Soutien médical : les services de santé des armées face aux SMP



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Transcription:

Soutien médical : les services de santé des armées face aux SMP Philippe Chapleau Journaliste spécialisé dans les questions de défense et de politique étrangère au sein du service politique de Ouest-France. Auteur de Mercenaires SA (1998), Sociétés militaires privées. Enquête sur les soldats sans armées (2005) et Les Mercenaires. De l antiquité à nos jours (2006). Ses recherches portent sur l externalisation en matière de défense et sur les sociétés militaires privées. également auteur de Enfantssoldats. Victimes ou criminels de guerre (2007) et Des enfants dans la Résistance (2008). Lutte contre la piraterie, maintien de la paix, cyberguerre : les domaines dans lesquels les sociétés militaires privées (SMP) souhaitent s impliquer, voire s imposer, sont assez nombreux. La santé constitue un autre créneau dans lequel les prestataires de services militaires tentent de se positionner. Soutien médical des troupes, soutien psychologique, formation des personnels militaires, gestion de cliniques projetées sur des théâtres d opérations extérieures, évacuations sanitaires : les prestations proposées sont de plus en plus variées. Les preuves de cet intérêt et de cette implication grandissante ne manquent pas. Il suffit de consulter les offres d emplois sur les sites spécialisés anglo-saxons. Au printemps 2009, plusieurs recrutements de paramedics, de PSS/medic et d emergency medical technicians (EMT) étaient en cours, en vue de déploiements OCONUS (outside continental US) en Irak, Koweït et Afghanistan. Un autre recrutement concernait des médecins généralistes et des infirmiers pour un mobile medical training team en cours de déploiement en Afrique du Sud dans le cadre du programme américain d assistance militaire ACOTA (African Contingency Operations Training and Assistance). Les recruteurs étaient, pour certains, bien connus dans le milieu des SMP : DynCorp, SOC-SMG, CHS International. Autre indice de cet intérêt grandissant : les créations d entreprises spécialisées ou de Sécurité globale Automne 2009

Philippe Chapleau 2 filiales. Ainsi, depuis 2000, sont apparues des sociétés comme Medical Support Solutions, Remote Medical Support, Anodyne Services Australia, Aspen Medical Ainsi encore, Comprehensive Health Services (CHS) a été fondée en 1975 mais le développement de CHS International (et de ses propres filiales en Amérique latine et au Moyen-Orient) date des années 2000. Enfin, plusieurs incidents ont mis en lumière le rôle crucial de certaines de ces sociétés. L un des plus récents et des plus médiatisés concerne la tentative d assassinat du président du Timor oriental, Jose Ramos Horta. Le 11 février 2008, touché par trois balles, il a été évacué par un hélicoptère Blackhawk de l armée australienne. Mais les urgentistes et le personnel hospitalier qui lui ont sauvé la vie appartenaient à la société Aspen Medical, sous contrat avec le ministère australien de la Défense. Recrutement et fidélisation : le casse-tête L externalisation de la médecine militaire reste encore un phénomène méconnu. Mais elle touche un domaine essentiel, non seulement pour les armées en campagne, mais également pour les garnisons métropolitaines. Les facteurs qui la déterminent sont au nombre de trois. D abord, les sociétés militaires privées qui opèrent en milieu hostile ne doivent compter que sur leurs propres ressources : véhicules, aéronefs, transmissions, armement. Il en est de même pour le soutien médical. En Irak, d une part, la violence des embuscades et la menace constante des IED (responsables de plus de 60 % des pertes des PSD, personnal security details), d autre part, la difficulté d obtenir un soutien rapide de la part des forces de la coalition, obligeaient les sociétés de sécurité à se doter d un embryon de «service de santé». D où les recrutements ponctuels, dès 2003, de personnel idoine par des sociétés spécialisées dans la protection, comme Blackwater, DynCorp, Reed Inc., Armorgroup ou Triple Canopy. Leurs équipes de PSD ont rapidement intégré des paramedics issus des forces spéciales, en particulier des Special Forces Medical Sergeants (18D) ou des Navy Seal Operations Independent Duty Corpsmen (SOIDC). Cette tendance a été confirmée en Afghanistan. Par ailleurs, les sociétés qui proposent du Total Base Support doivent aussi fournir des services sanitaires et médicaux. Agility Logistics, par exemple, inclut dans ses prestations ce type de soutien, ainsi qu un service d évacuations sanitaires. Ensuite, et plus largement, l ajout de prestations médicales au catalogue des services fournis par une SMP s inscrit dans un volet «humanitaire», au même titre que le déminage dont la valeur ajoutée, en termes d image et de notoriété, peut s avérer extrêmement bénéfique. Effectivement, déminage humanitaire et médecine ne sont pas aussi négativement connotés que la protection rapprochée ou la sécurité des sites. Le démineur, le médecin et l infirmier évoluent certes dans un environnement de combat mais la nature de leur mission les fait percevoir beaucoup plus positivement que l agent de sécurité en gilet tactique, arme au poing, à l air farouche. À cet égard, il est intéressant de noter que de

Soutien médical : les services de santé des armées face aux SMP nombreuses SMP proposent de vagues «services humanitaires», sortes de cautions morales qui gomment les aspects les plus agressifs de leurs brochures. Enfin, et ce dernier facteur est certainement le plus décisif, la difficulté des armées nationales à recruter et à fidéliser leur personnel de santé est indiscutable. Aucune armée occidentale n est épargnée par ce problème. En France, le service de santé des armées fait face «à une sous-réalisation chronique de ses effectifs en raison des difficultés de recrutement et de fidélisation», selon un rapport parlementaire du 14 janvier 2009 1. Selon ce texte, «le corps des médecins des armées a connu jusqu en 2007 un important sous-effectif de 246 médecins au 31 décembre 2007, soit près de 11 % par rapport à la cible LPM 2003-2008. En 2008, l objectif s élève à 2 237 pour un effectif réalisé de 1 943 médecins au 30 juin, soit un sous-effectif de 294. Pour y faire face, le service a initié des recrutements complémentaires de médecins ayant soutenu leur thèse, avec des résultats mitigés. L accélération des départs constatés ces dernières années et la difficulté de procéder à un recrutement complémentaire s expliquent en grande partie par la forte attractivité du secteur civil (privé et public), notamment pour les spécialités sensibles (radiologue, urgentiste, anesthésiste réanimateur ). À titre d exemple, plus de 40 radiologues ont quitté le service ces cinq dernières années. S agissant des MITHA (militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées), le recrutement d infirmiers diplômés d État reste une préoccupation constante de la direction centrale 2». Ce rapport français révèle des difficultés déjà expérimentées par les armées anglosaxonnes. En mai 2008, H. W. Jung, le directeur du service de santé de l armée canadienne, reconnaissait dans le Canadian Medical Association Journal, que «les forces canadiennes étaient à court de généralistes et devaient recruter de façon agressive 3». Il répondait à une série d articles et de courriers de lecteurs parus dans cette revue qui confirmaient la pénurie de candidats (l un des intervenants parlait de critical need 4 ) et le manque d urgentistes au sein des troupes déployées en Afghanistan. Jung révélait aussi que l armée canadienne ne disposait plus de services d urgences sur le territoire national. Au Royaume-Uni, la situation est tout aussi critique. Le Mail on Sunday révélait dans son édition du 27 juillet 2008, que le sous-effectif des Defence Medical Services (DMS) était estimé à 900 personnes (généralistes, spécialistes ) dont 733 pour l armée de terre et 174 pour la RAF. 676 membres du DMS étaient, en outre, inaptes au service en opération extérieure. «Ce problème a été ignoré, accusait alors Liam Fox, un député d opposition, et on n a rien fait pour éviter une crise.» Dire que rien n a été fait est partiellement vrai. Prétendre que le problème a été ignoré est faux. Dès avril 2000, le Parlement britannique reconnaissait «de sérieux problèmes de sous-effectifs au sein du DMS», problèmes intensifiés par de «nombreux départs volontaires en préretraite» et par d importantes disparités salariales au sein même du secteur public (un généraliste du NHS, le National Health Service, gagnait annuellement 10 000 livres de plus que son collègue militaire). 3

Philippe Chapleau 4 Pour inciter les jeunes médecins à s engager, des primes ont été instituées. Ces golden hellos s élevaient à 50 000 livres! Au cours de l année qui a suivi (2003), onze recrutements de spécialistes ont été enregistrés, contre deux seulement pour l année qui avait précédé l instauration de cette prime. Pour autant, les résultats n ont pas été à la hauteur des espérances du MoD (Ministry of Defense, le ministère britannique de la Défense). Si bien que le gouvernement reconnaissait en mars 2008 une «sérieuse pénurie» en dépit des golden hellos toujours proposés. Des états des lieux identiques pourraient être dressés aux États-Unis ou en Australie, pays où l on a aussi assisté à l avènement de sociétés militaires privées spécialisées dans le soutien médical. C est là que se situe la différence avec la France (où le problème n a certes pas encore atteint une gravité comparable à celle du Royaume- Uni) : ces États ont choisi de faire face à la pénurie en externalisant une partie de leurs services de santé. Des pratiques et des praticiens Selon les pays, les prestations demandées peuvent être différentes mais, au final, les lignes de force sont assez identiques. Elles s articulent autour du soutien en métropole, du soutien sur les théâtres d opérations extérieures et de la formation. Le soutien des garnisons C est l option retenue par le Canada. Le 14 mars 2001, le gouvernement a chargé une société privée de «fournir des professionnels de la santé aux services de santé des forces armées canadiennes». Ce premier contrat d une valeur de 92 millions de dollars a été attribué à Med-Emerg International Inc. (acheté en janvier 2009 par AIM Health Group) Cette société de l Ontario devait déployer sur le territoire national 492 professionnels : généralistes, dentistes, physiothérapeutes, infirmières. En 2004, le DND (Department of National Defence) a attribué ce contrat à une autre société : Calian Technology Ltd, déjà fournisseur de services du DND (dans le domaine de la simulation en particulier). La valeur de ce Health Service Support Contract d une durée de cinq ans (avec une option pour cinq années supplémentaires) était estimée à 400 millions de dollars. Calian a créé un bureau de gestion central et deux antennes régionales pour superviser son action sur 36 bases militaires métropolitaines. La liste des professionnels déployés était quasiment identique, des psychologues y étant ajoutés. Le soutien des troupes en Opex (opérations extérieures) Plusieurs sociétés proposent des services sur les théâtres d opérations extérieures. La guerre en Irak a ainsi permis à CHS International (filiale de Comprehensive Health Services) de déployer du personnel médical en Irak, en Afghanistan et au Koweït. MCPS (Mission Critical Psychological Services), fondée par un ancien cadre de DynCorp, s est spécialisée dans le soutien psychologique des combattants et des populations civiles traumatisées, ainsi que dans le traitement des PTSD (posttraumatic

Soutien médical : les services de santé des armées face aux SMP stress disorder). Medical Support Solutions, une société britannique membre de l IPOA (International Peace Operations Association), est intervenue au Liberia, au Soudan et au Darfour pour le compte de l Union africaine et de l Onu. Les Canadiens d AIM ont déployé du personnel médical en Irak auprès d une vingtaine d équipes de démineurs (EOD Teams). Des sociétés australiennes sont également présentes dans ce créneau. Fondée en 2003 à Canberra (Australie), Aspen Medical est une petite structure (160 salariés permanents) spécialisée dans la fourniture de services médicaux en zones à risques. Depuis juin 2004, elle travaille pour les Australian Defence Force (ADF), en particulier en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique. Aspen est ainsi intervenue dans les îles Solomon en juin 2004, fournissant un hôpital de campagne et son personnel dans le cadre d un contrat de dix-huit mois (renouvelable pour une durée maximum de huit ans). C était la première fois que l ADF externalisait son soutien médical. Depuis, Aspen est intervenue au Timor oriental à partir de 2006 et dans les îles Karibati en 2007 (soutien médical et évacuations médicales aériennes). Sur le territoire national, Aspen travaille avec le ministère de la Défense (gestion des services de santé du terrain de manœuvre des unités mécanisées de Puckapunyal), pour les services de police, pour les douanes. La société a été nommée, en février 2009, à la première place du palmarès annuel de l Australian Defence Magazine, dans la catégorie PME. Elle se classe 24 e dans la liste des Top 40 Defence contractors. Dans l étroit marché australien, le nombre de sociétés militaires privées spécialisées dans la santé est en fait réduit à deux. Outre Aspen Medical, il faut citer Anodyne Services Australia créée en 2004 à Brisbane. Anodyne a déployé des équipes en Afghanistan, au Soudan, en Papouasie. Elle a aussi effectué des audits sanitaires et médicaux dans plusieurs pays du Moyen- Orient, d Afrique et d Asie. Enfin, une partie de son activité est centrée autour de la formation, «spécialement pour les forces armées», précise son cofondateur, Ronald Ti. Anodyne a en effet entraîné des équipes de PSD en Irak, des infirmiers militaires jordaniens et initié des soldats irakiens aux premiers secours. La formation La formation est une niche particulièrement prometteuse. Et la multiplication des centres de formation le confirme. Parmi eux, citons Remote Medical International, une société américaine qui a préparé des unités de l US Army avant leur déploiement en Afghanistan, pays où cette société a aussi mis en place une clinique, ou Prometheus Medical Ltd (GB) qui a formé des personnels du MoD, des forces de police, de sociétés de sécurité, des gardes-côtes, etc. Certains de ces centres ont une approche résolument militaire. C est le cas de Deployment Medecine International, une société américaine membre de la Warrior Training Alliance dirigée par Raytheon, ou de Tactical Medics International, une société de Floride spécialisée dans le Tactical Combat Casualty Care, et dont les formateurs sont également projetables pour des opérations de soutien CONUS et 5

Philippe Chapleau 6 OCONUS. Un des centres les plus connus est situé dans le camp d entraînement du Palm Springs Police Department. Il s agit de l International School of Tactical Medecine qui forme des EMT (emergency medical technicians) pour les Swats, l armée de terre, l Air Force et la Navy, ainsi que des contractors du DoD et du Department of State (comme Triple Canopy), des membres de services de police européens ou africains ou de services de santé des armées (luxembourgeois, par exemple). Dans cet inventaire, somme toute sommaire, méritent aussi de figurer plusieurs sociétés qui évoluent dans des niches. Il existe ainsi quelques petites structures spécialisées dans le recrutement et le placement de personnel médical (staffing) en zones à risques. Ces entreprises font également du conseil et des audits. C est le cas de Remote Medical Support (GB), de Global Medecine Consultants llc (USA) ou encore de Medical Support Solutions (GB). D autres sociétés assurent des évacuations sanitaires (évasan) pour des clients privés, membres d ONG ou d entreprises déployées dans des zones sensibles. Parmi elles, citons Guardian Medevac, puisque cette société australienne opère en Afghanistan. Quelles perspectives? Le développement de l externalisation en matière de santé va s accélérer si les coupes claires dans les effectifs militaires se poursuivent et si la fonction «soutien» est résolument confiée au secteur privé. Par ailleurs, le sous-effectif constaté dans les services de santé des forces d active (et que le recours aux médecins réservistes ne parvient pas à compenser) devrait s intensifier en raison de la faible attractivité d une carrière médicale au sein des armées. Globalement, la consolidation du secteur médical au sein de l industrie des services militaires privés va se poursuivre. Dans le cas de la France, la situation semble plus stable puisque le service de santé des armées continue de fonctionner raisonnablement bien, avec 16 000 membres (10 400 militaires et 5 590 civils), neuf hôpitaux et quatre écoles. Si ses moyens devenaient insuffisants, le Livre blanc sur la défense et la sécurité de 2008 estime que «dans l urgence la capacité du service peut être accrue en sollicitant la réserve opérationnelle. En cas de montée en puissance des risques, la ressource en praticiens sera accrue en augmentant le seuil des recrutements en formation initiale» (chap. XII, p. 218). Or, ce n est pas dans l urgence que l on formera des professionnels, pas plus que l on ne saura attirer des réservistes (en particulier des chirurgiens et autres spécialistes) si l attractivité n est pas plus grande (la question des assurances et des compensations en cas de blessure ou d accident en service est un point épineux). Il semblerait donc judicieux d étudier des partenariats avec le secteur médical privé de façon à libérer davantage de personnel pour les opérations en théâtre extérieur.

Soutien médical : les services de santé des armées face aux SMP Notes 1. Programation militaire 2003-2008 : une exécution sous contrainte, rapport d information n 1378, rédigé par les députés Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion, p. 13. 2. Ibid., p. 14. 3. Canadian Medical Association Journal (CMAJ), n 176 (10), 2007, p. 1459. 4. McLauclin P. Afghanistan war poses unique challenges for military MDs, CMAJ, n 175 (11), 2006, p. 1357. Résumé Parmi les nouveaux services offerts par les sociétés militaires privées, le soutien médical au profit des forces armées et des sociétés de sécurité constitue une niche méconnue. Pourtant, depuis le début des années 2000, des sociétés spécialisées se sont positionnées dans ce créneau à forte connotation humanitaire. Quels sont les facteurs qui motivent le recours à de tels prestataires? Quels sont les services offerts? Quelle est la situation en France où le service de santé des armées tient encore tout son rôle, même s il est confronté aux mêmes difficultés que ses homologues anglo-saxons? Abstract Among their new but less known services, private military corporations offer medical support to armed forces and security companies. In fact, specialised companies have been providing health services and operational healthcare for the last ten years. Why should Defense forces and private security organisations require outsourced healthcare? What services are delivered? What is the situation in France where the Defense Medical Services, though facing understaffing, is able to perform its duties? 7