et de débuter une exploration à visée étiologique dans de bonnes conditions chez un patient déchoqué et transfusé. A ce stade, les derniers renseignements fournis sur les antécédents du patient sont colligés, l examen clinique est complété dans de meilleures conditions et certaines mesures sont prises à visée diagnostiques et surtout pour préparer le malade à une endoscopie : mise en place d une sonde gastrique et lavage à l eau glacée ; lavement évacuateur en cas d hémorragie par voie basse. 4.4. Prendre les premières mesures thérapeutiques spécifiques Elles concernent les hémorragies sévères d origine artérielle ou par rupture de varices œsophagiennes. Qu il soit endoscopique ou chirurgical, le traitement est mis en œuvre sans attendre, en se fondant sur l existence de critères clinico-biologiques de gravité et le nombre de culots globulaires transfusés au cours des premières heures de l hémorragie. 5. Reconnaître la cause de l hémorragie digestive 5.1. Hémorragies digestives hautes Ces hémorragies ont pour origine l œsophage, l estomac, le duodénum et plus rarement la partie initiale de l intestin grêle. Leur traduction la plus habituelle s effectue sous la forme d une hématémèse et/ou d un méléna et beaucoup plus rarement sous la forme d une hémorragie distillante. Plusieurs éléments sont essentiels pour le diagnostic étiologique : 3

5.1.1. L interrogatoire : Il recherchera les antécédents évoquant une maladie ulcéreuse gastroduodénale (syndrome douloureux épigastrique). Une prise médicamenteuse gastrotoxique (aspirine, antiinflammatoires non stéroïdiens), une intoxication alcoolo-tabagique, ainsi que des antécédents de maladie hépatique. D une façon plus générale, des antécédents d interventions chirurgicales notamment vasculaires seront notés. 5.1.2. L examen clinique : Il apprécie de façon systématique le volume du foie, les signes d hypertension portale et d insuffisance hépatocellulaire, ainsi que l existence d une éventuelle masse abdominale battante ou de signes associés à une maladie hémorragique (hématome, purpura). Le toucher rectal est systématiquement réalisé afin de rechercher un méléna. 5.1.3. L endoscopie oesogastroduodénale 5.1.3.1. quand la réaliser? Dans les premières heures suivant l apparition du saignement au cours des formes graves, ceci afin d augmenter les chances de déterminer la cause du saignement et surtout de proposer un traitement rapide ; en urgence différée dans les saignements peu abondants qui ne s accompagnent pas de retentissement hémodynamique. 5.1.3.2. dans quelles conditions la réaliser? En secteur de soins intensifs en cas d hémorragie sévère et dans la mesure du possible dans une unité d endoscopie dans les autres cas ; chez un malade conscient, en évitant la sédation dans les cas graves, afin de diminuer le risque de complication respiratoire (pneumopathie d inhalation). L examen sera réalisé dans tous les cas après restauration d un état hémodynamique correct. 5.1.3.3. qu en attendre? Cet examen permet de déterminer la nature et le siège de la lésion responsable de l hémorragie, de signaler d éventuels paramètres prédictifs de la récidive du saignement, de réaliser un geste d hémostase en cas de saignement actif. En pratique, trois situations peuvent être envisagées : saignement. Plusieurs diagnostics sont possibles : 5.1.3.3.1. L endoscopie objective directement la cause du 5.1.3.3.1.1. Un ulcère gastrique ou duodénal : L hémorragie révèle l ulcère dans 10 à 30% des cas ; cette complication est favorisée par certains traitements (aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens). L endoscopie visualise la lésion ulcéreuse sous la forme d une perte de substance et permet de déterminer s il existe un saignement actif ou des signes d hémorragie récente permettant de prédire la récidive de l ulcère à court terme (existence d un vaisseau visible ou d un caillot adhérent à l ulcère). En cas de saignement actif ou de risque élevé de saignement à court terme, un geste d hémostase 4

endoscopique peut être réalisé (injection locale d adrénaline ou d agent sclérosant, mise en place de clips hémostatiques). L endoscopie permet également de poser rapidement une indication chirurgicale devant l existence d un ulcère hémorragique de la face postérieure du bulbe duodénal faisant craindre une atteinte de l artère gastroduodénale. Le traitement médical anti-ulcéreux (cf item 290) est initié dés le diagnostic posé et complète les méthodes instrumentales ; les anti-sécrétoires sont alors souvent utilisés transitoirement par voie parentérale. 5.1.3.3.1.2. Rupture de varices oesogastriques : Il s agit d une complication sévère de l hypertension portale dont l origine, dans plus de 95% des cas, est une cirrhose. Ce saignement, souvent abondant, peut mettre en jeu le pronostic vital (mortalité immédiate de 15 à 40%). L endoscopie met en évidence soit un saignement actif au niveau œsophagien ou gastrique (cardia et grosse tubérosité), soit les stigmates d un saignement récent (présence de stries rougeâtres à la surface des varices). L avantage de l endoscopie en urgence est de pouvoir réaliser un traitement hémostatique par injection d un produit sclérosant ou encore par réalisation de ligatures élastiques. La prise en charge endoscopique des patients présentant une rupture de varices œsophagiennes est facilitée par l utilisation préalable, par voie veineuse, de substances vasoactives susceptibles de diminuer la pression portale (vasopressine, somatostatine) ; l utilisation de ces drogues permet de réaliser l endoscopie en urgence différée dans de meilleures conditions et a considérablement réduit le recours à l utilisation d une sonde oesophagienne (Blackmore) ou gastrique (Linton) de tamponnement hémostatique.au cours de l hypertension portale, toutes les hémorragies digestives ne correspondent pas obligatoirement à une rupture de varices : la gastropathie d hypertension portale est responsable de gastrite hémorragique diffuse et les ulcères gastroduodénaux se compliquent volontiers d hémorragies en cas d hypocoagulabilité associée à l insuffisance hépatocellulaire. 5.1.3.3.1.3. le syndrome de Mallory-Weiss : Il s agit d une ulcération linéaire du cardia provoquée par des efforts de vomissement importants. L hémorragie s extériorise sous forme d une hématémèse de faible abondance survenant à la fin de l épisode de vomissement. L endoscopie montre directement une ulcération longitudinale à cheval sur le cardia ; la symptomatologie régresse habituellement avec le traitement des vomissements responsables de la lésion. 5.1.3.3.1.4. les gastrites aiguës hémorragiques : Elles sont aisément reconnues par l endoscopie, qui montre des suffusions hémorragiques plus ou moins diffuses au niveau de la muqueuse gastrique. Ces lésions surviennent parfois au décours d une intervention chirurgicale récente, d un accident vasculaire cérébral, ou encore dans un contexte de prise de médicaments gastrotoxiques. 5.1.3.3.1.5. les malformations vasculaires : De siège gastrique ou duodénal, les angiomes superficiels au niveau de la muqueuse digestive sont parfois intégrés dans un contexte de maladies générales, comme la maladie de Rendu- Osler et peuvent être responsables d hémorragies récidivantes. L endoscopie montre des lésions localisées sous la forme d un petit peloton vasculaire de couleur framboisée qui peut être électrocoagulé sous contrôle endoscopique pour assurer l hémostase. 5

5.1.3.3.1.6. les tumeurs oesogastroduodénales : Qu elles soient bénignes ou malignes, elles sont rarement à l origine d hémorragies sévères et sont en règle générale facilement reconnues par l endoscopie, qui s aidera de biopsies, réalisées à distance de l hémorragie pour établir un diagnostic étiologique formel. (cf items 150 et 152) 5.1.3.3.1.7. «l ulcératio simplex de Dieulafoix» : Cette lésion se présente comme un ulcère gastrique isolé à l emporte-pièce, parfois très difficile à mettre en évidence quand il est enchâssé dans un pli gastrique et qu il est de très petit diamètre. 5.1.3.3.2. L endoscopie n a qu une valeur d orientation Dans ces cas, l endoscopie met en évidence la présence de sang au niveau du tractus digestif supérieur, sans pour autant pouvoir déterminer l origine précise de celui-ci. C est ainsi que la présence de sang au niveau du duodénum, en provenance de la papille, peut être dû à : - une hémobilie, dont l origine sera précisée par l échographie, la tomodensitométrie et éventuellement la cholangiographie rétrograde endoscopique ; - une Wirsungorragie, dont l origine est dans la majorité des cas en rapport avec un kyste ou un pseudokyste pancréatique, localisé par l échographie ou la tomodensitométrie. 5.1.3.3.3. L endoscopie peut être mise en défaut Il s agit essentiellement de cas d anévrisme de l aorte ou des artères coeliomésentériques fistulisés dans le tube digestif. Ces fistules sont à l origine de saignements abondants intéressant le grêle proximal et donc inaccessible à l endoscopie classique. Au moindre doute, quand l évolution clinique le permet, un examen tomodensitométrique complété d une artériographie seront réalisés en prélude à la laparotomie. Il en est de même des tumeurs,des angiomes et des embryopathies ( Diverticule de Meckel) du grêle proximal qui peuvent se compliquer d hémorragies digestives récidivantes et dont le diagnostic sera au mieux approché par le transit baryté de l intestin grêle, l artériographie coeliomésentérique, ces deux examens étant maintenant suplantés par l entéroscanner, l entéroscopie par voie haute ou basse et surtout la vidéocapsule entérique. 5.2. Hémorragies digestives basses Il s agit de l extériorisation de sang rouge par l anus. Ces hémorragies sont en général modérées et dans de rares cas s accompagnent de retentissement hémodynamique. Cette dernière éventualité doit faire envisager la possibilité d un saignement important provenant du tractus digestif supérieur et faire poser l indication en première intention d une endoscopie oesogastroduodénale. En dehors de ce cas particulier, les rectorragies, qui sont un motif fréquent de consultation, conduisent à des explorations à visée étiologiques en dehors du contexte de l urgence. 5.2.1. L interrogatoire Il précise les circonstances de survenue de l hémorragie en dehors de l émission de selles pendant celle-ci ou immédiatement après. Les signes associés seront systématiquement recherchés (troubles du transit, syndrome rectal, altération de l état général), de même que la 6

notion d une prise récente de température par voie rectale ou de toute autre manœuvre instrumentale. 5.2.2. L examen clinique Il recherchera une masse abdominale, une hépatomégalie, des adénopathies inguinales ou susclaviculaires, sans oublier l auscultation des vaisseaux abdominaux. 5.2.3. L examen proctologique Il permet le diagnostic étiologique de la plupart des rectorragies de cause anorectale. L inspection de la marge anale peut montrer une lésion d emblée évidente (hémorroïdes externes, ulcération, tumeur, ou prolapsus extériorisé). Le toucher rectal à une grande valeur informative quand il est douloureux, voire impossible à pratiquer en cas de fissure anale, ou quand il permet de percevoir une lésion bourgeonnante dans l ampoule rectale. L anuscopie est indispensable pour le diagnostic des lésions du canal anal (hémorroïdes internes, fissures, ulcération, tumeur). 5.2.4. La coloscopie 5.2.4.1. Quand la réaliser? En dehors du cadre de l urgence, devant toute rectorragie, quelque soit son importance chez le sujet de plus de 45 ans, et plus généralement quelque soit l âge si les symptômes ne peuvent être rattachés de façon évidente à une origine proctologique. Dans un deuxième temps, lors d une récidive après un traitement bien conduit en cas de rectorragie isolée de cause manifestement hémorroïdaire chez le sujet jeune. En urgence, en cas d hémorragie abondante ou de suspicion d ischémie colique enfin d orienter au mieux une éventuelle indication chirurgicale. Rarement en per opératoire afin de permettre au chirurgien de localiser précisément une petite lésion hémorragique (angiome). Dans ce contexte, l examen du côlon est souvent complété par une entéroscopie. 5.2.4.2. Dans quelles conditions la réaliser? Chez un patient hémodynamiquement stable et dont le côlon a pu être préparé soigneusement par voie orale ou par voie basse dans les cas les plus graves. La coloscopie doit si possible être complète, explorant la totalité du côlon et la dernière anse iléale. 5.2.4.3. Quelles sont les limites de l examen? Il s agit des hémorragies abondantes d emblée, interdisant tout examen satisfaisant de la muqueuse digestive par voie endoscopique et qui nécessitent la réalisation d explorations spécifiques à la recherche d un saignement éventuellement artériel : l artériographie coeliomésentérique en urgence peut faciliter la localisation d un saignement important afin de guider le chirurgien dans le choix d une intervention d hémostase. La fistulisation d un anévrisme aortique dans le grêle est souvent un diagnostic per opératoire. 5.2.4.4. Qu en attendre? Deux cas de figures peuvent se présenter : 7

saignement : Plusieurs diagnostics sont alors possibles : 5.2.4.4.1. La coloscopie objective directement la cause du 5.2.4.4.1.1. les tumeurs colorectales : Le cancer rectocolique donne lieu à des hémorragies digestives minimes ou modérées. Les polypes bénins volumineux sont inconstamment à l origine de saignements répétés. Un traitement anticoagulant peut révéler une lésion colique tumorale préexistante (cf item 148) 5.2.4.4.1.2. les angiodysplasies coliques : Elles peuvent être à l origine d hémorragies parfois sévères chez le sujet âgé, la localisation au niveau du côlon droit est particulièrement caractéristiques. La coloscopie visualise directement la lésion sous la forme d un amas de petits vaisseaux et permet, dans la majorité des cas, de réaliser une électrocoagulation locale à visée hémostatique ; 5.2.4.4.1.3. les diverticules coliques : Ils n entraînent que rarement des hémorragies digestives, mais celles-ci peuvent être parfois sévères. La coloscopie peut révéler la présence d un caillot frais au sein d un diverticule, ou encore un saignement colique actif difficile à localiser ; dans ce dernier cas, le recours à l artériographie est quelque fois nécessaire ; 5.2.4.4.1.4. l ulcération thermométrique : Elle se présente comme une ulcération visible au-dessus de la marge anale chez un sujet âgé présentant une rectorragie parfois abondante, accompagnée d une déglobulisation. C est l anuscopie qui met en évidence une ulcération linéaire hémorragique et qui permet de réaliser un geste local d électrocoagulation ou de suture à visée hémostatique ; 5.2.4.4.1.5. les maladies inflammatoires cryptogénétiques de l intestin : La rectocolite hémorragique, et plus rarement la maladie de Crohn, peuvent être à l origine d hémorragies par voie basse. Le saignement survient en dehors des selles en cas de syndrome rectal associé à la rectocolique hémorragique. L aspect endoscopique des lésions coliques est caractéristique en cas de rectocolite ulcérohémorragique, en montrant une muqueuse micro-ulcérée sans intervalle de muqueuse saine, saignant spontanément ou au contact de l endoscope ; parfois les lésions se résument à des ulcérations hémorragiques en carte de géographie ( cf item 118). 1. La rectocolite radique, dans un contexte d antécédents d irradiation abdomino pelvienne, est responsable de saignements répétés et invalidants. 2. Une colite infectieuse ou parasitaire est suspectée devant un syndrome dysentérique hémorragique parfois fébrile. 3. La colite ischémique, pathologie du sujet âgé, survient après un épisode de bas débit cardiaque ou un accident thrombo-embolique. Elle se manifeste par une diarrhée sanglante, dont le diagnostic est effectué devant des ulcérations faiblement hémorragiques, principalement au niveau du côlon gauche. 8

5.2.4.4.2. La coloscopie est mise en défaut : Cette situation intervient en cas d hémorragie importante ou de lésions situées au niveau de l intestin grêle, en amont de la dernière anse, et donc souvent inaccessible par les techniques endoscopiques courantes. Dans ces derniers cas, une entéroscopie per orale, rétrograde ou encore per opératoire à visée diagnostique pourra être proposée. Dans ces indications, l utilisation récente de la vidéocapsule entérique, examen non invasif permettant d obtenir un film vidéo du transit intestinal de ce capteur, préalablement ingéré par le patient, constitue une technique en cours d évaluation dans ces indications. Le diverticule de Meckel (diverticule tapissé d une muqueuse hétérotopique gastrique) est une cause d hémorragie digestive chez l enfant et l adulte jeune. Le diagnostic est rarement effectué par le transit du grêle. La scintigraphie abdominale ou Pertechnétate est l examen le plus performant en cas de suspicion de ce diagnostic. Les tumeurs malignes, adénocarcinomes ou lymphomes, ou encore bénignes (carcinoïde) sont au mieux localisées par le transit baryté de l intestin grêle ou l entéroscanner. Les entérites ischémiques, radiques, infectieuses ou cryptogénétiques sont souvent associées à des lésions coliques qui en facilitent le diagnostic. Les ulcères hémorragiques de l iléon ont été décrits au cours de la prise d anti-inflammatoires non stéroïdiens. 5.3. Cas particulier de l hémorragie distillante : Elle est généralement révélée par une anémie ferriprive plus ou moins symptomatique et pose de difficiles problèmes diagnostiques quand l endoscopie oesogastroduodénale et la coloscopie ne montrent pas d emblée la cause du saignement. Dans ce cas, avant de programmer des investigations complémentaires plus complexes, il convient, après avoir éliminé une cause extradigestive et un syndrome de malabsorption de s assurer formellement de l origine digestive du saignement. La recherche de sang dans les selles par la méthode isotopique doit être préférée à la méthode chimique (hémoccult) moins spécifique. Les causes les plus fréquentes d hémorragies distillantes au niveau du grêle sont représentées par les malformations, les tumeurs et certaines anomalies embryologiques (diverticule de Meckel). Le recours à la laparotomie avec entéroscopie per opératoire, demeure une alternative possible en cas de saignement distillant digestif authentifié par les méthodes isotopiques ; il devrait dans un avenir proche être précédé par un examen par vidéocapsule, qui a le mérite de pouvoir explorer dans des conditions satisfaisantes et non invasives la totalité de l intestin grêle et permettre de guider plus précisément le geste chirurgical. 9

6. En résumé 6.1. Principales causes des hémorragies digestives hautes Oesophage Estomac Duodénum Grêle Foie, voies biliaires Pancréas Lésions Varices Mallory-Weiss Tumeurs, oesophagite Ulcères, gastrites Varices, HTP Tumeurs Ulcératio simplex Anévrisme Angiome Anévrisme Hémobilie Kyste Diagnostic Endoscopie oeso-gastroduodénale Endoscopie oeso-gastroduodénale Entéroscopie, vidéocapsule Artériographie Echographie, scanner Artériographie 6.2. Principales causes d hémorragies digestives basses Anus Rectum Colon Grêle Lésions Hémorroïdes, fissures Tumeurs Ulcérations Tumeurs Rectite Tumeurs Angiodysplasies Diverticules Colites RCH, Crohn Ischémique Infectieuse radique Tumeurs, ulcères Angiomes Diverticule de Meckel Diagnostic Anuscopie Rectoscopie Coloscopie +++ Artériographie Transit baryté Entéroscanner Entéroscopie Artériographie Scintigraphie Videocapsule 10