Le monde en autochromes Stéphane Passet, aux environs d'oulan Bator, 1913. MUSEE E ALBERT-KAHN Ausschnitt Seite: 1/5
Il y a cent ans, le banquier philanthrope Albert Kahn envoyait une vingtaine de photographes documenter le globe. Magnifique exposition au Musée Rietberg, à Zurich Par Caroline Stevan Photographier le monde pour l'empêcher de se dissoudre. Au début du XXe siècle, Albert Kahn, fils d'un marchand de bestiaux alsacien, banquier philanthrope exilé à Paris, pressent que la guerre va bouleverser la planète pour de bon. Soucieux de figer un univers avant qu'il ne disparaisse et convaincu qu'une meilleure connaissance entre les peuples est un vecteur de paix, l'homme envoie une vingtaine de photographes et cinéastes en mission à travers les continents. Il crée aussi des «bourses autour du monde» permettant à de futurs enseignants de se frotter aux réalités d'ailleurs, un comité voué à étudier les solutions apportées aux maux de l'humanité dans divers pays ou une chaire de géographie humaine à la Sorbonne. Las, le conflit éclate et Albert Kahn doit se résoudre à fonder un comité de secours pour les victimes. Mais revenons aux images. Le projet germe en 1907, après que le financier a assisté à une projection des frères Lumière. Ces diapositives en couleur, de grand format, sont un éblouissement pour le public. Albert Kahn imagine de constituer les «Archives de la planète», rien de moins. Pendant vingt ans, de 1909 à 1931, il envoie des reporteurs documenter le quotidien des peuples du monde, leur habitat, leurs costumes, leurs monuments et leurs événements. Quelque 72000 autochromes résultent de ces voyages - la plus importante collection au monde, dont 80 environ sont exposés au Musée Rietberg entre mai et septembre. Est-ce parce que beaucoup sont signées du même auteur - Stéphane Passet? Ou parce qu'elles résultent d'une technique contraignante? Ces images sont immédiatement identifiables. Fragilité des couleurs, pose figée des modèles placés au centre, opacité du ciel. Ici, un cavalier mongol fièrement campé sur son petit cheval. Là, trois belles de Corfou. Plus loin, un tirailleur sénégalais photographié au Maroc. Des vues de la tour Eiffel, de la Grande Muraille de Chine ou du Taj Mahal. Clichés d'un monde éternel et disparu. A chaque retour de mission, les plaques quittent les malles Vuitton pour s'amonceler dans la maison de Boulogne-sur-Seine. L'exemployé de banque a pu l'acheter après avoir spéculé sur les mines d'or et de diamants d'afrique du Sud. La gestion de la collection est confiée à Jean Brunhes, initiateur en France de la géographie humaine. Régulièrement, Albert Kahn organise des séances de projection pour ses amis - parmi lesquels Henri Bergson, qui fut son répétiteur, Auguste Rodin - et le beau monde - Marie Curie, Thomas Mann, James Joyce ou Arthur Honegger. Quelque 800 diaporamas sont recensés, pour 550 séances de films. Les plaques accompagnent également Jean Brunhes lors de ses nombreuses conférences. Le krach de 1929 atteint de plein fouet la banque Kahn, comme toutes les autres. En 1930, le propriétaire hypothèque ses maisons de Boulogne et Cap- Martin, pour réinjecter de l'argent dans le système. Les fonds propres n'y suffisent pas. En 1931, les bourses de voyage s'arrêtent et PHOTOGRAPHIE 72000 «cartes postales» Du 8 mai au 27 septembre trois opérateurs seulement continuent d'abreuver les «Archives de la planète». La banque fait faillite en 1932 et les biens d'albert Kahn sont peu à peu mis aux enchères. Une partie de l'hôtel particulier de Boulogne, celle abritant les films et les photographies, est rachetée par le département de la Seine. Le banquier conserve l'usage de sa maison, dont les jardins sont ouverts au public en 1937. Il s'éteint le 14 novembre 1940, à l'âge de 80 ans, quelques mois après l'occupation de Paris par les Allemands. Ses images n'auront rien changé à la guerre, mais elles auront documenté le globe. Elles sont toujours accessibles au public, dans la villa de Boulogne transformée en musée. L'exposition au Rietberg, Un inonde chatoyant, est complétée par une projection de diapositives et 25 tirages couleurs réalisés entre 1909 et 1915 par Sergueï Prokudin-Gorskii sur ordre de Nicolas II, qui souhaitait de son côté renseigner la vie dans l'empire. Des livres originaux d'avantguerre sont également présentés. Ces «images des colonies allemandes» offrent une vision de la manière dont on considérait alors le reste de la terre. Un monde de cartes postales. Un monde chatoyant. Du 8 mai au 27 septembre Museum Rietberg, Zurich. (Loc. www.rietberg.ch). Ausschnitt Seite: 2/5
Stéphane Passet, Grande Muraille de Chine, Badaling, 1912. Stéphane Passet, Istanbul, 1912. Ausschnitt Seite: 3/5
. Datum: 25.04.2015 :i.... Auguste Léon, Pans, 1914 r- - Stéphane mont Athos, 1913. Ausschnitt /5
Stéphane Passet, un tirailleur sénégalais à Fès, 1913. Ausschnitt Seite: 5/5