Droit de la consommation Konsu mentenrecht Consumer law



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Liber. am1corum Bernd Stauder Droit de la consommation Konsu mentenrecht Consumer law Sous la direction de Luc Thevenoz et Norbert Reich 0 Nomos Schulthess

La protection du consommateur en droit des contrats: le difficile equilibre entre coherence du systeme contractuel et regime particulier PASCAL PICHONNAz* Abstract - The Swiss Federal Council recently decided not to present to the Federal Parliament two bills intended to improve consumer protection, particularly as regards contracts. This paper examines some important aspects of consumer protection in the area of contract law. The principal aim is to reduce the entrenched inequality between a professional and a consumer by ensuring that the latter has access to more information. The right to revoke included in both the rejected bills was intended as a step towards that goal; another was the proposed checks on the wording of general terms and conditions. However, the proposed right to get a purchased article repaired did not, in its suggested form, offer any improvement in the consumer's situation. The scheme would have been extremely complex and impracticable. However, in view of the need to keep the Swiss law of contract in step with EC law, the proposals should not be relegated to the back burner. Afin d'honorer le cursus academique et l'activite de chercheur de notre collegue Bernd STAUDER, nous aurions pu choisir une note positive, par exemple en soulignant les progres realises en matiere de protection des consommateurs en Suisse depuis les annees 1990 notamment. Les recentes decisions du Conseil federal en la matiere nous poussent toutefois a adopter un ton un peu plus inquiet sur l'avenir de l'amelioration de la protection du consommateur en matiere contractuelle. Le probleme principal reside peut-etre clans le fait que la "protection du consommateur" est parfois utilisee comme un slogan, sans que la portee et l'enjeu des regles censees l'ameliorer ne soient analyses clans le detail. Ainsi, apres avoir examine ce que nous appellerons un "tombe de rideau" en deux actes (I.), nous rappellerons le but de la protection du consommateur et sa mise en ceuvre dans le domaine contractuel (II.), pour prendre ensuite un exemple concret (le droit a la refection de la chose vendue) ou il appara'it que ce qui etait presente comme une amelioration de la protection du * Professeur ordinaire a l'universite de Fribourg. Nous tenons a remercier Mme Sophie Rouo et M. Nils l<apferer, taus deux assistants a la Faculte, pour l'aide apportee a la mise au point de l'appareil critique. 323

PASCAL PICHONNAZ consommateur ne l'etait pas veritablement (III.). Nous tirerons alors quelque!? conclusions pour l'avenir. I. Le "tombe de rideau" en deux actes Le premier acte. Le 9 novembre 2005, "le Conseil federal a consider[e] qu'une extension de la protection des consommateurs n'[etait] pas necessaire [et] a decid[e] de renoncer a une loi sur le commerce electronique, ainsi qu'a la revision du Code des obligations qui y etait liee" 1. L'avant-projet de janvier 2001 de loi federale sur le commerce electronique et le projet de modification du Code des obligations et de la loi federale sur la concurrence deloyale (LCD) (amelioration de la protection du consommateur) 2005 (ci-apres P-COl), prepare par!'administration federale sur la base de la procedure de consultation, visaient notamment 2 a transposer en droit suisse la directive europeenne 97 /7 /CE du 20 mai 1997 sur les contra ts a distance (avant sa consolidation en 2002)3, la directive 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation4, ainsi que certains aspects de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce electronique 5 Parsa decision du 9 novembre 2005, le Conseil federal a done renonce a une transposition autonome de ces directives. Le second acte. Le 21 decembre 2005, le Conseil federal a renonce a presenter au Parlement un projet de modification de la loi federale sur l'information des consommatrices et des consommateurs (ci-apres P-LIC 6 et P-C02 pour les modifications du Code des obligations qui y etaient liees) en considerant 324 Communique de presse du Conseil federal du 9 novembre 2005 ("Le Conseil federal renonce a reviser la lei"), in: www.admin.ch/cp/f/4371cdd3_1@fwsrvg.html. Cf. le rapport explicatif de l'avant projet de 2001, p. 31 (sur Internet: www.ofj.admin.ch/etc/ medial i b Id ata/w i rts ch aft/ ge setzge bung /ken sum e nte n sch utz. Pa r.o O 13. Fi le. tm p/vn-be r f. p df) [tous les sites ont ete con suites pour la derniere fois le 20 janvier 2006]; le pro jet repondait egalement aux postulats 00.3734 "Online Shopping. Droit des consommateurs" (Conseil national, 22.6.01, Vollmer) et 00.3118 "Legislation sur les licences dans le domaine des softwares" (Conseil national, 23.6.00, Cina). JOCE L 144 du 4.6.1997, p. 19-27; version consolidee: directive 2002/65/CE, JOCE L 271 du 9.10.2002, p. 16 24 (pour le texte en fran~ais et en allemand, voir M. AMSTUTZ/ P. PICHONNAZ/ Th. PROBST/ F. WERRO (edit.), Droit prive europeen, Directives choisies = Europaisches Privatrecht, Ausgewahlte Richtlinien, Berne/Athenes 2005, p. 102 ss). JOCE L 171 du 7.7.1999, p. 12-16 (pour le texte en fran~ais et en allemand, voir AMSTUTZ/ PICHON NAZ/ PROBST /WERRO (edit.), Droit prive europeen [note 3], p. 180 ss). JOCE l 178 du 17.7.2000, p. 1-6 (pour le texte en fran~ais et en a!lemand, voir AMSTUTZ I PICHON NAZ/ PROBST /WERRO (edit.), Droit prive europeen [note 3], p. 532 ss). Loi federate du 5 octobre 1990 sur!'information des consommatrices et des consommateurs (UC), (RS 944.0), voirwww.konsum.ad min.ch/dossier/00311/index.htm I?lang=fr.

La protection du consommateur en droit des contrats notamment que "[s]i, pour une partie des milieux consultes, i1 ne fait pas de doute que l'information aux consommatrices et aux consommateurs doit etre renforcee, pour la majorite des milieux economiques et des partis politiques, les exigences vont trop loin" 7 Outre les questions liees a l'information du consommateur, ce projet proposait des modifications importantes du Code des obligations, en particulier en matiere de droit de revocation du consommateur pour defaut d'information et en matiere de conditions generales (art. loa-d P-C02) et de controle de leur contenu (art. 20a P-C02). Il faisait suite au resultat de la procedure de consultation sur l'avant-projet de loi federale sur l'information et la protection des consommatrices et des consommateurs du 16 mars 2004 8, que nous avions redige a la demande du Conseil federal. Celui-ci prevoyait, en matiere contractuelle, des conditions specifiques sur l'information du consommateur, un droit de revocation en cas de defaut d'information, des regles sur la securite des produits et des services, de meme que la mise en reseau des regimes de resolution extra-judiciaire des litiges de consommation 9 Ainsi, en l'espace de deux mois, deux projets places sous le theme de l'amelioration de la protection du consommateur clans le droit contractuel n'ont pas atteint le stade du debat parlementaire, alors meme que les deux projets faisaient partie du plan de legislature 2003-2007 decide par le Conseil federal 10 Cette situation interpelle. Certes, la constellation politique actuelle ne parait pas favorable a des modifications legislatives en droit prive des contrats ou de la responsabilite civile. On le sait, apres plusieurs decennies de travaux, l'avant-projet sur la revision et l'unification du droit de la responsabilite civile 2000 a par exemple ete retire du plan de legislature 2003-2007 11. Il existe de profondes tensions entre les milieux economiques, qui paraissent rejeter toute mesure contractuelle placee sous le label "protection des 10 11 Communique de presse du Conseil federal du 21 decembre 2005 ("Information des consommatrices et des consommateurs: pas de revision de la loi"), in: www.admin.ch/cp/f/43a95adb_3 @fwsrvg.html. www.konsum.admin.ch/imperia/md/content/pressemitteilungen/vorentwuerfe/vorentwuerffrpdf. pdf. Le rapport explicatif peut aussi etre consulte sur Internet: www.konsum.admin.ch/imperia/md/ content Ip res s em itte i I u n gen I beg lei t be rich te I beg I e it be ri c htf rp d f. pd f. Pour la revision de la LIC, cf. le Rapport sur le programme de la legislature 2003-2007 du 25 fevrier 2004, FF 2004 1035 ss, en part. p. 1049 (pt. 4.1.2 Reduire!es entraves etatiques, developper la concurrence sur le marche interieur, renforcer la confiance dans l'economie) et annexe I, p. 1080 (pt. 1.2 Economie); pour le projet de revision partielle du Code des obligations et de la LCD (protection des consommateurs). cf. Rapport sur le programme de la legislature 2003-2007 du 25 fevrier 2004, FF 2004 1035 ss, en part. annexe I, p. 1083 (pt. 1.5 Societe de!'information, statistiques et medias). Pour une critique, cf. parmi d'autres P. TERCIER, Ne plus legiferer!, in: A. HERITIER/ L. HIRSCH, De lege ferenda: reflexions sur le droit desirable en l'honneur du professeur Alain Hirsch, Gen eve 2004, p. 45 ss, en part. p. 46 s. et p. 49. 325

PASCAL PICHONNAZ consommateurs", et les milieux de protection des consommatel,:t'.i;~c timent que les projets proposes ne sont souvent pas suffisants pot.l:tpf efficacement le consommateur 12 Ces positions sont revelatrices d'lil:.. prehension differente de la notion de consommateur en droit des t... Y'' existant en matiere de contrats de consommation. Faut-il craindre urt t~ de rideau definitif? Nous ne le pensons pas. Cela suppose toutefois de<gardel'. a!'esprit quelques points importants.. et surtout de la maniere dont il faut apprehender le desequilibre stntct'>.. l}:;j,. II. Le but de la protection en matiere contractuelle et sa mise en reuvre Rappelons d'abord quel est le but de la protection des consommateurs (A.) et la maniere dont celle-ci est mise en reuvre (B.). A. Le but de la protection en matiere contractuelle Par consommateur ou consommatrice 13 en matiere contractuelle, il faut comprendre en principe toute personne physique qui envisage de conclure un contrat ou qui conclut celui-ci avec un fournisseur de biens ou de services a des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activite professionnelle 14 L'aspect essentiel de cette definition negative 15 est de mettre en evidence le 12 13 14 11 Cf. le resultat des diverses procedures de consultation, en part. les resultats de la procedure de consultation sur la revision de la UC, publies le 21 decembre 2005, p. 1-3 notamment; www. konsum.admin.ch/imperia/md/content/informationundschutzderkonsumenten/revisionkig/ synthese_consultation_2005_f.pdf; pour le droit europeen, cf. eg. B. HEIDERHOFF, Grundstrukturen des nationalen und europaischen Verbrauchervertragsrecht, Munich 2004, p. 58 ss, en part. p. 61. Nous utiliserons dans la suite de not re contribution uniquement le terme de "consommateur" qui designe le statut specifique envisage, couvrant a la fois les personnes de sexe masculin et de sexe feminin. Cf. pour une telle definition art. 1 al. 2 P-C01; sur l'avant-projet 2004 de modification de la UC, cf. notre rapport explicatif, p. 9; eg. en droit europeen p. ex. la directive europeenne 97/7/CE du 20mai1997 sur les contrats a distance, art. 2 ch. 2; eg. A. EPINEY/F. R1v1 RE, La protection du consommateur, FJS (2003), p. 4; HEIDERHOFF, [note 12], p. 281 ss et references cite es; N. REICH I H.-W. MICKLITZ, Europaisches Verbraucherrecht, 4 ed., Baden-Baden 2003, n. 1.38 s. II est possible d'adopter egalement une definition positive, comme nous l'avons fait a l'art. 2 let. a de l'avant-projet de UC (2004): "consommateur: toute personne qui se procure un bien ou un service pour un usage personnel ou familial."; cf. eg. le rapport explicatif de l'avant-projet UC [note 9], p. 9 s.; cf. parmi d'autres J. CALAIS-AU LOY IF. STEINMETZ, Droit de la consommation, 6' ed., Paris 2003, n. 7; A. BRUNNER, Der Konsumentenvertrag im schweizerischen Recht, PJA 5 (1992), p. 591 ss, en part. p. 597; SCHMELZER, Der Konsumentenvertrag, these St-Gall 1995; M. KoLLER-TUMLER, Der Konsumentenvertrag im schweizerischen Recht, these Berne 1995. 326

La protection du consommateur en droit des contrats fait d'une relation entre un fournisseur, presume detenir des connaissances specialisees sur l'objet du contrat, et un consommateur, presume ne pas detenir des informations specialisees sur l'objet du contrat 16 Il n'en demeure pas moins que l'image du consommateur doit etre celle d'un consommateur edaire, averti et responsable. Ce desequilibre structure! de base se retrouve evidemment clans d'autres domaines, tel le droit du contrat d'entreprise ou le legislateur federal a con~u les regles du Code des obligations en presumant que l'entrepreneur detenait les informations specialisees sur l'objet du contrat et que le maitre d'ouvrage ne les detenait pas. Cela a entraine l'instauration d'une serie de regles specifiques (devoirs d'avis notamment 17 ) pour proteger le maitre d'ouvrage dans cette situation contractuelle par essence desequilibree. De maniere generale, la protection du consommateur porte sur des interets divers: 1. La protection de la sante et de la securite du consommateur. Elle est assuree notamment par des dispositions strides relatives au contr6le des denrees alimentaires et des objets usuels 18 En matiere de securite des prestations en revanche, il existe encore un vide juridique qu'il importe de combler. 2. La protection des interets economiques du consommateur. Celle-ci implique, d'une part, de garantir une concurrence efficace des operateurs economiques (LCart 19, LMI2 notamment) et, d'autre part, de permettre au consommateur de se comporter comme un operateur eclaire sur le marche (LCD 2 1, Loi sur la metrologie 22,0IP 23, LIC 24 notamment). 16 17 18 19 20 21 n 23 Pou rune telle analyse, cf. notamment CJCE, arretrudolfgabriel, 11.7.2002, C-96/00, in: Rec. 2002, 1-6367; eg. CALAIS-AULOY/STEINMETZ, Droit de la consommation [note 15], n.1; N. REICH, The consumer as citizen, the citizen as consumer, in: Uber amicorum Jean Calais-Auloy, Etudes de droitde la consommation, Paris 2004, p. 943 s.; S. V1GNERON MAGG10-APRILE, l'information des consommateurs en droit europeen et en droit suisse de la consommation, Geneve/Zurich/Bale 2006, p. 424 ss, qui analyse!'image du consommateur. Cf. notamment l'art. 365 al. 3 CO ou l'art. 369 CO; de meme, les art. 25et166 al. 4 SIA-118. La lisle des ordonnances est longue; ii suffit de mentionner ici la loi fed era le du 9 octobre 1992 sur les denrees alimentaires et les ob jets usuels (LDAI; RS 817) et l'ordonnance du 1" mars 1995 sur les denrees alimentaires (ODA!), abrogee et remplacee au 1" janvier 2006 par l'ordonnance du 23 octobre 2005 sur les denrees alimentaires et les ob jets usu els (ODAIOUs; RS 817.02). Loi federate du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions a la concurrence deloyale (LCart; RS 251). Loi federate du 6octobre1995 sur le marche interieur (LMI; RS 943.02). Loi federate du 19 decembre 1986 contre la concurrence deloyale (LCD; RS 241). Loi federate du 9 juin 1977 sur la metrologie (RS 941.20). Ordonnance du 11decembre1978 sur!'indication des prix (OIP; RS 942.211). Loi federate du 5 octobre 1990 sur!'information des consommateurs et consommatrices (LIC; RS 944.0). 327

PASCAL PICHONNAZ 3. La defense des interets proceduraux du consommateur. L'art. 97 al. 3 Cst. pose aux cantons de prevoir des procedures judiciaires simples et pour regler les litiges de consommation dont la demande est irtfe Fr. 20'000.- 26 De meme, la defense collective des interets des coin.s~$1't))l~l7" teurs est garantie par l'art. 97 al. 2 Cst. Toutefois, la defense des int:erl~s proceduraux des consommateurs devrait porter encore plus sur le tegle'" ment extrajudiciaire des litiges de consommation. Outre le travail actuel des ombudsmans dans certains domaines 27, il faudrait developper encore plus le recours a des mesures alternatives de resolution des conflits, telles que la mediation et la conciliation extrajudiciaire 28, notamment en garantissant une information centralisee sur ces modes de resolution, a l'instar du reseau europeen de resolution extrajudiciaire 29 En matiere contractuelle, les mesures de protection envisagees portent essentiellement sur la protection des interets economiques du consommateur. Pour atteindre ce but, les regles doivent des lors developper principalement deux aspects: 1. Garantir une bonne information du consommateur cocontractant. Les devoirs precontractuels du droit ordinaire permettent certes deja d'exiger que le cocontractant communique certaines informations 30, sous peine d'encou- 25 26 27 28 29 30 Sous!'empire de la Constitution federate de 1874, il s'agissait de l'art. 31"' 1 " Cst, adopte le 14 juin 1981. Ordonnance du Conseil federal du 7 mars 2003 fixant la valeur litigieuse determinante dans les procedures en matiere de protection des consommateurs et de concurrence deloyale (RS 944.8). Les ombudsmans des assureurs (www.versicherungsombudsman.ch/), des banques (www. bankingombudsman.ch/francais/), des telecommunications (www.ombudscom.ch) ou dans le domaine des voyages a forfait (www.ombudsman-touristik.ch/fr/main.htm) notamment; pour l'union europeenne, cf. entre autres www.eu.int/documents/ombudsman/index_en.htm. Cf. les art. 10 ss AP-UPC; eg. L. MoREILLON, La resolution extrajudiciaire des litiges de consommation, perspectives de droit suisse et de droit communautaires, JdT 2002 1110 s.: le meme constat est fait regulierement en Europe, cf. p. ex. G. PAISANT, Libres propos sur les modes alternatifs de reglement des litiges de la consommation, in: Uber amicorum Jean Calais-Auloy, Etudes de droit de la consommation, Paris 2004, p. 767 ss; cf. notamment la recommandation de la Commission du 4 avril 2001 relative aux principes applicables aux organes extrajudiciaires charges de la resolution consensuelle des litiges de consommation, JOCE L 109 du 19.4.2001, p. 56; pour une analyse approfondie, cf. notamment A.-M. DE MATOS, Les contrats transfrontieres conclus par les consommateurs au sein de I' Union europeenne, Aix en Provence I Marseille 2001, p. 435 SS. Resolution du Conseil du 25 mai 2000 relative a un reseau au niveau communautaire d'organes nationaux charges du reglement extrajudiciaire des litiges de consommation, JOCE C 155 du 6.6.2000, p. 1; eg. www.awt.be/web/services/imp/index.aspx?page=fic,fr,j00,008,001; www. droit-technologie.org/ 1_2_1.asp?actu_id=291. P. GAUCH /W.R ScHLUEP / J. SCHMID/ H. REY, Schweizerisches Obligationenrecht, AllgemeinerTeil, 8 ed. Zurich 2003, n. 2554 SS; WEBER, Berner Kommentar, n. 69 ad art. 97 CO; P. TERCIER, Droit des obligations, 3 ed., Zurich 2004, p. 124, n. 577; S. HARTMANN, Die vorvertragliche lnformationspfllchten und lhre Verletzung, these Fribourg 2001; A. PINNA, The Obligations to Inform and to Advise, A Contribution to the Development of European Contract Law, these Tllburg 2003; 328

La protection du consommateur en droit des contrats rir une responsabilite precontractuelle. Afin de garantir une certaine previsibilite en faveur des operateurs economiques, il est toutefois important de fixer clans une loi les points sur lesquels une information objective, Conforme a la verite et redigee en termes simples et aisernent cornprehensibles doit etre donnee. A la suite du droit europeen, la loi sur le voyage a forfait (LVF) 31, la loi sur le credit a la consommation (LCC) 32 ou encore les art. 40a ss du Code des obligations (CO) prevoient de telles dispositions specifiques. Toute information a un prix, mais c'est le prix a payer pour avoir des consornrnateurs eclaires, a merne de faire des choix en toute connaissance de cause et, en particulier, d'apprecier les risques qu'ils assurnent en conduant un contrat. Afin de garantir la mise en ~uvre de cette obligation d'inforrnation, les lois ont prevu divers moyens 33 allant de la nullite du contrat (art. 15 LCC 34 ) a l'absence totale de sanction (art. 4 al. 1 LVF) 35, en passant par l'inexistence des conditions particulieres sur lesquelles le consornmateur n'aurait pas ete informe 36 2. Carriger les desequilibres structurels entre les cocontractants. Le droit commun prevoit deja certaines regles destinees a corriger le desequilibre entre les cocontractants : la lesion prevue par l'art. 21 co permet ainsi a la partie dont la legerete, la gene OU!'inexperience a ete exploitee par l'autre pour obtenir un contrat comportant une disproportion evidente entre prestation et contre-prestation de "resilier le contrat" ou d'obtenir!'adaptation du contrat lesionnaire 37 La regle de la clause insolite (Ungewohlichkeitsregel) permet egalement de rendre inoperante une clause de conditions generales qui deroge notablement au regime ordinaire (clause objectivement insolite) et a laquelle le cocontractant ne pouvait s'attendre selon les regles de la bonne foi (clause subjectivement inattendue) 38. II ne s'agit toutefois que d'une mesure jurisprudentielle qui ne permet de corriger 31 32 33 34 35 J6 37 38 cf. recemment VIGNERON-MAGGIO-APRILE, [note 16], p. 310 SS, 410 ss; ATF102 II 81 cons. 2, JdT 1977 I 210; ATF 105 II 75 cons. 2a, JdT 1980 I 66; TF, in: SJ 1999 I 205. Loi federale du 18 juin 1993 sur!es voyages a forfait (LVF; RS 944.3). Loi federate du 8 octobre 1993 sur le credit a la consommation, remplacee aujourd'hui par la loi federate du 23 mars 2001 sur le credit a la consommation (LCC; RS 221.214.1). Pour une presentation, cf. recemment V1GNERON-MAGGIO-APRILE, [note 16]. p. 354 ss. x. FAVRE-BULLE, CR-CO I, n. 12 SS ad art.16 LCC; VIGNERON-MAGGIO-APRILE, [note 16], p. 378, 414 SS. B. STAUDER, CR-CO I, n. 10 ad art. 4 LVF; VIGNERON-MAGGIO-APRILE, [note 16], p. 371, 412. HARTMANN [note 30]. n. 474. ATF123 Ill 292,JdT1998 I 586 (Fussballclub Lohn), pourun commentaire et une analyse historique de cette regle, cf. notamment P. PICHONNAZ, Obervorteilung und geltungserhaltende Reduktion, Anmerkung zu BGE 123111292, Zeitschrift fur Europaisches Privatrecht [ZEuP] 1999, p. 140-159; eg. P. TERCIER, le prix abusif, BR/DC 1/1998, p. 71 SS; W. WIEGAND, RJB 1998 p. 671 SS, en part. pp. 683-689. B. WINI GER, CR-CO I, n. 149 s. ad art. 18 CO. 329

PASCAL PrcHONNAZ que les situations de desequilibre extremes. C'est la raison pour laquelle un examen plus large du contenu, tel que le prevoyait l'art. 20a P-C0239, eut ete souhaitable pour corriger les desequilibres structurels immanel1ts a l'usage de conditions generales a une large echelle. En effet, l'art. 8 LCD n'a pas repondu, pour toutes sortes de raisons, aux attentes qui avaient ete placees en lui 40 B. La mise en reuvre: le droit de revocation Le droit de revocation, appele en droit europeen parfois droit de retractation (Widerrufsrecht) 41, est "l'instrument principal de la protection du consommateur" selon le rapport explicatif relatif au projet de loi sur!'utilisation d'immeubles en temps partage (time-sharing) 42 et selon le communique aux medias du 28 janvier 2004 par lequel le Conseil federal lanc;ait la procedure de consultation 43. Ce merne droit de revocation a egalement ete propose dans le projet de modification de la UC (art. 4 al. 2 P-UC) et dans l'avant-projet de loi sur l'inforrnation et la protection des consommatrices et consornmateurs (art. 5 UPC). En l'absence de regles sur le controle du contenu des conditions generales ou de regles sur la nullite en cas de defaut d'information, le droit de revocation remplit a la fois le but de garantir une bonne information du 39 40 41 42 43 www. ko ns um. ad min.ch Ii mp e ri a Im d I content Ii nform ati on u n d sch u tzd erko ns um en ten I revision k i g I licconsultationos_f.pdf.; cf. dans ce sens eg. H. STOCKLI, Vertrage und AGB beim Autokauf, in: STocKu/WERRO (edit.), Strassenverkehrsrechts-Tagung, 16.-17. Marz 2006, Berne 2006, p. 28; F. WERRO, L'achat et le leasing d'un vehicule automobile, in: WERRO/SrocKLI (edit.), Journees du droit de la circulation routiere, 14-15 mars 2006, Berne 2006, p. 14 s. Pour tousles autres, GAUCH I SCHLUEP I SCHMID I REY, [note 30], n. 1155 ss; KRAMER, Berner Kommentar, n. 281et284 ss ad art. 19-20 CO; H. MERZ, Vertrag und Vertragsschluss, 2' ed., Fribourg 1992, n. 96a. Art. 6 de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997 sur!es contrats a distance; le droit de resiliation (RiJcktrittsrecht) est parfois tres proche du droit de revocation, cf. p. ex. art. 1, 5 al. 1 et let. I de!'annexe a la directive 94/47/CE du 26 octobre 1994 concern ant la protection des acquereurs pour certains aspects des contrats portant sur!'acquisition d'un droit d'utilisation a temps par tie! de biens immobiliers (directive sur le time sharing) (AMSTUTZ/PICHONNAZ/PROBST/WERRO, [note 3]. p. 84 ss), qui utilise!'expression "resiliation et retractation" (en allemand Rilcktritts recht), www.lex-electronica.org/articles/v32-/brulard.html. Rapport et avant-projet de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 novembre 2003 surle time-sharing en matiere immobiliere, p. 13, in: www.bj.admin.ch/etc/medialib/ data/wirtschaft/gesetzgebung/konsumentenschutz. Par.0002. File.tmp/ber-rk-nr-f.pdf; cf. eg. le projet dans sa version du 21 octobre 2005 (Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, Initiative parlementaire, Time-sharing en matiere immobiliere, Protection des consommateurs), FF 2006 2483 ss, en part. 2496: "Seton ce projet egalement, le droit de revocation prevu a!'art. 40i al. 1 CO est!'instrument principal de la protection du consommateur" et l'avis du Conseil federal du 1" mars 2006, FF 2006 2507. Cf. www.admin.ch/cp/f/401782b3_1@presse1.admin.ch.html: "[L]e droit de revocation est l'un des principaux instruments de protection des consommateurs prevus par l'avant-projet." 330

La protection du consomrnateur en droit des contrats consommateur (interet public a un marche qui fonctionne avec des acteurs eclaires) et de corriger le desequilibre structurel entre cocontractants. Toutefois, ce droit de revocation deroge au principe de la liberte contractuelle. Une telle derogation ne peut des lors se justifier que si elle a pour but de corriger un desequilibre structurel entre les cocontractants qui ne peut etre corrige par un moyen mains incisif (principe de la proportionnalite). L'inegalite structurelle des parties au contrat depend des circonstances typiques du contrat considere: 1. En matiere de demarchage a domicile et pour les contrats semblables, le consommateur est en quelque sorte surpris par une proposition de conclure un contrat a un moment et clans des circonstances inattendues qui ne lui donnent pas la quietude et la preparation suffisantes pour prendre une decision de condure un contrat de maniere eclairee. Le droit de revocation de sept jours des la conclusion du contrat et la connaissance de ce droit nous paraissent ainsi justifies (art. 40e al. 2 CO). 2. En matiere de credit a la consommation, de leasing, de contrat de carte de credit, le droit de revocation de sept jours peut se justifier aussi longtemps qu'il n'y a pas d'examen du contenu des conditions generales. En effet, la complexite des contrats peut justifier un tel droit (art. 16 LCC) 44 3. En matiere d'utilisation d'immeubles en temps partage (time-sharing), le droit de revocation peut aussi se justifier clans la mesure ou ces contrats sont souvent conclus par rapport a une residence secondaire clans un lieu que le consommateur ne connait pas de maniere approfondie, contrairement au fournisseur. Un delai de revocation de 10 jours (art 40i P-C0 45 ) peut alors permettre de forcer le fournisseur a donner toutes les informations necessaires au consommateur pour saisir la portee de son engagement. La tentation est toutefois grande d'etendre ce droit de revocation a d'autres situations. En particulier, lorsqu'un contrat est conclu sans recours a la forme authentique qui garantit une bonne information des cocontractants sur les tenants et aboutissants de leur engagement. Ainsi, en matiere de contrat de cautionnement, l'art. 494 CO prevoit une forme authentique qualifiee. En revanche, rien de tel n'est prevu pour les garanties independantes a premiere demande, qui entrainent pour les parties des consequences comparables. Lorsque les parties ne disposent pas des connaissances specifiques 44 45 X. FAVRE-BULLE, CR-CO I, n. 1 ad art. 16 LCC, precise: "II est generalement utile pour le consommateur de beneficierd'un delai de reflexion, qui peut lui permettre de remettre en cause!'existence du contrat lorsque les circonstances de la conclusion dud it contra! n'ont pas perm is au consommateur d'exprimer un consentement reflechi"; eg. idem, CR-CO I, n. 26 ad Introduction a la LCC. Projet dans sa version du 21 octobre 2005 (Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, Initiative parlementaire, Time-sharing en matiere immobiliere, Protection des consommateurs), FF 2006 2483 ss [note 42], p. 12. 331

PASCAL PICHONNAZ du domaine, autrement dit en presence de desequilibre structurel entrejes parties, un droit de revocation pourrait se justifier egalement. Pour l'instan:t, le Tribunal federal protege le consommateur inexperimente en interpreta.nt souvent ces contrats de garantie comme des cautionnements lorsque l'une des parties n'est pas rompue ace type de contrat; cela entraine afors la rtullit& du contrat pour defaut de la forme authentique 46 Cette inegalite structurelle se retrouve souvent dans l'usage des conditions generales contractuelles. Les clauses qui n'ont pas fait l'objet d'une negociation individuelle doivent pouvoir etre rendues inoperantes si elles ont produit un "desequilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat" 47 En effet, la conclusion d'un contrat integrant des conditions generales contractuelles constitue deja une relation de desequilibre strudurel clans laquelle le consommateur n'a souvent pas la possibilite de fait de proposer la modification de certaines clauses. En outre, la complexite des conditions generales rend souvent vaine toute tentative de saisir la portee du regime mis en place par celles-ci. Un simple droit de revocation pour l'ensemble du contrat ne serait id souvent pas approprie, puisque dans ces contrats les conditions generales sont necessaires. La solution de la directive europeenne relative aux clauses abusives (art. 6 ch. 1) qui prevoit que les clauses abusives ne lient pas est appropriee. Elle est plus efficace que l'art. 8 LCD qui exige que ces clauses soient de "nature a provoquer une erreur" au detriment d'une partie. En resume, si le droit de revocation n'est pas la panacee, il constitue neanmoins l'instrument approprie pour garantir une information suffisante de la partie cocontractante pour les contrats dans lesquels le desequilibre structurel peut deja etre corrige par une bonne information. En revanche, lorsque!'information suffisante ne permet pas a elle seule de corriger le desequilibre structurel, comme c'est le cas pour les conditions generales abusives, une mesure plus incisive s'impose. III. La transposition autonome du droit communautaire aux fins de protection du consommateur Apres une constatation d'ordre general (A.), nous examinerons le cas particulier de la directive 44/1999/CE (B.). 46 47 Cf. p. ex. ATF 129 111702, pour un rappel des criteres de distinction. Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (AMSTUTZ/PICHONNAZ/PROBST/WERRO, [note 3], p. 64 ss). 332

A. Une constatation generale La protection du consommateur en droit des contrats Dans son communique de presse du 9 novembre 2005, le Conseil federal a justifie sa decision de refus de soumettre le projet de revision du Code des obligations au Parlement en precisant notamment que "la Suisse ne s'est pas engagee par un traite international a reprendre les dispositions du droit de l'ue en la matiere et a renforcer la protection des consommateurs" 48. Puis, clans le communique du 21decembre2005 relatif a l'avis du Conseil federal sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil national, on peut lire: "Pour le Conseil federal, il n'y a pas de raisons convaincantes de proceder a une adaptation autonome au droit de l'ue clans ce domaine [i.e.: le domaine du commerce electronique]." 49 Cette position tranche avec la situation qui regnait au debut des annees 1990 OU le Parlement adoptait les art. 40a SS co pour regler le demarchage a domicile en s'inspirant clairement du droit europeen, et bien entendu avec la situation au soir du rejet de l'eee (6 decembre 1992) ou le Parlement adoptait le paquet Swisslex (1993) 50, qui contenait notamment la loi sur le voyage a forfait, la loi SUr le credit a la Consommation OU encore d'autres dispositions telles les art. 333 ss CO sur le transfert des rapports de travail, toutes transposant de maniere autonome le droit communautaire. La justification tenait notamment au fait qu'il fallait garantir un niveau de protection comparable pour le consommateur suisse par rapport au consommateur europeen 51 Cela correspondait egalement aux exigences de l'art. 97 al. 1 Cst. fed. qui dispose que "[l]a Confederation prend des mesures destinees a proteger les consommateurs et les consommatrices". Le Tribunal federal a ensuite tire les consequences de la volonte du legislateur federal de maintenir dans certains domaines un niveau de protection en Suisse comparable a celui de l'union europeenne. Ainsi a-t-il adopte une interpretation evolutive des actes adoptes clans ce contexte. Dans son fameux amf!t ATF 129/2003 III 335 52, il a notamment retenu que l'eurocompatibilite visee par le principe de!'interpretation conforme au droit communautaire doit etre comprise comme un objectif dynamique favorisant l'interpretation 48 50 51 Communique de presse du Conseil federal du 9 novembre 2005 ("Le Conseil federal renonce a reviser la loi"), in: www.admin.ch/cp/f/4371cdd3_1@fwsrvg.html. Communique de presse du Conseil federal du 21 decembre 2005 ("Le droit en vigueur suffit a repondre aux exigences du commerce electronique"), in: www.admin.ch/cp/f/43a927ec_1 @fwsrvg.html. www.anneepolitique.ch/docu/europe.htm; www.parlament.ch/f/do-ch eu-ewr-nein.htm. Message sur le programme consecutif au rejet de!'accord EEE du 24fevrier1993, FF 1993 I 757 et particulierement p. 781. ATF 129 Ill 335/350 (relatif a!'art. 333 CO), JdT 2003 1175/89; confirme in ATF 130 111182 (relatif a la LVF). 333

PASCAL PICHONNAZ du droit national selon la methode actuelle objective. Cela a que les tribunaux doivent tenir compte de la jurisprudence justice des Communautes europeennes (CJCE) dans national issu d'une transposition autonome. En renorn;ant a transposer de maniere autonome d'autres durectr\l'es peennes importantes en matiere de protection des 1..v1""~'u'u prend le risque d'introduire une protection du consommateur incoherente. En effet, certains domaines continueront a evoluer avec le developpement de la jurisprudence relative aux directives europeennes, alors que d'autres s'ep distancieront de plus en plus. Le risque est des lors grand que les desequilibres structurels actuels dans certains contrats de consommation s'accroissent dans le futur. Seul le projet de modification du Code des obligations prevu pour reglementer l'utilisation d'immeubles en temps partage (time-sharing) sera soumis au Parlement. II s'agit toutefois la du resultat d'une initiative par~ lementaire. Souhaitons que ce projet passe la rampe du Parlement et entre rapidement en vigueur. B. Le cas particulier de la directive 44/1999/CE Les directives prises sous le label de la protection des consommateurs et done sous l'empire de l'art. 153 du Traite ne sont pas toujours des instruments visant principalement a proteger les interets economiques du consommateur. Tel est le cas de la directive europeenne 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (ci-apres directive sur la vente des biens de consommation) 53 Cette directive evoque bien l'art. 153 al. 1 du Traite comme fondement et ne s'applique qu'aux contra ts de vente entre consommateurs et professionnels (art. 2 et 3 notamment), mais elle modifie le regime de la vente de maniere plus importante. Cette directive s'inspire en partie du regime existant dans la Convention (de Vienne) du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (CVIM) 54, en particulier en ce qui concerne les aspects lies a la garantie pour defaut de conformite de la chose vendue 55. Or, cette convention des Nations Unies n'a pas ete corn;ue specifiquement pour des contrats de consommateur, 53 JOCE L 171 du 7.7.1999, p. 12-16 (pour le texte en fran~ais et en allemand, voir AMSTUTZ/PICHON NAZ/ PRossr/WERRo (edit.), Droit prive europeen [note 3], p. 180 ss). 54 RS 0.221.211.1. 55 Cf. pourtous les autres U. MAGNUS, Der Stand der internationalen Oberlegungen: Die Verbrauchs guterkauf Richtlinie und das UN-Kaufrecht, in: GRUNDMANN/MEDICUS/ROLLAND (edit.), Europaisches Kaufgewahrleistungsrecht, Cologne/Berlin/Bonn/Munich 2000, p. 79 ss; J. CALAIS-AULOY, Une nouvelle garantie pour l'acheteur: la garantie de conformite, RTDCiv. 2005, p. 701 ss, en part. p. 702; G. PAI SANT, La transposition de la directive du 25 mai 1999 sur les garanties dans la vente de bi ens de consommation, JCP ed. G 2005 1146, en part. p. 1169. 334

La protection du consommateur en droit des contrats mais tend a s'appliquer a tout contrat de vente international, et done principalement entre professionnels. Compte tenu de cet element, il se justifie de vouloir transposer cette directive non pas uniquement pour les consommateurs, mais bien pour tout contrat de vente56 Le projet suisse de transposition autonome de cette directive avait ainsi opte a juste titre pour la modification des regles de la vente, non seulement pour les contrats entre consommateurs et professionnels, mais pour toute vente. Cela aurait permis d'eviter un regime parallele, d'une part, pour les contrats de vente avec un consommateur et, d'autre part, pour les autres contrats de vente. En outre, cette modification aurait permis indirectement d'harmoniser largement le regime de la CVIM et le regime des contrats de vente nationaux 57 Ce seul element fait regretter que le projet n'ait pas ete soumis au Parlement. II est vrai que le "projet de modification du Code des obligations et de la loi sur la concurrence deloyale (amelioration de la protection du consommateur)" que le Conseil federal a renonce a soumettre au Parlement le 9 novembre 2005 contenait aussi des propositions de modification visant a mieux proteger le consommateur. Tel etait le cas notamment de la refonte des art. 40a ss CO ou de l'interdiction d'exclure la garantie prevue par l'art. 199 let. b P-COl. On peut toutefois se demander s'il etait judicieux de mettre dans le titre du projet l'idee de!'amelioration de la protection du consommateur alors que l'essentiel des modifications etait d'application plus large. A notre avis, la legislation communautaire en matiere contractuelle depasse souvent le simple but de protection des inten~ts economiques du consommateur, du moins au sens ou nous les avons definis ci-dessus. Il peut des lors paraitre important d'examiner pour chaque projet de loi si la mesure consiste effectivement en une protection specifique des consommateurs ou simplement en une harmonisation de notre legislation avec le droit des pays qui nous entourent. Afin de concretiser cette affirmation, nous allons examiner un point particulier du projet avorte, a savoir l'introduction du droit pour l'acheteur cl'exiger la reparation de la chose vendue en cas de defaut. Nous verrons ainsi que cette innovation n'aurait pas vraiment ameliore la situation du consommateur, du moins clans la formulation retenue clans le projet. 56 57 C'etait d'ailleurs egalement la volonte initiate en France de la Commission Viney (PAISANT, [note 55], en part. p. 1168; CALAIS-AULOY, [note 55], p. 709); le point est defendu aujourd'hui par nombre d'auteurs fran~ais, en depit du champ d'application (pour!'instant?) restreint de l'ordonnance du 17 fevrier 2005 modiliant le Code de la consommation fran~ais pour transposer la directive 44/1999/CE; cf. notamment CALAIS-AU LOY, [note 55]. p. 710; G. VINEY, Retour sur la transposition de la directive du 25 mai 1999, D.2002. Chron. 3162; D. MAZEAUD, la parole est a la defense, D.2003. P. de V. 6. C'est un argument egalement avance en France, cf. CALAIS-AU LOY, [note 55]. p. 711. 335

PASCAL PICHONNAZ IV. Le droit de reparation en cas de defaut de la chose vendue Le droit des obligations suisse n'a jamais connu et ne connait toujours pas de droit a la reparation de la chose vendue. Cela s'explique notamment par le fait que les regles sur la garantie en raison des defauts dans la vente proviennent des regles romaines en vigueur pour la vente sur les marches. Ces regles ne s'appliquaient qu'aux esclaves et aux animaux, pour lesquels une reparation de l'objet de la vente etait materiellement exclue 58 On a ensuite conserve cette solution. En effet, le vendeur n'etant souvent pas lui-meme le producteur de la chose, i1 etait difficile d'un point de vue economique de le contraindre a la reparer. La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises (art. 46 al. 3 CVIM) et la directive sur la vente des biens de consommation ont profondement change cette maniere de voir les choses 59 Selon l'art. 3 ch. 2 de la directive sur les biens de consommation, le consommateur a notamment droit, en cas de defaut de conformite, a la mise du bien clans un etat Conforme, sans frais, par reparation, a moins que cela ne soit impossible ou disproportionne. Cette innovation exige quelques precisions sur l'usage du droit de reparation (A.) et le droit de l'exiger (B.), ainsi que sur l'ordre clans lequel l'acheteur peut invoquer les divers droits dont il dispose (C.) et les rapports des moyens entre eux (D.). A. L'usage du droit a la reparation A quels contrats de vente, la reglementation du droit a la reparation doitelle s'appliquer? Les solutions choisies par les pays europeens varient 60 Certains ont limite les regles transposees aux ventes entre consommateur et fournisseur61, d'autres les ont etendues a toutes les Ventes, OU hesitent a le faire. Comme nous l'avons deja mentionne, la solution devrait valoir a notre avis pour tous les types de contrats de vente. L'art. 46 al. 3 CVIM le prevoit deja pour les contra ts de vente en matiere internationale; la transposition a 58 59 60 61 Vair ace sujet D. MEDICUS, Zur Geschichte der Sachmangelhaftung, in: R. ZIMMERMANN IR. KNOTEL/ J.P. MEINCKE (edit.), Rechtsgeschichte und Privatrechtsdogmatik, Heidelberg 1999, p. 310. Pour une presentation detaillee, voir F. SCHULZ, Der Ersatzlieferungs- und Nachbesserungsanspruch des Kaufers im internen deutschen Recht, im UCC und im CISG: eine rechtsvergleichende Untersuchung unter Berucksichtigung der Schuldrechtskommission, der EG-Richtlinie 1999/44/EG und des Diskussionsentwurfs eines Schuldrechtsmodernisierungsgesetzes, Frankfurt am Main/ Bern 2002. Sur!'ensemble, cf. notamment M. SCHERMAIER, Verbraucherkauf in Europa, Altes Gewahrleistungsrecht und die Umsetzung der Richtlinie 1999/44/EG, Munich 2003, avec une presentation de taus les projets. C'est par exemple le cas du droit fran~ais, cf. CALAIS-AU LOY, [note 55]. p. 712. 336

La protection du consommateur en droit des contrats l'ensemble des contrats de vente permettrait ainsi d'harmoniser le droit de la garantie clans le contrat de vente pour les contrats soumis au droit suisse. B. L'impossibilite d'exiger la reparation La question de la possibilite d'exiger raisonnablement la reparation se pose depuis plusieurs annees en relation avec le contrat d'entreprise (art. 368 al. 2 let. i a f CO). Les juges pourraient ainsi largement s'en inspirer pour mettre en ceuvre le droit a la reparation en droit de la vente. En outre, la jurisprudence des divers pays pour lesquels la CVIM s'applique permettrait egalement de fournir de bonnes lignes directrices aux juges suisses. Ainsi, selon la directive sur la vente des biens de consommation (art. 3 ch. 2), la reparation ne peut etre raisonnablement exigee lorsque la depense requise du vendeur est disproportionnee par rapport a l'inten~t justifie de l'acheteur. Cela impose de proceder a une analyse relative de la situation. La directive sur la vente des biens de consommation met ainsi en relation les couts que genere la reparation pour le vendeur avec trois elements distincts: (1 ) la valeur qu'aurait le bien s'il n'y avait pas de defaut de conformite; (2 ) l'importance du defaut de conformite et (3 ) les autres modes de dedommagement de l'acheteur. Le droit a la reparation tombe ainsi lorsque l'achat d'un substitut est plus avantageux et qu'il peut en outre etre effectue par le vendeur ou par un tiers clans un delai raisonnable 62. C. L'ordre defini pour le choix Comme dans le contrat d'entreprise (art. 368 al. 2 CO), l'acheteur qui invoque les moyens tires de la garantie pour les defauts de la chose vendue doit choisir entre differents remedes (art. 205 al. 1 P-COl). On peut etablir un ordre defini objectivement entre la reparation, la resiliation, la reduction du prix en fonction de la moins-value de la chose, l'echange avec une autre chose du meme genre (art. 206 P-COl) et les dommages-interets (art. 208 P-COl). Dans un premier temps, le vendeur doit exiger la prestation adequate: il doit exiger la reparation. Lors de l'achat d'une chose de genre, il a en outre une possibilite supplementaire, celle de recevoir une prestation de remplacement. Si la reparation est mal effectuee par le vendeur, qu'elle est tardive ou qu'elle n'a pas ete entreprise, l'acheteur peut ensuite se prevaloir des autres droits qui lui sont reconnus en cas de non-conformite de la chose vendue. 62 HUBER/SCHLECHTRIEM/SCHWENZER, Komrnentar zum Einheitlichen UN Kaufrecht-CISG, 4' ed., Munich 2004, n. 58 ad art. 46 CVIM; U. MAGNUS, Staudinger Kommentar zum BUrgerlichen Gesetzbuch: mit EinfUhrungsgesetz und Nebengesetzen, Berlin 2005, n. 61 ad art. 46 CVIM; Ch. BRUNNER, UN-Kaufrecht-CISG Kommentar, n. 19 ad art. 46 CVIM. 337

PASCAL PICHONNAZ Ainsi, dans un deuxieme temps, il peut exiger la resiliation du contrat de vente ou la diminution du prix de vente. En consequence, l'art. 205 P-C01 correspond egalement a l'art. 3 al. 5 de la directive relative a la vente des biens de consommation 63 Le droit allemand prevoit d'ailleurs un regime tout a fait comparable au projet suisse (priorite de I' execution - de la reparation ou de l'echange - par rapport aux autres moyens de droit [BGB 437 en relation avec BGB 439]). L'ordonnance franc;aise du 17 fevrier 2005 transposant la directive 44/1999/CE en fait de meme, a la difference importante qu'elle a fixe un delai d'un mois pour realiser la reparation 64 11 n'est le plus souvent pas approprie de permettre la reparation des choses de genre 65 En effet, une chose de genre peut, par definition, toujours etre remplacee par une autre chose du meme genre. Ce n'est en consequence que lorsqu'une chose de genre a pour ainsi dire ete individualisee par l'usage que la reparation pourrait se justifier. D. Le rapport entre la reparation non executee et les autres pretentions Lorsque le vendeur ne donne pas suite a son devoir de reparer a temps 66, la question se pose de savoir si les reflexions qui ont ete faites dans les domaines du contrat d'entreprise sont transposables au contrat de vente. La mise en demeure. Premierement, dans le contrat d'entreprise, le maitre d'ouvrage ne peut exiger la resiliation OU la reduction du prix que lorsque!'entrepreneur a ete mis en demeure. Pour la vente, le rapport explicatif renonc;ait a l'exiger 67 : "[Avec l'al. 4] l'acheteur n'est pas renvoye aux art. 102 ss CO relatifs a la demeure, lorsque le vendeur ne remplit pas son obligation de reparer la chose." D'une certaine maniere, on peut comprendre qu'il faille eviter le detour par les regles sur la demeure dans le contrat de vente, dans lequel il est avant tout question de transferer un objet a l'acheteur. 11 faut., 64 65 66 67 338 REICH/M1cKL1TZ, Europaisches Verbraucherrecht [note 14], n. 17.28, parlent d'un deuxieme niveau. Pour une analyse critique, cf. notamment CALAIS-AU LOY, [note 55], p. 707; eg. PAISANT, [note 55], en part. p. 1172. Deja H. HONSELL/TH. PIETRUSZAK, Der Vernehmlassungsentwurf zu einem Bundesgesetz iiber den elektronischen Geschaftsverkehr, PJA 7 (2001), p. 771 ss, p. 787 s.; P1cHONNAZ, Oberlegungen zur,,autonomen" Umsetzung der Richtlinie 1999/44/EG iiber den Verbrauchsguterkauf in der Schweiz, in: M. SCHERMAIER, [note 60], p. 298; maintenant aussi W. ERNST, Die kaufrechtliche Gewahrleistung nach der Teilrevision des Obligationenrechts, in: BucHER/CANARIS/ HONSELL/KOLLER, Norm und Wirkung, Mel. w. Wiegand, Bern/Munich 2005, p. 273. L'art. 205 al. 1 let. c P-C01 mentionne les expressions "en retard" ou "n'a pas ete entrepris". Rapport explicatif de la revision partielle du droit des obligations et de la loi federale centre la concurrence deloyale (commerce electronique), mis en consultation, p. 31, www.ofj.admin.ch/bj/ fr/home/themen/wirtschaft/gesetzgebung/abgeschlossene_projekte/konsumentenschutz.html.

La protection du consommateur en droit des contrats cependant constater que l'art 205 al. 1 P-CO veut amenager la reparation comme un droit formateur 68. Le droit formateur permet de modifier unilateralement la situation juridique du vendeur. En tant que droit formateur, la declaration est ainsi irrevocable. Cela se comprend; le vendeur doit en effet avoir le temps de mettre en ceuvre la reparation de la chose. n est ainsi contradictoire d'amenager le choix de l'acheteur, d'une part, comme un droit formateur, mais, d'autre part, de lui laisser la possibilite de resilier le contrat de vente sans meme mettre le vendeur en demeure de reparer. Cette solution se justifie d'autant moins que l'art. 205 al. 1 let. c P-COl n'oblige pas explicitement l'acheteur a fixer un certain delai pour la reparation. A titre d'exemple, le droit frarn;ais prevoit un delai d'un mois 69 L'art. 205 al. 4 l'indique toutefois de maniere implicite. En effet, une reparation ne peut etre "en retard" que lorsqu'un delai a ete prealablement fixe. Comme clans le contrat d'entreprise 70, l'acheteur ne peut ensuite modifier son premier choix. II ne peut ainsi demander la resiliation en lieu et place de la reparation. Pour qu'une modification du choix soit possible, il faudrait que le vendeur se trouve en demeure pour son obligation de reparer! La modification du choix. Il reste encore a repondre a la question de savoir si l'acheteur doit fixer un deuxieme delai pour mettre le vendeur en demeure qualifiee au sens de l'art. 107 CO et ainsi pouvoir exiger la resiliation ou la reduction du prix. C'est le cas pour le contrat d'entreprise 71 On pourrait ici interpreter l'art. 205 al. 4 P-COl comme une lex specialis et permettre a l'acheteur de resilier le Contrat OU de reduire le prix deja lorsque le Vendeur est en demeure simple pour l'achevement de son obligation de reparer. Si l'on exigeait que l'acheteur mette le vendeur en demeure qualifiee, la situation juridique de l'acheteur deviendrait effectivement beaucoup plus difficile et compliquee qu'elle ne l'est actuellement pour obtenir la resolution du contrat OU la reduction du prix de vente. La reparation par un tiers. On pourrait enfin encore imaginer que l'acheteur, malgre la demeure du vendeur dans son obligation de reparer, persiste a exiger la reparation. On peut alors se demander a quelles conditions la reparation par un tiers serait possible. Dans le contrat d'entreprise, le Tribunal federal s'est refere a l'art. 366 al. 2 CO par analogie et a ainsi rendu possible une reparation par un tiers sans que le maitre d'ouvrage ne doive obtenir 68 69 70 71 Voir aussi le rapport explicatif de la revision partielle du droit des obligations et de la loi federale contre la concurrence deloyale (commerce electronique) [note 67], p. 31. Art. 211 10 Code de la consommation introduit par l'ordonnance n 2005 136 du 17 fevrier 2005 relative a la garantie de la conformite du bi en au contrat due par le vendeur au consommateur. P. GAUCH, Le contrat d'entreprise, adaptation fran~aise par B. CARRON, Zurich 1999, n. 1835 s.; P. TERCIER, les contrats speciaux, 3' ed., Zurich 2003, n. 4183 ss. GAUCH, Le contrat d'entreprise [note 70], n. 1796 s. 339

PASCAL PrcHONNAZ l'autorisation du juge 72 Dans le droit de la vente, il n'existe aucune reglemen~ tation comparable. Doit-on pour cette raison appliquer l'art. 98 CO a l'acheteur qui souhaiterait se faire autoriser a requerir la reparation de la chose vendue par un tiers? Si tel etait le cas, la reparation par un tiers de la chose vendue serait beaucoup plus difficile et onereuse a obtenir que clans le contrat d'entreprise, Il n'y aurait alors certainement pas dmamelioration de la protection des consommateurs". Devrait-on simplement reprendre la jurisprudence du Tribunal fe~ deral relative au contrat d'entreprise? On le voit, la solution est plus complexe pour le consommateur que pour!'entrepreneur, un professionnel de la question! Inutile de souligner que le projet avorte n'ameliorait pas la situation du consommateur sur ce point; bien au contraire. Le Parlement aurait du revoir!'articulation des divers moyens a disposition de l'acheteur afin que le regime soit coherent non seulement avec les regles sur la demeure, mais aussi avec celles sur le contrat d'entreprise. Le regime de la reparation de la chose vendue aurait pu etre relativement fadlement ameliore, notamment en s'inspirant de l'etat actuel de la jurisprudence en matiere de contrat d'entreprise. Partant, on peut esperer que ce projet avorte soit remis sur le metier. V. Conclusion en guise de nouveau lever de rideau? Le rejet successif de deux projets tendant a ameliorer la protection du consommateur en droit contractuel inquiete. En effet, le droit contractuel doit pouvoir continuer a s'adapter a l'evolution importante qui a lieu en droit europeen communautaire. L'avantage du regime de la transposition autonome est indeniable. Nous ne sommes pas contraints de reprendre les faiblesses de la legislation europeenne et nous n'avons pas d'obligation formelle de transposition. Toutefois, une inaction prolongee pourrait entrainer des distorsions de concurrence importantes clans un marche suisse qui doit augmenter son effectivite et donner l'occasion aux consommateurs de se comporter comme des acteurs edaires sur le marche. Le droit de revocation est un moyen efficace d'atteindre un tel resultat. Comme derogation au principe de la fidelite contractuelle, il se justifie pleinement en presence de desequilibres structurels dans le contrat. L'effet preventif de ce droit de revocation garantit clans de telles situations une 72 Parmi d'autres ATF 116 11305, JdT 19911173; TERCIER, Les cont rats speciaux [note 70], n. 4194. 340

La protection du consommateur en droit des contrats meilleure information du consommateur et favorise le bon fonctionnement de l'economie. Enfin, il ne suffit pas d'utiliser le slogan de!'amelioration de la protection du consommateur pour resoudre tous les problemes. I1 importe de proceder a une analyse scrupuleuse des mecanismes mis en place. Un bel exemple nous est donne par le droit a la reparation de la chose vendue. Le systeme prevu par le projet avorte de modification du Code des obligations rendait plus complexe et plus difficile le regime des moyens a disposition de l'acheteur en cas de defaut de la chose vendue, par rapport a la situation actuelle, d'une part, et par rapport au regime du contrat d'entreprise, d'autre part. On peut des lors esperer que le Conseil federal remettra l'ouvrage sur le metier pour corriger le desequilibre structure! existant dans les contrats passes entre fournisseurs professionnels et consommateurs. Notre economie a besoin de consommateurs eclaires, un nouveau lever de rideau dans le domaine du droit contractuel est ainsi indispensable. Patience et perseverance sont deux vertus que les juristes doivent cultiver. Bernd STAUDER les a entretenues tout au long de sa carriere. Les juristes de la nouvelle generation n'auront d'autre choix que de faire de meme! 341