Allocution du Président du Conseil Supérieur de l Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique à l ouverture de la 7 ème Assemblée générale Mardi 12 mai 2015
Au mois de juillet dernier, lors de la mémorable cérémonie d installation de notre Conseil, j ai eu le privilège de prononcer devant Sa Majesté le Roi un discours dans lequel j ai dit en votre nom à tous : que nous étions grandement honorés par la confiance Royale, parfaitement conscients du poids de cette responsabilité et résolument déterminés à travailler sans relâche pour apporter notre contribution à la réforme de l Ecole marocaine ; que nous prenons l engagement de mettre à profit «l examen de conscience» pour identifier les dysfonctionnements qui ont émaillé l application de la Charte nationale de l éducation et de la formation, en vue d élaborer la vision stratégique d une vraie réforme de l Ecole, à soumettre à Sa Majesté le Roi dans les meilleurs délais. Dix mois plus tard, nous pouvons nous réjouir d avoir tenu parole et nous féliciter d avoir relevé un énorme défi. Depuis l été dernier, nous avons travaillé sans interruption et nous n avons ménagé aucun effort. Nous sommes passés par des hauts et des bas, nous avons connu des moments de satisfaction et d émulation, nous avons aussi traversé des moments de préoccupation et de tension inhérents à la recherche exaltée des bonnes solutions et à chaque moment, nous avons beaucoup appris les uns des autres. Si nous avons réussi à parcourir un trajet aussi périlleux, sans jamais perdre de vue le cap, c est incontestablement grâce à la sagesse et la lucidité de vous tous qui avez apporté, avec science et conscience, votre pierre à la construction d une vision prometteuse. Le long du chemin parcouru, nous avons amassé et rassemblé une masse considérable d idées et de propositions, d études et d analyses. Les commissions permanentes ont déployé des efforts méritoires, ordonné et enrichi des matériaux dispersés pour élaborer des contributions conséquentes, réfléchies et structurées qui ont été enrichies par les débats de la plénière et qui devaient constituer la pâte dont sera pétrie la vision stratégique. De son côté, la commission de coordination a eu à élaguer les double emplois, à limer les aspérités et à développer les convergences apportant ainsi une précieuse contribution à l élaboration de la vision stratégique. Le Bureau du Conseil a pour sa part, dès le début du processus, fixé la méthode d élaboration de la vision stratégique, ultérieurement validée par l assemblée générale comme il a constamment soutenu et accompagné le travail du rapporteur à toutes les étapes. Puis vint 2
le rôle décisif du rapporteur général qui a eu la délicate mission de verser les contributions des commissions permanentes et les apports provenant d autres sources dans le moule d un document unique et ramassé, d un texte synthétique et structuré, qui a constitué la base d une vision stratégique à long terme soutenue par une architecture solide, traversée par un souffle fort et intelligemment articulée autour d idées pertinentes, d apports novateurs et de changements majeurs. Dans le cadre du suivi et de l accompagnement de ce projet, le Bureau a tenu plusieurs réunions pour dégager une vision cohérente et partagée de certaines problématiques, notamment l enseignement des langues et les langues d enseignement, l enseignement et la formation privés, le financement, ainsi que quelques aspects liés aux métiers de l enseignement et de la formation. Par la suite, le Bureau a examiné, durant deux longues réunions, une version préliminaire de la vision après sa finalisation par le rapporteur général puis une version amendée, qu il a décidé de transmettre à l Assemblée générale. Tout cela a été fait grâce à la bonne volonté et au dévouement de tous, mais aussi grâce à l acceptation par tous des exigences de la logique institutionnelle et organisationnelle du Conseil ainsi que des exigences du travail collectif qui veut qu on renonce à ses idées personnelles chaque fois qu on en trouve de meilleures, et qui oblige à sacrifier les subjectivités pour faire avancer la réflexion collective, et à abandonner le secondaire pour sauver le principal. Tout cela a été possible grâce à la volonté commune de faire œuvre utile et à la conviction partagée que l impératif de sauver l école doit l emporter sur tout autre considération personnelle, corporatiste, politique ou idéologique. De ce fait, nous avons su éviter les surenchères et nous avons œuvré non pas pour avoir raison ou pour «vaincre un hypothétique adversaire» mais pour partager et convaincre, pour le plus grand bien de l Ecole marocaine et de l avenir du pays. Cet état d esprit n est ni inné ni naturel. Il est le résultat d un effort de soi sur soi et d un apprentissage difficile. En conséquence, nous sommes en droit de nous réjouir d avoir réussi cet effort et d en cueillir aujourd hui les premiers fruits. La vision stratégique dont vous allez débattre aujourd hui s articule autour de trois piliers structurants qui sont aussi les finalités stratégiques majeures à savoir l édification d une école nouvelle qui sera l école de l équité et de l égalité des chances, l école de la qualité pour tous et de l intégration de l individu et du progrès social. 3
L école de l équité et de l égalité des chances passe par une série de politiques de rupture et de changements tendant à généraliser un enseignement préscolaire obligatoire, à établir une discrimination positive au bénéfice de l école rurale, à lutter contre les décrochages et les redoublements, à assurer l accès à l éducation aux enfants en situation de handicap, à rétablir la confiance et à rendre réactive l école. L école de la qualité pour tous passe aussi par une série de politiques novatrices tendant notamment à repenser la formation et la qualification des métiers de l enseignement, à reconsidérer l organisation et plus encore les méthodes pédagogiques, à revisiter les programmes, à clarifier les choix linguistiques, à mettre en place une nouvelle gouvernance et à promouvoir la recherche scientifique et l innovation. L école de l intégration de l individu et du progrès social passe également par des politiques complexes tendant à l épanouissement des élèves et des étudiants, leur intégration active dans la société de la citoyenneté et de la démocratie, dans l économie et dans le marché du travail et leur contribution au développement économique, social et culturel du pays et à la construction et à la consolidation d une société du savoir. Rien ne serait plus illusoire que de croire qu il suffit d avoir une bonne vision pour relever le défi- (comme le prouvent à l évidence les échecs recensés dans l application de la Charte)-, le projet de vision devait aussi s attaquer à la mise en œuvre de la vision. La dernière partie du projet traite précisément des conditions de la réussite du projet et à la conduite du changement. Cette conduite du changement qui devra reposer fondamentalement sur : mobilisation sociétale autour de la réforme qui place la réforme au centre de la nation, de la région, de la province, de la commune, du quartier et de la famille, parce que l Ecole d aujourd hui a plus, que par le passé, besoin d une énergie collective ; la mise en place des mécanismes, des moyens et des dispositifs rénovés, susceptibles de permettre à l école d assumer au mieux ses missions et fonctions tout en préservant son autonomie, d assurer le suivi et l évaluation du dysfonctionnement des leviers de la réforme et capables de procéder aux corrections et aux ajustements nécessaires en temps opportun. Nous allons donc débattre d un projet de vision stratégique qui n hésite pas à consolider les acquis, chaque fois que possible, et à innover, chaque fois que nécessaire, dans le but de faire émerger progressivement une école nouvelle. Une école nouvelle plus juste et inclusive qui dépasse les disparités qui rongent le système actuel et qui restaure la confiance perdue. Une école qui répond aux attentes légitimes des parents, aux besoins des jeunes et aux aspirations 4
de la société. Une école plus ambitieuse capable de soutenir et de relayer les choix du Maroc dans la préservation des fondamentaux, dans la consolidation des processus de modernisation et de démocratisation de la société dans la dynamique de développement humain durable et de renforcement de la cohésion sociale. Tout cela ne veut absolument pas dire que la vision dont nous allons débattre soit achevée et parfaite. Il s agit plutôt d un projet appelé à connaitre des changements et des améliorations. Je reste persuadé que cette session permettra d ajuster, de corriger, de compléter, d approfondir et d enrichir le projet que vous avez entre les mains et qui attend beaucoup de la contribution de chacun d entre vous et de la valeur ajoutée de l assemblée générale. Lorsque le projet aura été enrichi et approuvé par l Assemblée Générale, le travail ne sera pas terminé mais ce sera le commencement d un nouveau processus. Il nous faudra en effet, une fois la vision stratégique adoptée, étudier de plus près et plus longuement certaines problématiques essentielles qui appellent davantage de recherche et d analyse, comme par exemple la question du financement du système éducatif et de la réforme ou encore l analyse des pratiques d enseignement et d apprentissage. Il nous faudra aussi aller plus avant dans l analyse de nombreux sujets pour mieux encadrer la mise en œuvre et pour mieux prémunir la réforme contre les risques de dérapage ou de dysfonctionnement. Il nous faudra enfin procéder au suivi de la mise en œuvre et à l évaluation scientifique des résultats afin de nous assurer de la bonne marche du train des réformes. Nous sommes certes à un moment fort, à un tournant décisif mais ce n est que le début d un long processus, qui s étalera sur des années et qui parviendra, au bout de quelques temps, à l émergence d une école à la hauteur des attentes et des ambitions. Je souhaite que cette vision stratégique fasse l objet d un consensus entre nous, membres du Conseil, préalable nécessaire à un contrat sociétal plus large, à même de garantir le succès de la réforme escomptée. 5