Entretien avec Erich Honecker publié dans La Libre Belgique (13 octobre 1987)



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Transcription:

Entretien avec Erich Honecker publié dans La Libre Belgique (13 octobre 1987) Légende: Le 13 octobre 1987, accordant un entretien au quotidien bruxellois La Libre Belgique, Erich Honecker, président du Conseil d'état de la République démocratique allemande (RDA), expose le rôle de son pays sur l'échiquier international et la position de son gouvernement face aux demandes de réformes démocratiques. Source: La Libre Belgique. 13.10.1987, n 286; 105e année. Bruxelles: Edition de la Libre Belgique S.A. "Honecker: "Pas d'hostilités aux réformes de Moscou"", p. 2. Copyright: (c) La Libre Belgique Le présent article est reproduit avec l'autorisation l'editeur, tous droits réservés. Toute utilisation ultérieure doit faire l'objet d'une autorisation spécifique de la société de gestion Copiepresse info@copiepresse.be URL: http://www.cvce.eu/obj/entretien_avec_erich_honecker_publie_dans_la_libre_belgi que_13_octobre_1987-fr-258a3a9c-6131-46e0-8d82-416212a4ebac.html Date de dernière mise à jour: 14/10/2015 1/6

Honecker : «Pas d hostilité aux réformes de Moscou» - Les deux Etats allemands veulent assumer une responsabilité particulière sur le plan de la sécurité en Europe. Le Traité fondamental le prévoit ; en 1985, vous vous êtes mis d accord avec le chancelier Kohl pour que plus aucune guerre ne puisse être déclenchée «à partir du sol allemand». En quoi consistent, concrètement, les responsabilités de la R.D.A. et comment comptez-vous les assumer avec la République fédérale? - Depuis toujours, la R.D.A. est consciente que les deux Etats allemands assument une responsabilité toute particulière pour la paix et la sécurité en Europe, ce qui résulte de leur situation géographique à la ligne séparant les deux grands blocs militaires, mais également des leçons historiques. Ils doivent veiller à ce que jamais plus une guerre ne parte du sol allemand, mais qu en émane toujours rien que la paix. Je le considère comme un résultat essentiel de ma visite officielle en République fédérale d Allemagne que les deux parties ont réaffirmé cet engagement. Il en résulte à notre avis, la nécessité que les deux Etats œuvrent activement pour le désarmement et la détente. Il importe que la République démocratique allemande et la République fédérale d Allemagne s engagent en faveur d une solution double zéro concernant les missiles de portée moyenne, ce qui inclut également le démantèlement des Pershing-1A en R.F.A. Inspirée par la volonté de faire des pas spécifiques vers le désarmement, la R.D.A., en commun avec la République socialiste tchécoslovaque, a proposé à la R.F.A., on le sait, de créer un corridor exempt d armes atomiques en Europe centrale ainsi qu une zone exempte d armes chimiques en Europe et d entamer des négociations à ce sujet. Cela constituerait sans aucun doute une contribution importante pour atténuer la situation en Europe. Nous nous attendons à ce que la R.F.A. n ait pas encore dit son dernier mot à ce propos. Vu l accord de principe entre l U.R.S.S. et les U.S.A. sur l élimination des missiles nucléaires de portée moyenne, la proposition sur la création d un corridor exempt des armes atomiques prend une actualité particulière. Lors de mes entretiens avec le chancelier fédéral Kohl, j ai indiqué qu on pourrait prévoir, dans un premier temps, un corridor s étendant sur environ 300 km le long de la ligne séparant les deux alliances. J ai également rappelé la disponibilité de l Union soviétique de retirer ses armes nucléaires d un tel corridor, de respecter et de garantir son statut. Vu l accord sur les missiles de portée moyenne qui commence à prendre forme, on pourrait envisager la possibilité d étendre sans retard la zone exempte d armes atomiques sur toute l Europe centrale. Le communiqué commun du 8 septembre 1987 sur ma visite en R.F.A. contient plusieurs stipulations concrètes concernant l action que les deux Etats pourront mener dans l intérêt du désarmement et de la détente. Ils se sont engagés de faire en sorte que les conférences de Vienne, auxquelles ils participent, aboutissent à des progrès et à des résultats et de contribuer à ce que les négociations entre l Union soviétique et les U.S.A. donnent des résultats positifs. Nous étions unanimes à constater la nécessité de réduire de 50 p.c. les armes stratégiques offensives, de respecter le Traité ABM, d arrêter les essais nucléaires, de renforcer le régime de la non-prolifération des armes nucléaires, d interdire les armes chimiques. On a également souligné l importance du désarmement conventionnel. Vous pouvez être certains que la R.D.A. ne ménagera aucun effort pour s acquitter de sa responsabilité de paix. - Qu associe-t-on en République démocratique allemande au terme «allemand»? Quel est le rapport des ressortissants de la R.D.A. à l égard de l histoire allemande dont les débuts remontent beaucoup plus loin que l année 1945, quelle en est l attitude de la R.D.A.? - La R.D.A. n est pas née dans un vide historique. Elle plonge ses racines dans l histoire et dans des traditions historiques. La connaissance de cette histoire, des expériences et des enseignements qui en émanent représente pour nous un élément indispensable pour comprendre et construire le présent et l avenir. 2/6

Ainsi, toutes les traditions humanistes et progressistes sont mises au service de notre société. En effet, notre riche patrimoine historique et culturel est une base essentielle de notre progrès social. «Sans regarder en arrière» - a écrit le poète Johannes R. Becher -, «il est impossible de comprendre le présent ou d envisager l avenir!» La question fondamentale de notre époque la question de guerre ou de paix exige que nous autres Allemands adoptions une nouvelle réflexion d ordre historique. Tel est l enseignement douloureux que nous tirons de deux guerres mondiales dévastatrices qui sont parties de l ancien Reich allemand. Ainsi, nous associons au terme «allemand» avant tout la responsabilité particulière d apporter la contribution la plus efficace à la préservation de la paix, de veiller à ce que le sol allemand ne soit plus jamais le berceau d une guerre, mais seulement le berceau de la paix. - L Acte final d Helsinki, signé en 1975, contient des formules solennelles quant à la sécurité et à la coopération. Quels sont, à votre avis, les progrès essentiels enregistrés dans les relations entre la R.D.A. et la Belgique en application des principes de la C.S.C.E.? Quels sont les domaines où vous auriez escompté des résultats plus importants et pourquoi ceux-ci n ont pas été obtenus? - Nous considérons que l Acte final d Helsinki constitue une base sine qua non pour consolider la sécurité et promouvoir le développement des relations pacifiques et mutuellement avantageuses entre les Etats de l Europe. Dès le jour de sa signature, nous l avons appliqué dans toute son ampleur, conformément à notre politique de paix. Cela se reflète, bien sûr, aussi dans les relations gouvernementales entre la R.D.A. et la Belgique, encore relativement jeunes du point de vue historique. En vertu de contrats solides, des relations multiples se sont développées dans l économie, les transports, l entraide judiciaire, la culture et la santé publique. L ampleur et la continuité du dialogue politique prennent des dimensions exemplaires. Depuis les années 80, il y a des contacts quasi réguliers des ministres des Affaires étrangères et des ministres techniques ainsi que des relations parlementaires suivies auxquelles s ajoutent depuis l année passée des rencontres au plus haut niveau. Nos relations comprennent également des entretiens entre les représentants des partis politiques et des syndicats et des échanges de vues entre les experts de nos deux Etats, à l exemple de celui au sujet de l interdiction des armes chimiques et de la création d une zone exempte de telles armes en Europe centrale. Je demeure convaincu que les rencontres et entretiens que j aurai avec les plus hauts représentants de votre pays vont contribuer à approfondir davantage la coopération confiante et mutuellement avantageuse et à dégager de nouveaux secteurs de la coopération économique, scientifique, technique et culturelle au sens le plus large du terme. - On comprend aisément que la R.D.A. et ses ressortissants portent un intérêt moindre à la Belgique. Ceci dit, quelles sont vos intentions et attentes concernant votre visite en Belgique? - Les ressortissants de la R.D.A. gardent toujours en mémoire que le militarisme et le fascisme allemands, par deux guerres dévastatrices, ont foulé aux pieds la neutralité de la Belgique, ont méprisé la souveraineté et l intégrité territoriale de la Belgique et de nombreux autres Etats. Les noms d Ypres et du Port de Breendonk, synonymes des crimes les plus atroces contre l humanité, sont pour les hommes à la fois l exhortation et l obligation de ne pas se relâcher dans la lutte pour la paix et un avenir sûr de tous les peuples de cette planète. En septembre de l année passée, j ai eu l occasion d avoir un échange de vues approfondi à Berlin avec le Premier ministre Martens. Nous étions unanimes à constater que la R.D.A. et la Belgique deux Etats industriels hautement développés ont la volonté d intensifier leurs relations bilatérales et de s engager dans l arène internationale en faveur d un monde plus juste et plus sûr. A cet égard, je me réjouis de poursuivre ces entretiens en Belgique, et j en attends beaucoup. La vaste information de nos médias sur la visite de votre Premier ministre, il y a un an, a d ailleurs suscité un grand intérêt pour votre pays chez notre population et, j en suis sûr, ma visite contribuera à l approfondir davantage. 3/6

- En Belgique, on a l impression que l Etat et la société en R.D.A. sont empreints de traits fort unitaires. Est-ce que c est voulu par l Etat et le parti ou bien y aura-t-il à l avenir des efforts pour promouvoir la diversité des courants d idées ou les possibilités de les exprimer? - Il va sans dire que notre système social autant que le vôtre est empreint d un caractère qui lui est propre. La République démocratique allemande se développe comme Etat socialiste dans lequel prévaut le marxismeléninisme, idéologie de la classe ouvrière. Cela ne signifie nullement l uniformité de notre société socialiste où les gens sont nombreux à faire profession d autres philosophies ou de religions. A l étranger, on ignore souvent que, outre le S.E.D., il y a quatre autres partis politiques et d autres organisations politiques qui siègent sur un pied d égalité au sein de nos représentations populaires allant du Parlement, qui est la Chambre du peuple, jusqu aux représentations communales. Un de ces partis, l Union chrétienne-démocrate, unit dans ses rangs avant tout des croyants. La liberté d opinion et de la presse est garantie aux termes de notre Constitution et reconnue comme droit de l homme élémentaire. D après nous, la diversité des opinions et des idées, tout comme l échange intellectuel suivi, tant dans nos rangs qu avec ceux aux visions divergentes, sont d une nécessité vitale, car c est la seule voie permettant de dégager et de mettre à profit tout le potentiel de notre peuple. Aucun progrès social n est possible sans la pensée et l action collectives de millions de nos citoyens, sans la richesse de leurs idées. - Le professeur Otto Reinhold, membre du Comité central du SED, a déclaré à Bonn que «la cogestion de chaque citoyen doit être élargie et étendue» en République démocratique allemande. Comment concevezvous l application de ce principe? Et serait-il possible, en raison des conditions de départ différentes, de penser à une harmonisation dans les différents Etats socialistes? - Le droit fondamental de chaque citoyen de la R.D.A. à la cogestion et à la participation n est pas seulement défini par notre Constitution, mais est devenu depuis longtemps une réalité sociale de notre pays. En témoigne le fait qu un citoyen sur trois de la R.D.A. est bénévole dans l exercice d une charge politique ou sociale. Les succès de notre politique économique et sociale, qui ont suscité l attention internationale, sont le résultat de l application universelle du droit de cogestion et de participation. Ils sont l expression de la haute responsabilité et de l engagement personnel que la grande majorité des travailleurs éprouve pour leur Etat. Nous avons beaucoup réalisé, certes, mais nous ne sommes pas contents. Nous voudrions que tous les citoyens assistent sciemment à l édification de la société socialiste développée. Plus les citoyens participent activement au processus démocratique, plus le développement de notre pays avance. Notre principe «Participation de chacun au travail, à la planification et au pouvoir» suppose qu on discute sérieusement avec les travailleurs toutes les questions touchant leur travail et leur vie. L avantage décisif de notre démocratie socialiste, c est qu elle se réalise aussi pleinement dans le domaine de la production matérielle dans les combinats et entreprises. Pour ne citer qu un exemple une entreprise ne peut prendre aucune décision importante sans consentement préalable du syndicat. Quant à la question de l «harmonisation» dans les différents Etats socialistes, je tiens à vous dire que le perfectionnement de la démocratie socialiste est partout une tâche permanente. Si vous voulez, cette harmonisation existe depuis longtemps. Il s agit de mobiliser le sens de responsabilité et l action de tous les citoyens. - L impression prévaut que l Etat et l Eglise ont amélioré considérablement leurs relations au cours des dix dernières années. Pouvez-vous préciser les éléments de cette politique qui ont rendu possible une telle amélioration et dire quelles sont leurs limites dans un Etat athée? - Comme vous l avez constaté à juste titre, les rapports entre l Etat et les Eglises se sont développés de manière permanente et constructive au cours des dix dernières années. Les rencontres que j ai eues en 1978 avec le comité de la Conférence des synodes évangéliques de la R.D.A., présidé alors par l évêque Dr Albrecht Schönherr, et en janvier 1981 avec l'évêque Gerhard Schaffran, alors président de la Conférence épiscopale de Berlin de l Eglise catholique, étaient d importance pour les relations entre l Etat et les Eglises. 4/6

Grâce à ces entretiens, les relations entre l Etat et les Eglises ont gagné en sincérité, en compréhension et en volonté de parvenir à des règlements constructifs. On a défini la base pour développer des relations normales, conformes à la Constitution et caractérisées par la compréhension mutuelle. Nous poursuivrons cette politique qui a montré sa valeur. L accord qui existe entre marxistes et chrétiens, entre l Etat et les Eglises dans la question de la sauvegarde de la paix et dans la politique de paix de la R.D.A., est sans doute la base régissant ses relations. Le principe fondamental de la R.D.A. que jamais plus une guerre ne parte du sol allemand, mais qu en émane toujours la paix, a été épousé par les Eglises. Ce qui s est manifesté d ailleurs cette année, lors du Congrès de l Eglise évangélique à la capitale de la R.D.A. et pendant la première rencontre des catholiques de la R.D.A. à Dresde. Il faut souligner, dans la même mesure, la large concordance des intérêts, quand il s agit de réaliser notre politique économique et sociale, de développer davantage les rapports humains, de préserver le patrimoine culturel, d appliquer notre programme socialiste, pour le bien du peuple. La prévoyance et le travail social, que les Eglises exercent de façon autonome et spécifiquement motivée, ont leur place solide et appréciée dans notre système de santé et des affaires sociales. Les Eglises protestantes, entretiennent p. ex. 48 hôpitaux et maisons de soins à presque 7.000 lits, et plus de 330 maisons de retraite et cliniques gériatriques à plus de 11.000 places. La littérature et les publications ecclésiastiques sont très nombreuses en R.D.A. et rencontrent un intérêt accru à l étranger. Chaque année, environ 5 millions d ouvrages d inspiration religieuse paraissent aux éditions des Eglises et à celle de l Union chrétienne-démocrate (C.D.U.). Outre les six quotidiens de la C.D.U., on compte chez nous 32 périodiques et revues ecclésiastiques et théologiques. Ces exemples devraient suffire pour montrer que les Eglises en R.D.A. partagent les responsabilités, qu elles les mettent en œuvre avec l appui de l Etat et de toute la société. La Constitution garantit la liberté de conscience et de croyance et protège le culte. Les croyants peuvent pratiquer librement le culte. - Les réformes entreprises en Union soviétique ne semblent pas avoir rencontré en R.D.A. un écho très favorable. Vous paraissent-elles mal adaptables au pays que vous dirigez? - A mon avis, votre impression n est pas correcte. La R.D.A. suit, avec beaucoup de sympathie et un grand intérêt, la transformation introduite en Union soviétique. Comme vous le savez, l amitié et la coopération étroite et de plus en plus profonde avec l Union soviétique sont depuis des décennies un pilier de notre politique. L échange d information et d expériences faites dans l édification du socialisme est un élément stable de cette coopération étroite. L un apprend de l autre, comme il est normal entre amis. La vie confirme toujours à nouveau que le socialisme n est pas un système raide et inflexible, comme on le prétend souvent à l Ouest. Les questions et problèmes nouveaux qui apparaissent au cours du développement social exigent de nouvelles voies et solutions. Il importe cependant que chaque pays le reconnaît à temps et trouve des solutions conformes aux conditions données. Bien entendu, la R.D.A. a procédé, comme d autres Etats socialistes, aux changements de structures nécessaires. Je vous rappelle que nous attachons depuis des années une attention particulière à l intensification universelle de la production ainsi qu à la production et application accélérées des technologies clés, notamment de la microélectronique. Ce qui nous a permis, malgré les conditions internationales difficiles, de poursuivre notre politique éprouvée d unité de l économique et du social. Fin des années 70 et début des années 80, un pas important a été fait à cet égard par la création des combinats qui constituent aujourd hui la colonne vertébrale de notre économie nationale. Les mesures prises pour augmenter les responsabilités des combinats et entreprises ont des effets positifs. Nous ne sommes donc pas «hostiles aux réformes». Nous cherchons de manière permanente à dépister les secteurs où des changements sont devenus nécessaires et comment il faut les réaliser. A cette fin, nous 5/6

organisons de larges discussions et débats auxquels participent souvent des millions de citoyens. Il est notre principe de changer ce qui est nécessaire, et de faire ce qui sert le renforcement du socialisme et le bien de nos citoyens. 6/6