«Intervention de groupe à l hôpital de jour Jacques-Viger» Emmanuel Casseus. Santé mentale au Québec, vol. 12, n 1, 1987, p. 150-153.



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«Intervention de groupe à l hôpital de jour Jacques-Viger» Emmanuel Casseus Santé mentale au Québec, vol. 12, n 1, 1987, p. 150-153. Pour citer ce document, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/030382ar DOI: 10.7202/030382ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'uri https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'université de Montréal, l'université Laval et l'université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'érudit : info@erudit.org Document téléchargé le 3 February 2016 11:21

Santé mentale au Québec, 1987, XlI, 1, 150-165. Communications brèves INTERVENTION DE GROUPE À L'HÔPITAL DE JOUR JACQUES-VIGER L'hôpital de jour Jacques Viger reçoit quotidiennement des personnes âgées de 65 ans et plus qui continuent d'habiter leur quartier. Il s'agit pour la plupart de personnes malades. La durée de traitement varie entre quatre et sept mois. En général, ces bénéficiaires se montrent peu motivés quand nous les référons à la fin de leur traitement à d'autres organismes communautaires pour des activités de resocialisation, des activités occupationnelles ou récréatives, des repas communautaires, ou quand nous les incitons à organiser euxmêmes leurs loisirs. De ce fait, il devient plus difficile de les retourner à la société, de faciliter leur sevrage, face à la sécurité que leur procure l'hôpital, de les inciter à s'impliquer dans la vie de leur quartier. Celui-ci est leur réalité immédiate qui peut les amener à solutionner certains de leurs problèmes. Ce sont tous ces facteurs qui ont amené le service social de l'hôpital de jour à mettre sur pied et à réaliser le projet dont nous allons parler. H s'agit de groupes de discussion qui ont pour buts de favoriser la création d'un climat de vie affective et relationnelle entre participants, climat qui pourra se poursuivre en dehors de l'hôpital de jour et sensibiliser les personnes âgées à l'existence des ressources d'aide dans leur quartier. Mais avant de décrire les étapes de la démarche, nous aimerions rappeler certains facteurs influençant l'utilisation des petits groupes en service social. Simone Paré (1966) et Marie-Antoinette Rupp (1971) évoquent comme conditions préalables les similitudes des problèmes, des besoins et des intérêts entre les futurs membres. Il est préférable, selon eux, de regrouper des personnes autour de problèmes communs pour mieux exploiter les possibilités d'entraide mutuelle que recèle le groupe. La méthode de service social des groupes ne s'appliquerait avec fruit que dans une structure où ces éléments fondamentaux sont respectés. Il faut qu'il y ait adéquation entre la méthode de groupe et les besoins à combler. L'exemple de la clientèle de personnes âgées de l'hôpital de jour Jacques Viger illustre bien, à cet égard, les similitudes de problèmes et de besoins. Il s'agit de personnes qui ont subi des modifications tellement importantes de leurs rôles et de leurs statuts, dans un tel système économique concurrentiel, qu'elles considèrent leur existence matérielle ainsi que leur existence socio-culturelle menacées. Cependant, il ne suffit pas que les individus aient une ou plusieurs caractéristiques en commun pour constituer un groupe. Il faut aussi que le but, l'intention, la finalité du groupe soient bien perçus et valorisés dans la situation «ici et maintenant» par les futurs membres. Enfin, les objectifs poursuivis doivent être conformes aux priorités de l'organisme où les activités vont se dérouler. L'objectif de l'hôpital de jour Jacques Viger est de maintenir adéquatement la clientèle dans son habitat naturel, tout en traitant les problèmes bio-psychosociaux sur une base externe et en utilisant les ressources hospitalières nécessaires à son évaluation, son diagnostic et son traitement (Hôpital de jour, 1986, 3). Tous les programmes de l'hôpital de jour visent cet objectif. Les groupes de discussion s'insèrent dans cet ensemble, dans la mesure où ils contribuent à maintenir les acquis de l'hôpital de jour en augmentant la participation des personnes âgées dans leur milieu, en les aidant dans leur développement personnel et leur adaptation sociale. LES ÉTAPES DE L'INTERVENTION L'intervention commence par l'analyse de la situation, laquelle nous indique qu'un problème existe

Communications brèves 151 à la base, qu'il faut le cerner et y remédier. Nous avons affaire ici à un problème de sevrage de la clientèle à la fin de ses traitements. Cette analyse nous conduit aussi à une meilleure connaissance des enjeux et des possibilités d'aide à la clientèle. Une fois cette première étape terminée, nous passons à l'étude des besoins. Elle consiste en la recherche des divers éléments, besoins, problèmes, intérêts et difficultés analogues chez la clientèle. Pour ce faire, nous utilisons l'observation systématique à partir d'entrevues individuelles, la révision d'un «caseload» de service social de deux ans, la revue de la littérature et l'étude du milieu. Ainsi, l'étude des besoins a fait ressortir qu'à la fin des traitements, la clientèle ne voulait pas s'intégrer aux activités de resocialisation offertes par les organismes communautaires du quartier et maintenait son désir de continuer à fréquenter l'hôpital de jour. Elle n'avait aucun substitut pour la sécurité que représente l'hôpital de jour et le fait d'en prendre congé réactivait ses angoisses et ses inquiétudes. Cette clientèle éprouvait aussi de la difficulté à adapter à la réalité quotidienne les acquis de l'hôpital de jour et se maintenait dans un état d'isolement à domicile. Cela se concrétisait par de nombreux appels à l'hôpital de jour, nous demandant de reprendre le traitement. À partir de toutes ces démarches nous avons élaboré un projet d'activités de groupe fondé sur des objectifs précis : sevrage de l'hôpital de jour et insertion dans une ressource plus flexible. Ces objectifs ont été priorisés car briser l'isolement social contribuera au maintien des capacités physiques résiduelles (en forçant les personnes âgées à se mobiliser et à se déplacer), ainsi qu'à l'autonomie psychologique de ces personnes. Les ressources communautaires du Département de santé communautaire de l'hôpital St-Luc ont été mises à profit comme point d'ancrage et de resocialisation pour la clientèle. Les activités qui vont permettre de réaliser cet objectif ont été planifiées selon les besoins et intérêts du groupe. Nous avons tenté, en établissant le programme d'activités avec le groupe, de tenir compte de facteurs comme l'âge, les acquis culturels et les différences socio-économiques. MOYENS Par une animation sur des thèmes précis, reliés aux aspects de la vie des personnes âgées, nous facilitons des échanges réciproques sur leurs préoccupations, la perception qu'elles ont d'elles-mêmes et de leurs réalités. Les thèmes d'animation ont été répartis entre les différents intervenants de l'hôpital de jour en respectant le champ de pratique de chacun. L'implication de tous les intervenants dans ce processus est importante, parce que cela permet d'intégrer diverses interventions individuelles en accord avec l'objectif global de réadaptation bio-psychosociale que poursuit l'équipe multidisciplinaire de l'hôpital de jour. Les rencontres se font sur une base hebdomadaire échelonnées sur une période de 12 semaines. La discussion peut se poursuivre en mangeant avec les bénéficiaires. Du matériel de support est utilisé (courts métrages, diaporamas, jeux de rôles, lecture de textes). Dans la mesure du possible, nous avons regroupé les patients qui habitent sur le territoire de deux CL.S.C. La sélection des bénéficiaires est faite au cours de rencontres individuelles qui expliquent les objectifs en liaison avec les besoins de chacun. Le but et la finalité à atteindre, soit briser l'isolement social étaient bien perçus et valorisés en soi dans la situation «ici et maintenant» par les futurs membres. MOYENS SPECIFIQUES Les moyens spécifiques sont résumés dans le tableau 1. THÈMES Vieillissement biopsychosocial Écologie du vieillissement La réadaptation La nutrition TABLEAU 1 Les moyens spécifiques OBJECTIFS Susciter la participation des patients pour leur permettre de commencer à se connaître et à discuter de leur vécu commun. Favoriser l'acquisition d'information.

152 Santé mentale au Québec Vivre avec nos acquis et nos limites La vie en institution La mort La sexualité Métamorphose de la vie Apprendre à tout âge Visites des organismes communautaires COMMENTAIRES Favoriser la verbalisation des sentiments personnels pouvant amener l'émergence d'un sentiment d'appartenance au groupe. Faire ressortir davantage le contenu socio-émotif relié au vécu de chacun. Les amener à relativiser leurs problèmes personnels par rapport à une problématique plus vaste du 3e âge. Susciter une prise de conscience de leurs potentialités tout en respectant leurs limites. Favoriser la connaissance d'autres ressources dans le secteur. Faciliter leur insertion dans une autre ressource sociale. Nous voudrions à titre indicatif, illuster nos propos par l'exemple d'un individu ayant participé à cette démarche de groupe. Il s'agit d'un homme séparé âgé de 83 ans, référé à l'hôpital de jour pour un bilan gériatrique. Il éprouve des problèmes de santé (M.P.O.C, ulcère duodenal actif, douleurs aux jambes et déficience auditive) mais ne connaît pas de déficit fonctionnel grave; il se sent essoufflé lorsqu'il participe à certaines activités. Cet homme est séparé de son épouse depuis environ 10 ans et est père de quatre enfants. Il était très attaché à l'une de ses deux filles qui demeure momentanément en Algérie, poursuivant une relation soutenue et gratifiante avec elle. Les autres enfants semblent l'avoir négligé. Il les rencontre seulement aux fêtes de la fin d'année. Ce patient connaissait un affaiblissement de son réseau familial et social ; il se sentait seul et isolé, n'avait plus le sentiment de participer à la dynamique du monde environnant. Depuis qu'il a perdu ses sources de gratifications antérieures (travail - famille) et ses mécanismes de compensation, cet homme a eu le sentiment de vivre uniquement pour faire face aux exigences du quotidien ; de plus il a vécu déconnecté de son passé. Il a réagi par l'érotisation de sa solitude («si je trouvais une femme») et l'hôpital de jour était devenu pour lui un point d'ancrage qu'il ne voulait pas quitter. Il entretenait une dépendance affective envers la plupart des intervenants de l'hôpital de jour et la perspective du congé le rendait anxieux. Le cheminement de cet homme au sein du groupe pourrait se schématiser comme suit : dans un premier temps, il a amorcé avec les individus du groupe une démarche de verbalisation socio-affective sur leurs difficultés communes. Il a surtout fait part de son besoin de sécurité et de contact humain et il s'est senti intégré dans le groupe. Dans un second temps, il a pris conscience que le quartier est sa réalité et qu'il possède les moyens de résoudre certains de ses problèmes. Il a pris également conscience de ce que peut lui apporter la participation à des activités sociales, face à des réalités telles que l'isolement, la solitude, la perte d'intérêt à la vie et les sentiments d'exclusion sociale, qui sont souvent le lot des personnes âgées. Ainsi, il a pu s'impliquer activement dans des activités de resocialisation organisées par le centre de jour de son quartier et a participé aussi au camp d'été des petits frères des pauvres. Assumer son quotidien étant devenu moins lourd pour lui, ses actes n'étaient plus destinés exclusivement à l'entretien de sa vie (jour de lavage, jour de nettoyage et d'épicerie, se nourrir, dormir) ; il avait même repris certaines de ses activités antérieures comme la marche. Celle-ci n'était cependant plus perçue comme une activité pour la santé (préoccupation biologique) mais était plutôt guidée par la curiosité de voir comment se vivaient les valeurs des années 1980. Nous avons pu aussi constater que la perspective de prendre congé de l'hôpital était mieux acceptée ; qu'il ne désirait plus négocier un prolongement des traitements; enfin qu'il acceptait le plateau atteint dans les traitements et qu'il se plaignait moins d'autres maux difficilement évaluables. Bref, cet homme nous a dit qu'il avait appris à mieux vivre ce qu'il avait à vivre.

LES RÉSISTANCES ET LES DIFFICULTÉS Les difficultés que nous avons rencontrées sont celles inhérentes au fonctionnement d'une équipe multidisciplinaire. Malgré le fait que les différents intervenants poursuivaient un objectif commun, désiré et élaboré par tous, certains avaient gardé des objectifs de pouvoir et des intérêts très corporatistes. En fait, notre démarche suppose une bonne solidarité d'équipe, c'est-à-dire que les intervenants acceptent de vivre à la fois une extension et une limitation de leur compétence, ce qui nécessite des réajustements continuels. Par ailleurs, nous nous sommes rendus compte que certains intervenants n'avaient pas réalisé que l'objectif visé nécessitait une modification des attitudes personnelles de maternage d'une partie de la clientèle. Nonobstant les autres difficultés d'ordre technique que nous avons rencontrées, c'est-à-dire, d'une part, sélectionner les futurs membres à partir de leurs besoins et de leurs motivations, et, d'autre Communications brèves 153 part, tenir compte dans l'échantillon choisi d'un nombre suffisant de participant par territoire de C.L.S.C, pour éviter leur éparpillement dans différentes ressources à la fin du programme, nous pouvons conclure que par le moyen des groupes de discussion, il est possible de favoriser la création de liens affectifs et relationnels. Parlant de la croissance d'un groupe, Yves St- Arnaud mentionne que «Dans les cas particuliers des groupes qui se donnent comme cible de développer les relations entre les membres, l'énergie de solidarité peut conduire à des amitiés véritables.» (1978, 40) Emmanuel Casseus Centre hospitalier Jacques-Viger RÉFÉRENCES Hôpital de jour, 1986, Orientation, M.A.S. Québec. PARÉ, S., 1966, Groupes et Service Social, Service Social, U. Laval, Québec. RUPP, M.A., 1971, Les groupes dans le travail social, Privât, Paris. ST-ARNAUD, Y., 1978, Les petits groupes, P.U.M., Montréal.