Rechercher la cause du surdosage : introduction d un nouveau traitement, automédication/observance,



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Transcription:

Thème : Prise en charge de toutes les situations nécessitant un arrêt des AVK chez les patients anti coagulés pour une thrombose veineuse profonde : accidents hémorragiques graves, traumatismes crâniens, surdosages asymptomatiques, soins dentaires, chirurgie programmée, chirurgie en urgence. Observation n 1 Pour cette observation, nous utilisons les recommandations HAS d' avril 2008 : prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. A) Une patiente âgée de 65 ans est traitée depuis un mois pour une thrombose de la veine poplitée et des veines jambières à droite. Le traitement actuel est le suivant : Préviscan, 1 comprimé/jour avec compression classe 3. Cette patiente revient pour un contrôle écho doppler. La thrombose est inchangée. Lors de cette consultation, elle signale qu elle doit voir dans quelques jours son rhumatologue pour une infiltration du genou, celui-ci la faisant de plus en plus souffrir. Est-ce possible? Oui, selon les recommandations de HAS 2008, les infiltrations péri articulaires sont dans le groupe 3 = risque hémorragique faible. Le geste peut donc être réalisé en poursuivant les anticoagulants, après avoir vérifié l'absence de surdosage. Gestes rhumatologiques et AVK groupe 1 = risque hémorragique élevé (HAS 2008) : o Ponction-infiltration rachidienne cervicale ou lombaire, épidurale ou intradurale, foraminale o Ponction-biopsie discale o Cimentoplastie Gestes rhumatologiques et AVK groupe 2 = risque hémorragique modéré (HAS 2008) : o Ponction-infiltration simple des articulations coxo-fémorales o Infiltration canalaire profonde (cf. Alcock) o Ponction-infiltration rachidienne lombaire, foraminale ou articulaire postérieure ou dorsale costo-vertébrale o Lavage articulaire d une articulation périphérique o Ponction-trituration de l épaule o Biopsie synoviale ou osseuse o Infiltration sacro-iliaque ou ponction-infiltration par le hiatus sacro-coccygien Gestes rhumatologiques et AVK groupe 3 = risque hémorragique faible (HAS 2008) : o Infiltrations périarticulaires o Ponction-infiltration simple des articulations périphériques hors coxo-fémorales 1

o Infiltration canalaire superficielle o Biopsie des glandes salivaires accessoires Le risque d une infiltration articulaire périphérique est la survenue d une hémarthrose. L indication d un tel geste doit être discuté avec soin en tenant compte du bilan de la coagulation, de la balance bénéfices/risques et de la nature de l articulation (plus l articulation est profonde, plus le risque est important). A noter que dans les situations à risque hémorragique modéré ou élevé, les AVK sont interrompus avec ou sans relai par Héparine suivant le risque thrombo embolique. B) Un INR est donc effectué. Celui-ci est à 4,5. Quelle est votre CAT? Rechercher la cause du surdosage : introduction d un nouveau traitement, automédication/observance, alimentation Examen physique à la recherche d une hémorragie. Stopper celle-ci si possible. Associer au prochain dosage d INR une NFS/Plaquettes. Vérifier que la patiente est groupée. Apporter les mesures correctrices. Selon l HAS 2008, l INR cible étant 2.5 (cible pour les TVP), l INR retrouvé étant entre 4 et 6, on saute une prise de Préviscan, pas d apport en Vit K. Un contrôle de l INR est effectué le lendemain. Mesures correctrices recommandées en fonction de l INR mesuré et de l INR cible INR mesuré INR cible 2.5 (fenêtre entre 2 et 3) INR cible 3 (fenêtre 2.5-3.5 ou 3*4.5) INR < 4 4 INR < 6 6 INR < 10 INR 10 Pas de saut de prise Pas d apport de Vitamine K Saut d une prise Pas d apport de Vitamine K Arrêt du traitement 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique (grade A) Arrêt du traitement 5 mg de Vitamine K par voie orale (1/2 ampoule buvable forme adulte (grade A) Pas de saut de prise Pas d apport de Vitamine K Saut d une prise Un avis spécialisé est recommandé (ex. cardiologue en cas de prothèse valvulaire mécanique) pour discuter un traitement éventuel par 1 à 2mg de vitamine K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) Un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé 2

L'infiltration ne peut être réalisée immédiatement chez cette patiente présentant un surdosage en AVK. Elle ne peut être réalisée si l'inr est supérieur à 3. Observation n 2 : Pour cette observation, nous utilisons les recommandations HAS d' avril 2008 : prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. Une patiente est traitée pour une thrombose suro poplitée gauche (1er épisode de thrombose veineuse profonde) depuis 1 mois. Elle est sous antivitamines K. Cette patiente présente une coxarthrose très invalidante responsable d'une réduction importante d'activité pouvant expliquer la survenue de la thrombose veineuse profonde. Une intervention de prothèse de hanche est programmée dans 3 semaines chez cette patiente (chirurgie à risque thrombotique élevé). Que doit-on conseiller? Le mieux serait de différer la chirurgie. La patiente est très algique et souhaite être opérée de la hanche. Il est convenu que la chirurgie sera réalisée 3 mois après le début de l'évènement thrombo embolique. Que dit l'has? Certains actes chirurgicaux responsables de saignements peu fréquents, de faible intensité ou aisément contrôlés (chirurgie cutanée, chirurgie de la cataracte) peuvent être réalisés chez des patients traités par AVK dans la zone thérapeutique usuelle (INR compris entre 2 et 3). Le traitement par AVK peut être poursuivi en l'absence de surdosage. Dans les autres cas, l'arrêt des anticoagulants est recommandé (intervention si INR < 1,5). Chez les patients présentant un antécédent de maladie thrombo embolique, on distingue 2 cas : - Les patients sont à haut risque thrombo embolique (thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire datant de moins de 3 mois, maladie thrombo embolique récidivante idiopathique = Nombre 2 avec au moins un accident sans facteur déclenchant) : un relai AVK Héparine est recommandé. - dans les autres cas, les AVK peuvent être interrompus sans relai pré opératoire par Héparine. Les anticoagulants sont repris dans les 24 à 48 heures post opératoires. Chez cette patiente présentant un évènement thrombotique récent (3 mois), notre groupe recommande de réaliser un relai AVK Héparine. ORDONNANCE PRE OPERATOIRE Mesurer l INR 7 à 10 jours avant l intervention J-5 Dernière prise de Préviscan 3

J-4 Pas de prise de Préviscan J-3 HBPM curative sous-cutanée ou HNF SC le soir J-1 Hospitalisation systématique HBPM à dose curative le matin de la veille de l intervention ou HNF SC jusqu au soir de la veille de l intervention Ajustement de l anti-coagulation en fonction du bilan biologique : si INR > 1.5 la veille de l intervention, prise de 5mg de Vitamine K per os J0 Intervention ORDONNANCE POST OPERATOIRE Reprise Héparine > 6 heures après la fin de la chirurgie (selon schéma pré op) J1 si chirurgie non ou peu hémorragique ou à J3 ou J4 si risque d hémorragie chirurgicale : reprise des AVK Dosage d INR quotidien et arrêt d Héparine dès que 2 INR successifs en zone thérapeutique à 24h d intervalle Observation n 3 : Vous prenez en charge Madame M pour une thrombose suro poplitée droite diagnostiquée il y a 1 mois. L'INR est à 2,5. Le dentiste de Madame M vous téléphone car il souhaite que les anticoagulants soient interrompus pour réaliser une avulsion dentaire isolée. Que lui répondez vous? Nous nous appuierons pour traiter cette observation sur les recommandations pour la prise en charge des patients sous traitement anti-vitamines K en chirurgie bucco-dentaire élaborées par la Société francophone de médecine buccale et chirurgie buccale en collaboration avec la Société Française de Cardiologie (2006). Il faut remarquer qu'aucune séquelle ni aucun décès n'a été signalé dans la littérature chez des patients présentant un saignement post opératoire après une intervention de chirurgie buccodentaire et dont le traitement anticoagulant n'avait pas été modifié. En revanche des complications thrombo emboliques mortelles sont survenues après arrêt ou diminution de la posologie des AVK. La demande d'interruption des anticoagulants souvent formulée par les dentistes est donc dans la grande majorité des cas injustifiée. Il faut distinguer plusieurs cas de figure. Si l'inr > 4, aucune intervention n'est pratiquée. On ramène l'inr entre 3 et 4 le jour de l'intervention jusqu'au 3ème jour post opératoire. Si 3<INR <4, la prise en charge doit être hospitalière. Ce cas de figure intervient rarement dans la maladie thrombo embolique veineuse (en pratique dans les syndromes des anti phospholipides). 4

Si l'acte est à risque hémorragique modéré, l'intervention buccale est réalisée sous AVK. Si l'acte à réaliser est classé à haut risque hémorragique, il faut effectuer un relai AVK par HBPM ou HNF en cas d'insuffisance rénale. 2<INR<3 : Dans l'immense majorité des cas, chez nos patients vasculaires, l'inr doit être compris entre 2 et 3. Il faut distinguer 2 cas de figure: Soit l'acte est sans risque hémorragique ou à risque hémorragique modéré (avulsion isolée d'une dent, implant unitaire), la prise en charge se fait dans les cabinets de ville. Le traitement par AVK est poursuivi Soit l'acte est à haut risque hémorragique (avulsions de plus de 3 dents, avulsion dans différents quadrants, dents incluses, avulsion en zone inflammatoire) et la prise en charge est hospitalière. Dans les 2 cas, le traitement anticoagulant par AVK est poursuivi sans modification de la dose. Dans le cas de notre patient l'acte est à risque hémorragique modéré. La prise en charge se fera dans un cabinet libéral sans modification de la posologie des AVK. Le chirurgien dentiste doit prévenir les risques hémorragiques : Il doit effectuer une anesthésie locale utilisant un vaso constricteur (pas d'anesthésie loco régionale en raison du risque d'hématome pharyngé). Il doit utiliser un agent hémostatique local résorbable qui est mis en place dans chaque alvéole. La plaie est suturée avec mise en place de points de sutures unitaires séparés. Le dentiste doit effectuer une compression à l'aide d'une compresse pendant 10 minutes (On utilise la colle biologique seulement si l'inr est supérieur à 3 ou s'il existe un risque hémorragique important). En post opératoire, le patient ne doit pas consommé d'alcool ou de tabac. Il ne doit pas se rincer la bouche pendant 24 heures. Il ne doit pas boire ou manger trop chaud. il doit pouvoir contacter le praticien qui doit assurer la continuité des soins (intervention en début de semaine le matin). En cas de douleur, il faut prescrire du Doliprane puis des dérivés opiacés mais ni Aspirine ni AINS. En cas d'inflammation, il faut prescrire des corticoïdes. En cas de prescription d'antibiotiques, il faut contrôler l'inr plus fréquemment. En cas de survenue d'une hémorragie post opératoire, il faut réintervenir. Il faut réouvrir la zone opératoire, enlever le matériau de compression. Il faut reprendre la procédure (matériau hémostatique intra alvéolaire, sutures, compression locale, colle biologique parfois). Si le saignement persiste, il faut hospitaliser le patient, contrôler l'inr. On peut donner de la vitamine K per os (attention en cas de prothèse valvulaire car risque de thrombose de la prothèse. La vitamine K n'est donnée qu'exceptionnellement chez ces patients en cas d'urgence majeure). On arrête les AVK. On effectue un relai par HBPM dès que le saignement est contrôlé. 5

En cas d'hémorragie grave mettant en jeu le pronostic vital, on peut utiliser le PPSB. Observation n 4 : Pour cette observation, nous utilisons les recommandations HAS d' avril 2008 : prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. Monsieur PADECHENCE André âgé de 78 ans est traité depuis 3 mois pour une thrombose veineuse profonde poplitée et jambière droite survenue après un voyage en Thaïlande. Dans ses antécédents on note un AVC sylvien droit en 2008 sans séquelle, pour lequel il prend KARDEGIC 75 mg par jour, un diabète non insulino-dépendant équilibré sous METFORMINE 500 mg 2 fois par jour et une dyslipidémie traitée par LIPANTHYL 145 mg 1fois par jour. Dès le diagnostic de TVP posé par écho-doppler en urgence le bilan biologique initial comprenait : T.P, TCA, INR, numération sanguine et numération plaquettaire : résultats normaux. Un traitement initial a été initialisé par HBPM avec relais AVK par le PREVISCAN 1cp/1/4, efficace après 10 jours d AVK. le contrôle thérapeutique était réalisé initialement 1fois par semaine pendant un mois puis1 fois toutes les 3 semaines depuis 2 mois. Le dernier INR mesuré il y a 3 semaines était à 3,4. Depuis 15 jours à l occasion d une crise de goutte du premier orteil du pied droit son médecin traitant lui prescrit du ZYLORIC 200 mg, sans bilan biologique préalable puisque le tableau clinique était évident. Depuis 3 jours M. PADECHENCE présente une douleur de la fosse iliaque droite d aggravation progressive entraînant une impotence fonctionnelle. Il se sent fatigué, essoufflé. Je dois lui pratiquer un écho-doppler de contrôle à la clinique où je travaille, mais devant le tableau clinique je préfère l hospitaliser en urgence. Le tableau clinique à l arrivée retrouve : -un patient très algique avec une attitude en psoïtis du membre inférieur droit -Une pâleur et une dyspnée -Une tension artérielle à 110 /60 mm de Hg ( normalement 160/90 mm de Hg). Je lui prescris un bilan biologique qui retrouve : 6

-hématies 2,3 M/ mm 3 -Hémoglobine : 9 g /100Ml. -Numération plaquettaire :162 000 /mm 3 - Insuffisance rénale : Créatininémie :25 mg/l, clearance 45ml/min -un INR à 8,2. - Groupe Sanguin, RAI Je lui prescris un Scanner abdomino-pelvien en urgence qui retrouve un volumineux hématome du psoas droit. Je considère cette hémorragie comme grave car : instabilité hémodynamique : baisse de la TAS de plus de 40 mm de Hg par rapport à la TA habituelle (autres critères HAS : PAS inférieure à 90 mm de Hg, signe de choc, hémorragie extériorisée non contrôlable, nécessité d un geste hémostatique urgent, localisations menaçant le pronostic vital ou fonctionnel). Chez ce patient sous AVK le risque de complication hémorragique aurait du être estimé comme élevé (âge supérieur à 65 ans, ATCD d AVC, diabète cf recommandations HAS de novembre 2009 sur la prévention et le traitement de la maladie thrombo embolique veineuse en médecine), ce qui aurait dû justifier certaines précautions : vérifier la fonction rénale dans le bilan initial (diabète, âge), éviter les interactions médicamenteuses qui ont favorisé l accident hémorragique : Fibrates (diminution de la liaison AVK-proteïnes entraînant une augmentation de la forme active d AVK circulants), introduction de Zyloric ( diminution du catabolisme hépatique des AVK),ou au moins majorer la surveillance de l INR ( 1 fois toutes les 3 semaines depuis 2 mois). Traitement Il s'agit donc d'une hémorragie grave. Hospitalisation en urgence en réanimation. Arrêt des AVK. Voie d abord : perfusion de macro-molécules et de 2 culots globulaires dans un premier temps Perfusion de Concentrés de Complexes Prothrombinique : KASKADIL 20 UI d équivalent facteur 9 /Kg (= 1 ml /Kg) en bolus associée à 10 mg de Vitamines K1 Roche : 1 ampoule buvable (=solution adulte). Surveillance rapprochée de l INR 30 min après l administration de CCP puis 6 heures après, puis 1 fois par jour pendant la période critique : objectif obtenir un INR inférieur à 1,5. Réadministrer du CCP si l INR reste supérieur à 1,5. Par la suite Remplacement du LIPANTHYL par une statine. Contrôle écho-doppler de la thrombose veineuse qui est reperméabilisée sans séquelle. Arrêt AVK puisque la thrombose est reperméabilisée sans séquelle. Si le traitement anticoagulant avait dû être poursuivi, il aurait fallu respecter une fenêtre thérapeutique de normocoagulantion de 48 à 72 heures en fonction du risque thrombo embolique. 7

Le traitement anticoagulant aurait été repris sous forme d'héparine d'autant plus précocement qu'un geste hémostatique a été réalisé et garantit une faible probabilité de récidive. Observation n 5 : Patient de 75 ans ATCD : HTA traitée par Amlodipine 10mg Il est traité actuellement par AVK ( PREVISCAN 3/4cp/j) pour une thrombose veineuse DU MIG ( veine poplitée et tibiales postérieures) Il doit subir une coloscopie pour présence de sang dans les selles, malgré un INR à 2,5 1 ) Doit-on arrêter les AVK pour faire la coloscopie? Non, il n est pas nécessaire d arrêter les AVK pour réaliser une coloscopie car il s agit d un geste avec risque hémorragique mineure ( d après HAS). En pratique on contrôle l INR avant le geste. Il doit être compris entre 2 et 3. Il faut une absence de risque médical associé (prise d un autre médicament ou comorbidité interférant avec l hémostase ou avec l équilibre du traitement anti-coagulant) 2) Peut-on faire des biopsies pendant la coloscopie si on maintient les AVK? On peut réaliser des biopsies pendant la coloscopie même sous AVK car c est également considéré comme un risque hémorragique mineur. L INR doit être contrôlée avant le geste. 3) On découvre la présence d un polype pendant la coloscopie? Peut-on faire une polypectomie? Non, la polypectomie est considérée comme un geste avec risque hémorragique modéré. Les AVK doivent être arrêtés. En pratique dans notre cas clinique, L INR est normal, donc la présence de sang dans les selles est probablement due à une lésion, donc on arrête les AVK avant la coloscopie, on fait un relais par HBPM afin de pouvoir réaliser une polypectomie si nécessaire. Bibliographie : Prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier Recommandations HAS avril 2008 8

Recommandations pour la prise en charge des patients sous traitement anti-vitamines K en chirurgie bucco-dentaire. SOCIÉTÉ FRANCOPHONE DE MÉDECINE BUCCALE ET CHIRURGIE BUCCALE EN COLLABORATION AVEC LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE. 2006 Recommandations professionnelles : prise en charge des surdosages en antivitamines K, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier. STV Sang Thrombose Vaisseau juillet 2008 numéro spécial volume 20 Bertrand Napoéon. Anticoagulants, antiagrégants plaquettaires et endoscopies : recommandations de la Société Française d'endoscopie Digestive. Ansell J, Hirsh J, Poller L, et al. The pharmacology and management of the vitamin K antagonists : the Seventh ACCP Conference on Antithrombotic and Thrombolytic Therapy. Chest 2004 ; 126 : 204S- 233S. Aspinall SL, DeSanzo BE, Trilli LE, et al. Bleeding Risk Index in an anticoagulation clinic. Assessment by indication and implications for care. J Gen Intern Med 2005 ; 20 : 1008-13. Baker RI, Coughlin PB, Gallus AS, et al. Warfarin reversal : consensus guidelines, on behalf of the Australasian Society of Thrombosis and Haemostasis. Med J Aust 2004 ; 181 : 492-7. Kagansky N, Knobler H, Rimon E, et al. Safety of anticoagulation therapy in well-informed older patients. Arch Intern Med 2004 ; 164 : 2044-50. Kearon C, Ginsberg JS, Anderson DR, et al. Comparison of 1 month with 3 months of anticoagulation for a first episode of venous thromboembolism associated with a transient risk factor. J Thromb Haemost 2004 ; 2 : 743-9. Kearon C, Hirsh J. Management of anticoagulation before and after elective surgery. N Engl J Med 1997 ; 336 : 1506-11. Kimmel SE, Chen Z, Price M, et al. The influence of patient adherence on anticoagulation control with warfarin. Arch Intern Med 2007 ; 167 : 229-35. Linkins LA, Choi PT, Douketis JD. Clinical impact of bleeding in patients taking oral anticoagulant therapy for venous thromboembolism : a metaanalysis. Ann Intern Med 2003 ; 139 : 893-900. Makris M, Watson HG. The management of coumarin-induced overanticoagulation Annotation. Br J Haematol 2001 ; 114 : 271-80. Napoleon B, Boneu B, Maillard L, et al. Guidelines of the French Society for Digestive Endoscopy (SFED). Endoscopy 2006 ; 38 : 632-8. 9