Délibération n 2008-260 du 19 novembre 2008



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Transcription:

Délibération n 2008-260 du 19 novembre 2008 Origine Emploi Emploi secteur privé Recommandations Le réclamant, d origine ukrainienne, engagé en CDD en qualité de convoyeur de fonds, a été suspendu sans motif. L employeur allègue des motifs de sécurité en faisant référence à son origine et fait état de renseignements anonymes justifiant sa décision. Le bulletin n 3 du casier judiciaire et l ensemble des fichiers de police concernant le réclamant ne contiennent aucun élément. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité relève que le réclamant a fait l objet d une enquête dite «sécuritaire» en dehors de tout cadre légal et constate que l employeur s appuie sur son service sécurité qui a la charge de s assurer que son personnel ne représente pas un danger pour l entreprise, en consultant de manière informelle les services de police et de gendarmerie. Il ressort que cette pratique qui se substitue à ce qui est prévu par la loi, est susceptible d entraîner des discriminations. Le Collège demande à la société mise en cause de cesser cette pratique et invite le Ministre de l Intérieur à engager une réflexion avec les sociétés de transports de fonds afin d étudier les possibilités d amélioration des modalités et délais de traitement des demandes d agrément, ce qui éviterait la mise en place de procédures informelles n apportant aucune garantie ou possibilité de vérification. Le Collège : Vu le code du travail, Vu la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, Vu la loi n 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de sécurité, Vu le décret n 2000-376 du 28 avril 2000 relatif à la protection des transports de fonds, Vu le décret n 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, Sur proposition du Président, Décide : 1. Monsieur S a saisi la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité le 19 septembre 2007 d une réclamation relative à l inexécution de son contrat de travail à durée déterminée qu il estime fondée sur son origine. 2. Le réclamant, d origine ukrainienne, ancien légionnaire de l armée française, a acquis la nationalité française par décret du 19 janvier 2006. 3. En raison d un surcroît d activité, l agence X a recruté Monsieur S, par contrat à durée déterminée en date du 5 avril 2007, en qualité de «convoyeur-conducteur» pour la période du 10 avril 2007 au 30 septembre 2007. 1

4. Lors des formalités d embauche, le réclamant ne disposant pas encore de sa carte nationale d identité française, il a présenté son titre de séjour de ressortissant ukrainien avec le patronyme «O» et un extrait numéro 3 de son casier judiciaire. 5. Le 5 juin 2007, le réclamant reçoit sa carte nationale d identité française avec le patronyme «S» et la transmet à la direction de l agence X. 6. Monsieur H, directeur de l agence X, transmet au siège national ces nouveaux documents afin de régulariser le dossier personnel du réclamant. 7. Le 26 juin 2007, le réclamant est convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 3 juillet 2007. 8. Le 27 juin 2007, la situation du réclamant est évoquée lors d une réunion des délégués du personnel au cours de laquelle Monsieur W, délégué syndical, atteste qu a été évoquée d une part l irrégularité de la procédure de licenciement et affirme d autre part que la direction n a pas été en mesure d avancer un motif sérieux justifiant la rupture du contrat du réclamant. 9. Par courrier en date du 28 juin 2007, l employeur informe le réclamant qu il renonce à la procédure de licenciement et lui précise qu il est maintenu à son domicile et considéré en absences autorisées payées jusqu à la fin de son contrat soit le 30 septembre 2007. 10. Monsieur P, ancien collègue du réclamant, atteste que c est en raison de ses origines et pour des motifs de sécurité que son contrat a été suspendu. 11. Le 2 juillet 2007, le réclamant indique qu il a contesté la décision de son employeur sans obtenir de réponse. 12. D autre part, Monsieur S demande le bulletin numéro 3 de son casier judiciaire qui se révèle être vierge et formule une demande auprès de la CNIL le 5 août 2007 pour consulter l ensemble des fichiers des services de police. 13. Le 20 février 2008, la CNIL informe le réclamant que les services des Renseignements Généraux ainsi que ceux du service central du Ministère de l Intérieur ne détiennent aucune fiche sur lui. De même, il ne se trouve pas enregistré dans les fichiers STIC (police judiciaire) et JUDEX (ministère de la Défense). 14. L affaire est pendante devant le conseil de prud hommes. 15. Sollicité à plusieurs reprises par la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, l employeur en se contentant de répondre que sa décision s imposait pour le bon fonctionnement de l entreprise n a apporté aucun élément objectif permettant de justifier la tentative de rupture du lien contractuel, ni sa décision de non exécution du contrat de travail du réclamant. 16. Toutefois, à l issue de l enquête, le conseil de la société mise en cause a fait savoir à la haute autorité que «la décision de maintenir Monsieur S à son domicile sans perte de salaire et jusqu au terme de son contrat à durée déterminée a été prise, en raison de renseignements anonymes qui sont parvenus au siège national qui a simplement appliqué un principe de précaution, en dehors de toutes autres considérations liées aux origines de Monsieur S». Il a été aussi affirmé qu il ne pouvait y avoir discrimination du fait de la nationalité française du réclamant. 2

17. La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité a auditionné le 17 septembre 2008, Monsieur D, Responsable «sécurité» de la Société, Monsieur K, Directeur des Ressources Humaines, et Monsieur H, directeur de l agence X ainsi que son assistante Madame M, le 17 octobre 2008. 18. Il ressort de ces différentes auditions que la société nationale, dont l activité principale est le transport de fonds, emploie en France plus de 4000 salariés et dispose d un réseau de 80 agences dotées d une autonomie relative pour procéder au recrutement de leur personnel car elles doivent transmettre au service «sécurité» du siège social les informations sur les candidats. 19. Le service «sécurité», dirigé par Monsieur D et dont la mission est d assurer la sécurité des infrastructures, se charge aussi d obtenir de manière informelle auprès des services de Police et de Gendarmerie des informations sur les postulants afin de valider le recrutement. 20. Enfin, après avoir reçu l accord du service «sécurité», les agences adressent une demande d agrément à la Préfecture du Département, demande qui peut être également couplée avec une demande de port d arme, alors que cet agrément est un préalable à l embauche. 21. En ce qui concerne le recrutement du réclamant le 5 avril 2007, il ressort de l enquête de la haute autorité que sa demande d agrément n a jamais été transmise à la Préfecture, et que la déclaration préalable à l embauche n a pas été respectée. Au surplus, Monsieur D a affirmé ne pas avoir eu connaissance du recrutement du réclamant, ce que dément le directeur de l agence X, Monsieur H. 22. L audition des mis en cause a révélé que la majorité des agences de la société nationale étaient dans l impossibilité de respecter la procédure prévue par la loi pour le recrutement de ses salariés, les délais de traitement des demandes d agrément auprès des Préfectures étant très longs. De fait, c est le service «sécurité» qui se charge d enquêter en dehors de toute procédure, de manière informelle, afin d anticiper la décision des Préfectures quant à l octroi des agréments. 23. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité constate qu à une enquête administrative prévue par la loi, se substitue une enquête «sécuritaire» à l initiative du seul responsable du service «sécurité» de la société nationale, Monsieur D, en dehors de tout contrôle et de tout formalisme. 24. La modification du patronyme du réclamant lors de la transmission de la fiche «modification du personnel» a été l élément déclencheur pour l intervention du service «sécurité», et ce, à la demande du Directeur des Ressources Humaines, Monsieur K. 25. Monsieur D affirme avoir «engagé une procédure de vérification auprès des services gouvernementaux : il s agit de la DST, de la DGSE et de la Direction des Renseignements Militaires. C est d ailleurs la Direction des Renseignements Militaires qui a émis un avis oral défavorable. Je précise toutefois que l avis défavorable a été émis concernant l entourage familial et militaire et non la personne elle-même. A partir de ces informations recueillies, et au bout de 2 ou 3 jours, j ai eu l information selon laquelle l entourage de Monsieur S pouvait présenter un risque pour notre activité et j en ai fait part à Monsieur K». 26. Ainsi, en raison de ces renseignements la société nationale a pris la décision de se séparer du réclamant et une procédure de licenciement a été initiée à son encontre, avant de se raviser 48 heures après, en lui ordonnant de rester à son domicile jusqu au terme du contrat. 27. En ce qui concerne les informations relatives à l entourage familial et militaire de Monsieur S, Monsieur D a refusé de répondre aux interrogations de la haute autorité sur la teneur de ces 3

informations et a précisé que les renseignements provenant des différents services «gouvernementaux» lui sont communiqués oralement, qu il n existe aucune trace de ces échanges et cette procédure d enquête n est pas codifiée. 28. Or, le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité rappelle que la loi n 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de sécurité et son décret d application n 2000-376 du 28 avril 2000 relatif à la protection des transports de fonds disposent que toute personne employée comme convoyeur de fonds doit faire l objet d une déclaration préalable à son embauche auprès du Préfet et obtenir un agrément délivré par le Préfet. Afin de délivrer cet agrément, le Préfet s assure que la personne n a pas fait l objet d une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle, n a pas fait l objet d un arrêté d expulsion et qu une enquête administrative donnant lieu à la consultation des fichiers des services de police et de gendarmerie ne révèle pas un comportement ou des agissements contraires à l honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sureté de l Etat. Le contrat de travail conclu en violation de ces dispositions est nul. 29. Aussi, le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité ne peut qu émettre des réserves sur la pertinence de cette procédure informelle, Monsieur S ne figurant pas dans les fichiers STIC, JUDEX, INTERPOLE et les états signalétiques du passé militaire du réclamant faisant état de plusieurs lettres de félicitations et décorations. 30. Enfin, il ressort de l enquête diligentée par la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité que 3 mois avant le recrutement du réclamant, soit en janvier 2007, a eu lieu dans la région une attaque d un fourgon blindé de la société nationale, attaque ayant causée le décès d un convoyeur et pour laquelle Monsieur D affirme «d après nos sources d information, il semblerait que les auteurs soient originaires des pays de l Europe de l Est. En effet, les munitions et explosifs utilisés avaient une provenance de cette région. Lors du braquage, l un des malfrats s est exprimé avec un accent de l Europe de l Est. Je tiens à préciser que ces attaques ont été organisées de façon militaire et répondent à des techniques militaires». 31. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité constate que la décision qui frappe le réclamant, ancien légionnaire aguerri aux techniques paramilitaires, d origine ukrainienne, s inscrit dans un contexte particulier de forfaits réalisés par des braqueurs dont il est supposé une origine des pays de l Est. 32. Aussi, concernant les mesures prise par la société afin de protéger la sécurité du personnel en raison de la dangerosité du réclamant, l enquête a révélé qu en aucun cas il a été procédé à la modification des équipes, la modification des itinéraires mais seul le code d accès (digicode) aux locaux de l agence X a été changé prématurément, son changement étant effectué tous les 3 mois, et le badge du réclamant a été désactivé, comme pour tous salariés partants. 33. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité rappelle que l article L.1132-1 du code du travail prohibe toutes mesures discriminatoires, directes et indirectes, notamment en matière d affectation, de qualification, de classification, ou de renouvellement de contrat notamment fondées sur l origine, l appartenance ou la non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, ou une race. 34. La non exécution du contrat de travail de Monsieur S en raison d une prétendue dangerosité de son entourage familial et militaire est de fait motivée par ses origines. 35. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité constate que tant la chronologie des faits, l attestation d un ancien collègue du réclamant et celle du délégué 4

syndical de l entreprise, aux termes desquelles il a été annoncé que le réclamant présentait un danger pour l entreprise étant originaire des pays de l Est, que les réponses apportées par les mis en cause lors des auditions sur de prétendues informations sur l entourage du réclamant recueillies en dehors de toute procédure légale constituent autant d indices précis et concordants laissant présumer une discrimination à l encontre de Monsieur S en raison de son origine. 36. Au-delà de la situation de Monsieur S, le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité considère que l absence de procédure écrite relative aux échanges entre les services de police et le service «sécurité» de la société nationale, l absence de notification aux personnes faisant l objet d une telle enquête, et la non conservation des pièces relatives aux rapports d enquête ne permettent pas de vérifier le caractère proportionné et objectivement non discriminatoire des motifs éventuellement invoqués par la société nationale pour refuser d embaucher ou maintenir ses salariés dans l emploi. 37. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité demande au Ministre de l Intérieur d intervenir auprès de la société nationale afin de faire cesser cette pratique dite de l enquête «sécuritaire», pratique non codifiée, sans contrôle, portant atteinte aux libertés publiques du fait de l utilisation informelle, avérée ou pas, de fichiers des services de police ou autres, rappelant que cette pratique se substitue à une procédure obligatoire prévue par la loi qui confère au seul Préfet le pouvoir d autoriser le recrutement ou le maintien dans l emploi d une personne. 38. Enfin, prenant acte des délais de traitement extrêmement longs pour la délivrance des agréments par les préfectures, le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité invite le Ministre de l Intérieur à engager une réflexion avec les sociétés de transports de fonds afin d étudier les possibilités d amélioration des modalités et délais de traitement des demandes d agrément, ce qui éviterait la mise en place de procédures informelles n apportant aucune garantie ou possibilité de vérification. 39. En application de la convention de partenariat entre la haute autorité de lutte contre les discriminations et la Commission nationale de l informatique et des libertés (CNIL) en date du 13 mars 2006, le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité demande à son Président de transmettre à la CNIL la présente délibération à titre d information. 40. Le Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité demande à être tenu informé dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la présente délibération des suites données à ses recommandations. Le Président Louis SCHWEITZER 5