Patrick TOPSACALIAN Jacques TEULIÉ FINANCE. 6 e édition



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Transcription:

Patrick TOPSACALIAN Jacques TEULIÉ FINANCE 6 e édition

Chapitre 1 3 De la finance Il est devenu familier à toute personne intéressée de près ou de loin à la marche des entreprises, à tout étudiant en gestion, a fortiori à tout gestionnaire d utiliser les mots marketing (mercatique devrait-on dire), finance, contrôle de gestion, gestion des ressources humaines, gestion de la production etc. Cette habitude prise dans l utilisation des vocables ne signifie pas pour autant que l on ait une idée claire de ce que représentent les disciplines évoquées, et d aucuns auront quelques difficultés à en préciser les contours avec une relative rigueur. On est toujours surpris, lors des entretiens d entrée des étudiants dans une filière d enseignement, alors qu ils en sont pourtant au stade (ou presque) du choix d un métier, de constater combien peu sont capables de mettre un contenu relativement précis dans chacune des disciplines qui viennent d être citées, quelquesuns ayant même une certaine incapacité à cerner la notion de gestion. Beaucoup évoquent en excuse le difficile accès à l information, ce qui ne devrait pourtant pas constituer un justificatif du choix qu ils font d études, voire de métiers, qui vont représenter pendant de nombreuses années l essentiel de leur activité. Certaines disciplines de gestion, soumises aux dures contraintes d un environnement changeant, ont parfois elles-mêmes, il est vrai, quelques difficultés à se définir. Ce n est certainement pas le cas de la finance, qui, bien qu elle soit elle aussi soumise aux contraintes des modifications de l environnement entraînant une évolution rapide des problèmes à résoudre, n a pas grande difficulté à définir son champ d investigation. On remarquera, pour rester modesteetobjectif,quecen estpasparce qu on a identifié un problème que l on a obligatoirement une solution à proposer. L objet de ce chapitre introductif est d essayer de cerner avec le plus de précision possible le champ de la finance, d en définir le contour, afin de ne pas perdre de vue les finalités poursuivies au fur et à mesure de la découverte des problèmes, outils, concepts et méthodes. Aussi, dans un premier temps, vat-on parler de finance d entreprise avant de mettre en évidence l actualité des problèmes financiers. On se posera ensuite le problème de l objectif à atteindre en gestion financière des entreprises, celui du rôle des marchés financiers et des modèles d évaluation de l entreprise que l on peut proposer. Dans un dernier temps, on mettra en évidence la différence entre approche théorique et approche pratique, pour parler ensuite du métier de la finance et enfin conclure par une présentation des thèmes proposés dans ce manuel.

4 FINANCE 1 La finance d entreprise Cet ouvrage traite de la gestion financière des entreprises. Il faut peut-être, dans un premier point, préciser que les entreprises dont on va parler sont celles obéissant aux règles du droit privé. Ces entreprises sont de plus en plus nombreuses dans l ensemble de la population concernée. Ce phénomène facilement perceptible en France l est également dans la plupart des pays européens, y compris dans les nouveaux pays de l Europe de l Est, où ce passage ne se fait pas sans quelque difficulté. Ce mouvement aurait tendance à faire penser que les règles du comportement des entreprises du secteur privé ont des vertus que n ont pas celles du secteur public. Certes, on voit de temps à autre apparaître dans les conversations les expressions de capitalisme sauvage, faisant allusion à la dure réalité du marché, qu on ne peut évidemment pas ignorer. La finance traite de problèmes d argent. Appliquée à l entreprise, elle aura pour souci, dans un premier temps, de réunir les fonds (recherche du capital, étude des modalités d emprunt possibles) qui vont servir, dans un deuxième temps, à assurer la bonne marche de l entreprise (investissements). En fait, cette manière de présenter la finance peut donner une mauvaise idée de la démarche suivie dans la création et le fonctionnement des entreprises. Au départ de la mise en œuvre d un projet d entreprise, ce ne sont pas les financements (les ressources) qui priment, mais bien les investissements (les emplois). Ce sont en effet ces derniers qui sont la conséquence directe du choix que le chef d entreprise fait de son métier. Suivant qu il optera pour une activité industrielle, commerciale ou de service, le volume des installations qui lui seront nécessaires sera différent ; il en ira de même du montant des financements qu il devra réunir. Ainsi, une définition de la finance pourrait être la suivante : la finance est l art de l allocation optimale de ressources rares à des emplois plus nombreux qu il n est possible d en réaliser. Là également, il faut insister sur le fait que la partie importante de la définition réside dans le terme «emploi», la notion de «ressources limitées» n intervenant que pour préciser l «allocation optimale». On est ici au cœur du problème et des difficultés, si l on veut définir immédiatement la notion d optimum ; certes, on peut penser à la notion d efficacité ; mais les progrès seront modestes dans la compréhension des enjeux de la finance si on ne propose pas une définition de ces concepts. Avant d aborder cette présentation, on parlera dans un premier temps de l actualité de la finance. 2 L actualité delafinance 2 1 Les défis du monde La finance est certainement une des rares disciplines de gestion qui soit autant en prise avec une réalité quotidienne extérieure à l entreprise, venant affecter notablement la manière de penser ou d agir à l intérieur. Circonstance aggravante, ces événements ne proviennent pas de l environnement immédiat de l entreprise, mais d un contexte mondial, dans la mesure où les économies aujourd hui en sont, elles-mêmes, au stade de la mondialisation. Dans le contexte actuel de récession économique grave, le risque de défaut de l émetteur doit être correctement évalué. Ainsi, les décisions que peuvent prendre les États-Unis en matière de déficit budgétaire n affectent pas seulement l emploi et l activité économique de ce pays, mais aussi l ensemble des activités écono-

CHAPITRE 1:DE LA FINANCE 2. L actualité delafinance 5 miques de par le monde. Dans le même ordre d idées, les décisions prises par les responsables de la Réserve fédérale en matière de circulation monétaire ont des conséquences qui se répercutent immédiatement sur les marchés financiers. Les pays européens, suite à l «unification monétaire», ont eu une meilleure garantie contre les attaques des spéculateurs et arbitragistes à l affût des moindres déséquilibres des marchés financiers. Ces phénomènes ont toujours existé ; les consommateurs (de matières premières et de produits finis) ont toujours cherché à s approvisionner de la manière la plus économique possible. Certains intervenants, même, n hésitent pas à profiter des déséquilibres de prix pour acheter sur les lieux d approvisionnement les plus avantageux et vendre sur les marchés où s exercent les prix les plus élevés, de manière à encaisser la différence. Les techniciens déclarent qu il n y a là qu un phénomène de régulation des marchés. Le phénomène nouveau est tout simplement l interpénétration de plus en plus grande des économies, mais également la rapidité avec laquelle l information circule. Ainsi, pour tel ou tel événement affectant les marchés financiers, les Bourses européennes surveillent le comportement de la Bourse de New York et celui de la Bourse de Tokyo, pour anticiper sur leur propre réaction. L internationalisation des opérations financières ne se caractérise pas seulement par les inconvénients qui viennent d être décrits ; on y trouve aussi des avantages. Par exemple, en matière d appel de fonds, les gouvernements ont depuis longtemps pris l habitude de s adresser à l étranger pour réunir ceux qui leurs sont nécessaires. Les entreprises n ont pas tardé à leur emboîter le pas, trouvant dans la diversification de l origine géographique de leurs ressources une réponse à l étroitesse des approvisionnements nationaux ou de meilleures conditions de financement. Un autre domaine intéressant pour la vie des entreprises réside dans la possibilité de créer de nouvelles alliances de par le monde ; bien évidemment, toute médaille ayant son revers, les entreprises pourront craindre en retour des attaques venant de l extérieur, qui peuvent parfois avoir pour conséquence la perte de leur intégrité, voire de leur indépendance. Il en résulte généralement des entités d une taille permettant d affronter la concurrence internationale. Enfin, un dernier exemple concerne l évolution des taux d intérêt et des taux de change, qui connaissent des niveaux de volatilité (instabilité) importants, à telle enseigne que des situations acquises, par exemple un emprunt réalisé dans de bonnes conditions à un moment donné, se révèlent tout à fait dommageables pour l entreprise à la suite d un changement de conjoncture. 2 2 Les réponses de la finance Face à ce défi permanent du monde dans lequel évoluent les entreprises, la finance apporte des réponses (ou des éléments de réponses) circonstanciées. Ce n est pas une chose nouvelle, les grands défis économiques lancés par le XX e siècle se sont accompagnés de mutations importantes dans l enseignement de la finance. C est ainsi que, avec l avènement de l épopée industrielle du début du siècle, s est généralisée la collecte de l épargne permettant à chaque individu de détenir une part de propriété des grands fleurons de l industrie américaine (pétrole, chemin de fer, chimie, etc.). Le développement de la société anonyme a été pour beaucoup dans cette aventure, certains n hésitant pas à dire qu il y avait là l expression la plus évidente de la démocratie. Avec la grande crise de 1929, la finance a su réorienter sa réflexion et apporter une réponse au grand problème du moment ; puisqu on ne pouvait trouver des fonds à l extérieur de l entreprise, pourquoi ne pas en chercher à l intérieur? C est donc la grande époque de la mise en place des systèmes de contrôle qui va permettre de réaliser des économies et d assurer la meilleure orientation des activités.

6 FINANCE Qu en est-il aujourd hui avec une nouvelle crise d une puissance sans précédent? L évolution se poursuit et la finance s efforce d apporter des réponses aux défis du monde, et il est à prévoir que le XXI e siècle sera riche en bouleversements. Tout d abord, le champ théorique s est considérablement enrichi. On parlera à nouveau, plus avant, de la querelle pouvant exister entre théorie et pratique. On peut dire simplement pour l instant que la théorie a pour grand avantage d apporter des éléments de réponse à des problèmes d une complexité croissante. Si parfois elle n apporte pas de réponse, du moins permet-elle de se poser les bonnes questions 1. D une manière concomitante se sont développés de nouveaux outils, certains ayant pour objet d apporter de nouvelles solutions à de vieux problèmes partiellement résolus. Par exemple, qu est-ce qui fait la valeur d une action? D autres outils représentent des réponses plus immédiates à des problèmes plus contemporains. C est le cas des options, ces actifs financiers d une nature particulière qui permettent des prises de décisions complexes dans un contexte de plus en plus risqué. Il y a d ailleurs dans ce domaine un exemple tout à fait remarquable de complémentarité entre la théorie et la pratique, dans la mesure où ce n est qu à partir du moment où un modèle théorique d évaluation des options a été proposé 2 que l on a pu généraliser l utilisation de cet outil financier nouveau. Pour rester sur un plan pratique, l imagination fertile des financiers n ayant pour limite que celle des possibilités d évaluation (encore elle!), on a pu créer des outils de financement aussi sophistiqués que les TSRBSORA (titres subordonnés remboursables avec bon de souscription d obligations remboursables en actions) ou les ORABSAR (obligations remboursables en actions à bons de souscription d actions remboursables) afin de stimuler l enthousiasme parfois défaillant des épargnants tout en protégeant le bon fonctionnement de l entreprise. De même que penser de la titrisation de certains actifs à risque? Enfin, sont apparus de nouveaux marchés créés spécifiquement pour accueillir de nouveaux produits. Ainsi, les marchés à terme si critiqués aujourd hui, traitant les contrats à terme et les options sur contrat à terme et sur actifs financiers. De la même manière, le souci d assurer un développement sans entraves de la «nouvelle économie» a permis la création de marchés, capables d accueillir les start-up, ces entreprises nouvelles, fortement risquées mais qui seront peut-être les leaders de demain dans des domaines techniques nouveaux ou en fort développement. Les revers de conjoncture, les évolutions du contexte environnemental font que, très rapidement, il faut changer un outil qui ne donne pas pleine satisfaction. Certains marchés ne sont pas sitôt nés qu ils disparaissent (ou presque). Les préoccupations ne sont pas toujours les mêmes : aujourd hui nous en sommes au stade de l intégration européenne des marchés financiers, préoccupation qui se double de la quête de la taille critique pour pouvoir exister demain. Le responsable financier de l entreprise, dans cet espace mouvant, sera lui aussi de plus en plus sollicité par cet environnement changeant, lui imposant des réponses les plus rapides possible. Pourtant, il existe à côté de ces nouveautés des tâches traditionnelles qu il doit effectuer pour réaliser la bonne conduite des entreprises. 1. BREALEY R., MYERS S., Principles of Corporate Finance, 6 e éd., McGraw-Hill, 2000. 2. BLACK F. et SCHOLES M., «The Pricing of Options and Corporate Liabilities», Journal of Political Economy, n o 81, mai-juin 1973.

CHAPITRE 1:DE LA FINANCE 3. Un guide de conduite des entreprises 7 3 Un guide de conduite des entreprises Il est indispensable de se donner un guide de conduite des entreprises, de manière que les opérations effectuées concourent toutes à la réalisation de cet objectif. C est là une condition évidente de la rationalité et une mesure possible de ce que l on a appelé en début de paragraphe l efficacité. 3 3 1 L objectif financier de conduite des entreprises Lorsqu on parle d entreprises de type privé obéissant aux règles du marché, l objectif, volontairement formulé d une manière non technique, est de gagner de l argent. Cette formulation n est cependant pas opérationnelle. En effet, faut-il envisager le problème dans le court terme, quitte à compromettre la pérennité de l entreprise, ou faut-il situer la réflexion dans une perspective à plus long terme et savoir accepter les sacrifices qu exige peut-être le présent? Depuis longtemps, les économistes ont proposé l objectif de la maximisation du profit comme guide de la conduite des entreprises. Cette approche n est pas retenue par les financiers, qui considèrent qu elle n est pas le reflet de toutes les variables à prendre en compte pour apprécier la pertinence d une décision. Le reproche le plus important qui lui est adressé est notamment l omission de la dimension risque, obligatoirement contenue dans la décision à prendre. Ainsi, ce modèle ne sera pas retenu dans la mesure où il ne fournit pas les outils permettant d effectuer un choix circonstancié. Il faut donc partir à la recherche d un objectif opérationnel. Tous les agents économiques, lorsqu ils se trouvent en situation de vendeur, cherchent à maximiser l encaissement qu ils obtiendront de ce qu ils ont offert. C est vrai pour le salarié qui, à effort égal et pour une même ambiance, recherchera toujours la rémunération la meilleure. C est vrai pour l épargnant qui cherche à faire fructifier son épargne et qui, toutes choses égales par ailleurs, recherchera le placement offrant la meilleure rentabilité. C est enfin vrai pour tout propriétaire d un bien qui souhaite le mettre en location et qui s efforcera d obtenir les meilleurs loyers de l opération. Dans la négociation qui s instaure entre acheteurs et vendeurs, la tendance à la hausse du prix de l offre est limitée par les phénomènes de concurrence. L entreprise qui cherche des salariés se trouve face à un ensemble de personnes pouvant répondre à son besoin ; la concurrence entre les offreurs de travail limitera ainsi les prétentions de chacun d eux. Il en va de même pour ceux qui demandent des prêts d argent, ou pour ceux qui proposent une location. Le propriétaire de l entreprise, qu on appellera pour la commodité de l exposé «actionnaire», a exactement le même réflexe que les autres agents économiques. En se portant acquéreur d une action d une entreprise, il se dessaisit de liquidités qu il pourrait affecter à un tout autre usage. À ce sacrifice se surajoute le pari concernant le devenir de l entreprise : sera-t-elle suffisamment efficace pour lui apporter une récompense sous forme de rémunération et pourra-t-elle lui permettre de récupérer le montant des fonds investis s il le désire? C est donc du côté des aspirations des propriétaires de l entreprise qu il faut rechercher les objectifs de conduite. 2 Le dividende, un coût comme un autre La rémunération que reçoit l actionnaire de son placement en action est un versement d argent, appelé dividende, effectué par prélèvement sur les bénéfices après impôt réalisés par l entreprise.

8 FINANCE L actionnaire trouve là la récompense à son effort d investissement et au risque qu incontestablement il assume. Il faut certainement affirmer, au début de cette réflexion, que le dividende est un coût pour l entreprise qui le paie. Les économistes l on bien compris puisque, depuis longtemps, ils ont identifié les trois facteurs de production que sont la nature, le travail et le capital. Ce sont des subtilités fiscales et comptables qui font que la rémunération du capital n apparaît pas dans le compte de résultat du côté des charges. Ainsi, le dividende se trouve légitimé en tant que rémunération d un élément indispensable à la bonne marche de l entreprise, de la même manière que le salaire récompense le travailleur et l intérêt le prêteur. On s achemine donc vers un modèle de conduite des entreprises qui consiste à maximiser le dividende versé aux actionnaires. Le problème se complique en considérant d une part que, si l entreprise ne réalise pas des bénéfices, il ne peut pas en général y avoir de dividende versé, et, d autre part, qu il existe des entreprises qui, bien que réalisant des bénéfices, ne versent pas, ou ne versent que très peu de dividendes. En fait, un examen plus attentif de la situation montrera que le dividende n est que la manifestation, sous forme de flux versé, de la richesse créée par l entreprise. Cette dernière appartient aux propriétaires après qu ils ont dédommagé tous les autres agents économiques ayant participé à la vie de l entreprise. Dès lors, l objectif de maximisation des dividendes peut être abandonné dans la mesure où la valeur de la part de propriété doit refléter automatiquement la valeur de cette propriété. Elle doit représenter non seulement la part apportée initialement par l actionnaire pour que l entreprise existe, mais aussi la part de richesse que l entreprise a créée de par son activité. Cette expression de la richesse de l entreprise apparaît donc au travers de la valeur de ses titres de propriété, c est-à-dire de l action. L objectif financier de conduite des entreprises privées est donc la maximisation de la valeur de l action. 3 3 La valeur de l action On peut comprendre très simplement que la valeur de l action, rappelons-le, titre de propriété de l entreprise, représente au moment de la création de la société ce que les actionnaires auront apporté. On retient également que, dès le départ, la société doit engager des dépenses nécessaires à son bon fonctionnement qui n apparaissent au bilan que pour des raisons de commodité fiscale, qu on analyse indirectement comme des non-valeurs dans la mesure où leur cession n entraînerait aucun encaissement. Ces dépenses vont, cependant, assurer la bonne marche de la société (frais de publicité légale par exemple, frais d enregistrement) et font donc partie de sa valeur. On entrevoit ainsi l idée que la valeur de l action ne s apprécie pas forcément à la valeur des seuls éléments figurant au bilan. La valeur de l action est également le reflet de toutes les forces et les faiblesses de l entreprise. On peut passer en revue toutes les caractéristiques de l entreprise pour comprendre rapidement comment leur état va influer sur la valeur de cette dernière. En effet, il relève certainement du bon sens de comprendre que la valeur de l entreprise sera d autant plus grande que son outil de production sera performant, que la gamme de ses produits sera bien située par rapport à la gamme de la concurrence, que ses parts de marché seront bien défendues, que ses clients ne seront jamais défaillants et paieront avec régularité, enfin qu il règnera un bon climat social. Cette constatation est lourde de conséquences, parce qu elle signifie que la pertinence d une opération réalisée dans quelque domaine que ce soit de la vie de l entreprise pourra se tester par les conséquences qu elle est susceptible d avoir sur la valeur de l action.

CHAPITRE 1:DE LA FINANCE 4. Le rôle essentiel des marchés financiers 9 3 4 L objectif est normatif Affirmer que l objectif financier de conduite des entreprises est la maximisation de la valeur des actions ne signifie pas que cette formule doive être affichée dans toutes les directions financières ni qu elle devienne l obsession permanente de ceux qui ont à prendre une décision. Dire que cet objectif est normatif signifie simplement qu il indiquera ce que devraient être normalement les conséquences d une décision qu il faut prendre sur la valeur de l action. Il constitue donc un guide utile à la rationalité de la prise de décision. L essentiel des outils que propose la finance est fondé sur cette rationalité, vouloir l ignorer ne peut conduire qu à accroître l inefficacité dans la prise de décision. Ainsi, lorsqu on applique au choix des investissements le calcul d une valeur actuelle nette des flux nets de liquidités, actualisés à un mystérieux taux de rendement requis, on ne fait rien d autre que de répondre à la logique de la maximisation de la valeur des actions 1. Il faut cependant remarquer que les développements de la théorie financière moderne battent souvent en brèche cet objectif de maximisation de la valeur de l action (voir une discussion des arguments proposés au chapitre 4). On peut résumer le propos ainsi : maximiser la valeur de l action est un objectif certainement souhaitable, mais ce n est pas forcément ce qu on rencontre dans la réalité. Il arrive en effet souvent que les propriétaires de l entreprise délèguent leur pouvoir à des salariés qui vont avoir un comportement allant dans le sens de leur intérêt personnel et non dans le sens de celui de leurs commanditaires. Dès lors, les entreprises risquent d aller vers des finalités qui ne sont pas celles qui viennent d être indiquées ; les modèles de décision à appliquer ne seront certainement plus les mêmes. On essaie en pratique de tourner ces difficultés en faisant participer les dirigeants au capital et en les intéressant (financièrement) aux performances de l entreprise. La finance comportementale propose une alternative à la théorie d espérance d utilité, développée par Von Neumann et Morgenstern, qui considère qu un agent économique est rationnel et effectue ses choix selon une utilité espérée. Elle tente de comprendre certains phénomènes observés sur les marchés et inexplicables par la théorie financière classique, à partir de la psychologie humaine. On conservera cependant l objectif classique de conduite des entreprises qu est la maximisation de la valeur de l action pour exposer les principes de gestion financière des entreprises ; lorsque nécessaire, on indiquera les avancées vers d autres chemins. 4 Le rôle essentiel des marchés financiers L objectif de maximisation de la valeur des actions étant fixé, il faut à présent se donner les moyens de mesurer ou d estimer cette valeur. Les marchés financiers vont apporter une réponse au difficile problème de l évaluation. 4 1 La valeur d une action Comme on vient de l indiquer, si le bilan n est que d une utilité modeste pour apprécier la valeur des entreprises, il faut trouver un autre système d évaluation. Le marché financier va jouer ce rôle. Lieu de rencontre des offres et des demandes de capitaux, le marché financier, dans sa fonction de transfert des 1. COPELAND T.E. et WESTON J.F., Financial Theory and Corporate Policy, Addison-Wesley, 3 e éd., 1988.

10 FINANCE titres de propriété entre épargnants, permet cette évaluation. On parlera plus avant de la manière de procéder à cette dernière, mais disons, dès à présent, que la mesure de l efficacité des décisions prises par l entreprise, au travers de la valeur de l action, ne sera pertinente que si les évaluations sont correctes. Ce qui signifie que les seuls mouvements devant affecter la valeur d un titre financier sont ceux résultant des changements de facteurs (internes ou externes à l entreprise) pouvant modifier l aptitude de l entreprise à créer de la valeur. La valeur de l action est la manifestation de la santé de l entreprise. Elle en est le thermomètre. Elle est, de ce fait, le point de mire de tous les participants à la vie économique de l entreprise, de tous ceux qui doivent lui faire confiance, aussi bien ceux qui vont travailler pour elle (les salariés), ceux qui vont travailler avec elle (ses fournisseurs et ses clients), que ceux qui lui apportent des financements (les banquiers et les actionnaires). C est elle qui permet à un actionnaire ancien de continuer à lui renouveler sa confiance en souscrivant aux augmentations de capital, c est elle qui attirera les actionnaires nouveaux. Ainsi, la valeur de marché de l action est vraisemblablement le critère le plus important qui, pris isolément, permet de juger une entreprise. Une évaluation boursière correcte suppose, cependant, le bon fonctionnement des marchés financiers. 4 2 L efficience des marchés financiers Les marchés financiers se situent au cœur de la théorie financière moderne. On leur attribue une double mission : celle de l évaluation, donc de l échange, et celle de la transmission de l information. Les marchés financiers jouent un rôle indispensable dans la distribution des moyens de financement qui devraient s orienter d une manière rationnelle vers les emplois les plus profitables. Ils jouent un rôle fondamental en matière d évaluation. Les approches théoriques supposent souvent qu on situe la réflexion dans un contexte où le monde se trouve simplifié, d une manière abusive aux yeux de certains. C est faire une mauvaise querelle à la théorie que de lui reprocher ses hypothèses. Elles n ont pour souci que de simplifier une réalité complexe de manière à mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement d un phénomène étudié. Les marchés, au départ des réflexions théoriques les concernant, ont été supposés parfaits. Leur descriptif ici n est pas de mise ; sachons pourtant que les hypothèses émises dans ce contexte sont très restrictives. Ce concept cependant a rendu de grands services à la finance en permettant la production de modèles toujours d actualité. Le point le plus intéressant dans ce domaine reste certainement l émergence de la théorie des marchés efficients. Dans sa forme la plus générale, cette théorie indique que le cours boursier reflète toute l information disponible concernant la vie de l entreprise et l influence que les événements décrits peuvent avoir sur ses performances futures. Si ce dernier point est vérifié, alors la valeur de l action représente non seulement le thermomètre de l entreprise, mais également son baromètre. En conséquence, un investisseur boursier ne peut espérer faire mieux que le marché. Les marchés efficients permettraient la meilleure allocation de fonds possible. Les conséquences de ces propos sont importantes. Elles signifient notamment que l entreprise doit envoyer vers le marché des signaux clairs l informant sur sa santé. S il n en est pas ainsi, on peut concevoir deux entreprises en tout point comparables, l une ayant un bon système de communication, l autre pas. La première verra la valeur de ses actions atteindre des niveaux honorables et justifiés, alors que la seconde verra son cours rester à des niveaux déprimés. Cette dernière sera manifestement une proie facile pour les lanceurs d offre publique.

CHAPITRE 1:DE LA FINANCE 5. Les modèles d évaluation 11 De la même manière, sans imaginer le scénario catastrophe précédent, l entreprise ayant ses actions correctement évaluées sera l objet de la sollicitation des épargnants, alors que l autre aura toutes les peines du monde à se financer. 5 Les modèles d évaluation Dire que le marché va évaluer les actions revient tout simplement à constater qu un prix se forme sur le marché. Si les marchés sont efficients, alors le prix constaté est le prix vrai du titre et l investisseur n a pas à se poser la question de conduire sa propre évaluation. Les dispositions les plus diverses sont prises par les autorités compétentes pour que les marchés soient efficients. Les aménagements des marchés existants et la création des marchés nouveaux suivent scrupuleusement cet impératif. Cependant, si les marchés sont efficients, ils ne le sont peut-être pas complètement dans la réalité. D ailleurs, la théorie elle-même admet qu il puisse y avoir des degrés dans l efficience. Dès lors, le problème de l évaluation des titres se pose à nouveau. Les modèles qui sont utilisés peuvent se ramener à deux familles classiques : les modèles comptables et les modèles économiques 1, auxquels on peut certainement ajouter les approches modernes. 5 5 1 Les modèles comptables Ils partent tout simplement de l hypothèse que les performances de l entreprise, appréciées dans leur expression comptable, sont une bonne approche pour conduire une évaluation de l entreprise. Les modèles correspondants conduisent à ce qu on a appelé la méthode des multiples, qui consiste à appliquer aux bénéfices de l entreprise un coefficient multiplicateur, parfois représentatif de l industrie dans laquelle elle opère, afin d obtenir la valeur de l action. Il n est pas nécessaire d entrer ici dans la discussion théorique concernant la validité d une telle démarche. Toute une série de débats s est cependant engagée concernant la fiabilité de l information comptable. On sait combien la variable de résultat est susceptible de variation, dans le cadre de l orthodoxie comptable, suivant que l on retiendra telle ou telle règle d évaluation (amortissement linéaire ou dégressif par exemple). Avec un peu de bonne volonté, un responsable doit pouvoir arriver à modifier la valeur du bénéfice par action, d une manière notable, en agissant sur les variables qui le déterminent. La chose a peu d importance dans la mesure où, si les marchés sont efficients, ils ne peuvent être abusés par une manipulation de données chiffrées. Les conséquences sont, cependant, importantes dans la mesure où la remise en question de l information comptable remet en question, à son tour, des modèles d une utilisation plus classique, comme celui de l évaluation par le flux futur de dividendes. 2 Les modèles économiques Selon ces modèles, la valeur de l entreprise ne peut être obtenue qu en calculant la somme de la valeur actualisée de ses flux futurs de liquidité. L actualisation est effectuée à un taux correspondant à la rentabilité souhaitée par l actionnaire, pour une entreprise représentant un niveau de risque compatible avec celui qu il a choisi d accepter. 1. STERN T. et CHEW D., The Revolution in Corporate Finance, Blackwell, 1989.

12 FINANCE Ce système d évaluation est d ailleurs utilisé toutes les fois que l entreprise doit apprécier la rentabilité d une opération (investissement) ou son coût (financement). 5 3 Les approches modernes La recherche dans le domaine de l évaluation ne connaît aucun répit. On a vu successivement apparaître : le modèle d équilibre des actifs financiers (MEDAF), qui calcule la valeur d un titre à partir de son rendement apprécié par l intermédiaire d un coefficient de sensibilité de la performance du titre étudié par rapport à celle du marché. Ce modèle n a peut-être pas tenu les promesses qu on avait pu mettre en lui lors de sa création ; le modèle d évaluation par arbitrage, qui est un dépassement du modèle précédent, mais qui reste d une utilisation pratique encore assez délicate ; le modèle d évaluation par la théorie des options, qui permet un retour sur l évaluation en termes de flux nets de liquidité actualisés en opérant une appréciation des options stratégiques de l entreprise. 6 Théorie et pratique La finance s est hissée au rang de science. On en voudra pour preuve le nombre de prix Nobel (Franco Modigliani, Merton Miller, Harry Markowitz, William Sharpe, Myron Scholes, etc.) venu en un temps relativement limité récompenser les efforts de ses chercheurs. Les autres preuves résident dans le nombre et la qualité des modèles proposés, qui jouent un rôle tout aussi important, tant au point de vue explicatif qu au point de vue prédictif. La fin des années 1950 a vu apparaître les fondements de ce que l on pourrait appeler la finance moderne. En 1958, Modigliani et Miller avancent leur fameuse théorie de la structure financière de l entreprise. En 1959, Harry Markowitz propose la théorie du portefeuille, suivie bientôt par les travaux de Sharpe sur le modèle d évaluation des actifs financiers. Et la pratique dans toute cette affaire? Il faut admettre que le dialogue n est pas toujours facile entre les théoriciens et les praticiens. Peut-être faudrait-il un peu d effort de part et d autre. Le théoricien gagnerait beaucoup à être compris de tous et le praticien devrait admettre que sa démarche quotidienne mérite d être relativisée. En définitive, il faut peut-être reconnaître les mérites de chacun et savoir que, si la pratique apporte de bonnes réponses aux problèmes routiniers, la théorie apprend à répondre rationnellement au changement 1, ce qui, dans notre monde en pleine mouvance, n est certainement pas un mince avantage. 7 Le métier de la finance En définitive, un enseignement de finance peut apporter, aux personnes qui se destinent à ce métier, une série de concepts qu il faut maîtriser, une série de règles qu il faut suivre, une série de questions sur lesquelles il faut réfléchir. 1. BREALEY R., MYERS S., op. cit.

CHAPITRE 1:DE LA FINANCE 8. Parlons pédagogie 13 Par exemple, les questions que se posera un financier sont du type suivant : Comment mesurer la rentabilité? Faut-il se soucier du bénéfice par action? Quel doit être le pourcentage de dettes financières à mettre dans l ensemble des ressources de l entreprise? Quelle quantité de bénéfice doit être distribuée sous forme de dividendes? Faut-il remplacer cette vieille machine? La réponse à ces questions supposera que le financier utilise des concepts comme : structure des taux, risque, valeur de l argent en fonction du temps etc. ; il lui faudra aussi effectuer des calculs comme celui du coût des fonds qu utilise l entreprise et savoir construire une stratégie de couverture contre le risque de taux. Peut-être plus que tout cela, il lui faudra apprendre à poser les bonnes questions. Ainsi, ce qui fait la rentabilité d une entreprise, c est la pertinence de ses investissements. On sait généralement que certains types de financement ne sont pas neutres dans la création de la rentabilité de l entreprise. Par exemple, utiliser l endettement permet de faire jouer un concept dit d effet de levier, qui améliore la rentabilité des capitaux propres ; il ne faudra tout de même pas perdre de vue que ce phénomène ne peut jouer que si l entreprise est par ailleurs bénéficiaire. Ainsi, il est certainement plus profitable de conduire une bonne sélection des investissements que de monter des stratégies de financement ; cela ne veut pas dire pour autant qu il faille négliger ces dernières. Le responsable financier ne devra pas perdre de vue le rôle joué par l actionnaire. Souvent laissé à l arrièreplan, ce dernier a pris cependant une place de plus en plus déterminante en cas de risque d absorption par une autre entreprise ; mais aussi parce que, de plus en plus, il confie la gestion de son portefeuille à des institutions spécialisées qui le représenteront aux assemblées générales avec toujours plus de poids. Le rôle fondamental de plus en plus important des fameux fonds de pension n est plus à démontrer. Les messages lancés à l extérieur concernant la santé de l entreprise doivent être clairs, de manière à éviter à l épargnant une double erreur : celle de ne pas investir quand il le faudrait et celle d investir quand il ne le faudrait pas. 8 Parlons pédagogie Les manuels de gestion financière sont nombreux et généralement bien conçus. Celui qui est proposé aujourd hui a pour ambition d assurer un compromis entre le théorique et le pratique, apportant des démonstrations simples et utiles quand c est possible, allant à l essentiel chaque fois que cela se révèle nécessaire. Il se décompose en huit parties couvrant l ensemble des problèmes que peut rencontrer un responsable financier d entreprise.. Première partie : Les outils de la décision financière La mise en œuvre de la réflexion financière et l application des modèles proposés supposent que l on ait clairement conscience du fait que les décisions financières s insèrent dans le temps, qu elles s apprécient généralement en termes de rentabilité, mais qu elles comportent toujours un risque. Elles ont des conséquences sur la valeur de l action cotée sur un marché financier, dont il faut comprendre les mécanismes de fonctionnement en tant que véhicule de l information de l entreprise. Enfin, l analyse de

14 FINANCE l information fournie par la comptabilité (bilan, compte de résultat, etc.) est indispensable pour comprendre d une part les relations qui existent entre les différentes variables en cause, et, d autre part, le jeu des mécanismes qui doivent se mettre en place pour obtenir certaines finalités, telle la rentabilité.. Deuxième partie : L investissement Il est considéré comme l une des décisions stratégiques fondamentales. On a regroupé, d une manière classique, la présentation des mécanismes de base des modèles qui sont utilisés, puis une réflexion sur la manière de déterminer le taux de rendement requis, pour terminer en généralisant le concept de risque dans la prise de décision.. Troisième partie : Les financements Pour réaliser ses investissements, l entreprise doit se financer. Dans un premier temps sont présentées les modalités de financement par capitaux propres ; puis sont successivement décrits les financements directs par dette et les financements indirects de l entreprise.. Quatrième partie : Les actifs conditionnels et leurs applications La théorie des options a pris une place considérable dans le domaine de la finance. Bien que ses applications aient tendance à se généraliser à de nombreux aspects de la vie de l entreprise, on a choisi de traiter le cas des actifs conditionnels dans un chapitre séparé, de manière à mieux appréhender leur spécificité et leur complexité. On trouvera dans un autre chapitre consacré à la couverture du risque de taux de nombreuses applications concernant ces actifs conditionnels.. Cinquième partie : Le choix des financements Ayant à sa disposition la panoplie des financements offerts, le responsable financier doit choisir la meilleure combinaison pour faciliter le fonctionnement de l entreprise. Après une présentation de la théorie de la structure financière et de la politique de dividendes, cette partie propose une analyse pratique des méthodes de choix des moyens de financement et conclut par l élaboration du plan de financement.. Sixième partie : La gestion financière à court terme La gestion des éléments de la partie basse du bilan mérite autant d attention que celle de la partie haute, bien que la modélisation soit ici plus difficile. Un chapitre est consacré à la gestion du fonds de roulement et un autre à la gestion de la trésorerie.. Septième partie : Évaluation, contrôle, rachat et fusion d entreprises Dans des circonstances relativement exceptionnelles, les entreprises sont appelées à nouer des alliances pouvant aller jusqu à un véritable mélange de deux entités distinctes. Ces opérations sont fréquemment l occasion d évaluation. Les thèmes de l évaluation, du rapprochement des entreprises et des montages financiers mis en place pour y parvenir sont présentés en quatre chapitres distincts.. Huitième partie : Aspects financiers d une activité internationale L intention, ici, n est pas de traiter le thème de la gestion financière internationale des entreprises, mais de présenter simplement, en un chapitre, le marché des changes et les financements disponibles pour l exportation et, dans un autre chapitre, les outils de couverture. Un chapitre a été consacré à un phénomène durable : l émergence de la finance islamique. Une annexe mathématique, en fin d ouvrage, permettra à tout lecteur qui en éprouve le besoin de mettre à jour ses connaissances sur les outils de calcul les plus couramment utilisés en finance.

15 Première partie Les outils de la décision financière La finance, comme toute discipline, dispose d outils, de concepts et de méthodes qui lui sont propres ou qu elle a empruntés à des disciplines voisines. Au-delà de ces instruments, il est important de comprendre la manière dont elle oriente sa réflexion, de façon à ne pas être abruptement confronté à des démonstrations qui pourraient paraître austères parce qu on n en saisit pas la portée générale. Aussi, avant d aborder les grandes questions qui se posent au responsable financier de l entreprise, il est apparu important de situer le cadre général de la réflexion. Le chapitre 2 est consacré à la dimension temporelle de la décision financière. Il a pour objet de faire comprendre que des sommes exprimées à deux dates différentes dans le temps ne sont pas comparables et donnera donc les moyens d effectuer cette comparaison. Disposant d un outil adapté, il sera alors possible d apporter un justificatif rationnel à l échange entre différents agents économiques et, surtout, à l existence des marchés financiers qui vont le faciliter. Le chapitre 3 traite du rendement et du risque. L épargnant, comme tout agent économique, contribue au processus général de création de richesse en confiant son épargne à des intermédiaires (banques, entreprises, organismes financiers) capables de la faire fructifier. Il est donc légitime qu il soit récompensé pour sa contribution à l activité économique générale. Cette récompense est le rendement qu il retire de son placement. La question de savoir quel niveau de rendement obtenir est un problème difficile à résoudre. Un argument qu il est indispensable de prendre en compte est celui du risque. Le placement effectué par l épargnant sera dit risqué toutes les fois que ce dernier n est pas certain de recevoir sa récompense. Le jugement sur le rendement d un placement ne peut donc s exercer qu à la lumière du risque qui lui est attaché. Le chapitre 4, dédié à l évolution des grands courants théoriques, présente le concept d efficience des marchés. Les marchés financiers sont non seulement des lieux d échange des moyens de financement, mais aussi les véhicules de l information concernant l entreprise. Cette dernière, dans la mesure où elle doit solliciter des concours extérieurs, doit donner d elle l image la plus fidèle possible. Ce

16 FINANCE PREMIÈRE PARTIE : LES OUTILS DE LA DÉCISION FINANCIÈRE chapitre pose les conditions pour que le marché financier soit un bon transmetteur d information. Il aborde par ailleurs une alternative à la finance dite classique : la finance comportementale. Le chapitre 5 présente les outils du diagnostic financier. L objet de ce chapitre n est pas de proposer les grandes lignes du diagnostic de l entreprise mais de présenter les outils qui sont souvent nécessaires à l établissement du diagnostic financier. Ce dernier est un préalable indispensable à toute prise de décision.

919 Table des matières Avant-propos 1 1 De la finance 3 1. La finance d entreprise 4 2. L actualité de la finance 4 3. Un guide de conduite des entreprises 7 4. Le rôle essentiel des marchés financiers 9 5. Les modèles d évaluation 11 6. Théorie et pratique 12 7. Le métier de la finance 12 8. Parlons pédagogie 13 PREMIÈRE PARTIE: LES OUTILS DE LA DÉCISION FINANCIÈRE 2 La dimension temporelle des décisions financières 17 1. La prise en compte du temps 18 2. Le rôle central de l intérêt 31 3. La structure par terme des taux d intérêt 40 4. Exercices 50 3 Rendement et risque 53 1. Rendement et risque d un titre financier 54 2. Rendement et risque d un ensemble complexe : le portefeuille, approche théorique 69 3. Rendement et risque d une valeur : le MEDAF 78 4. Analyse du risque d une valeur : le modèle de marché 83 5. Le modèle d évaluation par arbitrage 87 6. Annexe Calcul du taux de rentabilité sur plusieurs périodes 91 7. Exercices 92 4 L évolution des grands courants théoriques 95 1. L apport des théories contractuelles des organisations 97 2. Opportunisme, risque et arbitrage 101 3. La rationalisation par le marché et la valeur des décisions 104 4. La finance comportementale 121 5 Les outils du diagnostic financier 129 1. La situation de l entreprise 130 2. L activité de l entreprise : le compte de résultat 141 3. L efficacité des moyens mis en œuvre 150 4. Les flux de fonds dans l entreprise 159 5. Quelques repères à partir des valeurs boursières 165 6. Exercices 169 7. Annexe 176

920 TABLE DES MATIÈRES FINANCE DEUXIÈME PARTIE: L INVESTISSEMENT 6 La décision d investissement en avenir certain 181 1. Le concept d investissement 182 2. Détermination des flux 184 3. Les méthodes employées dans le choix des investissements 194 4. Cas particuliers dans le choix des investissements 212 5. Exercices 215 7 Le taux de rendement requis 219 1. Le coût des ressources : critère a priori du choix des investissements 220 2. Le coût des différentes sources de financement 223 3. Le coût moyen pondéré du capital 244 4. Le coût d opportunité 249 5. Le rationnement du capital 250 6. Exercices 251 8 La prise en compte du risque dans la décision d investissement 255 1. Le risque d un projet 256 2. Les méthodes probabilistes 259 3. Le taux de rendement requis spécifique d un projet 270 4. Un cas de liaison investissement-financement : la VAN ajustée 276 5. La prise en compte des utilités 279 6. Exercices 282 TROISIÈME PARTIE: LES FINANCEMENTS 9 Le financement direct par fonds propres 289 1. Caractéristiques du financement direct par fonds propres 290 2. Les différentes fonctions du marché financier 308 3. L intégration des marchés financiers 310 4. Les marchés boursiers et leurs institutions 312 5. Exercices 335 10 Le financement direct par endettement 337 1. Le financement par obligation ordinaire 338 2. Financement par les autres types d obligations 358 3. Les financements directs à moyen et court terme 370 4. La mesure de la qualité du papier 379 5. Exercices 383 11 Le financement indirect 385 1. Définition et circuits de financements indirects 386 2. Les financements à long et moyen terme 390 3. Le crédit-bail 397 4. Les financements indirects à court terme 403 5. La notion de risque financier et sa mesure 414 6. Exercices 428

TABLE DES MATIÈRES 921 QUATRIÈME PARTIE: LES ACTIFS CONDITIONNELS ET LEURS APPLICATIONS 12 La théorie des options 435 1. Le concept d option 436 2. Les déterminants de la valeur de l option 441 3. Le modèle binomial 443 4. Le modèle de Black et Scholes 445 5. Application de la théorie des options à la gestion de l entreprise 447 6. Les paramètres importants de la gestion des options 455 7. Exercices 460 13 La gestion du risque de taux 463 1. Mise en évidence et définition du risque de taux 464 2. L exposition au risque de taux et les modalités de protection 466 3. La garantie d un taux sur une position acquise : le swap de taux d intérêt 468 4. La garantie d un taux sur une position future 472 5. La standardisation des garanties de taux : les marchés à terme 476 6. Risque de taux et contrats à terme 482 7. Garantie conditionnelle de taux 486 8. Exercices 496 CINQUIÈME PARTIE: LE CHOIX DES FINANCEMENTS 14 La structure financière 501 1. Rentabilité et risque financier, notion de levier 502 2. La structure financière dans un monde sans impôt 506 3. La prise en compte de la fiscalité de l entreprise 511 4. Les limites à l endettement : coûts de faillite et coûts d agence 516 5. Les tendances actuelles 520 6. Retour à la pratique 522 7. Exercices 524 15 La gouvernance 527 1. Le cadre théorique de la gouvernance 528 2. Les codes de gouvernance 532 3. La réalité de la bonne gouvernance 538 16 La politique de dividendes 541 1. Les enjeux de la politique de dividendes 542 2. L allocation optimale des ressources de l entreprise 543 3. Distribution de dividendes en tant que choix de moyens de financement 545 4. Le rôle actif du dividende 548 5. Les approches actuelles 549 6. Le dividende en pratique 552 7. La politique de dividendes 557 8. Opérations particulières en relation avec la politique de dividendes 562 9. Exercices 564

922 TABLE DES MATIÈRES FINANCE 17 Les méthodes de choix de financement à long terme 567 1. Rationalité du choix de financement 568 2. L analyse de la formation du BPA dans le cadre de financements nouveaux 569 3. Influence du financement sur la valeur de l action 579 4. Influence du financement sur la richesse de l actionnaire 583 5. Choix de financement, contraintes diverses et cohérence d ensemble 586 6. Exercices 589 18 Le plan de financement 593 1. Le plan de financement avant financement 594 2. Le plan de financement après financement 601 3. La mise en œuvre pratique 603 4. Exercices 610 SIXIÈME PARTIE: LA GESTION FINANCIÈRE À COURT TERME 19 La gestion du besoin en fonds de roulement 615 1. L ajustement de la structure aux caractéristiques de l entreprise 616 2. L évolution des équilibres structurels en pratique 620 3. La gestion des stocks 624 4. La gestion du crédit-clients 632 5. La gestion du crédit fournisseur 643 6. Exercices 645 20 La gestion de trésorerie 651 1. Les enjeux de la gestion de trésorerie 652 2. La relation technique avec le banquier 656 3. Le budget de trésorerie 666 4. La gestion optimale de la trésorerie 674 5. Exercices 685 SEPTIÈME PARTIE: ÉVALUATION, CONTRÔLE, RACHAT, FUSION D ENTREPRISES ET TITRISATION 21 Évaluation de l entreprise 691 1. Les méthodes patrimoniales 692 2. Les méthodes de capitalisation et d actualisation 697 3. Les méthodes combinées 711 4. L actualisation des flux de liquidité futurs ou DCF 715 5. L approche de l évaluation par la théorie des options 721 6. Conclusion 726 7. Exercices 727 22 Holding et LBO 729 1. Les sociétés holding 730 2. La résolution des contraintes lors de montages de holdings : méthodologie 742 3. Les LBO 751 4. Le RES 759 5. Exercices 762