Comment intégrer la dimension sociale dans une démarche d'éco-conception? Mercredi 14 décembre 2011, de 9h30 à 11h00 Intervenants Groupe AGECO : Céline HOUDIN, Directrice du développement Europe au sein du groupe AGECO, Chef de file dans l'ascv présent au Québec et en France POLE ECO-CONCEPTION : Bérénice DREUX-GERPHAGNON, Doctorante, Pôle Ecoconception et Centre International de Ressources et d'innovation pour le Développement. Durable (CIRIDD) et Nizar HAOUES, Docteur ingénieur du Pôle Eco-conception 1- Groupe AGECO : Céline HOUDIN, Directrice du développement Europe au sein du groupe AGECO L'outil d'analyse sociale du cycle de vie est un outil de diagnostic et d'aide à la décision, qui peut constituer une bonne piste pour l'intégration de la dimension sociale à l'écoconception. Le Groupe AGECO est une spin off de l'université Laval de Québec, créée en 2000, qui comporte une vingtaine de personnes spécialisées en analyses économiques et socioéconomiques appliquées aux secteurs agro-alimentaire et agricole, ainsi qu aux secteurs des ressources naturelles, de l'environnement et de la RSE. Le Groupe AGECO réalise ainsi des études économiques, des études stratégiques de filières, des enquêtes et traitements des données, des analyses d impacts environnementaux et socio-économiques. Depuis 2009, le Groupe a développé une expertise unique en matière d'analyse sociale du cycle de vie, en participant à l'élaboration des lignes directrices encadrant cette nouvelle méthodologie par l intermédiaire de son Vice-président M. Revéret, et en appliquant cet outil au travers de différentes études. Dans le cadre de l'acv, nous avons un partenariat avec le Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), qui est l'un des plus grands centres de recherche universitaire sur l'acv au monde, et est basé au Québec ; ainsi qu avec le bureau d études international Quantis, spécialisé en ACV environnementale.
L'émergence de l éco-socio-conception correspond au besoin de concevoir des produits en réduisant leurs impacts socio-économiques négatifs tout au long de leur cycle de vie, en s'attachant à garder leur qualité d'usage, c est à dire leur performance et à leur fonctionnalité. La performance des organisations est de plus en plus mesurée selon les trois principes du développement durable : environnemental, social et économique. Dans cette logique, les entreprises doivent de plus en plus rendre des comptes sur ces trois aspects. Le pacte mondial de l'onu, les directives du Global Reporting Initiative, l'iso 26 000 et le Grenelle de l'environnement sont autant de mesures qui favorisent l'émergence d'entreprises citoyennes, du point de vue environnemental et social. Les marchés questionnent de plus en plus les entreprises sur leur empreinte sociale. Dans le contexte de l'économie verte, le développement d'outils de mesure devient incontournable et il est de plus en plus évident que l éco-conception doit muter vers l'éco-socio-conception. L'ACV environnementale est l'un des seuls outils sûrs et reconnus pour mesurer l'impact environnemental des produits ou services sur l ensemble du cycle de vie. C'est également un outil d'aide à la décision, avec des résultats avérés. Si l'on veut aborder les choses sous l'angle du développement durable, l'on doit alors inclure les enjeux sociaux. Les Lignes directrices pour l Analyse sociale du cycle de vie (AsCV) des produits publiées en 2009 par le PNUE et la SETAC définissent l AsCV comme une technique d'évaluation des impacts sociaux et socio-économiques, réels et potentiels, positifs et négatifs, tout au long du cycle de vie des produits, incluant toutes les phases : extraction, transformation, fabrication, distribution, réutilisation, maintenance, recyclage et mise à rebut. L'ACV sociale fait le bilan socio-économique du produit avec une perspective cycle de vie. L'ACV sociale s'intéresse avant tout aux relations sociales entre les acteurs et les parties prenantes qui interviennent à chaque étape du cycle de vie. Comme pour la RSE, la réflexion se fait autour de grandes catégories de parties prenantes et d impacts identifiées dans les Lignes directrices. Il existe cinq grandes catégories de parties prenantes : la communauté, les travailleurs, la société, les consommateurs et les acteurs de la chaîne de valeur (fournisseurs, partenaires etc). Les grandes catégories d'impact étudiées correspondent quant à elles aux grandes valeurs universelles promues par l'onu, telles que celles relatives aux droits de l'homme, aux conditions de travail, aux retombées socio-économiques, à la santé, à la sécurité, à la gouvernance et à l'héritage culturel. Pour représenter plus spécifiquement les enjeux sociaux à documenter, les lignes directrices ont identifié des sous catégories d'impacts, qui ont été mises en correspondance avec les catégories de parties prenantes auxquelles elles correspondent. On s'intéresse ainsi à documenter par exemple : l'existence ou non du travail des enfants, le nombre d'heures de travail, la transparence, les engagements publics de l entreprise en matière de développement durable etc. Ces sous-catégories sont nombreuses, mais toutes ne doivent pas être
nécessairement considérées pour une étude donnée. Il faut identifier les sous-catégories pertinentes pour l'étude, et celles-ci sont souvent le reflet de la localisation géographique de l'étape du cycle de vie étudié. Si l'on étudie le processus réalisé en pays développé, les angles d'attaques seront bien sûrs différents de ceux d'un pays en voie de développement. Pour évaluer les impacts, il faut développer les indicateurs documentant ces souscatégories. Les grandes étapes de la réalisation d'une analyse cycle de vie sociale débutent par, en amont, identifier les objectifs et le champ d'étude. Une fois les étapes du cycle de vie décrites en détail, la chaîne de valeur doit faire figurer l'ensemble des acteurs qui vont intervenir tout au long des étapes du cycle. Il s agit de saisir la dynamique des relations entre les acteurs pour comprendre le fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement. Ensuite, on cartographie les parties prenantes, ie tous les acteurs susceptibles de subir des impacts positifs ou négatifs tout au long du cycle. Ce travail fait, on choisit les sous-catégories d'impacts pertinentes pour l étude, et on développe des indicateurs pour les documenter. Nous devons développer les indicateurs au cas par cas. On adopte deux types d'approches. Une approche top-down : elle se base sur les variables traditionnellement utilisées. Une approche bottom-up : elle développe les nouvelles variables pour faire du sur mesure et saisir les enjeux sociaux de l'étude. Enfin, on collecte les données sur le terrain, analyse et interpréte les résultats. L'ACV environnementale et sociale réalisée pour le compte de Recyc-Québec compare deux options de gestion de matériel informatique en fin de vie (cf. ppt). Il faut comparer les résultats par rapport à un point de référence. L'étude sur le transport de marchandise, par exemple, montre un diagramme synthétisant la performance socioéconomique des embouteilleurs, selon chaque catégorie d'impacts. Les résultats ont ici été adaptés et ne sont pas ceux obtenus dans le cadre de l étude, soumis à confidentialité. L'ACV sociale permet d'accompagner la conception d'un produit responsable, de gérer les risques de non conformité, de développer une stratégie d'achats et approvisionnement responsable, d évaluer les performances sociales et économiques tout au long de la chaîne de valeur, et de structurer et améliorer le dialogue entre l'entreprise et ses parties prenantes, tout en communiquant sur la performance socio-économique et en se différenciant de la concurrence. Parmi les études AsCV réalisées ou en cours de réalisation par le Groupe AGECO on citera par exemple l ACV de la production de lait au Canada. Nous avons développé récemment des lignes directrices pour encadrer l'acv environnementale et sociale des produits laitiers au Québec. Nous travaillons également sur d'autres produits transformés, tels que la volaille ou les boissons.
Questions Pauline Bian-Gazeau, Agrion Que contiendra concrètement la base de données? Où en est-on aujourd'hui? Cette base de données est en train d'être mise en place. L'initiative vise à regrouper des données d'inventaires, mais ce sont seulement des indicateurs par pays ou parfois par industrie provenant de bases de données internationales. Il s'agit avant tout d'un outil global, et sera probablement terminé d'ici l'année prochaine. Bérénice Harfouf-Ponthus, Bio Intelligence Service Quelle est la fourchette de prix pour une analyse sociale du cycle de vie? Entre 10.000 et 120.000 euros, selon l étendue et le niveau de détail de l étude. 2- POLE ECO-CONCEPTION : Bérénice DREUX-GERPHAGNON et Nizar HAOUES L outil de diagnostic d écosocioconception renvoie à l importance de la dimension sociale dans la conception responsable d un produit. Un constat a été réalisé en 2009 : il ne s agit pas d ajouter la dimension sociale aux outils déjà existants en écoconception, mais davantage de revisiter l environnement en fonction des impacts de chaque acteur. Les dimensions sociales et environnementales sont imbriquées les unes dans les autres. Il s agira d intégrer au cahier des charges du produit une dimension environnementale, sociale ou économique. On tient alors compte de toutes les parties prenantes relatives au cycle de vie du produit. Pour établir la liste de ces parties prenantes, nous pouvons nous appuyer sur la liste de critères fournie par le PNUD, en y ajoutant la gouvernance. On remarque qu il existe de nombreux outils en matière de prise en compte de l environnement. Il n y a pas d outils à proprement parler pour la socio conception. Pour aider les entreprises à trouver des pistes opérationnelles, il existe des méthodes d intégration de la dimension sociale dans la conception des produits. En cumulant cette approche «parties prenantes» et «cycle de vie», l entreprise peut mieux prendre en compte les besoins des différentes parties prenantes, et réduire les impacts écologiques et sociaux. Cela permet de créer davantage de valeur, grâce entre autres à l équilibre entre satisfaction client et bon emploi des ressources. Or, on ne s arrête pas à la réduction des impacts, on s intéresse également à la création d externalités positives. Il s agit alors d obtenir une répercussion positive pour un projet. Par exemple, si l on relocalise la production textile dans une région, nous allons prendre en compte l augmentation de l emploi
dans la région, l augmentation du niveau de vie, la valorisation de cette région, etc. Cela correspond ainsi aux externalités positives générées. La démarche d écosocioconception trouve sa pertinence dans l approche filière. Il vaê être possible d identifier les externalités positives sur l ensemble d une filière, et les points difficiles sur lesquels travailler, qui peuvent devenir des leviers de développement. L objectif est de créer un groupe de travail ainsi que des référentiels où différents acteurs pourront échanger bonnes pratiques, nouveautés réglementaires Un questionnaire a été envoyé aux entreprises pour obtenir leur ACV. Nous avons besoin de pistes concrètes et pratiques applicables dans le développement de produits ou de politiques d entreprises. Nous avons développé dans le cadre d un projet de recherche cet outil de diagnostic d écosocioconception pour PME/PMI, qui offre aux entreprises des pistes opérationnelles pour leurs stratégies de développement de produits Nous nous intéressons à un produit en particulier, à sa chaîne de valeur, et aux différentes parties prenantes. L objectif est de sensibiliser au principe d écosocioconception, d identifier les enjeux de l entreprise sur cette thématique, et de proposer des pistes de travail correspondantes. Le diagnostic contient deux parties. Les critères environnementaux, sociaux et économiques stratégiques correspondent aux engagements de l entreprise dans le développement durable. Nous évaluons le positionnement possible par rapport à la norme ISO 26000. Nous identifions le problème par rapport à son aspect social. Les résultats de l évaluation permettent de voir quels sont les niveaux de connaissance et leur niveau d application. La deuxième partie de l outil s intéresse au produit, comme par exemple ses coûts sociaux. L objectif est d expliquer à l entreprise comment intégrer l aspect social et sociétal, comment modéliser cette contrainte, comment l inscrire dans le développement du produit. Nous effectuons un audit qui prend la forme d un questionnaire. Cette étape permet de collecter des données importantes. Ensuite, le produit est évalué au regard des différentes parties prenantes, et des différentes étapes du cycle de vie. L objectif est de faire ressortir les points chauds du produit sur son cycle de vie par rapport aux différentes parties prenantes. L outil commence à être suffisamment complet, et a déjà été mis en œuvre auprès de trois PME dans la Loire. Une quatrième entreprise sera auditée la première semaine de janvier 2012. Les entreprises sont très intéressées par ce type de démarches. Le diagnostic se déroule essentiellement sur cinq jours. L outil permet d apporter des éléments pour aider à l intégration des aspects sociaux et sociétaux. Avant l audit, il y a une nécessaire sensibilisation de l équipe. Puis vient une période d analyse et de rendu sur la sensibilisation. On travaille enfin sur les pistes d écosocioconception définies par l auditeur. Si la dimension sociale s apparente de prime abord à une contrainte, elle permet en fait de créer de l innovation, par un croisement de différents points de vue. La première version de l outil va être améliorée. Nous avons un projet d actions collectives au niveau des grands groupes et de PME, afin d établir des référentiels en écosocioconception.
Questions Pauline Bian-Gazeau, Agrion Au moment de la récupération des informations, comment récupérez-vous les données auprès des populations locales éloignées géographiquement? Nous avons réalisé un guide d entretiens, incluant un questionnaire qui évoluera en fonction de la partie prenante contactée. Nous entrons en contact avec les communautés locales et leur proposons de répondre au questionnaire. Nous organisons également des réunions. Béatrice Bellini, UVSQ Par rapport à l état de l art sur les outils en écosocioconception, pourquoi les labels du commerce équitable ne sont-ils pas inclus? La socio-conception est une approche plus globale que le commerce équitable, ces référentiels s intéressent aux conditions de production. La démarche AsCV s intéresse à tout le cycle de vie. Bien évidemment, les labels enrichissent la réflexion sur le sujet. Notre objectif n est pas de communiquer, comme peut le suggérer l emploi des labels. Notre objectif est de pouvoir comparer, apporter des réponses à des lacunes en matière d outils, de méthodes. Le premier niveau correspond à l intégration de la dimension sociale et sociétale dans l ACV. Si cette démarche est formalisée, nous pouvons aller vers la communication. Nous ne sommes pas focalisés sur une étape du cycle de vie. Jean-Marie Coant, 3M France Si l'arbitrage sur des critères environnementaux est facilité par la quantification de l ACV environnemental, comment l exporter à la sphère sociale? C est toute la difficulté de la création de cet outil. L idée est de revisiter l approche environnementale en fonction du social. Rebecca Pinheiro-Croisel, Ecole des Mines Paris Par rapport à l éco-conception dans le bâtiment, la prise en compte des enjeux sociaux, les performances sociales et la mixité sociale sont-elles prises en compte? Nous nous intéressons au rôle social du produit. Pas seulement à l étude d impact environnemental ou social, mais nous nous inscrivons dans une démarche et regardons de quelle manière le produit s inscrit dans le territoire et ce qu il apporte de bénéfique pour la filière. L outil est-il opérationnel? Oui, nous avons d ores et déjà fait plusieurs rendus. L outil est en évolution permanente depuis sa sortie, il y a un an.