Compte-rendu Journée d étude. L accessibilité des sourds à la culture les musées. 5 décembre 2008 Université Lille 3



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Compte-rendu Journée d étude L accessibilité des sourds à la culture les musées 5 décembre 2008 Université Lille 3 1

Table des matières 1 Ouverture : la notion d'accès à la culture...3 2 État des lieux en région Nord-Pas de Calais...4 2.1 L'accès aux musées pour les sourds en Nord-Pas de Calais...4 2.2 Récit d'expérience en Région : les Beffrois de la culture et Beffrois du Louvre-Lens...5 3 Quelques dispositifs : l'interprète, le médiateur, le visioguide...6 3.1 Le rôle de l'interprète...6 3.2 La médiation scientifique en LSF pour le public sourd...7 3.3 Retour d'expérience sur la réalisation d'un visioguide LSF...8 4 La formation des conférenciers sourds...10 5 Présentation par l association Signes de sens : protocole de mise en accessibilité...11 6 Les échanges entre les conférenciers et le public...14 7 Coordonnées...15 2

1 Ouverture : la notion d'accès à la culture Pierre Delcambre, professeur à l UFR Art et Culture de l université Lille 3 Selon M. Delcambre, la question de l accès à la culture est plus vaste que celle de l accès aux lieux culturels. Cette thématique renvoie à l adaptation de ces lieux (accueil, visite, ) mais également à l appropriation des savoirs. Il ne faut pas que le visiteur devienne un usager, un consommateur. La question de l offre culturelle et de pratiques artistiques est essentielle. Faut-il organiser des visites spécifiques à un public ou des visites avec un public mêlé? Il est possible de tenter une socialisation collective mais il peut y avoir des expériences non accessibles à tous. L intervenant fait référence au guide pratique de l accessibilité, édité par le Ministère de la culture et de la communication (disponible sur le site internet de celui-ci). 3

2 État des lieux en région Nord-Pas de Calais 2.1 L'accès aux musées pour les sourds en Nord-Pas de Calais Françoise Casas, présidente de l'association «Trèfle» Françoise Casas est professeur de dessin au Centre d Education de Jeunes Sourds d Arras depuis 1985. En 1999, elle crée l association «Trèfle» basée à Arras. Cette association a deux objets : proposer des cours de langue des signes pour personnes entendantes, afin de faciliter et d encourager les rencontres sourds-entendants. Rendre accessible des activités culturelles aux personnes sourdes. Bref rappel du contexte historique de la culture sourde : 1880 : Le Congrès de Milan préconise l interdiction de la langue des signes, mesure qui sera appliquée en France et perdura pendant environ un siècle. 1976 : création de l IVT (International Visual Theatre). Ceci replace la culture sourde dans le domaine culturel. L association «Trèfle» propose l accessibilité pour les personnes sourdes dans les musées à travers l intervention de guides sourds. Ces guides se forment auprès du guide du musée avec l aide d un interprète. Ils peuvent également se baser sur des textes et les adapter à leur public. Le public sourd et le public entendant ont des besoins différents. Un entendant peut écouter le guide tout en contemplant un tableau. La personne sourde doit regarder successivement le guide ou l interprète et le tableau. Elle est plus sensible à ce qui est visuel, elle analyse davantage le tableau. Les visites sont donc plus longues. Un guide sourd connaît les spécificités des visiteurs sourds, l accompagne, ce qui permet à son public une ouverture sur les connaissances artistiques mais aussi sur l imaginaire et la création. Lors des Beffrois de la culture, les douze expositions proposées ont été adaptées avec un guide sourd, par l'association «Trèfle». Les associations «Trèfle» et Signes de sens sont désormais partenaires pour rendre les musées du Nord Pas de Calais accessibles au public sourd. 4

2.2 Récit d'expérience en Région : les Beffrois de la culture et Beffrois du Louvre-Lens Emmanuelle Cabille Beaumont, médiatrice culturelle à la direction de la Culture du Conseil Régional Nord-Pas de Calais Pour Mme Cabille Beaumont, le terme de «médiateur culturel» est préféré à celui de «guide». Le public est actif, c est un échange, non un simple guidage. Le projet des Beffrois de la culture a été initié en 2004 pour accompagner Lille 2004, capitale européenne de la culture. Des expositions gratuites ont été organisées dans des mairies. La volonté des responsables du projet était de toucher des publics qui ne fréquentaient habituellement pas les musées. L idée était de familiariser ces publics à l art et leur donner l envie d aller par la suite dans des lieux culturels, et les musées de la Région Nord-Pas de Calais. Les visites destinées au public sourd se sont faites avec une guide sourde, Françoise Casas. Cette forme d adaptation s est décidée au travers de rencontres avec l interprète Sandrine Deschodt et Françoise Casas; un guide sourd semblait plus adapté. Ces visites ont connu un grand succès en terme de fréquentation. Ce concept a donc été repris pour d autres expositions. Il y a une volonté de poursuivre dans cette voie, notamment pour l exposition «Bonaparte et l Égypte» organisée par le Conseil Régional Nord-Pas de Calais au Musée des Beaux Arts d'arras en 2009. 5

3 Quelques dispositifs : l'interprète, le médiateur, le visioguide 3.1 Le rôle de l'interprète Sandrine Deschodt, interprète Français/LSF L interprète langue des signes française-français traduit du sens. Il a besoin d information sur le sujet. Il doit faire des recherches documentaires pour approfondir l aspect linguistique et ses connaissances. Lors de l interprétation, il doit travailler en collaboration avec l intervenant. Sandrine Deschodt a réalisé beaucoup d interprétations dans les musées. Avec les changements entrainés par la loi sur l'égalité des chances de février 2005, la demande d interprètes de la part des musées a augmenté. Le succès était mitigé au niveau de la fréquentation. La présence d un interprète favorise les échanges entre personnes sourdes et entendantes, mais elle ne permet pas des visites adaptées au public. Un guide entendant ne connaît pas le public sourd. La présence de l interprète fausse la relation entre le guide et les visiteurs. Pour le guide, le travail de l interprète est déstabilisant. La relation est moins spontanée, naturelle, ce qui a des conséquences sur la qualité des prestations. Un guide sourd peut s adapter aux visiteurs, il se crée une osmose. L interprète ne peut pas vérifier que les informations sont bien comprises alors que le guide sourd le peut. D un point de vue plus économique, pour qu une visite soit rentable, il est important qu il y ait des visiteurs. Si les informations et les connaissances ne sont pas transmises, le public ne reviendra pas. De plus, l intervention d un conférencier entendant et d un interprète est plus onéreuse que celle d un conférencier sourd. Ce sont pour ces multiples raisons que Sandrine Deschodt a proposé des visites avec des guides sourds lors de l organisation des Beffrois de la culture. La présence d un interprète ou celle d un guide sourd relève de deux logiques d adaptation différentes. Le contenu est identique mais la méthodologie est différente. Les informations durant la visite sont les mêmes avec un guide sourd et un interprète, seule la médiation change. 6

3.2 La médiation scientifique en LSF pour le public sourd Olivier Fidalgo, chargé d'accessibilité pour le public sourd à la Cité des Sciences et de l'industrie, Paris Olivier Fidalgo est chargé d accessibilité à la Cité des Sciences et de l Industrie à Paris, il s occupe particulièrement de l accueil du public sourd. Il est également guide conférencier. Il peut endosser le rôle d expert pour aider à la mise en accessibilité d expositions. Il intervient lors de stages de sensibilisation à la culture sourde pour le grand public et les professionnels (notamment ceux de la Cité des Sciences et de l Industrie). La Cité des Sciences et de l Industrie Inauguré en 1986, c est l un des plus grands musées d Europe. Il accueille des expositions temporaires et permanentes, possède une bibliothèque, Son objectif premier est de vulgariser la connaissance scientifique et technologique aux différents publics. Le musée a fait le choix d embaucher un médiateur sourd qui n a pas eu de certificats universitaires dans la domaine scientifique, mais l important est de maitriser la langue des signes française dans un premier temps. Leur volonté est de donner une chance à une personne d apprendre un métier en le pratiquant. La Cité des Sciences et de l Industrie a reçu le label tourisme et handicap en deux fois. Elle a adapté ses expositions mais également les infrastructures, le matériel. Le personnel a été formé au handicap. La muséologie La muséologie est l étude des œuvres du musée. Olivier Fidalgo connaît les besoins et les problèmes du public sourd. Il se place en tant qu animateur de l exposition. Il suit le projet pour rendre accessible aussi bien le contenu que les matériels. La Cité des Sciences et de l Industrie respecte un cahier des charges afin de rendre accessible le musée à tous les publics. Les films proposés sont soustitrés ou traduits en langue des signes. Le visiteur peut alors être totalement autonome. Les animations lors des expositions peuvent être adaptées sur un canal visuel. La Cité, en partenariat avec les établissements culturels de l Ile-de- France appelé une commission «Culture et Handicap» dans un groupe du travail sur les nouvelles technologies, mène des projets pilotes sur les visioguides. L idée est d offrir le choix au public : une visite guidée et un visioguide. La visite guidée ne peut concerner toute l offre culturelle. Le travail d accessibilité peut également se partager avec des interprètes (conférences etc...). La communication Pour les offres culturelles, il est indispensable de mettre en place des vidéos en langue des signes dans le site Internet. Olivier Fidalgo et son équipe s engagent (avec l équipe de l Internet) et participent à toutes les réunions pour la rénovation d un nouveau site de la Cité des sciences et de l industrie, en insistant sur différents critères par exemple des vidéos en LSF Les bâtiments Les bâtiments doivent être adaptés à tous les publics, tel est le cas à la Cité des Sciences et de l'industrie. Pour les besoins du public sourd, les 7

informations doivent être visuelles. Les indications à l intérieur du musée, orientations et consignes, ne doivent pas contenir trop de texte, elles doivent s appuyer sur des dessins. Les messages de sécurité, souvent oraux, doivent être doublés de signaux lumineux. En conclusion, les musées sont des lieux de connaissances. Il est important que les informations soient transmises au public. La langue des signes est une modalité mais il faut s adapter à tous les publics. Les échanges entre les musées, le partage d expériences peuvent faire avancer la réflexion sur l accessibilité des musées. 3.3 Retour d'expérience sur la réalisation d'un visioguide LSF Mathilde Jolivet, chargée de conception et de suivi de réalisation au Musée du Louvre Le Louvre met à disposition de son public un nouveau dispositif d audioguidage multimédia, comportant un écran. Il comporte des contenus adaptés pour tous les publics. Ils proposent des parcours ludiques pour enfants, des cheminements accessibles pour des personnes ayant un handicap physique, des audiodescriptions avec supports tactiles pour les visiteurs déficients visuels et contiennent des commentaires d œuvres filmés en langue des signes. La démarche L idée première était de proposer un contenu identique pour personnes sourdes et entendantes. Les mêmes œuvres sont commentées mais il s est avéré, après des échanges avec Simon Houriez et Jean-Paul Perbost, qu il ne pouvait s agir de traductions. Un véritable travail d adaptation des contenus a été réalisé. Trois parcours ont été adaptés en langue des signes pour les visioguides : I. un premier sur les chefs d œuvre incontournables du musée II. un second sur les collections égyptiennes III. le dernier porte sur l histoire du palais du Louvre. Méthodes de travail Pour le premier parcours, Mathilde Jolivet et Simon Houriez ont travaillé sur les textes des commentaires d œuvres pour les adapter. Un interprète était présent pour faciliter la communication entre les conférenciers sourds et les réalisateurs lors du tournage. Il veillait à ce que les notions essentielles soient bien présentes dans le propos du signeur. Il n a pas eu d influence sur le contenu ou la médiation des connaissances. Pour les deux autres parcours, le travail sur le contenu des vidéos s est fait avec les conférenciers. Le choix de sous-titrer seulement les noms propres et les termes techniques est volontaire. Il relève de nombreux débats avec des visiteurs, des associations, des professionnels. Il en est ressorti que le sous-titrage sur l'ensemble des vidéos n était pas pertinent dans le cadre de ce projet précis. 8

Comment améliorer les visioguides? C est la première fois que le musée mettait en place un tel projet. Il n y a pas eu une prise de recul suffisante sur les visioguides. Il aurait été intéressant de faire appel à des spécialistes de la surdité pour réaliser les visioguides, il aurait fallu pour cela faire un lot à part pour ces contenus au moment de l appel d offre. Les vidéos proposées ont été élaborées à partir de textes écrits. Il serait envisageable de penser les contenus en langue des signes dès le départ. Il existe des problèmes techniques liés à l appareil. L écran est petit. il arrive que la main du signeur dépasse du cadre du visioguide, le fond est très pale On pourrait aussi aller plus loin en proposant des parcours en langue des signes pour les enfants, ce qui n est pas prévu pour le moment. Il serait intéressant de rajouter un glossaire à la fin de la vidéo pour reprendre les signes importants. Les références culturelles n'étant pas toujours partagées, le glossaire pourrait résoudre cette éventuelle incompréhension. Mais des problèmes techniques rendent difficile sa mise en place.. 9

4 La formation des conférenciers sourds Jean-Paul Perbost, conférencier et responsable de l Antenne Public sourd au Centre des Monuments Nationaux (CMN) Jean-Paul Perbost constate que les candidats sourds à la formation de guides conférenciers sont encore peu nombreux. La formation pilote AAVIS L association Avis Art Visuel International des Sourds (AAVIS), en collaboration avec le Louvre, la Direction des Musées de France, puis le Centre des Monuments Nationaux et la Ville de Paris, a proposé une formation pilote en histoire de l art, de 1989 à 1993. Cette formation a alors abouti à l émergence des premiers conférenciers sourds bilingues. Mme Derycke, une entendante bilingue, diplômée de l école du Louvre, était chargée de la formation. Environ 3 jours par semaine. De plus, ses étudiants sourds visitent des musées parisiens, sous la conduite d un(e) conférencier(e), accompagné(e) d une interprète. Elle retranscrivait ces visites-conférences à l écrit, tout en leur assurant des cours de base. Cette formation bilingue a été subventionnée par la fondation Crédit Lyonnais et le ministère de la Culture. Il y a aujourd hui, en France, 16 conférenciers sourds dont huit à Paris et huit en province. La formation CMN Pour accéder à la formation bilingue de conférencier sourd dans les monuments nationaux, gérés par le CMN, il faut être titulaire d une licence d histoire ou d histoire de l art ou d un BTS de tourisme, et aussi posséder un bon niveau en langue des signes et en français lu et écrit. Les étudiants sourds sont formés pendant 2 jours sur un ou deux monuments. Lors du premier jour, ils visitent le monument et assistent à des visites-conférences données par un formateur sourd (visites approfondies). Le deuxième jour est consacré au travail sur des documents fournis sur place. Après la formation, ces candidats passent un test d aptitude aux fonctions de conférencier sourd CMN en LSF devant un jury composé de professionnels entendants et du responsable de l antenne Public sourd, en présence d une interprète. Les néologismes Le travail des conférenciers sourds a largement contribué à l apparition de nombreux néologismes qui peuvent ou non être diffusés (par exemple, des signes relatifs aux époques, aux monuments, etc.). Cela grâce aussi aux multiples échanges avec des visiteurs sourds. Les conférenciers sourds du CMN Leur rôle est d accueillir, de présenter et de commenter. Les compétences professionnelles exigées sont les suivantes: la connaissance des monuments, la culture générale élevée, le savoir-vivre, le savoir-faire (organisation d une visite) et le savoir-être (relations avec le public). 10

5 Présentation par l association Signes de sens : protocole de mise en accessibilité Simon Houriez, directeur de Signes de sens Aurélie Brulavoine, coordinatrice de l'action culturelle de Signes de sens Emmanuel Canica, médiateur LSF au centre Montfort à Lille. Signes de sens, anciennement «Conte sur tes doigts», développe depuis 5 ans une réflexion sur l'accès aux Savoirs et aux pratiques culturelles pour les sourds. Un contexte simple : une majorité de sourds illettrés, un isolement social et culturel, une faible culture générale, un fort taux de chômage, et très peu d'accessibilité culturelle. Nous sommes convaincus que ces problématiques naissent en grande partie d'un défaut dans la construction de l'enfant et notamment dans son rapport à la culture, dans la création de son identité et son éveil intellectuel avec des outils adaptés. Pour répondre à ce constat, nous développons des actions selon 3 axes : l'edition de supports pédagogiques multimédia : livre, vidéo en Langue des signes sur DVD ou sur le web, jeux interactifs,... L'Action Culturelle : qui travaille à l'enrichissement de l'offre culturelle bilingue, notamment en interagissant avec les équipements culturels régionaux (théâtres, musées, centres de loisirs,...) L'E-learning : création d'une plateforme d'e-learning en LSF sur Internet. Depuis un an, en partenariat avec l'association «Trèfle» d'arras, nous travaillons sur la mise en accessibilité des musées de la région. Pourquoi les musées? Nous travaillons avec les écoles, avec les bibliothèques, et avec des théâtres. Le musée tient pour nous une place privilégiée dans la problématique de l'accès à la culture et aux Savoirs pour les sourds en tant que lieu de connaissances et de savoir, mais surtout lieu de médiation vers ces Savoirs. C'est un espace qui nous semble incontournable et plus souple que l'école pour inventer de nouvelles pratiques de médiation vers le public sourd, d'adaptation des supports, De plus, depuis le début de notre projet nous y avons rencontré nombre de personnes intéressées et motivées par la question, ce qui nous a déjà permis de construire de beaux projets ensemble. Il faut créer avec et pour les personnes sourdes une accessibilité à ces lieux culturels, et ce travail enrichira la médiation culturelle en général, que ce soit pour d'autres publics empêchés ou même pour le grand public. En effet travailler sur la question de l'accès pour les personnes sourdes permet de remettre en question des pratiques, des habitudes et d'inventer de nouvelles méthodes... et l'innovation est toujours profitable à large échelle. 11

Comment l'idée du projet a germé? Ce projet fait suite à nos expériences dans le musée du Louvre et le musée du Quai Branly autour de l'accessibilité aux pratiques de médiation, aux outils web et aux visioguides. Avec une pincée de regard critique et en considérant les problématiques locales, nous avons défini le projet: chaque lieu a un petit besoin pour l accueil des publics particuliers mais tous ne peuvent pas créer un service d accessibilité. L association a réuni les guides sourds (6 personnes) pour créer un service pour répondre à des besoins ponctuels et coordonner un projet à l'échelle régionale. L'association «Trèfle» s'est engagée avec nous pour porter le projet. Établissement d'un protocole de mise en accessibilité des visites de musée pour le public sourd en faisant intervenir un guide sourd en LSF formé au contenu de l'exposition. Il s'agit d'être la bonne interface entre le public sourd, les guides sourds, les musées et les pouvoirs publics qui soutiennent financièrement les actions. Offre de Signes de sens en matière d'accessibilité dans les musées l'adaptation des activités (visite, atelier, ) la formation du personnel des lieux culturels pour faciliter l accueil des personnes sourdes. la réalisation de supports audiovisuels une activité de conseil la communication auprès du public sourd La mise en accessibilité en pratique Pour Signes de sens, cela consiste à : Animer un collège de guides sourds. Une fois par mois, 6 personnes sourdes de la Région se réunissent pour partager des expériences de médiation, entamer une réflexion sur les visites réalisées et futures. Former les guides à chaque exposition. La formation se fait avec le guide du musée et un interprète. Accompagner les guides dans la préparation de leurs visites (élaboration de supports pédagogiques, ). Communiquer auprès du réseau sourd (associations, structures, individuels, scolaires...). Evaluer, afin d'assurer la pertinence des interventions. Après la visite, l association fait une évaluation de la visite par rapport au public, au musée et au guide. 12

Conclusion Nous ne sommes pas sans ignorer les questions que soulève ce projet notamment en terme de formation initiale des personnes sourdes qui décident de s'engager en tant que guides. De même, nous avons conscience des réalités contextuelles qui ne permettent pas aujourd'hui aux sourds d'être des citoyens à part entière, en grande partie parce qu'on leur propose des outils très peu adaptés qui rendent leurs apprentissages fragiles et laborieux. Avoir conscience de tout cela nous permet aujourd'hui de proposer aux différents équipements culturels d'être avec nous du côté de ceux qui questionnent le réel plus que de s'indigner d'une situation. Il s'agit de faire changer cette situation et cela implique une réelle réflexion, mais celle-ci doit s'accompagner d'un ensemble d'étapes sur le terrain. Il faut permettre aux personnes sourdes de monter en compétence et d'aiguiser leur curiosité, et permettre aux musées de s'enrichir au contact de ce public et des innovations de médiation qu'il encourage. Il s'agit d'enclencher une boucle positive qui redynamise le lien entre les sourds et les musées et plus largement entre les sourds et la Culture. Il n'est pas pensable aujourd'hui que des enfants sourds scolarisés n'aient pas accès à la richesse diffusée par ces équipements culturels. Dossier de présentation et informations sur www.signesdesens.org 13

6 Les échanges entre les conférenciers et le public Au cours de la journée, plusieurs questions ont été abordées lors d échanges entre les conférenciers et le public. Trois points principaux ont été abordés: Les logos «accessibilité» Le sigle de l oreille barrée veut à l'origine témoigner que le lieu est accessible pour les personnes sourdes et malentendantes. Cependant, il y a un flou : signifie-t-il la présence de boucles magnétiques et/ou de visite en LSF? Pour éviter toute méprise, un autre logo est à l étude : il représente le dessin de deux mains pour indiquer que la visite se fait en langue des signes. Les personnes sourdes utilisant la LSF exigent l'utilisation de ce logo, pour ce qui concerne les visites ou guides multimédia LSF. Un logo de ce type est déjà utilisé à la Cité des Sciences et de l'industrie, mais ce logo n'est pas encore normé. La formation des guides La formation des guides sourds est une problématique importante pour la mise en accessibilité des musées. Au travers de la journée, nous avons constaté des divergences sur cette question de la formation. Certains musées exigent des diplômes lors du recrutement, mais l obtention de diplôme est difficile pour les personnes sourdes. La Villette adopte un autre point de vue sur la formation des guides sourds. Les responsables n exigent pas de diplôme mais forment les guides en interne. La nécessaire création de nouveaux signes Les néologismes créés à Paris doivent-ils s imposer? Comment conserver les variétés régionales? Selon certains, les signes parisiens ne doivent pas supplanter les variétés régionales. De plus, la présence de cette diversité linguistique renforce l importance de guides sourds dans les musées. Guides et visiteurs peuvent échanger sur des signes qu ils ne connaissent pas. Pour créer un néologisme, il est possible d exploiter la propriété iconique de la langue. Les créations de signes peuvent se diffuser si les locuteurs l acceptent, elles peuvent évoluer ou être rejetées. 14

7 Coordonnées Structure Contact Adresse Email Université Lille 3 UFR arts et culture Pierre Delcambre Domaine universitaire du "Pont de Bois" Rue du Barreau BP 60149 59653 Villeneuve d'ascq Cedex pierre.delcambre@univlille3.fr Association Trèfle Françoise Casas 6 rue de la république 62000 ARRAS Conseil Régional Nord Pas de Calais Cité des sciences et de l'industrie Emmanuelle Cabille- Beaumont Sandrine Deschodt Olivier Fidalgo Siège de Région 151, Avenue du Président Hoover 59555 LILLE CEDEX Accessibilité DPAC 30, avenue Corentin-Cariou 75019 Paris Musée du Louvre Mathilde Jolivet 75058 Paris Cedex 01 Centre des monuments nationaux Jean-Paul Perbost Hôtel de Sully 62, rue Saint- Antoine 75186 Paris cedex 04 janoise@orange.fr e.cabille@cr-npdc.fr sdeschodt@free.fr olivier.fidalgo@citesciences.fr mathilde.jolivet@louvre.fr jpperbost@wanadoo.fr Signes de sens Simon Houriez Aurélie Brulavoine 9/2 petite rue de l'alma 59000 Lille contact@signesdesens.org 15