Seule la parole fait foi DISCOURS PRONONCE PAR MONSIEUR ETIENNE SCHNEIDER, MINISTRE DE L ECONOMIE ET DU COMMERCE EXTERIEUR A L OCCASION DE LA 5 ème EDITION DE LA JOURNEE LUXEMBOURGEOISE DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE Luxembourg, le 26 avril 2012 Philharmonie, Luxembourg
Mesdames, Messieurs, J ai le plaisir d inaugurer la 5 ème édition de la Journée luxembourgeoise de la propriété intellectuelle également connue sous l intitulé IP Day in Luxembourg et il me revient donc de vous adresser quelques réflexions au sujet de cette thématique à laquelle j accorde la plus grande importance. Permettez-moi avant tout de remercier les orateurs présents aujourd hui. Mes remerciements vont également aux exposants que j ai pu rencontrer il y a quelques minutes. Ceux-ci se tiennent à votre disposition et à celle du public afin de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir sur la propriété intellectuelle. N hésitez-donc pas à les solliciter. L intitulé de la conférence retenu cette année est sans équivoque : la propriété intellectuelle doit en effet être considérée comme un enjeu économique de première importance pour le Luxembourg. Une économie moderne, fondée sur l innovation, doit pouvoir s appuyer sur un système de propriété intellectuelle efficace. Efficace en ce sens que la propriété intellectuelle offre une panoplie d outils qui permettent de protéger et de valoriser les résultats des activités de recherche et développement des entreprises innovantes. La propriété intellectuelle favorise ainsi le développement économique des entreprises et renforce leur position concurrentielle sur le marché. Il en découle qu il est prioritaire d encourager les entreprises à intégrer la propriété intellectuelle dans leurs stratégies de recherche et de développement et d innovation afin que ces efforts se soldent par des avantages compétitifs qui puissent, in fine, bénéficier à l économie luxembourgeoise. Le Gouvernement luxembourgeois en est conscient et a par ailleurs inscrit plusieurs points relatifs à la propriété intellectuelle dans son programme pour la période 2009 2014. Certaines mesures ont été réalisées et portent déjà leurs fruits. D autres restent à réaliser et j entends y apporter les réponses adéquates. Des mesures déjà réalisées retenons d abord le cadre fiscal favorable aux entreprises grâce à l article 50bis de la loi concernant l impôt sur le revenu. Cette réforme instaure une réduction partielle des revenus nets positifs dégagés par les droits de propriété industrielle ainsi que par les droits d auteur. Dans ce même ordre d idées, la loi sur la promotion de la RDI dans le secteur privé prévoit un régime d aides d Etat spécifiques. Celui-ci couvre notamment les coûts liés à la protection de la propriété intellectuelle, qu il s agisse des frais liés aux procédures, aux frais de consultance, de conseil ou encore de recherche d antériorité. Le chemin fut long et ardu pour arriver à la conclusion du contrat entre l Etat et Luxorr. En tant que société de gestion collective, Luxorr autorise les utilisateurs publics et privés à reproduire et à diffuser de façon légale, par copie papier ou par scanning, des textes ou des images à partir de livres, de
journaux, de magazines et de sites internet. L Etat, par l intermédiaire de ses administrations, réalise quotidiennement des reproductions par reprographie ou numérisation. Cette autorisation concerne approximativement 55 000 utilisateurs. A ma connaissance, le Luxembourg est le premier pays de l Union européenne à régulariser cette situation et montre ainsi l exemple à suivre dans ce domaine. La situation antérieure n était pas le signal adéquat envers l industrie culturelle et le public! Il ne peut en effet y avoir deux approches contradictoires dans ce domaine bien spécifique que représentent les droits d auteur. Une première qui consisterait à vouloir attirer à Luxembourg des entreprises actives dans les contenus créatifs, qu il s agisse de gaming, de musique, de vidéos, de films. Et une seconde qui affranchirait les administrations gouvernementales du respect le plus élémentaire des droits d auteur. Des actions de sensibilisation sont organisées à intervalles réguliers et c est ainsi que le cycle des «Mardis de la PI» s est clôturé fin mars en ayant enregistré une affluence record puisque 500 participants y ont en effet pris part. Ceci tend à montrer que le volet sensibilisation et formation répond à une demande croissante des entreprises et du public en général. La propriété intellectuelle trouvera encore un prolongement à la Luxembourg School of Commerce au cours du 2 ème semestre 2012 puisque quatre thématiques y seront développées plus spécifiquement. D autres sujets intéressant plus particulièrement le Luxembourg seront développés au cours de cet après-midi. Le premier concerne la gestion de la propriété intellectuelle lors de la création de jeu vidéo. Vous n êtes pas sans savoir que plusieurs sociétés actives dans ce domaine ont choisi le Luxembourg pour s établir et il va de soi que cette matière les intéresse au plus haut point. D une manière plus générale, il faut mettre en évidence le formidable potentiel de croissance des industries culturelles et créatives. Les copyright industries contribuent pour une part très significative à l emploi et représentent une part importante du PIB comme le montre une étude publiée récemment par l Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. L éducation joue un rôle fondamental pour apprendre aux jeunes à se doter de nouvelles qualifications et à développer leur créativité. C est pourquoi je constate avec satisfaction que l Office de la propriété intellectuelle est associé depuis plusieurs années maintenant aux Journées du livre et du droit d auteur en se rendant dans des lycées afin de sensibiliser les jeunes au respect de la création. Une Europe qui se veut plus verte doit s appuyer sur le système des brevets et plus précisément sur la diffusion des informations techniques contenues dans les bases de données brevets. Vous êtes conscients des enjeux auxquels le Luxembourg est confronté pour atteindre les objectifs européens d ici 2020. Une partie très importante du programme national de réforme du Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre de la stratégie Europe 2020 est d ailleurs consacrée au chapitre «changement climatique et énergie» qui vise une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990.
Le Luxembourg est le seul Etat membre à soutenir massivement la Présidence danoise du Conseil de l Union européenne dans ses efforts de faire adopter une directive sur l efficience énergétique. Si ce dossier ne devait pas aboutir, je me suis engagé pour une augmentation de notre efficacité énergétique à hauteur de 1,5 % par an. Je compte sur les moyens de la propriété intellectuelle pour mettre en œuvre cette stratégie. Pour en rester aux brevets, et plus précisément au dossier concernant la protection par brevet unitaire, inutile de revenir sur le fait que cette réforme est cruciale pour la compétitivité et la croissance européenne. La mise en place du brevet unitaire, discutée depuis des années, vise en effet à améliorer la compétitivité des entreprises européennes par rapport à leurs concurrentes américaines ou japonaises en réduisant le coût du brevet à hauteur de 80 % et en minimisant les contentieux juridiques liés aux différentes lois nationales sur les brevets. J entends que le Conseil européen s est engagé à résoudre le dernier problème, celui du siège de la juridiction unique avant la fin juin de cette année et j ose espérer que cette échéance ne sera pas reportée. Enfin, Mesdames et Messieurs, il n a jamais été autant question de propriété intellectuelle et de contrefaçon que ces dernières semaines. La raison, ou la cause, c est selon, en revient en grande partie au Traité international de lutte contre la contrefaçon mieux connu sous l acronyme ACTA. Ce texte est destiné à lutter contre la contrefaçon de manière très large puisqu il concerne à la fois toutes les marchandises et le téléchargement illégal sur Internet. ACTA vise ainsi à améliorer les standards internationaux pour mener des actions contre les atteintes à grande échelle au droit de la propriété intellectuelle. Ceci rejoint un des points inscrits dans le programme gouvernemental 2009-2014 puisque le Luxembourg entend renforcer la lutte contre la contrefaçon. Ce sujet suscite beaucoup d interrogations de la part de la société civile, notamment, et je m en réjouis car de tels débats sont de nature à encourager les échanges entre les parties concernées. En quoi consiste exactement cet accord? Cet accord est-il de nature à protéger les auteurs et les internautes? Cet accord est-il vraiment d un intérêt crucial pour la défense des droits de propriété intellectuelle? L équilibre entre les trois droits fondamentaux, à savoir la liberté d expression et l accès à l information, la protection de la vie privée et le droit de propriété est-il menacé? Le Luxembourg entend-il ratifier cet accord? Comment mettre en œuvre cet accord? J ai eu l occasion de préciser la position du Gouvernement le 1 er mars dernier lors d une réunion en commission conjointe à la Chambre des Députés. Le gouvernement se félicite du fait que l'accord ACTA ne va pas au-delà de l acquis juridique actuel de l Union européenne, ainsi un abandon du projet ACTA n aurait pas d influence directe sur notre législation, mais il ne faut pas perdre de vue que ACTA aurait pu avoir des effets bénéfiques sur l économie européenne qui perd chaque année 250 milliards d euros à cause de la contrefaçon. S il est vrai que, dans ses dispositions optionnelles, et j insiste sur le terme «optionnelles», ACTA contient un certain nombre de mesures de lutte contre la contrefaçon qui n existent pas dans la
législation communautaire ou luxembourgeoise et le gouvernement n'apportera aucun changement à la législation nationale actuelle. Je veux être très clair sur ce point : le Luxembourg n entend pas mettre en place un quelconque système qui s apparenterait au principe de la «réponse graduée» visant à sanctionner les utilisateurs coupables d infraction à la législation comme c est le cas en France ou au Royaume-Uni. Concernant donc en particulier le téléchargement illégal, le gouvernement n'adoptera pas de mesures répressives allant au-delà des dispositions déjà en vigueur. A ce sujet, je tiens également à clarifier encore une fois que le téléchargement illégal est bien entendu réprimé au Luxembourg, contrairement à ce qui est régulièrement diffusé de manière erronée dans la presse. Il est faux d affirmer qu aucune loi n interdit le téléchargement de contenu culturel de manière illicite. Néanmoins, la loi modifiée du 18 avril 2001 sur les droits d auteur, les droits voisins et bases de données (établit des sanctions pénales dans ses articles 82 à 86) stipule que des sanctions pénales seront seulement possibles lorsqu il s agit d un téléchargement fait de façon frauduleuse, méchante et intentionnelle. Je vous serais reconnaissant, Mesdames et Messieurs, de mettre à profit la session des questions réponses afin de clarifier les points litigieux que vous pourriez avoir sur la question. Le temps alloué à cette séance est conséquent et j espère un débat serein, constructif et factuel. La Journée luxembourgeoise de la propriété intellectuelle a été à l une ou l autre occasion avantgardiste voire un événement précurseur. J en veux pour preuve l édition de 2010 consacrée aux droits d auteur au cours de laquelle le concept Creative Commons avait été présenté. A l époque, le scepticisme prévalait chez beaucoup par rapport à ces licences et c est donc avec un intérêt tout particulier que j ai pris note que la Sacem France, en tant que société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, et Creative Commons ont conclu, en début d année, un accord qui permettra aux membres de la Sacem de développer la promotion de leurs œuvres dans un cadre non commercial. Je m en voudrais enfin de ne pas mentionner la Philharmonie, lieu symbolique s il en est dans le paysage culturel luxembourgeois, situé au carrefour de l Europe, qui cet après-midi réussit la gageure de faire le lien entre propriété intellectuelle, créativité, culture et innovation. Mesdames et Messieurs, j espère avoir balisé les sujets qui seront abordés cet après-midi. Vous l aurez sans aucun doute compris, la propriété intellectuelle n est pas une fin en soi. Il s agit assurément d une matière transversale et stratégique sur laquelle le gouvernement doit s appuyer pour définir et mettre en place sa politique économique, avant tout, mais également sa politique environnementale, culturelle ou encore sociale. Je cède la parole au Professeur Yves REBOUL qui aura la tâche d animer les débats qui vont suivre. Je le remercie chaleureusement de nous avoir rejoints depuis Strasbourg et vous souhaite, Mesdames et Messieurs, une journée luxembourgeoise instructive et enrichissante.