Consultation citoyenne sur le Code Agricole Wallon D'ici la fin de l'actuelle législature et les élections régionales de 2014, Carlo Di Antonio, ministre des Travaux publics, de l'agriculture, de la Ruralité, de la Nature, de la Forêt et du Patrimoine, veut doter la Wallonie d un Code wallon de l Agriculture et de l Horticulture, un texte fondateur qui définira l avenir agricole wallon. Afin que ce Code soit un texte fédérateur, le ministre a souhaité la mise en place de différentes consultations citoyennes à travers la Wallonie. Nature & Progrès a apporté sa modeste pierre à l'édifice, le 16 janvier à Namur, en présence du ministre. Texte et photographies de Dominique Parizel Une centaine de personnes ont répondu à notre appel! Mais comment permettre à tout ce monde de s'exprimer équitablement en l'espace d'une simple soirée? Et surtout, comment, à l'issue de trois heures de discussions intenses, remettre au ministre une synthèse cohérente des avis exprimés dont il puisse inspirer son action? Pour permettre des échanges fructueux, Nature & Progrès a donc fait appel à un spécialiste de la facilitation, notre ami Olivier Chaput, actif notamment pour l'association exposant d à Liège, mais également à deux chercheurs en sociologie des Facultés universitaires de Namur, Denise Van Dam et Nicolas Dendoncker, qui acceptèrent la redoutable mission de produire la synthèse des recommandations du public. Trois thématiques de discussion Pour garantir des débats bien ordonnés, Nature & Progrès proposa trois thématiques qui furent abordées successivement : - comment concilier alimentation saine et locale, accessibilité pour tous et juste rémunération des agriculteurs? - comment réconcilier la restauration de l'environnement et la production agricole? - quelle doit être la place du citoyen dans la politique agricole et la gestion du territoire? Pour en parler, la centaine de participants fut répartie en seize groupes, et ces groupes, disséminés dans le vaste auditoire, eurent dix minutes - montre en main! - pour évoquer chacune d'elles. Une fois ce bref laps de temps écoulé, chaque groupe disposa encore d'une minute, très exactement, pour restituer à l'assemblée la substance de ses cogitations. Le ministre a, quant à lui, été invité à jouer le jeu comme n'importe quel participant, en se joignant lui aussi à un groupe. Comme nous l'avons déjà expliqué, deux chercheurs universitaires étaient à l'affût pour concocter une synthèse objective. Une fois les trois thématiques examinées, le ministre s'exprima prioritairement, puis l'assemblée eut encore le loisir d'enrichir la synthèse finale d'éléments susceptibles d'avoir été omis Mais quels sont les points importants concernant notre agriculture wallonne que le public réuni par Nature & Progrès a cru indispensable d'exprimer?
Sur la thématique n 1 : Comment concilier alimentation saine et locale, accessibilité pour tous et juste rémunération des agriculteurs? C'est la question de la définition collective - producteurs et cosommateurs ensemble - d'un système alimentaire capable de satisfaire les besoins de tous. - Promouvoir les circuits courts : contact, qualité, diversité et promotion de la santé, - Organiser une régulation visant l autonomie et la souveraineté alimentaire ; fixer des objectifs chiffrés! - Veiller à l'accompagnement et au conseil aux agriculteurs, notamment pour les aider à se lancer, - Faciliter l accès à la terre en empêchant la spéculation sur la terre agricole, - Permettre à l'agriculteur d'être mieux rémunéré par son travail, sensibiliser le consommateur à la notion de juste prix, - Veiller au respect du sol par de bonnes pratiques agricoles, - Encourager une meilleure concertation de l ensemble des acteurs, réfléchir à la possibilité d'assouplir les contraintes qui pèsent sur eux, - Revaloriser le métier et l image de l agriculteur - Remettre les sens en avant : le plaisir, les saveurs, la beauté des paysages - Informer, éduquer, sensibiliser, limiter le gaspillage alimentaire Sur la thématique n 2 : Comment réconcilier la restauration de l'environnement et la production agricole? C'est, en somme, la question de la multi-fonctionnalité de l'agriculture. - La grande majorité des participants demande qu'on donne la priorité absolue à l alimentation par rapport aux autres débouchés agricoles (biocarburants, chimie végétale, matériaux de construction, etc.). L'énergie et la construction passent au second plan, ou éventuellement en parallèle via la valorisation des sous-produits - La diversification doit être encouragée, mais jusqu'à quel point? Le rôle de l agriculture doit être reprécisé en tenant du temps de travail des agriculteurs qui n'est pas extensible, - Une attention spéciale doit être réservée à la perte de terres agricoles, notamment face à l urbanisation croissante, - Veiller à un meilleur accès à la terre, favoriser le développement de petites exploitations autonomes, - Encourager les pratiques respectueuses de l environnement Encourager la fertilité du sol : puits de carbone, polyculture élevage, compostage S'inspirer des pratiques de l'agroécologie, de la permaculture, de l'agroforesterie Mettre la recherche scientifique au service des agriculteurs, - Former et informer les agriculteurs. Diffuser les bons exemples! - Un débat naît autour de la notion d'intensification : l'amélioration des rendements doit être un objectifs mais en recourant à des pratiques telles que l'association des cultures, et non à des
méthodes industrielles - S'attaquer aux questions de gaspillage, poser les problématiques dans un cadre Nord-Sud - Re-penser la place de la Wallonie face à la PAC et au monde : chercher une meilleure régulation. On pose la question de la désobéissance civile d une région face à l Europe et la PAC? - Sensibiliser, éduquer au local, aux pratiques respectueuses de l'environnement Sur la thématique n 3 : Quelle doit être la place du citoyen dans la politique agricole et la gestion du territoire? - La grande question posée est : que veut vraiment le consommateur? - Sensibiliser aux bienfaits du local, aux méfaits des lobbies et de l agroindustriel, à l importance de la saisonnalité, - Réconcilier l'agriculture et la nature, en décloisonnant notamment les compétences - Eduquer très largement, depuis la maternelle jusqu'à l université, - Favoriser l'innovation sociale : encourager, par exemple, des magasins locaux incluant une banque d échange de services, en direction notamment des publics défavorisés, - Persuader le citoyen du pouvoir et de la part de responsabilité dont il dispose, - Rétablir le lien entre producteur et consommateur par le biais de GAC, de GAL, d'amap, de coopératives ; amener les différents acteurs à se fédérer - Chacun souligne l'importance de s'organiser par la base : du voisinage au village, à la commune et à la région On souligne le rôle primordial des alliances : syndicats, associations, Ligue des Familles, etc. Un grand sentiment d impuissance s'exprime néanmoins face à la PAC et à l'europe - Mise en œuvre d'outils efficace : une fiscalité attractive, une révision des règles sanitaires de l AFSCA, un label "fair trade" wallon, plus de règles qui imposent la transparence - On souligne l'indispensable exemplarité des organismes publics, on met l'accent sur la nécessaire équité sociale, à l'accès à l'alimentation pour tous... - Précisons que, très modestement et de façon réaliste, le public présent s'est estimé nonreprésentatif de l'ensemble des citoyens Un micro-questionnaire proposé aux participants Notre sollicitation des participants à la soirée ne s'est pas arrêtée là! Un micro-questionnaire avait, en effet, été proposé, dès l'accueil, à chacun des participants, dans le but de comparer tout d'abord les attentes avec le résultat exprimé, de vérifier ensuite que l'une ou l'autre préoccupation essentielle ne se serait pas égarée au fil des débats. Quel était le sentiment initial du public? La majorité des personnes disent être venues surtout dans le but d écouter le ministre, d obtenir des informations sur sa future réforme. Dans une moindre mesure, elles souhaitaient exprimer leur avis quant à cette réforme, dialoguer et entendre l avis
d autres citoyens concernés Tous affirment majoritairement être venus défendre l agriculture qu'elles appellent au quotidien de leurs vœux : elle est de type paysanne ou bio. Tous veulent défendre ceux qu'ils nomment "leurs" agriculteurs Or la réforme préparée par Carlo Di Antonio est ressentie comme un défi, un enjeu majeur. Le public présent se sent-il bien informé - ou peu informé - des problématiques agricoles et alimentaires. Deux cinquièmes affirment se sentir impliqués dans les décisions, deux autres cinquièmes pas du tout et un dernier un peu Comment notre public voit-il les fonctions et objectifs de l agriculture? Une dizaine d'axes ressortent très nettement d un ensemble éclaté de propositions : - nourrir la population, - insistance sur l aspect local, la qualité de la production et la santé des consommateurs, ainsi que sur les circuits courts, - préservation des paysages, des sols et de l environnement, - insistance sur la notion de transition écologique, avec accent assez présent sur l agroécologie, - importance des aspects socio-économiques, - tonalité très marquée sur la question de la viabilité financière du métier d agriculteur, sur la juste rémunération et sur la revalorisation du métier en général, - tonalité très marquée sur la dimension familiale des exploitations, sur la petite taille des exploitations à valoriser, - insistance très claire, enfin, sur la nécessité de favoriser l accès à la profession, tant en termes de reprise que de nouvelles installations. Il faut donner envie aux jeunes de devenir agriculteurs! Que pense enfin notre public de la relation entre le citoyen et le système alimentaire? La relation avec le producteur, c'est "je t aime, moi non plus!" De trop nombreuses distances, incompréhensions et méconnaissances réciproques existent encore. La confiance est à construire afin de bénéficier de la richesse des échanges humains directs! La notion de prix juste doit être au centre des échanges, de même que l'idée de relocalisation de la consommation. Les missions prioritaires de l agriculture sont : une production alimentaire de qualité et saine, ainsi que la création d'emplois peu qualifiés avec des revenus décents, dans structures agricoles familiales et rurales. Suivent le respect de l environnement, l'accessibilité à tous, l'autonomie Notre public pense enfin qu'il faut enrichir les relations entre les citoyens et le monde agricole en améliorant la connaissance et la compréhension réciproque. Comment? En créant des lieux de rencontre et de dialogue, en soutenant circuits courts et produits locaux, en améliorant la formation dans les écoles, en réduisant les intermédiaires, en revalorisant le métier de paysan, en instaurant des politiques publiques de soutien et de régulation, en encourageant la transparence Le mot de la fin au ministre Dans ses quelques prises de paroles, le ministre Carlo Di Antonio apporta quelques précisions au sujet de certains thèmes évoqués par notre public. Il regrette tout d'abord que son projet de Code ne
puisse, faute de temps, embrasser plus largement ses compétences en comprenant également la nature, la ruralité, la forêt. Mais ce sera pour la législature suivante, espère-t-il Au sujet des rapports de la Wallonie avec l'europe et la PAC (Politique Agricole Commune), le ministre explique tout l'intérêt de son Code afin d'exprimer clairement ce que nous souhaitons faire dans le cadre de ce que l'europe permet ; il estime qu'il existe une flexibilité suffisante dans le cadre des montants qu'elle nous accorde et met en garde contre une forme de "désobéissance civile" qui pourrait nous les faire perdre. Carlo Di Antonio insiste sur le fait que l'agriculture wallonne a les moyens de produire ce que le consommateur wallon souhaite! Ramenée au nombre d'habitants (environ trois millions et demi d'habitants), la surface agricole utile (environ sept cent cinquante mille hectares) est, en effet, d'un quart d'hectare par habitant! Pour peu que le producteur satisfasse le consommateur wallon, et que celui-ci souhaite acheter ce que produit l'agriculteur local, nous serons en capacité de régler nousmêmes tous nos problèmes! Le ministre souligne l'extraordinaire opportunité économique pour la Wallonie que représenterait une généralisation des circuits courts : sur un marché alimentaire global d'environ six milliards d'euros par an, seulement deux à trois cents millions concernent aujourd'hui les circuits courts! On imagine notamment l'important gisement d'emplois que recèle une telle forme d'agriculture Carlo Di Antonio dit enfin s'intéresser de très près à un label tel que "Fruits & légumes de Bretagne" qui suscite une adhésion très forte des consommateurs simplement parce qu'il joue sur le côté traditionnel et bio, et valorise uniquement les agriculteurs de la région concernée en renforçant le lien avec le consommateur Alors? Bientôt un que "Fruits & légumes de Wallonie"? Remerciements à Denise Van Dam et Nicolas Dendoncker, ainsi qu'à Olivier Chaput