Dix priorités pour faire de la démocratie une idée neuve



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Transcription:

Dix priorités pour faire de la démocratie une idée neuve Au mois de novembre dernier, la 86e Semaine sociale de France avait pris pour thème : La démocratie, une idée neuve. Pour tenter de comprendre le discrédit de notre démocratie représentative, à l heure même où le monde arabe semblait y aspirer. Les organisateurs de la session avaient souhaité que, sur ce thème de la démocratie, l on ne s en tienne pas à de savantes réflexions, à l analyse des tenants et aboutissants d une crise dont nous vérifions l ampleur et les conséquences dans le quotidien de nos vies, mais que les participants puissent expérimenter, au cours de ces journées, l acte même, éminemment citoyen, de la délibération démocratique. Un acte qui suppose, de la part de chacun : participation, prise de parole, capacité d écoute, accueil de la contradiction, recherche du compromis qui, par la prise en compte de l opinion minoritaire, soit susceptible de constituer la base d une action durable en vue du bien commun. Même si, au passage, ce compromis doit être - naturellement - payé du renoncement des uns et des autres à une partie de leurs souhaits. Etant sauves, par ailleurs, les convictions personnelles de chacun. Des propositions issues d un exercice de démocratie participative. Plus de deux cents groupes, composés à chaque fois de huit à dix personnes, ont accepté de "jouer le jeu", de travailler, deux heures durant, sur l un ou l autre des quinze thèmes proposés à leur délibération. Et de faire connaître leurs propositions. De cette expérience de démocratie participative, les Semaines sociales de France ont souhaité faire leur contribution citoyenne au débat de l élection présidentielle. Sans prétendre commenter les programmes des candidats qui, à l époque, ne nous étaient pas connus. Le présent document reprend les principales conclusions des groupes comme celles de Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, au terme de ces trois journées d échanges et de débats. Elles sont illustrées du verbatim le plus significatif relevé dans les différentes contributions et le discours de clôture. Relever le défi de la crise par un renforcement des solidarités européennes et une réactivation de la démocratie locale. Quelques convictions fortes surgissent à la lecture des propositions formulées par les uns et les autres que les Semaines sociales de France, adressent aujourd hui aux candidats. La première est liée au poids du contexte de crise profonde dans lequel nous vivons. Un contexte qui rend encore plus injuste et insupportable le poids de la dette. Or, réduire la dette dépend aussi de la bonne santé de nos économies qui, elle-même, suppose de replacer l homme et la femme, au cœur de l entreprise, tout en essayant d articuler harmonieusement parcours de vie et parcours professionnels. La réduction de la dette n est pas possible sans une autre répartition, plus juste, des efforts des uns et des autres et l adoption d un mode de vie nouveau, plus sobre, plus écologique, accessible au plus grand nombre. Il y a là un vaste chantier que les participants aux Semaines sociales de France n imaginent pas pouvoir être mis en œuvre de manière pertinente, autrement qu à un niveau Européen. Par contraste, la seconde conviction est l importance déterminante accordée à la re-dynamisation de la démocratie locale, à la réhabilitation du dialogue dans la vie civile et dans la Cité, pour apporter des réponses concrètes aux questions du logement, de l éducation, de la santé, de la sécurité ou de l intégration des migrants. Pour relever ces multiples défis, les chrétiens estiment avoir toute leur place à tenir dans le débat politique, éthique, social et culturel, avec l ensemble des citoyens de ce pays, hommes et femmes de toutes traditions spirituelles ou philosophiques, sans revendiquer un quelconque privilège ni se résigner 1

à quelque forme d ostracisme. Mais cela suppose que la presse, les médias et les nouveaux réseaux sociaux soient les partenaires loyaux de ce vouloir vivre ensemble. 1 Pour réduire la dette : maîtriser les dépenses publiques sans malthusianisme et dynamiser les entreprises par la confiance. Sur le poids de la dette, il y a bien consensus pour affirmer : "Nous considérons inacceptable de laisser en héritage à nos enfants un problème d une telle ampleur". Ce qui implique tout à la fois de développer une pédagogie honnête sur l origine et les causes successives de la dette, et de mettre en place une forme de "règle d or" qui contiendrait la dépense sans pour autant sacrifier ceux des services publics qui répondent à des exigences fortes de cohésion sociale. "Réduire l endettement public ne doit pas signifier réduire la dépense publique là où elle est légitime, compte tenu des choix collectifs de biens publics". Pour autant, rien ne se fera sans une reprise de la croissance - fut-elle durable - et donc sans garantir le dynamisme et la pérennité de nos entreprises "dont le sens même et la finalité doivent être repensés, pour dépasser la simple notion de capital". Cela suppose que soit réhabilitée ce qui reste sa première richesse : les hommes et les femmes de l entreprise, associés autour d un projet. Ce qui implique : une réactivation du dialogue social entre syndicats et chefs d entreprises, une réforme du fonctionnement des instances représentatives, "une négociation des partenaires sociaux pour une réduction des inégalités de rémunérations aujourd hui marquées par la déraison", voire un meilleur partage des richesses produites entre salariés et détenteurs du capital. Cela ne se fera pas, non plus, sans prendre en compte la difficile articulation entre les exigences de l entreprise et les aspirations des personnes à individualiser leurs parcours professionnels. 2 Pour susciter l adhésion à l effort nécessaire : refonder notre fiscalité dans la transparence et l équité. Réduire la dette, assurer l avenir de nos entreprises sous-tendent la mise en œuvre d une réforme fiscale de grande ampleur, que certains n hésitent pas à qualifier de systémique. Le système fiscal doit être réformé, non pas pour punir les riches, mais parce qu il y va d une exigence de justice et de cohésion sociale. Comment demander à notre pays de consentir un effort majeur de vérité de ses comptes publics si chacun n est pas conduit à contribuer à la mesure de ses possibilités, en vue d un bien commun? C est pourquoi deux principes doivent guider les choix d une telle réforme globale : Celui de la progressivité des prélèvements qui conduit à remettre en cause l évolution contraire que l on observe depuis deux décennies. Celui de l incitation à faire un usage des patrimoines utile pour l accès de tous aux biens essentiels, particulièrement l emploi, le logement, la durabilité du cadre de vie et le logement. Sans préjuger des modalités précises de ces réformes, le premier de ces principes invite à considérer, par exemple, la fusion IRPP et CSG, dans le but de simplifier et de mieux assurer la progressivité de l impôt sur le revenu, d abaisser le plafond de bénéfice des niches fiscales. Le second conduira, par exemple, à réduire la part des prélèvements basés sur les salaires pour les limiter au financement des dépenses d assurance, les financements qui relèvent de la solidarité nationale relevant d autres assiettes, incluant TVA et fiscalité écologique, rétablir une égalité fiscale entre PME et grandes entreprises en régulant et réduisant l optimisation fiscale de ces dernières, réformer la fiscalité locale afin que les ressources collectées soient cohérentes avec les responsabilités décentralisées, encourager, par l impôt sur les patrimoines, leur mobilité et leur valorisation. Un sujet particulièrement ardu concerne le financement de la politique familiale, à laquelle nous sommes attachés. Les réformes envisagées ne doivent pas dissocier le sort du quotient familial de celui de l ensemble des prestations destinées aux familles, le but étant d assurer au total, par priorité, une réduction de la pauvreté des familles les moins favorisées et de leurs enfants. Tout programme responsable de réforme devait enfin se fixer l ambition d une plus grande convergence économique et fiscale de l Union Européenne, de nature à enrayer le "moins disant fiscal" comme le "moins disant social". 2

3 Pour permettre à tous les peuples à surmonter la crise : choisir de " vivre autrement ". Contenir la dépense, dynamiser l économie, augmenter raisonnablement les recettes fiscales dans l équité ne dispenseront pas de l ardente obligation de "vivre autrement" pour un développement durable. Il y va, pour nous, de la survie de la planète, de l avenir de nos enfants, de la possibilité offerte aux peuples du Sud d accéder légitimement au développement. Il y va aussi d une certaine conception de la dignité de l homme et, pour nous chrétiens, du respect de la Création. Rien ne se fera sans une éducation au développement durable, à tous les âges de la vie, pour lesquelles la famille, l école et les médias ont un rôle à jouer irremplaçable. Il convient : "De soutenir, voire de créer des lieux d échange, d information, de partage d expérience dans le domaine de la consommation quotidienne et responsable. Devant tout achat de bien durable se poser les questions : est-ce nécessaire, le renouvellement est-il indispensable, d où vient l objet convoité, combien de temps va-t-il durer?" Nos modes de consommation doivent devenir moins énergivores, ce qui implique "la définition d une politique énergétique commune au niveau européen..." dont, aujourd hui, nous sommes loin! 4 Pour renforcer les solidarités européennes : ancrer plus fortement l Europe dans notre vie démocratique nationale. Ce désir d Europe, cette exigence de "plus d Europe" doivent être reçus, à la fois, comme dépassement de nos échecs nationaux et comme "échelon pertinent de subsidiarité dans un contexte de mondialisation. Il touche naturellement à tous les domaines de l emploi, de la formation, de la cohésion sociale, de la mise en œuvre d une règle d or en matière de dépenses publiques, de convergence économique, d harmonisation fiscale ou de recherche d une autre forme de croissance. Mais il exige aujourd hui "des transformations institutionnelles, un renforcement de la coopération avec nos partenaires, un ancrage plus fort dans notre démocratie nationale" Cela pourrait passer par la nomination d "un ministre d Etat chargé de coordonner l ensemble de l action européenne de notre pays" pour qu aux yeux de l opinion ces politiques ne soient pas perçues comme des "politiques étrangères". Voilà bien des perspectives auxquelles s associaient les européens présents aux Semaines sociales de novembre dernier, en appelant de leurs vœux une "Europe, espace de respect de la diversité et de la dignité de tous, pour mieux vivre ensemble." Avant que ne s exprime, par ailleurs et plus largement, cette autre aspiration : "Mettre en place un mode de gouvernance mondiale qui prenne en compte le long terme et donne une plus large place aux pays émergents ainsi qu aux acteurs non-étatiques, en complète solidarité avec les peuples en développement". 5 Pour fonder les consensus qu exige l avenir : revitaliser notre démocratie locale. Quels que soient les rôles respectifs et légitimes de l Etat, des institutions européennes ou d instances mondiales, rien ne se fera sans une revitalisation, en parallèle, de notre démocratie locale. Il est urgent de permettre aux jeunes - et aux moins jeunes - de faire l apprentissage de la vie démocratique. C est "Une question de lieux (famille, école, entreprise, vie associative), d actions parmi lesquelles la rencontre de l autre et la capacité offerte à chacun de s exprimer sur ce qui le concerne, d attitude enfin par la reconnaissance de l utilité de chacun". Cette reconquête d une pratique démocratique suppose : "de donner la parole aux exclus dans la définition et la mise en œuvre des politiques qui les concernent", pour des raisons d efficacité tout autant que de dignité. De même : "Une société civile forte exige que dès le plus jeunes âge les jeunes soient éduqués à la citoyenneté par l écoute réciproque, le dialogue, la participation effective à la vie de la cité". Pour autant "il faut aussi des institutions pour que s incarne cette démocratie réelle". Des institutions à même, sur des sujets d avenir "d organiser le temps de l appropriation des questions, de la délibération et de la négociation permanente." Peut-être également en adoptant pour chaque grand chantier législatif "une étude d impact social, destinée à mesurer les effets de ces réformes sur les inégalités sociales, en s appuyant sur un travail d écoute des citoyens, y compris les plus vulnérables". 3

6 Pour résoudre localement les conflits inhérents à toute vie collective : redonner la culture et le goût du dialogue. Le dialogue, est également perçu comme étant la réponse la plus pertinente à la question de la sécurité. "Nous constatons une multiplication des incivilités qui sont à l origine d un sentiment d insécurité. Nous pensons qu un manque de dialogue, que la construction de barrières entre les individus et les groupes sociaux participent de cette situation. Y répondre implique donc, d abord, de rétablir et favoriser le dialogue". Dialogue encore pour dépasser, localement, les tensions liées à la présence de migrants. S il y a place pour une harmonisation des politiques migratoires à l échelon européen, c est peut-être au niveau local, voire intercommunal, que peuvent être élaborées et mises en œuvre avec la plus grande efficacité les réponses concrètes aux questions que sont pour les migrants, comme pour l ensemble des citoyens : l accès à l emploi, à l éducation et à la santé, mais également l incitation à la mixité sociale à travers le logement et les transports. "Au niveau des moyens il parait important de travailler concrètement et collectivement sur le terrain, à des démarches d accueil et de partage, de réalisations multiculturelles, sans oublier de peser en même temps sur la sensibilisation du corps social et de nos représentants politiques, pour une véritable inflexion des décisions politiques". De même : "Dans les agglomérations où les situations de ségrégation sociale et culturelle sont très aiguës, particulièrement du fait des migrations, des contrats d intégration et de cohésion sociale devraient être mis en place à l échelle de la communauté d agglomération, pour assurer la solidarité entre les communes". 7 Pour offrir à chaque famille les moyens de son autonomie et de sa responsabilité : déclarer le logement "grande cause nationale". Quatre domaines semblent toucher, plus que d autres, à la vie quotidienne de chacun : le logement, la santé, l éducation, l emploi. La question du logement est aujourd hui centrale. C est de la possession d un "toit" que dépendent, en effet, la possibilité de subvenir pour soi-même et sa famille, aux autres besoins essentiels : emploi, santé, éducation, vie sociale. Or l accès au logement est un "droit" opposable. C est dire qu il justifie une "mobilisation démocratique continue" d autant plus urgente qu il s agit là d une question de dignité. "L absence de logement dégrade les personnes et représente un coût important pour la société. Il existe quantité de logements vacants. Il faut développer les formes de médiation avec les propriétaires pour les convaincre de mettre fin à ce scandale. C est au plan local qu il faut traiter ces questions. Mais il reste de la responsabilité de chaque citoyen d interpeller sur ce point tous les candidats qui sollicitent leurs votes. Ne serait-ce que pour obtenir, en préalable à toute réforme, une application sans faille de la loi SRU". Concernant la santé, priorité doit être donnée à la préservation du libre accès aux soins, notamment pour les plus modestes. Mais il faut être conscients que la préservation du système français, souvent perçu comme le meilleur au monde, suppose une "éducation à la santé, dès l enfance, à tous les âges de la vie..." et dans tous les lieux de travail ou de loisirs, de manière à ce que chacun se sente responsable de son capital santé et ne pèse pas indument sur la collectivité. 8 Pour permettre à la jeunesse de s insérer dans la société : faire de l éducation la grande ambition de la prochaine décennie. L éducation, exige que soit réaffirmé le rôle premier des familles et l importance d une communauté éducative élargie, autour de l enfant. "École et famille sont associés pour l éducation de l enfant. D où l importance de lieux d échange, de parole, de partage, de débats, de rencontres" où chacun puisse s exprimer sans avoir le sentiment d être mis en accusation. Où l on puisse réaffirmer que "l école n a pas pour seule finalité de produire des agents économiques mais de former des adultes autonomes, capables de réflexion et d adaptation aux mutations de nos sociétés". Une proposition qui va de pair avec l exigence d une meilleure formation pédagogique des enseignants, d une revalorisation de leur statut et d une plus large ouverture de l école à l expérimentation de manière à ce que "les 150 000 jeunes actuellement en situation d échec dans le système scolaire" se voient offrir des perspectives d avenir. 4

L emploi, enfin, qui concrétise pour une part cet avenir, doit être compris non seulement comme moyen de "gagner sa vie" mais aussi comme participation à la vie sociale. "Toute activité qui sert au bien commun doit permettre à la personne de subvenir à ses besoins, de développer ses compétences, de s insérer socialement et de contribuer à la construction de la société." Cet objectif dépend, bien sûr, du dynamisme de notre économie et de la bonne santé des entreprises, déjà évoquée. Mais il suppose également de promouvoir, de manière volontariste "l emploi de ceux qui en sont aujourd hui éloignés, notamment les jeunes". A ce combat essentiel, il faut associer "les entreprises de l économie sociale, les services sociaux d intérêt général et tous les organismes pouvant concourir au maintien de l emploi". 9 Pour vivifier le débat démocratique : garantir la liberté, le pluralisme et l indépendance des médias. D autres aspects auraient mérité, sans doute, d être évoqués ici dans la perspective d un scrutin présidentiel et du renouvellement de l Assemblée nationale qui suivra. Mais il était important de s en tenir ici aux seuls thèmes évoqués et débattus dans les groupes de "délibération démocratique" déjà évoqués. Ce qui fonde la légitimité de leur publication. Deux dernières séries de réflexions ont été nourries qui viennent compléter ce paysage : l une relative à la presse et aux médias, l autre à la place des religions dans l espace public. Sans nier l apport des grands médias audiovisuels ni la légitimité des basculements en cours dans les pratiques médiatiques, il semble nécessaire de réaffirmer l enjeu que représente pour le débat démocratique, l existence d une presse écrite, libre, indépendante et pluraliste. Une presse qui doit néanmoins, dès lors qu elle bénéficie d aides publiques, apporter la preuve de son adaptation aux attentes de ses lecteurs. Parallèlement la montée en puissance d une culture du numérique et l explosion des réseaux sociaux, ne sont pas sans enjeu pour le débat démocratique et le renforcement des solidarités, notamment inter-générationnelles. Mais ces évolutions portent une double exigence : l éducation "critique" des jeunes à ce formidable outil et la nécessité d imposer, au niveau international, une "charte éthique numérique" susceptible de garantir les libertés individuelles. 10 Pour consolider et garantir un "vouloir vivre ensemble": reconnaître aux religions leur juste place dans l espace public. Enfin, l idée de faire vivre les religions dans l espace public ne pouvait que mobiliser les participants aux Semaines sociales de France. Moins pour formuler des préconisations de portée politique sur les conditions ou les modalités de cette présence - même si beaucoup regrettent une conception de la laïcité réductrice du fait religieux - que nourrir la réflexion sur ce que doit être le comportement des chrétiens dans la Cité. La laïcité de la société française et l aspect désormais minoritaire de la communauté catholique sont intégrés comme autant de réalités. Mais peut-être précisément à cause de cela, les chrétiens expriment leur désir d être présents dans le débat, d oser parler et cela de manière d autant plus légitime qu ils ne revendiquent aucun pouvoir sur la société, acceptent la différence de l autre et la richesse de sa propre appartenance religieuse. Et qu ils se veulent au service d un "vouloir vivre ensemble" dans la société française. "La Parole dont nous vivons peut être aussi, pour d autres, source de réflexion. Nous voulons être à l écoute des enjeux de nos sociétés, valoriser la tâche de l action politique dans sa recherche du bien commun. Nous voulons témoigner, avec les représentants d autres traditions religieuses, que la fraternité, la préférence pour les pauvres et les sans voix, l esprit de service et de don, sont des trésors offerts à tous pour résoudre les contradictions de nos sociétés entre aspirations individuelles et revendications collectives". 5