LECTURE CRITIQUE Accompagner les enseignants et formateurs dans la conception d une formation en ligne Christian Ernst E-learning. Conception et mise en œuvre d un enseignement en ligne Guide pratique pour une e-pédagogie Cépaduès éditions, 2008 La structure de cet ouvrage propose de guider l activité de conception d une formation en ligne à travers quatre parties : «Stratégie de formation en ligne», «La conception d un enseignement médiatisé», «La médiatisation d un enseignement» et «La mise en œuvre d un dispositif de formation en ligne». Son auteur présente des principes méthodologiques de conception qui articulent pédagogie et technique. Le mode opératoire proposé aux lecteurs est détaillé selon vingt tâches. Elles apparaissent de manière significative dans l introduction de chaque partie, elles sont développées dans les chapitres et décrivent l activité des enseignants. La première partie, intitulée «Stratégie de formation en ligne», relativement succincte, présente les éléments de la stratégie dans lequel le concepteur s inscrit pour élaborer une formation en ligne. Christian Ernst précise que la stratégie porte sur la précision des objectifs pédagogiques. Il renvoie le concepteur vers la recherche d informations sur le contexte de formation et sur les précisions nécessaires pour analyser le public. C est aussi dans cette partie que s effectue d ores et déjà le choix de diffusion des contenus : choix du présentiel, de télétutorat ou encore de l autoformation et choix des médias d appui qui en découlent. L auteur propose d aborder le développement sous une approche systémique (Collectif de Chasseneuil, 2001). Il évoque rapidement les aspects organisationnels et techniques de la formation, souligne l importance d acquérir des nouvelles compétences (nouvelle grammaire d internet) pour la conception de contenus en ligne. La démarche de conception s exerce sous la responsabilité pédagogique des auteurs. Le contexte qu évoque l auteur pour déployer un enseignement en ligne se décline sous une modalité hybride : il combine des sessions en ligne et en présence. Il se saisit de la modalité du présentiel pour appuyer et développer le traitement des dimensions de l engagement et de l autonomie des apprenants (Barbot et Camatarri, 1999). Il ne développe pas suffisamment ces dimensions qui sont essentielles pour la réussite des apprentissages dans une formation en ligne. On s étonnera aussi dans cette partie de l absence de méthodologie de projet alors que cette démarche est un atout pour la création de contenus en ligne (Dessaint, 1995). N apparaissent pas non plus l appui de la structure
126 D&S 7/2009. Les effets des dispositifs d EAD d encadrement des auteurs, ni les directives politiques de la hiérarchie dont dépendent les enseignants, qui en font les clefs de la réussite pour mener à bien leur projet de formation. Cette première partie invite les lecteurs à examiner les éléments d analyse du besoin de formation, à opérer un choix des supports médiatiques. La deuxième partie, «Conception d un enseignement médiatisé», est la partie la plus étoffée du livre : elle articule les différentes dimensions de conception d un enseignement médiatisé avec les modélisations que l auteur propose. Cette partie s achève autour de l activité des auteurs : leurs responsabilités, la formation à suivre, et elle propose un éclairage sur les dimensions juridiques et le droit des auteurs. Christian Ernst présente une démarche conceptuelle pour le développement de contenus comprenant une étape de modélisation des connaissances. Cette démarche permet d élaborer les contenus d apprentissages déclinés autour des notions de tâches d apprentissage et d unités pédagogiques. La méthode issue de l UML (Unified Modeling Language) se fonde sur une approche constructive qui se veut rationnelle. Le découpage est élaboré à partir de la tâche à réaliser, par opposition à une approche «interprétative» où les stéréotypes des tâches seraient élaborés à partir d un modèle d intervention prédéfini (Halin, 2005). Cette dernière approche, de nature empirique, est souvent adoptée par les concepteurs de contenus et les équipes multimédia. Souvent, lorsqu on a formé des auteurs et/ou des concepteurs, on perçoit toute leur difficulté d adopter un modèle. C est pourquoi, bien que la méthodologie soit clairement expliquée, elle peut se révéler ardue. Pour la rendre plus compréhensible, fort judicieusement, l auteur inclut dans cette partie la nécessaire formation des concepteurs, qu il décline suite à la proposition d un référentiel de compétences. Le dernier chapitre apporte des éclairages indispensables sur la protection juridique d un enseignement numérisé, aussi bien sur l aspect architecture que sur le contenu de l œuvre. Mais on peut déplorer que l auteur ne développe pas les actions à mener en cas d emprunts de ressources (images, extrait de document, voir à ce sujet le site web Légamédia : http://www.educnet.education.fr/legamedia), alors que beaucoup de contenus de formation s appuient sur de tels emprunts. Bien que l auteur soit sensible à cette dimension puisqu il évoque l utilisation d images issues de banques d images libres de droit, c est dans la phase de conception qu il est indispensable d avoir des compétences juridiques solides pour garantir la validité du contenu. C est aussi dans cette partie qu est présentée de manière originale l approche de la conception de systèmes d apprentissage avec l intention d assurer leur mise en ligne, l auteur propose d aborder le processus de conception avec la formation des concepteurs. Il incite le lecteur à faire appel à des compétences juridiques. La troisième partie, intitulée «Médiatisation d un enseignement», poursuit le développement proposé précédemment avec l élaboration du scénario pédagogique dans ses dimensions cognitives et techniques. L auteur se saisit de cette partie pour présenter et expliquer des méthodes de développement de projets informatiques et qu il décline pour la multimédiatisation de contenus à des fins d apprentissage. Il en détaille les étapes fondamentales, les méthodes et outils à associer pour la
Lecture critique 127 médiatisation. Il précise cependant que le concepteur doit s appuyer sur un service multimédia. La première étape concerne la modélisation de l interface de navigation qui découle de la modélisation des connaissances et des tâches d apprentissage. Christian Ernst propose son développement à partir d une approche rationnelle qui se base sur la méthode OOHDM (The Object-Oriented Hypermedia Design Model). L auteur rend explicite chacun des éléments de la navigation (liens hypertexte, ancre, etc.) et leur articulation. Il prolonge le travail sur la conception de la navigation par un travail sur la modélisation et la création de documents hypermédias. Il explique le mode opératoire, définit de nouveaux certains éléments (feuille de style, calques, scripts et procédures) et renvoie vers des logiciels et ou systèmes auteurs. Cette partie plus technique pour le néophyte est moins descriptive que la précédente. Elle a comme ambition d informer l enseignant concepteur sur l articulation entre les composantes pédagogiques et technologiques. Elle attire l attention sur la cohérence de travail réalisé en amont. La dimension pédagogique s appuie sur l activité de l auteur qu il exerce en étroite collaboration avec le service multimédia : la navigation et les développements servent la dimension pédagogique et confortent ainsi la motivation de l apprenant. L enseignant accède à un vocabulaire de base qui donne accès à la logique technologique. Dans cette partie, l absence de préconisations autour du traitement du graphisme est regrettable. Bien que celui-ci soit évoqué avec les modèles de présentation, l auteur néglige la dimension esthétique qui introduit une cohérence visuelle, garantit l harmonisation des pages et donne une identité à la formation. L auteur dédie la quatrième partie à la mise en œuvre d un dispositif de formation en ligne. Celle-ci se décline à travers le choix de la plateforme et la connaissance des fonctions associées. Il présente également le concept d objet d apprentissage, qu il complète par la description de la mise en œuvre du télétutorat (terme dédié au tutorat ou aux formateurs qui interviennent dans l accompagnement des modules accessibles en ligne). Christian Ernst propose une présentation claire et synthétique des fonctionnalités génériques des plateformes. Il invite les enseignants à examiner et à évaluer très précisément les usages pédagogiques des plateformes. Dans cette partie, il attire l attention sur les outils d évaluation (Leclercq et Gilles, 2001). L auteur aurait pu compléter la description de la plateforme par une incitation des enseignants à la manipuler. L auteur se consacre par la suite sur la gestion des contenus qui nécessite la prise en considération de l interopérabilité, abordée via les normes et standards LOM et SCORM (respectivement Learning Object Metadata et Sharable Content Object Reference Model). En lien avec ce qui a été bâti lors de la deuxième partie, il décrit les tâches et détaille la notion d objet d apprentissage. Il présente les principes qui justifient la normalisation des contenus d apprentissage. Ce dernier développement valide toute la cohérence de sa méthodologie puisqu il assure un continuum dans le développement d un contenu en ligne.
128 D&S 7/2009. Les effets des dispositifs d EAD Dans la mise en œuvre de la formation en ligne, l auteur intègre aussi l activité des télétuteurs et insiste sur leur formation. C est dans ce dernier chapitre qu il développe les dimensions collectives de l enseignement et des aspects de communication associés. Curieusement l attention est aussi attirée sur la scénarisation des discussions en ligne et sur l organisation des travaux collaboratifs alors qu elles auraient pu apparaître dans la phase de conception. C est aussi ici, autour de l apport sur les télétuteurs, qu il évoque de manière plus explicite les caractéristiques des apprenants (motivation, dimension socio-affective, etc.). La présentation de la problématique de gestion des contenus avec leur normalisation, le descriptif des fonctions des plateformes et le développement du télétutorat, particulièrement accessibles, représentent un apport pertinent pour la démarche de conception. Christian Ernst déclare destiner son ouvrage aux enseignants et formateurs pour qu ils aient l opportunité d acquérir les bases d une culture du e-learning dont le développement s appuie sur leur responsabilité pédagogique. Le lecteur versé en informatique tirera profit rapidement de cette lecture. Celui qui ne l est pas et qui voudra aborder la scénarisation trouvera beaucoup d éléments qui l éclaireront sur la méthode et pourront l inciter à s associer à des compétences d informaticiens pour exploiter judicieusement l ensemble des apports faits dans ce livre. Le lecteur, s il souhaite se former à la conception de contenu en ligne, devra s inscrire notamment dans des formations destinées aux auteurs. Il faut aussi signaler que beaucoup de ceux qui travaillent autour de la conception de contenus trouveront des apports divers et variés avec des éclairages pertinents sur certaines spécificités (plateforme, SCORM, indexation,.). Ce livre pourrait être destiné à des responsables de formation qui auraient à concevoir une formation en ligne. Toutes les tâches dédiées aux auteurs sont clairement présentées et évoquées de manière explicite : la formation des auteurs, celle des tuteurs, le travail avec les services juridiques, etc. Cet ouvrage propose toutes les articulations avec les composantes qui sont impliquées dans la création de contenus en ligne. Il est facile d extraire la planification des tâches pour conduire un projet de conception de contenus en ligne. Le livre, par son traitement éditorial, facilite la lecture avec des onglets en grisé associé à chacune des parties. Cette présentation se révèle pertinente car la lecture propose des renvois très fréquents vers les différents paragraphes tout le long du livre. Cette organisation étaye la dimension systémique de la conception de contenus. En fin d ouvrage, un glossaire contient la définition de la centaine de termes utilisés. Il réunit les univers de la pédagogie et de la technologie, il est suivi d annexes avec des exemples de programmation, des scénarios, des exemples qui illustrent des démonstrations. L auteur complète son ouvrage de références indispensables, suffisamment variées et relativement complètes qui enrichissent le corpus de connaissances. En complément, les enseignants et les formateurs doivent toutefois disposer d une infrastructure et/ou d un accompagnement qui les assiste pour la mise en œuvre d un enseignement en ligne. On peut déplorer que cette dimension de
Lecture critique 129 développement et de gestion n apparaisse pas de manière significative dans le processus de conception. Ce livre pourrait-il être «une référence pour une formation sur la conception d une formation en ligne»? Oui, car il a l avantage d aborder et de regrouper des étapes pour la conception d un contenu qu il sait rendre accessibles et explicites, il sera parmi les références à recommander. Fabienne LANCELLA CNED Ecole d Ingénierie de la Formation à Distance (Eifad) Ingénierie des Services d Accompagnement fabienne.lancella@cned.fr Bibliographie Barbot M.-J., Camatarri G., Autonomie et apprentissage : innovation dans la formation, Paris, Presses Universitaires de France, 1999. Collectif de Chasseneuil, Accompagner des formations ouvertes. Conférence de consensus, Paris, L Harmattan, 2001. Dessaint M.-P. (ed.), La conception de cours, Guide de planification et de rédaction, Québec, Presses de l université du Québec, 1995. Halin, G. «De la conception d hypermédia à la conception d application Web», STICEF, vol. 12, 2005. Leclercq D., Gilles J.-L., «Techniques de mesure dans l autoévaluation», G. Figari, M. Achouche (Eds.), L activité évaluative réinterrogée : regards scolaires et socioprofessionnels, Bruxelles, De Boeck, 2001, p. 134-146.