Lutte contre le VIH/SIDA en RDC : L urgence ignorée



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Transcription:

Campagne de communication MSF 2012 Lutte contre le VIH/SIDA en RDC : L urgence ignorée Note explicative janvier 2012 UNE SITUATION ALARMANTE Le VIH touche un nombre impressionnant de personnes en République Démocratique du Congo (RDC) et l accès aux antirétroviraux (ARV), seul traitement dont l efficacité est prouvée pour améliorer significativement la qualité et durée de la vie des personnes vivants avec le VIH (PVVIH), y est très limité. Plus d un million de personnes sont séropositives 1 en RDC et on estime le nombre de patients qui devraient bénéficier d ARV en 2011 à 350.000. Or actuellement seulement 44.000 patients 2 sont effectivement sous traitement, ce qui représente un taux de couverture en ARV de 14%. Ce taux de couverture est parmi les plus bas du monde (significativement plus bas que dans les pays voisins - voir graphique ci-dessous) et plus de 300.000 personnes sont en besoin urgent d ARV en RDC. 90% Taux de couverture ARV par pays Pourcentage de PVVIH en besoin de traitement ayant accès aux ARV source : ONUSIDA 2011 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 1 PNMLS (Programme National Multisectoriel de Lutte contre le SIDA), cité le 14 septembre 2011 dans Le Potentiel, «La RDC compte 1.272.150 personnes infectées par le VIH» 2 Rapport ONUSIDA 2011

De même, les traitements de prévention de la transmission du VIH de la mère à l enfant (PTME) ne sont disponibles que pour 1 % des femmes enceintes atteintes par le VIH, ce qui est extraordinairement bas, y compris par rapport aux pays limitrophes (cf. schéma ci-dessous). 80% Couverture estimée des femmes enceintes vivant avec le VIH qui reçoivent des traitements ARV pour prévenir la transmission du virus de la mère à l'enfant Source: ONUSIDA 2011 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Par ailleurs, une très large majorité des personnes touchées par le VIH/SIDA en RDC ne connaît pas son statut. La faiblesse du dépistage peut s expliquer par le manque de services de Conseil et Dépistage gratuits et d approvisionnement en tests VIH, mais d autres facteurs jouent aussi : la stigmatisation qui touche encore les PVVIH dans le pays et qui a pour effet que certaines personnes préfèrent ne pas connaître leur statut de peur d être rejetées par leurs proches ; ou bien encore, le manque d offre de traitement antirétroviral, qui peut décourager certains à se faire dépister. Pour réduire la morbidité, la mortalité et prévenir la propagation de l épidémie, les besoins en ARV sont donc très importants en RDC. Mais ce besoin manque de visibilité car beaucoup de gens décèdent sans même savoir qu ils étaient atteints par le VIH. POURQUOI L ACCÈS AUX ARV EST-IL SI IMPORTANT? Les ARV, si le traitement est correctement suivi, permettent aux patients de retrouver un niveau de santé suffisant pour fonctionner au quotidien, travailler, prendre soin de leurs enfants, bref : pour mener une vie normale de qualité, comme tout un chacun. Mais, en plus de cela, des études scientifiques récentes 3 ont renforcé la mise en évidence de l action bénéfique des ARV sur la prévention de la transmission du virus, surtout si le traitement est initié de manière précoce. En effet, il est démontré que la mise sous traitement ARV a pour 3 HPTN 052 study: A Randomized Trial to Evaluate the Effectiveness of Antiretroviral Therapy Plus HIV Primary Care versus HIV Primary Care Alone to Prevent the Sexual Transmission of HIV-1 in Serodiscordant Couples 2

effet de fortement diminuer le risque de transmission du virus lors des contacts sexuels et le risque de transmission du virus de la mère vers l enfant. En restaurant le système immunitaire, les ARV permettent aussi de limiter la vulnérabilité aux infections opportunistes (comme la tuberculose). Ainsi, plus un patient éligible doit attendre pour démarrer son traitement, plus les risques d infections opportunistes augmentent, engorgeant le système de santé avec des patients qui arrivent dans un état clinique grave et dont l espérance de vie devient très limitée : elle est estimée à moins de 3 ans si le traitement ARV n est pas initié en temps voulu. L accès aux ARV représente donc un véritable enjeu humanitaire, sur les plans individuel et de santé publique, et améliorer l accès aux ARV est un investissement qui s avèrera forcément rentable sur le long terme. Pourtant, il y a encore beaucoup de barrières à l accès aux ARV en RDC. LA CRISE DU FINANCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA EN RDC La lutte contre le VIH/SIDA est l une des priorités affichées par la RDC 4. Pourtant, la contribution de l Etat est faible et amoindrie par une mauvaise gestion et des problèmes de décaissement. Ainsi, jusqu il y a peu, la prise en charge en ARV était principalement financée par trois grands bailleurs : le Fonds mondial (FM), le Programme plurinational de lutte contre le VIH/SIDA de la Banque mondiale (MAP) et le financement UNITAID à travers la Fondation Clinton (Clinton Health Access Initiative). Mais malgré des besoins médicaux et humains criants, les financements internationaux sont restés très limités et ont même diminué en 2011. La Banque mondiale a arrêté son programme spécifique en mai 2011 et UNITAID a, in extremis, prolongé son programme d un an jusque fin 2012. Sources de financement des traitements ARV délivrés en RDC (Déc. 2011) ARV Fonds Mondial 11% ARV Fondation Clinton - UNITAID 2% ARV Autres sources (dont fonds propres MSF) 1% En attente de traitement 86% En attente de traitement ARV Fonds Mondial ARV Fondation Clinton - Unitaid ARV Autres sources (dont fonds propres MSF) 4 La lutte contre le VIH/SIDA est notamment un des piliers du Document de Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP). Les DSCRP sont établis par les gouvernements des pays à faible revenu selon un processus participatif dans lequel s'impliquent à la fois les parties prenantes au niveau national et les partenaires extérieurs du développement, dont le FMI et la Banque mondiale. 3

Le FM, qui est déjà le financeur principal des ARV en RDC, est ainsi censé récupérer les cohortes de patients suite au retrait des autres bailleurs. Or le FM connaît lui-même des difficultés importantes. Ces dernières années, déjà, la capacité de traitement a souffert fortement de la discontinuité et de l incertitude du financement. Plusieurs acteurs ont été forcés de mettre fin à leur engagement dans l offre de traitements ARV, ou de revoir leurs ambitions à la baisse, en raison du risque financier. Aujourd hui, le FM a de plus en plus de mal à récolter l argent nécessaire et vient, pour cette raison, d annoncer l annulation du round 11 de son financement. L institution n a prévu, d ici 2014, que le maintien des financements en cours (round 7 & 8 pour le VIH/SIDA en RDC) avec un budget et des objectifs revus à la baisse. En effet, une planification et une gestion inadéquate des subventions du FM ont été sanctionnées par des reports de décaissements, voire ont abouti au gel d une série d activités, rendant les objectifs fixés encore plus difficiles à atteindre. Ces contrôles et sanctions, focalisés sur la gestion financière, provoquent une spirale négative et freinent encore davantage le pays sur la voie des objectifs fixés. Au final, le Fonds mondial envisage, avec l instance de coordination nationale en RDC (CCM), de revoir l objectif du nombre de PVV devant recevoir le traitement ARV grâce aux Round 7 et 8 fortement à la baisse. On parlerait de 54.000 personnes sous traitement en 2014, soit une diminution de 28.000 initiations sur l objectif initial. Si le Fonds mondial accepte l intégration des patients déjà initiés par les programmes d autres donateurs (MAP, UNITAID, PEPFAR 5 ), il n y aura donc presque plus de place pour les nouvelles initiations d ici 2014. Les donateurs de cette institution doivent d ailleurs urgemment refinancer le Fonds mondial en honorant les promesses impayées et en augmentant leurs contributions pour 2012 s ils veulent permettre un démarrage de nouvelles activités en 2014. Ils doivent d ailleurs aussi assurer ces paiements le plus rapidement possible afin que le Fonds mondial puisse lancer, encore en 2012, une nouveau round de financement. QUELLES CONSÉQUENCES POUR LA POPULATION CONGOLAISE? Concrètement, ce manque de ressources fiables signifie que la grande majorité des personnes atteintes par le VIH/SIDA et qui ne bénéficient pas encore d un traitement ARV n aura pas accès à ce traitement. D autre part, les programmes de prévention de la transmission de la mère à l enfant, pour lesquels la RDC a pourtant été retenue comme pays prioritaire, se verront privés des moyens qu aurait pu offrir le Round 11. La mortalité due au Sida et la transmission du VIH vont augmenter dans les prochaines années si aucun engagement n est pris de la part des autorités et/ou des bailleurs de fonds pour remédier à cette situation. Si les personnes actuellement sous ARV devraient continuer à être traitées jusqu à la fin des Round 7 et 8 du FM, en revanche, la situation d après 2014 est incertaine et pourrait mener à une interruption du traitement, faute d ARV disponibles, pour certaines personnes. Or 5 President s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR) est l initiative du gouvernement des Etats-Unis d Amérique pour soutenir la lutte mondiale contre le VIH/SIDA. 4

l interruption du traitement mène à une perte d immunité rapide qui engendre des infections opportunistes et augmente le risque de mortalité. Cela augmente aussi le risque de transmission et, même si l interruption est temporaire, augmente significativement le risque de résistance dans le cas d une reprise du traitement. Les nouveaux traitements à mettre en place après une interruption sont alors plus coûteux et plus complexes. Par ailleurs, la gratuité des soins est loin d avoir été respectée en RDC ces dernières années alors même que la politique nationale préconise la prise en charge gratuite des PVV 6. La société civile congolaise dénonce par ailleurs des problèmes de décaissements sur les lignes spécifiques au VIH/SIDA 7. Or aujourd hui, les ménages financent la lutte contre le VIH/SIDA à plus de 50% 8, ce qui est d autant plus préoccupant qu en RDC, le seuil de pauvreté est atteint par près de 70% de la population 9. Cette tendance s accentue également à cause de la diminution des subventions aux frais de fonctionnement des structures de prise en charge : même si les ARV sont donnés gratuitement dans une large mesure, les barrières pour en bénéficier, comme le coût des consultations, sont un frein pour de nombreuses familles. Ces dernières années, des milliers de PVVIH ont vu leurs droits bafoués en devant passer d un service de consultations gratuites à une formule payante et les médicaments pour le traitement des infections opportunistes ou encore les intrants pour les examens de laboratoire, qui sont pourtant essentiels, ne sont plus délivrés gratuitement dans de nombreuses structures. L URGENCE IGNORÉE La situation des PVVIH en RDC est une situation de crise qui menace de devenir catastrophique. Pourtant la RDC ne bénéficie pas du degré de priorité qui devrait être le sien aux yeux des bailleurs de fonds alors que le pays dispose d un taux de couverture en ARV parmi les plus bas au monde et doit soigner une population très importante, de plus en plus touchée par le VIH. MSF est inquiet du manque d action face à cette crise et cherche à augmenter ses cohortes de patients et à apporter son soutien aux patients en besoin urgent de traitement, notamment en épaulant des centres de santé. Néanmoins, MSF ne peut et ne pourra pas répondre seul aux besoins créés par cette crise de financement. La RDC ne doit pas être laissée pour compte. Des milliers de vies sont en jeu : une prise de conscience s impose et une mobilisation urgente de tous les partenaires est nécessaire. Sans une volonté politique claire et sans moyens concrets pour appuyer les structures de santé et les travailleurs de santé de manière efficace, on créera une crise humanitaire de plus en RDC. 6 Article 11 de la loi du 14 juillet 2008 portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA et des personnes affectées 7 Les PVV interpellent les présidentiables, Le Phare, n 4193, 25 octobre 2011 8 Selon une étude du programme national multisectoriel de lutte contre le SIDA (PNMLS), REDES 2009, p.38 9 Ibidem 5

CONCLUSIONS MSF témoigne de la crise humanitaire vécue par les personnes séropositives en RDC et appelle toutes les parties prenantes à reconnaître l urgence de la lutte contre le VIH/SIDA en RDC. MSF dénonce le statuquo actuel et le danger imminent qu il représente pour des milliers de personnes en attente d un dépistage et/ou de l accès au traitement ARV. MSF rappelle les engagements de la communauté internationale pour l accès universel au traitement ARV 10 et les objectifs fixés par le gouvernement congolais pour la lutte contre le VIH/SIDA (160.000 personnes sous traitement ARV d ici 2014) 11 et appelle à une mobilisation de tous les acteurs afin de réaliser ces objectifs. MSF recommande : - aux bailleurs de fonds o de mobiliser immédiatement des moyens supplémentaires pour assurer que les 15.000 patients identifiés en attente d ARV ne meurent pas avant de pouvoir démarrer leur traitement au plus vite o de maintenir leurs engagements pour les patients dont ils ont initié le traitement ARV o de consacrer dès cette année des moyens financiers adaptés aux besoins identifiés dans le Plan Stratégique National de lutte contre le Sida 2010-2014 - au gouvernement congolais o de mobiliser les ressources nécessaires afin d atteindre au plus vite ses objectifs stratégiques de lutte contre le Sida et ses engagements pour l accès gratuit à la prévention et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA o d augmenter les moyens budgétaires alloués à la lutte contre le Sida dès 2012 et d en assurer le décaissement complet o de considérer la société civile congolaise comme un acteur et un interlocuteur privilégié - au Fonds mondial (FM), à ses donateurs et à son instance de coordination nationale en RDC (CCM) o aux donateurs, d assurer le refinancement de l institution en honorant les contributions promises par le passé dans les plus bref délais et d augmenter leur contribution en 2012 o au FM, de revoir, dès que possible, la décision de suspension du Round 11 en envisageant, pour certains pays comme la RDC, d accéder à des moyens supplémentaires afin de répondre aux besoins les plus urgents o au FM et au CCM, d assurer une reprogrammation qui permette de maintenir l essentiel des objectifs initiaux d initiations au traitement ARV conformément aux objectifs des Round 7 et 8 10 Assemblée Générale des Nations unies, Déclaration politique sur le VIH/SIDA, 8 juin 2011 11 PNMLS, Plan Stratégique National de Lutte contre le Sida 2010-2014 6