N. LODÉ 1, N. PINTO DA COSTA 2



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Chapitre21 Monitorage requis et objectifs visés N. LODÉ 1, N. PINTO DA COSTA 2 Très utilisée en néonatalogie, la VNI est de pratique plus récente et en plein essor dans l insuffisance respiratoire aiguë (IRA) du nourrisson et de l enfant plus grand. Son effet bénéfique n est plus à démontrer dans la réduction du travail respiratoire actif et l amélioration de l oxygénation (1-3). Sa mise en route dans une situation aiguë, que ce soit en milieu préhospitalier ou hospitalier (urgences, unité de réanimation), nécessite une surveillance constante dans les premières heures, en raison du risque de complications graves et du risque d échec pouvant nécessiter une intubation en urgence (4, 5). Les publications actuelles concernent essentiellement des patients en réanimation (6-8). Quelques communications rapportent les expériences en transport lors des épidémies de bronchiolites (9). À partir de notre pratique en Smur pédiatrique, au cours des bronchiolites et bronchoalvéolites des nourrissons et des pathologies du grand enfant, nous nous proposons de dégager les critères de surveillance, les moyens que nous avons à notre disposition et leurs limites. 1. SMUR pédiatrique Robert Debré, hôpital Robert Debré, APHP, 48 boulevard Serrurier, 75935 Paris cedex 19. 2. Réanimation Pédiatrique polyvalente, hôpital Robert Debré, APHP, 48 boulevard Serrurier, 75935 Paris cedex 19. Correspondance : Noëlla Lodé, SMUR pédiatrique Robert Debré, hôpital Robert Debré, 48 boulevard Serrurier, 75935 Paris cedex 19. Tél. : 01 40 03 22 83 ou 84. Fax : 01 40 03 47 25. E-mail : noella.lode@rdb.aphp.fr MONITORAGE REQUIS ET OBJECTIFS VISÉS 201

Figure 1 Transport de nourrisson sous VNI (interface binasale reliée à un respirateur) 1. Modalités pratiques Nous avons deux populations de patients : Les nourrissons et nouveau-nés sortis de maternité, en majorité atteints de bronchiolites sévères à virus Respiratoire Syncitial (VRS), pris en charge en pression positive continue ou nasal continuous positive airway pressure des anglo-saxons (ncpap) avec une interface binasale siliconée (Fisher-Paykel Healthcare) de taille adaptée reliée par une pièce intermédiaire à un circuit double brin utilisable sur les différents respirateurs néonataux : Babylog 8000 (Dräger), Fabian (Sabac), Babypac 100 (Médiprema) avec une pression expiratoire positive (PEP) réglée entre + 4 et + 8 cm H 2 O. Ils représentent la majorité des patients transportés sous VNI (Figure 1). Certains utilisent aussi l Infant flow Advance (Sebac) ou la SiPAP (Sebac) des nouveau-nés avec deux niveaux de pression : bilevel airway pressure (BiPAP) (6). Les enfants plus grands en décompensation aiguë d une insuffisance respiratoire chronique (maladies neuro-musculaires, mucoviscidose), au cours d un syndrome thoracique aigu ou sur un terrain immuno-déprimé, avec des masques naso-buccaux reliés à un respirateur de transport performant : Elisée 350 (Resmed) ou de réanimation en mode spontané (VS-PEP, Aide inspiratoire) ou en mode assisté en pression ou en volume. Dans quelques cas un mode assisté en pression est délivré avec l interface canule. Pour ces deux populations la surveillance clinique et paraclinique non invasive en transport est similaire. Des nuances sont à apporter en fonction de l âge, de l interface et du mode de ventilation utilisé. 2. Surveillance L indication de VNI est posée. Les contre-indications ont été respectées : défaut de vigilance glottique et fausses routes, inefficacité de la toux, coma, instabilité 202 VENTILATION NON INVASIVE CHEZ L ENFANT PENDANT LE TRANSPORT AUX URGENCES

hémodynamique, épuisement respiratoire terminal et bradycardie hypoxique, anomalie du massif facial congénitale ou traumatique. On choisit l interface la mieux adaptée au calibre et à l écartement des narines pour les canules binasales et au massif facial pour les masques nasaux pour adulte utilisés en bucco-nasal ou les masques bucco-nasaux. Une protection cutanée des points d appui est réalisée par application d un hydrocolloïde : Duoderm ou Lumiderm. Le moyen de fixation (bonnet ou harnais) est ensuite relié. Cette phase nécessite doigté, patience, disponibilité, expérience de l équipe médico-infirmière et empathie avec l enfant. Parallèlement à une surveillance clinique attentive, le monitorage multiparamétrique comprend : fréquence respiratoire, fréquence cardiaque avec tracé sur scope, tension artérielle oscillométrique, saturation pulsée en oxygène, relevé transcutané de la capnie. De la surveillance clinique et paraclinique découlent les critères d efficacité de la technique ou d inefficacité conduisant à modifier les paramètres en étant prêt à tout moment à changer de stratégie et à intuber l enfant. 2.1. L observation clinique Constante dans les premières heures, elle porte principalement sur le confort, l ampliation thoracique, la mise en jeu des muscles respiratoires accessoires, l adaptation du malade au ventilateur, les fréquences cardiaque et respiratoire, le niveau de conscience (anxiété, agitation), les fuites au niveau du masque si l interface est un masque. 2.1.1. Le confort L évaluation du confort du patient (installation, tolérance du masque, distension abdominale) vis-à-vis de la VNI est importante puisque si l on fait le corollaire avec l adulte, l échec de la VNI apparaît étroitement lié au confort et à la tolérance de la technique (10). La pose d une sonde gastrique est systématique chez le nourrisson et souvent indiquée chez l enfant plus grand pour permettre une vidange gastrique et donc éviter le ballonnement abdominal lié à l insufflation d air dans l estomac. Il est aussi parfois nécessaire de diminuer les pressions d insufflation. En effet, des pressions d insufflation aux alentours de 25 cmh 2 O augmentent le risque de distension gastrique. La pression d ouverture du sphincter inférieur de l œsophage étant de 25 cmh 2 O. La protection cutanée est obligatoire aux points d appui. Un défaut d attention dans les premières heures peut être source de lésions graves telle qu une nécrose de la columelle due aux canules. En réanimation, les points d appui sont régulièrement changés. Différents modèles et marques de masque sont utilisés à cet effet. Cette technique est très dépendante de la qualité des interfaces. L enfant est installé en proclive à 30 degrés, le plus confortablement possible et rassuré. Les parents sont sollicités. MONITORAGE REQUIS ET OBJECTIFS VISÉS 203

2.1.2. L ampliation thoracique Couplée à l auscultation du murmure vésiculaire, elle apporte des renseignements précieux quelque soit le mode ventilatoire. Elle permet l adaptation des paramètres ventilatoires. Si l ampliation thoracique est insuffisante (hypoventilation), la pression d insufflation Ai ou Pi selon le mode ventilatoire est augmentée. Si elle est trop importante, la pression d insufflation est diminuée en raison du risque d hyperventilation et de baro ou volo traumatisme. 2.1.3. La fréquence respiratoire (FR) Chez l adulte, l augmentation de la FR est le premier signe clinique de fatigue des muscles respiratoires (11). Une diminution de la FR dans la première heure après l instauration de la VNI chez l adulte est synonyme de succès de la technique (12). Plusieurs études rétrospectives pédiatriques ont confirmé les mêmes données. Dans l étude de Vermeulen, la FR diminuait de 53 à 39/min (p < 0,01) dans la première heure en cas de succès de la VNI (5). Dans l étude d Essouri incluant 114 enfants âgés de 6 mois à 17 ans, la FR diminuait de manière significative (p < 0,05) passant de 49,3 ± 16,6 à 37,5 ± 12,3/min à H2 de la mise sous VNI dans le groupe avec succès de la VNI. Dans le groupe «échec», la FR passait de 54 ± 14,1 à 52,4 ± 17,3 à H2 (13). Dans l étude de Fortenberry, la FR passait de 45 ± 18 à 33 ± 11 min à H1 de l instauration de la VNI (p < 0,001) dans le groupe à succès (14). La fréquence respiratoire doit donc diminuer de façon significative dans la demiheure ou heure qui suit la mise en route de la VNI, en cas d efficacité de cette technique. Si celle-ci ne diminue pas, elle est en général prédictive d échec de VNI. En préhospitalier, c est un critère qui a toute son importance. 2.1.4. L adaptation de l enfant au ventilateur Un enfant adapté à sa machine est synchronisé avec celle-ci et il n existe pas de signes de lutte contre le respirateur (mise en jeu des muscles respiratoires accessoires). La synchronisation de la respiration de l enfant à la machine ne peut se faire qu en mode assisté, avec un trigger inspiratoire le plus faible possible pour diminuer au maximum les efforts de l enfant. Parmi les respirateurs de transport, seul l Elisée 350 (Resmed) a un trigger suffisamment sensible. 2.1.5. Les fuites Comme on l a vu, il est primordial de veiller aussi à la bonne adaptation et à la bonne installation de la canule ou du masque. Le masque est le plus adapté possible à la morphologie de l enfant afin d éviter toute fuite autour du masque nasal ou nasobuccal. En effet, un masque inadapté peut être une source d échec de la VNI. 204 VENTILATION NON INVASIVE CHEZ L ENFANT PENDANT LE TRANSPORT AUX URGENCES

2.1.5.1. L observation Cet examen clinique permet de détecter une aggravation avec la recherche de signes d hypercapnie (HTA, sueurs, troubles de la conscience), de signes d hypoxie (cyanose péribuccale ou unguéale, pâleur cutanéomuqueuse), de signes de défaillance hémodynamique liés à l hypoxie (teint gris, marbrures, tachycardie, agitation). L agitation est un bon signe d alerte. Une agitation qui ne régresse pas sous VNI doit faire envisager une intubation avant la survenue d un malaise hypoxique grave. Les patients à risque sont les patients recevant une VNI pour insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique dans le cadre d une pneumopathie hypoxémiante ou d un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA). En cas de succès de la technique, les signes de lutte régressent progressivement : la mise en jeu des muscles inspiratoires accessoires (sternocleido-mastoïdien et intercostaux) diminue et l asynchronisme thoraco-abdominal est corrigé (15). 2.2. Les moyens de surveillance paraclinique 2.2.1. Saturation pulsée en oxygène Elle est monitorée en continu avec un objectif de saturation pulsée en oxygène (SpO 2 ) à 94 %. La surveillance en continu de la SpO 2 permet ainsi de régler au mieux la fraction inspirée en oxygène (FiO 2 ) et d adapter la PEP. La PEP est augmentée en cas d hypoxémie persistante. Les performances de l oxymètre sont affectées par de multiples facteurs : mouvements, hypothermie, désordres hémodynamiques sévères. La technique Masimo Set est actuellement la plus fiable. L IRA hypoxique est grevée par un taux d échec plus important de la VNI, en comparaison avec l IRA hypercapnique, avec un taux chez l adulte variant de 10 à 60 % selon l étiologie (16). Il existe néanmoins un bénéfice certain démontré dans la population immunodéprimée (17). Le retard à l intubation d un patient en IRA hypercapnique en échec de VNI semble au vu des études sans grande conséquence. Par contre, le retard à l intubation d un patient en IRA hypoxique en échec de VNI peut être grevé de complications lourdes tel que l arrêt respiratoire hypoxique. 2.2.2. La fréquence cardiaque La FC est rapportée à l âge. Une tachycardie peut être le témoin d une hypercapnie ou être en rapport avec un collapsus de reventilation. Elle est interprétée en fonction de la douleur, de l anxiété et de la température. 2.2.3. La tension artérielle Une chute de la TA à l initiation de la VNI peut être en rapport avec un collapsus de reventilation. En ce cas, elle nécessite la mise en route d un remplissage vasculaire, voire d amines vasopressives, et la diminution de la pression d insufflation. À l inverse, une hypertension peut être le signe d une hypercapnie. Les chiffres sont à interpréter en fonction de l âge. Entre 1 et 10 ans, la TA systolique attendue est de 90 + (2 âge en année) mmhg. MONITORAGE REQUIS ET OBJECTIFS VISÉS 205

2.2.4. La gazométrie En milieu hospitalier, les recommandations actuelles comportent la réalisation de gaz du sang (GDS) entre H1 et H2 après l instauration de la VNI puis entre H4 et H6 (19). Une gazométrie avant et 30 minutes après l instauration de la VNI permet d avoir un reflet de l efficacité ou non de la technique. Une amélioration du ph et de la PCO 2 à 1 heure est associée, dans les études adultes, au succès de la VNI (12, 20). Les études pédiatriques montrent une corrélation entre la diminution de la PCO 2 et le succès de la VNI. Dans l étude de Vermeulen, la PCO 2 diminuait de 9,23 kpa à 6,28 (p < 0,01) dès la première heure (5). Dans l étude d Essouri, la PCO 2 passait de 47,6 ± 13,7 à H0 à 44,1 ± 10,2 mmhg à H2 dans le groupe succès de la VNI et passait de 50,6 ± 15,1 à 56,9 ± 15,2 mmhg dans le groupe échec (13). Dans l étude de Fortenberry, la PCO 2 passait de 45 ± 11 à 39 ± 8 mmhg à H1 de l instauration de la VNI (p < 0,01) (14). Au vu des résultats des études adultes et pédiatriques, il semble licite d envisager l intubation en l absence d amélioration clinique et gazométrique dans l heure ou les 2 heures qui suivent. Une approche gazométrique est effectuée en préhospitalier par la SpO 2 et les mesures non invasives de la PCO 2. 2.2.5. La capnographie (EtCO 2 ) La capnographie permet, en mesurant la fraction de CO 2 expiré, d avoir une estimation de la PaCO 2. Les mesures réalisées au travers d un masque facial sont moins fiables en comparaison avec les mesures réalisées grâce à une canule nasale ou sur une sonde d intubation du fait d un espace mort important entraînant une diminution de la quantité de CO 2 dans l air expiré (21). À ce problème d espace mort se rajoutent les problèmes de fuites très fréquentes. Nous n avons retrouvé à ce jour dans la littérature aucune étude sur la capnographie en VNI. En pratique nous ne l utilisons pas. 2.2.6. La pression transcutanée en dioxyde de carbone (PtCO 2 ) La PtCO 2 en continu est un élément clé de la surveillance de la ventilation mécanique en néonatalogie. Très utilisée jusqu à 3 mois, elle l est aussi dans certains services chez l enfant plus grand en la posant sur la face interne de l avant-bras. Elle permet, après une première comparaison avec un gaz du sang (GDS), de suivre la tendance. Des appareils spécifiques pour le grand enfant et l adulte ont été mis au point ces dernières années. Ils mesurent de façon combinée la PtCO 2 et la SPO 2, au lobe de l oreille : Tosca, Linde Medical Sensors (Radiometer) (Figure 2), V-Sign (Sentec-Resmed). Une étude menée pendant les 4 premières heures suivant l instauration de la VNI chez 10 adultes en décompensation aiguë d insuffisance respiratoire chronique, retrouve une différence moyenne entre la PtCO 2 (à l oreille) et la PaCO 2 de 4,6 mmhg avec une bonne corrélation (p < 0,001). La PtCO 2 est en général plus basse que la PaCO 2 (22). Les rares études pédiatriques mesurant la PtCO 2 en continu ont été faites avec des enfants en ventilation mécanique invasive et aboutissent aux mêmes conclusions. Une étude en réanimation incluant 20 enfants en VNI d âge moyen de 10,5 ans et 206 VENTILATION NON INVASIVE CHEZ L ENFANT PENDANT LE TRANSPORT AUX URGENCES

Figure 2 Moniteur de SpO 2, TcPCO 2 Tosca- Linde (Radiometer) poids moyen de 29 Kg semble montrer les mêmes résultats (15). Une étude réalisée en réanimation, incluant 25 enfants en VNI d âge moyen 10,6 ± 3,5 ans (4-16 ans) et 82 échantillons de GDS,retrouve une différence de 2,6 ± 2 mmhg entre la PtCO 2 et PaCO 2 (p < 0,0001) (24). Nous avons retrouvé une étude chez l adulte ventilé en transport où la PtCO 2 a été jugée de meilleure approximation que l ETCO 2 (25). Plus que la valeur absolue, la cinétique est une aide précieuse à la surveillance de la VNI. D autres études sont nécessaires pour corroborer ces résultats très prometteurs. Notamment dans les conditions du préhospitalier et en ventilation non invasive chez l enfant. 2.3. La surveillance de la FiO 2 et des paramètres de la machine 2.3.1. La FiO 2 La FiO 2 est diminuée progressivement après l instauration de la VNI. L objectif est l obtention d une SpO 2 à 94 %. Une diminution insuffisante ou impossible de la FiO 2 est un facteur prédictif d échec. Dans une étude prospective portant sur 42 enfants, une FiO 2 > 80 % après la première heure de VNI est un facteur prédictif d échec avec une sensibilité de 56 %, une spécificité de 83 %, une valeur prédictive négative et une valeur prédictive positive de 71 % (18). 2.3.2. Les autres paramètres Pour le nourrisson en ncpap Une PEP à + 4 +5 cmh 2 O est instituée. Elle est augmentée par paliers jusqu à 8 cm H 2 O en fonction de la réponse clinique (fréquence respiratoire, signes de lutte), de la tolérance hémodynamique et de la SpO 2. Dans notre expérience de transport au cours de 3 épidémies successives la PEP utilisée a été entre + 5 et + 6 cmh 2 O. Pour le grand enfant Le niveau de PEP utilisé est entre + 5 et + 10 cmh 2 O, l aide inspiratoire varie de 6 à 15 cmh 2 O (AI + PEP = maximum à 20-25 cmh 2 O), le trigger (en débit meilleur qu en pression) est réglé le plus sensible possible en évitant les auto-déclenchements (fuites), la pente choisie est de 0,15 à 0,20 selon la tolérance de l enfant. MONITORAGE REQUIS ET OBJECTIFS VISÉS 207

Les réglages du ventilateur doivent permettre d obtenir un volume courant expiré (Vte) cible entre 6 et 8 ml/kg (26). Un VTe très supérieur à ces chiffres témoigne certainement d une fuite importante. Il faut pour cela que les réglages d alarmes soient adaptés à l âge et au poids de l enfant et qu une ventilation d apnée de sécurité soit réglée en cas de mode spontané (VS-PEP-AI ou AI) (27). Dans certains cas, chez les enfants anxieux, après avoir éliminé toutes les complications en particulier le pneumothorax par transillumination et les défauts matériels, une sédation est parfois proposée : hydroxyzine per os (atarax 0,5 mg/kg) avec un délai d action de 15 minutes peu adapté aux interventions primaires ou midazolan (hypnovel ) : 100 mcg/kg IVL, comme le rapporte Larrar (7). 3. Objectifs Ils ont été largement détaillés lors de la description des moyens de surveillance. Un enfant sous VNI doit commencer à s améliorer dès la première demi-heure cliniquement et au niveau des paramètres gazométriques non invasifs. Les critères d efficacité sont l amélioration de la SpO 2 avec une augmentation du rapport SpO 2 /FiO 2, la diminution de la tachypnée, la diminution des signes de lutte d IRA obstructive, l amélioration du confort de l enfant. Nous n avons pas trouvé dans la littérature de score de confort standardisé. S il n y a pas d amélioration dans la première heure, il faut rechercher une complication de la VNI (inhalation, pneumothorax) ou un échec de celle-ci. Les critères d échec devant faire recourir à une intubation sont : La persistance ou l aggravation des signes cliniques de détresse respiratoire, pauses respiratoires (épuisement respiratoire). Une hypoxie persistante sous VNI, jugée sur la SpO 2. L apparition d une instabilité hémodynamique, d épisodes de bradycardie sous VNI. L apparition d un encombrement bronchique. L augmentation de la TcPCO 2. L apparition ou l aggravation de troubles de la conscience : agitation ou obnubilation (signes d hypoxie ou d hypercapnie) témoin d une inefficacité de la VNI et pouvant parfois précéder un arrêt respiratoire. 4. Conclusion Les acteurs de l urgence préhospitalière sont de plus en plus confrontés aux situations médicales nécessitant la VNI qui est une technique de ventilation en plein essor. Son succès dépend de la qualité des interfaces, de l expérience et de 208 VENTILATION NON INVASIVE CHEZ L ENFANT PENDANT LE TRANSPORT AUX URGENCES

la motivation des équipes. Il ne faut néanmoins pas oublier qu elle nécessite une surveillance plus importante comparativement à la ventilation invasive, notamment dans les 2 premières heures. Il faut bien poser les indications, bien connaître les contre-indications, évaluer régulièrement la tolérance et l efficacité de cette technique pour pouvoir décider d une éventuelle intubation suffisamment à l avance, avant que ne survienne l arrêt respiratoire qui est le risque majeur de l échec de la VNI. L élaboration de protocoles de soins propres aux services (Urgence ou SMUR) est actuellement recommandée par les sociétés savantes pour favoriser l implantation de la VNI et améliorer ses résultats (27). Ces patients sont au mieux surveillés dans des réanimations pédiatriques d où la nécessité d un transfert précoce. Les SMUR pédiatriques s appuyant sur une réanimation pédiatrique bénéficient de la formation commune Cette technique nécessite formation et disponibilité d un personnel entraîné. L adage «on ne fait bien que ce qu on fait souvent» prend ici toute sa valeur. Dans des urgences à masse critique pédiatrique en IRA insuffisante, si un service de néonatalogie est présent dans l hôpital, il est licite que les petits nourrissons avec bronchiolite sévère puissent bénéficier de VNI avec canules binasales et NCPAP en attendant le relais d un SMUR pédiatrique moyennant une formation de l ensemble des acteurs de la chaîne. C est ce qui est fait dans plusieurs régions (3, 7, 8). Pour les enfants plus grands où la masse critique est encore plus faible et le personnel entraîné moindre, une réflexion régionale est souhaitable. La prudence s impose. Références bibliographiques 1. Essouri S, Durand P, Chevret L et al. Physiological effects of noninvasive positive ventilation during acute moderate hypercapnic respiratory insufficiency in children. Intensive Care Med 2008 ; Aug 19. on line 1202-9. 2. Essouri S, Nicot F, Clément A et al. Noninvasive positive pressure ventilation in infants with upper airway obstruction: comparison of continuous and bilevel positive pressure. Intensive Care Med 2005 Apr ; 31 (4) : 574-80. 3. Cambonie Y, Milési C, Jaber S et al. Nasal continuous positive airway pressure decreases respiratory muscles overload in young infants with severe acute viral bronchiolitis. Intensive Care Med 2008 ; 34 (10) : 1865-72. 4. Teague WG. Non-invasive positive pressure ventilation: current status in paediatric patients. Paediatr Respir Rev 2005 ; 6 : 52-60. 5. Vermeulen F, de Halleux Q, Ruiz N, Scalfaro P, Cotting J, Stucki P. Starting experience with non-invasive ventilation in paediatric intensive care unit. Ann Fr Anesth Reanim 2003 ; 22 : 716-20. 6. Campion A, Huvenne H, Leteurtre S et al. Ventilation non invasive des nourrissons ayant une infection respiratoire sévère présumée à virus respiratoire syncitial : faisabilité et critères d échec. Arch Pediatr 2006 ; 13 (11) : 1404-9. 7. Larrar S, Essouri S, Durand P et al. Place de la ventilation non invasive dans la prise en charge des broncho-alvéolites sévères. Arch Pediatr 2006 ; 13 (11) : 1397-403. 8. Javouhey E, Barats A, Richard N, Stamm D, Floret D. Non-invasive ventilation as primary ventilatory support for infants with severe bronchiolitis. Intensive Care Med 2008 ; 34 (9) : 1608-14. MONITORAGE REQUIS ET OBJECTIFS VISÉS 209

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