FINANCEMENT DES ENTREPRISES GUIDE PRATIQUE POUR UNE STRATÉGIE DURABLE AVEC LA COLLABORATION DE JUIN 2013
FINANCEMENT DES ENTREPRISES GUIDE PRATIQUE POUR UNE STRATÉGIE DURABLE
ÉDITEUR RESPONSABLE Stefan Maes, rue Ravenstein 4, 1000 Bruxelles RESPONSABLE DES PUBLICATIONS Stefan Maes RÉDACTION Eric Bastin, Werner Lapage, Johan Van Praet, Dirk Vandendaele MISE EN PAGE Vanessa Solymosi, Landmarks IMPRESSION Geers Offset DÉPÔT LÉGAL D/0140/2013/6 Deze brochure is ook verkrijgbaar in het Nederlands Le contenu de cette brochure est disponible sur le site www.feb.be (Publications > Publications gratuites) Les informations contenues dans la présente brochure ont été rassemblées avec le plus grand soin possible par les experts de BDO. BDO et/ou la FEB ne peuvent en aucune manière être tenus pour responsables d éventuelles informations incomplètes ou erronées contenues dans la brochure. BDO et/ou la FEB ne peuvent en aucun cas être tenus pour responsables d éventuels dommages directs, indirects, secondaires, économiques ou consécutifs découlant de l utilisation des informations ou données tirées de la présente publication. Toute reproduction et/ou publication d un extrait quelconque de cette publication, par des moyens électroniques ou autres, en ce compris les systèmes d information automatiques, sont interdites sauf autorisation écrite préalable de l éditeur, à l exception de brèves citations aux fins de recension.
ENTREPRISES ET POUVOIRS PUBLICS : œuvrer ensemble pour un financement fort Pour croître, l entreprise a besoin de financement. C est pourquoi il est important que l entrepreneur soit constamment attentif à la structure de financement de son entreprise. Celui qui peut présenter des chiffres solides convaincra plus facilement les investisseurs de lui fournir des capitaux ou du crédit. Or, aujourd hui cela semble plus difficile que jamais à réaliser. Si les capitaux et les crédits disponibles dans notre pays restent suffisants pour financer un dossier d investissement consistant, les fournisseurs de capitaux et de crédit sont toutefois moins enclins à offrir un financement. De plus, la crise affecte les résultats des entreprises, qui disposent dès lors de moins de moyens propres pour financer de nouveaux investissements. Les pouvoirs publics sont pour le moins coresponsables de la création d un environnement permettant l accès au financement à des prix compétitifs. Ils doivent d abord rétablir la confiance économique. Ils doivent remettre les finances publiques en ordre, poursuivre les réformes amorcées en 2012 et prendre les mesures adéquates pour rétablir la compétitivité de nos entreprises. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent créer d urgence les conditions nécessaires pour un climat favorable aux entreprises. Les entreprises pourront ainsi générer suffisamment de bénéfice pour en réinvestir une partie. Dans ce contexte, il importe de cesser de remettre en question la déduction des intérêts notionnels. Cette mesure a en effet permis de réduire la discrimination fiscale entre le financement assuré par des fonds extérieurs et le financement par fonds propres. La structure du capital des entreprises belges s est ainsi substantiellement améliorée, ce qui leur a permis de mieux affronter la crise de 2008 et des années suivantes. Enfin, les pouvoirs publics doivent savoir que des impôts supplémentaires sur l épargne et les placements saperont l esprit d entreprise, car la rémunération nette que l entrepreneur reçoit pour les risques importants qu il prend souvent doit contrebalancer ses efforts et ce risque. Le même raisonnement peut s appliquer aux fournisseurs FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 3
de capitaux. Des impôts complémentaires affecteraient la volonté des investisseurs de prendre des risques et compliqueraient donc encore le financement des entreprises. Mais les chefs d entreprise ne peuvent se croiser les bras. Il existe une corrélation entre la bonne préparation d une demande de financement et la probabilité d obtenir ce financement. En bon père de famille, le chef d entreprise doit donc avoir une bonne connaissance des finances de sa société et constituer un dossier étayé. L entrepreneur qui souhaite faire financer un projet constatera qu il existe un large éventail d instruments de financement, dont certains présentent des avantages et des inconvénients marqués, selon les circonstances. Il existe une solution sur mesure pour chaque besoin de financement spécifique, avec pour conséquence que l arbre cache parfois la forêt. C est la raison pour laquelle nous avons décidé de publier cette brochure. Elle a été rédigée par les experts financiers de BDO et donne une vue d ensemble des principaux modes de financement. Elle aide le chef d entreprise à financer sa société de manière optimale et illustre la théorie par des exemples pratiques. Un ouvrage indispensable pour tout chef d entreprise qui veut croître. Nous vous souhaitons bonne lecture. Pieter Timmermans Administrateur délégué FEB Hans Wilmots CEO BDO 4 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES
FINANCEMENT DES ENTREPRISES SOMMAIRE INTRODUCTION 3 LE CLIMAT ÉCONOMIQUE FREINE LE FINANCEMENT 8 GLOSSAIRE 10 COMMENT S ARTICULE CETTE BROCHURE? 11 01 À chaque entreprise et à chaque projet son financement 12 1. La maturité d une entreprise 13 2. À chaque moment son financement 13 3. À chaque projet son financement 15 CASE ThromboGenics La bourse, vecteur de confiance 16 02 Les facteurs déterminants d une structure financière idéale 18 1. Lire et interpréter les chiffres 19 1.1. La règle d or du bilan 19 1.2. Monde de la comptabilité versus monde du cash 20 1.3. Principes de base de l analyse financière 21 2. Les besoins de financement d une entreprise 24 3. La décision concernant la structure du capital 25 CASE Fonds de participation Qu est-ce qui vous retient encore vous ou votre banque? 26 3.1. L approche conservatrice 27 3.2. L approche agressive 27 3.3. L approche mixte 27 3.4. Timing et flexibilité 28 03 Les diverses sources et formes de financement 29 1. Capital 30 1.1. Family, Friends & Fools 30 1.2. Business angels 30 1.3. Private equity - venture capital - hedge funds 31 CASE Ateliers Cerfontaine Équilibre entre participation, fonds propres et crédit bancaire 32
1.4. La bourse 34 2. Quasi-capital 37 2.1. Stabilité 37 2.2. Obligations convertibles 38 2.3. Instruments financiers hybrides 39 3. Les dettes senior 39 CASE Omega Pharma Un emprunt obligataire pour plus de flexibilité, d autonomie et une meilleure répartition des risques 40 3.1. Les dettes bancaires 42 04 Les sûretés 45 1. Les risques 46 2. Les sûretés 46 2.1. Les sûretés réelles 46 2.2. Les sûretés personnelles 50 2.3. Les sûretés morales 51 05 Les éléments clés d une levée de fonds efficace 54 1. La préparation 55 2. Convaincre les investisseurs ou les banquiers 56 3. Négociation et conclusion 57 CASE Schyns Le concessionnaire Peugeot Schyns prêche pour la confiance et la simplicité 58 06 Aspects fiscaux liés au financement 60 1. Financement par fonds propres 61 1.1. Capital 61 1.2. Compte courant associé (financement par quasi-fonds propres) 65 2. Financement par fonds empruntés 66 2.1. Déductibilité des intérêts 66 2.2. Précompte mobilier 69 CONCLUSION 70 SOURCES 72
LE CLIMAT ÉCONOMIQUE FREINE LE FINANCEMENT La conjoncture économique morose persistante inquiète de nombreux dirigeants d entreprise. Outre les problèmes étroitement liés à la crise, tels qu une stagnation des ventes et des reports d investissements, il leur est également plus difficile aujourd hui d obtenir un financement pour leurs activités économiques. Les causes de ces difficultés sont diverses. Tout d abord, de nombreuses entreprises éprouvent, précisément à cause de la crise, plus de difficultés à financer des activités via leurs fonds propres. L état précaire de l économie affecte en effet considérablement la rentabilité des entreprises. Les chiffres de la Banque nationale de Belgique montrent par exemple que le résultat net des entreprises, après une diminution de plus de 20% en 2009, se situe toujours 10% en deçà du niveau d avant la crise. Or, il est une règle économique selon laquelle une entreprise doit idéalement financer en partie ses investissements sur fonds propres. La méfiance émousse le goût du risque Ensuite, il est moins aisé pour les entreprises d attirer des fonds externes. Cette situation est, elle aussi, partiellement imputable à la rentabilité plus faible des entreprises qui, à son tour, peut affecter leur capacité de remboursement. De ce fait, le risque de défaut de paiement, aussi appelé risque de crédit, augmente et rend le créancier moins enclin à octroyer un prêt. La crise financière et économique actuelle s est par ailleurs doublée d une crise de confiance. Sur les marchés financiers, cette incertitude grandissante atténue considérablement le goût du risque des investisseurs. Dans de nombreux cas, on constate une fuite des actions vers des placements plus sûrs, tels que des obligations d État. Les grandes entreprises peuvent encore en profiter en émettant elles-mêmes des obligations d entreprise, mais c est loin d être le cas pour une PME moyenne. Globalement, il y a donc moins de capital à risque disponible pour les entreprises. Fort heureusement, il n est pas véritablement question d un credit crunch généralisé dans notre pays. Les chiffres de la Banque nationale le confirment à nouveau : 8 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES
l octroi de crédits bancaires à des sociétés non financières a, en 2012, augmenté en moyenne de 2,1% sur une base annuelle. Dans la zone euro, ce rythme de croissance est même négatif depuis juin 2012. Le taux d intérêt moyen sur les nouveaux crédits d entreprise est un des plus faibles et des plus stables de la zone euro. Cependant, on ne peut nier qu en Belgique aussi, les petites entreprises et les indépendants, les secteurs sensibles à la crise et les entrepreneurs tournés vers l exportation se heurtent plus fréquemment aujourd hui à un refus catégorique de leur banque. En temps de crise, les banques sont beaucoup plus réticentes à octroyer des crédits lorsque le risque de perte est trop important. Pénurie liée à des interventions structurelles Les explications conjoncturelles aux problèmes liés à l obtention d un financement suffisant sont une chose. La chute de l offre de financement est par ailleurs aggravée par certaines évolutions structurelles. Ainsi, les projets destinés à renforcer le cadre légal pour les institutions financières (p. ex. Bâle-III, Solvency-II, ) sont déjà bien avancés. À moyen terme, ils peuvent également influencer significativement l accès au financement à prix compétitif pour les entreprises. Bien que ces nouvelles règles ne soient pas encore définitives, différents éléments indiquent une possible pénurie des financements à long terme dont les crédits d investissement sur plus de 7 ans et de la mise à disposition de capital à risque. La série de nouvelles règles internationales entrera très probablement en vigueur le 1 er janvier 2014 pour les banques européennes. Avec ces défis en perspective, il est clair que la garantie d un accès aisé au financement restera encore un thème prioritaire dans les prochaines années. Pour financer ses projets d investissement et sa croissance, le chef d entreprise doit plus que jamais se tenir informé des différentes formes de financement et de leurs avantages et inconvénients respectifs. FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 9
GLOSSAIRE Prêt subordonné : contrat de prêt dont le remboursement au créancier est subordonné au paiement préalable d autres créanciers aux conditions convenues. Business Angels : (ex-)entrepreneurs qui veulent investir dans des entreprises débutantes prometteuses ou à croissance rapide. L investissement moyen se monte entre 25.000 EUR et 250.000 EUR. Outre leur soutien financier, ils offrent aussi à l entrepreneur leurs années d expérience et d expertise. Crowdfunding : forme alternative de financement qui sollicite le grand public sans l intermédiation des acteurs traditionnels (banques, pouvoirs publics, private equity,...). L investisseur particulier prend une part au capital de la société et finance de cette manière les projets d entreprise. Peer-to-peer lending : alternative du crowdfunding où le dispensateur de crédit octroie un prêt sans devenir actionnaire (minoritaire). Quasi-capital : ressources financières qui présentent des caractéristiques les rapprochant à la fois des instruments de capitaux et des instruments de dettes. Ces ressources n ont pas la nature comptable de fonds propres mais en possèdent certaines caractéristiques, que ce soit par leur stabilité, leur conversion potentielle en capital ou encore leur rémunération. Exemples : les emprunts subordonnés, les obligations convertibles, les emprunts mezzanines et les emprunts participatifs. Straight loan : ou «avance à terme fixe» est un crédit de court terme spécialement dédié aux besoins de liquidités importants. Contrairement au crédit de caisse, sa durée, son taux d intérêt et son montant sont fixés à l avance. Thin capitalisation (debt equity ratio) : ou «régime de sous-capitalisation» limite la déduction (fiscale) des intérêts pour les sociétés qui ont un capital proportionnellement bas et des emprunts élevés. La majorité des pays de l OCDE combattent cette pratique par des règles relatives à la sous-capitalisation («thin cap rules»), qui diffèrent d un pays à l autre. Private equity : dénomination générale du capital (fonds propres) collecté auprès de tiers, en dehors de la bourse. Venture capital : investissement dans une jeune entreprise. Aussi appelé capital à risque. 10 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES
COMMENT S ARTICULE CETTE BROCHURE? La garantie d un accès aisé au financement est une priorité et le restera dans les prochaines années. Cette brochure présente en six chapitres une vue d ensemble et des points de repère dans le vaste monde des possibilités de financement et de leurs mécanismes sous-jacents. Les principes théoriques sont illustrés par divers exemples pratiques reprenant des témoignages de chefs d entreprise qui expliquent l impact stratégique de leurs choix et de leur tactique de financement. Dans le premier chapitre, nous expliquons qu il existe un financement adapté pour chaque entreprise ou chaque projet. Dans chaque situation, l entreprise devra rechercher le type de crédit le mieux adapté à son besoin de financement. L entrepreneur qui recherche un financement sera bien avisé d examiner minutieusement ses états financiers. Telle est l approche retenue pour le deuxième chapitre dans lequel nous détaillons les déterminants de la structure financière idéale. Le chef d entreprise doit tendre vers un équilibre entre la structure de ses actifs en ce qui concerne tant leur taille que leur durée de vie d une part et sa structure financière d autre part. Lorsque la structure des avoirs est saine, il convient de trouver la source de financement la mieux adaptée à l objectif à court ou long terme. L entrepreneur aura à choisir en gros entre deux sources de financement : le capital ou l endettement. Le chapitre trois analyse les diverses sources et formes de financement, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients spécifiques. Sachez aussi que lorsqu un investisseur ou une banque met à disposition une partie de son patrimoine et de ses liquidités pour un projet, il exigera des garanties. Il est en effet logique que le financier souhaite se prémunir des risques et surtout de leurs possibles conséquences financières. Ces garanties ou sûretés font l objet du quatrième chapitre. L essentiel en fin de compte est de bien préparer tous les choix stratégiques et de les transposer dans un dossier de financement qui renforce vos chances de réussite. Le cinquième chapitre liste les ingrédients nécessaires pour une levée de fonds efficace. Enfin, le sixième et dernier chapitre aborde des points d attention et pistes de réflexion utiles pour faire en sorte que le financement s effectue dans de bonnes conditions fiscales. Le choix d une forme de financement (par fonds propres ou par endettement auprès de tiers) a en effet des répercussions fiscales importantes. FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 11
01 À chaque entreprise et à chaque projet son financement
Le crédit est un acte par lequel une personne physique ou morale (sens général) ou une banque ou un organisme financier (sens particulier) effectue une avance de fonds. Mais le terme crédit renvoie également à la confiance, au respect, à la considération dont bénéficie quelqu un ou quelque chose. En témoigne l étymologie du mot, qui vient du latin credere, croire. Une entreprise peut financer ses projets sur la base de fonds propres ou de fonds empruntés. Un actionnaire qui fournit du capital (supplémentaire) à une société a automatiquement ou fondamentalement foi en celle-ci. En revanche, convaincre un tiers de mettre son argent à la disposition d une entreprise demande en général d importants efforts. 1 LA MATURITÉ D UNE ENTREPRISE Faire crédit à une entreprise, c est lui faire confiance, c est croire en elle. Une entreprise qui souhaite lever des crédits doit donc être porteuse d une certaine crédibilité. À partir de cette définition, on comprend que les banques et autres organismes de crédit consacrent le plus grand soin à l octroi de crédits. La crise et le renforcement de la réglementation bancaire ont, de surcroît, eu pour effet de durcir les critères applicables aux nouveaux financements. Gagner et entretenir la confiance de ses partenaires financiers est devenu un processus à part entière dans la vie d une entreprise. Cela explique également le professionnalisme avec lequel de nombreuses entreprises belges et européennes se mettent en quête de formes alternatives de financement. Avec à la clé une flexibilité de financement accrue. Elles souhaitent pouvoir réagir rapidement aux développements économiques et s adapter facilement à chaque type de projet à financer. Les banques ne sont plus la voie unique et naturelle pour le financement des activités industrielles ou commerciales. La réalité économique nous a projetés dans l ère de la multiplicité des solutions de financement. Dans cette brochure, nous tâchons d apporter un éclairage sur les différentes sources de financement, tout en offrant quelques clés pour entretenir ses relations bancaires dans les meilleures conditions. Il est un financement que nous n aborderons pas dans ces pages : les subsides. Que ce soit sous forme d avances récupérables, de subsides en capital ou d intervention dans des projets ou investissements bien précis, il est fortement conseillé d étudier au préalable la disponibilité de telles aides, car elles constituent une source importante de liquidité pour toute entreprise. La grande diversité des subsides disponibles (au niveau local, régional, fédéral et européen) nous ferait toutefois sortir du cadre que nous nous sommes fixé pour cette brochure. 2 À CHAQUE MOMENT SON FINANCEMENT Il est important de définir une stratégie de financement comme on définirait une stratégie d investissement. Chaque véhicule de financement doit être étudié et placé dans le contexte adéquat. Ainsi, on jugera de la pertinence du financement en fonction du type FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 13
d investissement qu il supporte. Quelques grands principes sont à respecter : financer un investissement à long terme avec des fonds de long terme ; payer un prix juste en fonction du risque, de la stratégie choisie et de la liberté de décision ; moins un financement sera garanti, plus il sera cher. Mais le problème est plus complexe que cela. Ainsi, cas classique et fréquent, une banque sera particulièrement frileuse à accorder sans l appui des actionnaires ou d autres tiers d importants financements à une starter qui souhaite, par exemple, investir dans un nouvel outil industriel. Il faudra donc aussi arbitrer ses choix de mode de financement en fonction du cycle de vie de la société et de la phase spécifique dans laquelle elle se trouve. Une entreprise passe par différentes phases au cours de son cycle de vie : Seed and start up stage : cette phase inclut les activités de développement et de lancement, et trouve sa place avant la commercialisation proprement dite. Au cours de cette phase, l entreprise s occupe principalement de travaux de recherche et développement (R&D), de prototypage, Early growth/bird stage : c est la période de première commercialisation qui représente souvent peu de volume et de chiffre d affaires, mais permet de vérifier la crédibilité d un projet. Fast growth stage : cette phase correspond au développement à grande échelle et à la commercialisation des produits de l entreprise. Maturity stage : la phase de reconnaissance pour une entreprise qui devient et reste leader de son marché. * 3 F : Familly, Friends & Fools, c est-à-dire le cercle proche de l entrepreneur. 14 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES
Le schéma ci-dessous illustre les sources de financement disponibles en fonction du cycle de vie de l entreprise. À chaque phase, les modes de financement accessibles varient. En début de cycle, les investissements en capitaux seront plus importants. Par ailleurs, les intervenants seront également plus nombreux (famille, fonds privés, fonds publics, subsides, ) et la combinaison de plusieurs véhicules de financement est habituelle. L objectif est de tendre vers un financement bancaire maîtrisé, c est-à-dire un financement qui permette à la société de maintenir sa solvabilité au-dessus de 20% minimum avec un coût de financement minimal. En effet, le financement par la dette bancaire (dette senior) reste toujours moins onéreux qu un financement en capital, pour lequel l investisseur attendra un rendement substantiel afin de couvrir son risque. 3 À CHAQUE PROJET SON FINANCEMENT Dans chaque situation, l entreprise devra rechercher le type de crédit le mieux adapté à son besoin de financement. Un investissement à long terme requiert un autre type de financement qu un problème temporaire de cash-flow lié, par exemple, à l exercice d une activité saisonnière. Et les banques ne seront peut-être pas disposées à aider une entreprise à se constituer un trésor de guerre pour procéder à des acquisitions stratégiques, alors que l émission d une obligation est une bonne solution dans ce contexte. Les prochains chapitres de cette brochure aborderont tour à tour les différentes formes de financement. Cet objectif sera atteint quand la société aura démontré sa solidité et sa crédibilité. Autrement dit, au moment où la banque croira en son projet. FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 15
CASE THROMBOGENICS ThromboGenics LA BOURSE, VECTEUR DE CONFIANCE Alors que les revenus d un brevet en cours étaient en chute libre, ThromboGenics est entrée en bourse en 2006 pour mobiliser du capital en faveur de la recherche sur son nouveau médicament phare. Face à l imprévisibilité du climat boursier, la société de biotechnologie reste fidèle à son adage : Underpromise and overdeliver. Cette stratégie dispose favorablement les actionnaires et assure la confiance vitale du marché. Fin 2012, ThromboGenics a reçu le feu vert de la Food and Drug Administration des États-Unis pour lancer son nouveau médicament pour les yeux, Jetrea. Après dix ans de recherches qui ont coûté plus de 100 millions EUR, l entreprise biopharmaceutique ne dépend aujourd hui plus d un financement externe, mais peut, grâce à la vente du médicament vedette, puiser dans ses propres profits. ThromboGenics est l exemple type d une entreprise qui a su profiter au maximum de son introduction en bourse. Depuis notre entrée en bourse, nous sommes parvenus, en 4 augmentations de capital, à lever 214 millions EUR de cash auprès d investisseurs, déclare Chris Buyse, CFO. Nous n avons jamais émis plus de 10% d actions de notre capital autorisé. Au-delà, cela s avère compliqué et coûteux pour la société. Nous avons émis quatre fois de suite de nouvelles actions avec un cours en hausse et sans réduction. Par respect pour les petits actionnaires privés. CHOISIR LA BONNE OUVERTURE DE FAÇON PROACTIVE En sept ans, la valeur de l action a quintuplé, pour atteindre environ 40 EUR. Tout cela par les propres moyens de l entreprise, au contraire de nombreuses sociétés de biotechnologie qui optent traditionnellement pour une collaboration avec un géant pharmaceutique économiquement fort. Le tout est de choisir la bonne ouverture de façon proactive, déclare Chris Buyse. Nul ne contrôle le climat boursier, mais celui qui attend les ennuis pour chercher de l argent risque de devoir consentir des réductions trop importantes. Au préjudice des actionnaires. Mon conseil aux entreprises à forte intensité de capital : mettez de l argent de côté quand vous le pouvez, même si ce capital 16 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES
L INTÉRÊT GRANDISSANT DES INVESTISSEURS Durant son parcours en bourse, ThromboGenics a réalisé toutes ses promesses. Mieux vaut donner sans promettre que promettre sans tenir, dit le proverbe. C est ainsi qu on gagne la confiance du marché et de ses investisseurs. Et l intérêt continue de croître. Lorsque notre valeur boursière a dépassé le demimilliard EUR, les grands fonds d investissement se sont montrés plus intéressés. Ne pas promettre trop, mais dépasser à chaque fois les attentes du marché THROMBOGENICS EST AUJOURD HUI LA PLUS GRANDE SOCIÉTÉ DE BIOTECHNOLOGIE SUR EURONEXT, BEL20. supplémentaire ne vous est pas nécessaire demain. Maintenant que nous commercialisons Jetrea, les investisseurs d Europe et des États-Unis en quête de sociétés de biotechnologie présentant moins de risques frappent également à notre porte. Le petit actionnaire privé n est-il pas exclu lors de telles transactions? Certes, mais on atténue cela en augmentant notre capital à des prix qui correspondent de près au cours de clôture. Et nous essayons de faire recoter nos actions en fin de journée pour que les actionnaires non institutionnels aient l occasion de souscrire aux mêmes conditions. FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 17
02 Les facteurs déterminants d une structure financière idéale
La conjoncture actuelle représente un défi de taille pour les entreprises. Les dispensateurs de capital ont des attentes toujours plus grandes, tandis que nombre d entreprises éprouvent toutes les peines du monde à se constituer un fonds de roulement. Les éléments fondamentaux d une bonne structure de financement sont néanmoins restés les mêmes au cours des années. Une entreprise doit tendre vers un équilibre entre, d une part, la structure de ses actifs en ce qui concerne tant leur taille que leur durée de vie et sa structure financière d autre part. Il est donc essentiel de disposer d une bonne connaissance des principes comptables et des règles qui sous-tendent l élaboration des états financiers. Financez vos projets à long terme par des ressources à long terme Un dispensateur de crédits représente généralement ces états financiers comme suit : 1 LIRE ET INTERPRÉTER LES CHIFFRES 1.1. La règle d or du bilan Le baromètre économique est à l orage depuis quelque temps. Trouver des moyens de financement supplémentaires n est souvent pas gagné d avance. Un entrepreneur ambitieux sera donc bien avisé d examiner minutieusement ses états financiers. Il doit en effet s assurer qu il dispose d une capacité de remboursement suffisante en cas de difficulté et qu il dispose d une marge sur cette capacité. Pour décider de financer ou non une entreprise, le dispensateur de crédits se basera, outre sur des éléments qualitatifs (p. ex. qualité et notoriété du management), surtout sur des éléments quantitatifs. Les comptes annuels et les budgets occupent une place importante à cet égard. Le bilan se subdivise donc en quatre grands blocs. La règle d or du bilan pour une structure financière idéale implique que les actifs immobilisés durables (p. ex. un bâtiment) doivent être financés par des fonds propres ou par des fonds empruntés à long terme. Selon cette règle d or, les actifs circulants doivent être financés par des fonds empruntés à court terme. Une entreprise qui finance des opérations à long terme au moyen de crédits à court terme finira par se mettre elle-même en danger. En effet, elle fera face à des difficultés de paiement si certains créanciers à court terme (p. ex. les fournisseurs) ne sont pas disposés à renouveler leurs dettes. Parmi les sources de financement à long terme, il y a le capital (via la bourse ou le FINANCEMENT DES ENTREPRISES FEB 19
capital-risque), les obligations d entreprise, le financement intragroupe, les crédits d investissement ou encore les contrats de leasing. Dans la famille des moyens de financement à court terme, on retrouve les crédits fournisseurs, les crédits de caisse, les crédits d escompte et les crédits à l exportation. Lors de l analyse de comptes annuels, il faut être conscient des limites auxquelles sont soumises les données comptables. Ainsi, les éléments de l actif, dans le droit comptable, sont généralement évalués à leur valeur d acquisition. Cependant, un bailleur de fonds attachera plus d importance à la valeur réelle (incluant les plus ou moins-values éventuelles) qu à la valeur d acquisition initiale d un actif. C est pour cette raison qu il faut, en lisant le bilan, déduire les actifs immobilisés incorporels des fonds propres et évaluer les participations dans d autres entreprises à leur juste valeur. Il est conseillé, dans cette optique, de réaliser un rapport d expertise pour un vieux terrain ou un bâtiment vétuste afin d obtenir un financement externe supplémentaire. Le cash-flow (flux de trésorerie) d une entreprise, sur une période donnée, s obtient en corrigeant le résultat net comptable des charges non décaissées et produits non encaissés. L inconvénient du cash-flow en tant que chiffre est qu il ne représente qu un cliché instantané des liquidités, ce qui, en soi, ne dit pas grand-chose sur la situation de l entreprise. En effet, un compte bancaire bien garni à la date du bilan n offre aucune certitude que les capitaux ne partiront pas vers les fournisseurs ou autres créanciers dans les jours qui suivent. Une analyse du cash-flow est plus révélatrice. Celle-ci se concentre sur les sources et l utilisation des fonds d une entreprise et permet d observer l évolution de ces fonds entre deux moments consécutifs. Dans l exemple ci-dessous, la situation bancaire d une entreprise évolue entre N-1 (10.000) et N (14.500). L analyse du cash-flow offre un aperçu de l évolution des fonds dans l entreprise entre ces deux moments. 1.2. Monde de la comptabilité versus monde du cash Là où le compte de résultat constitue, conformément aux principes comptables, un reflet des profits diminués des coûts (= bénéfice ou perte), le bailleur de fonds prêtera plutôt attention aux flux de trésorerie. Ce qui fausse la situation, ce sont les amortissements, et par extension, tous les coûts qui ne génèrent pas de décaissements ou les bénéfices qui n alimentent pas la banque. Le bailleur de fonds ne s attarde pas vraiment sur l étalement annuel du coût d un investissement, mais plutôt sur la mesure dans laquelle les investissements ont été payés avec les fonds propres et sur les investissements pour lesquels des dettes sont toujours impayées. 20 FEB FINANCEMENT DES ENTREPRISES