Cellules souches cancéreuses : exemple du cancer gastrique Christine Varon, MCF INSERM U853 Laboratoire de Bactériologie du Pr. F. Mégraud Université Bordeaux Segalen christine.varon@u-bordeaux2.fr
Le cancer gastrique Données épidémiologie: -14 e cause de mortalité dans le monde (650 000 cas par an) - 2 e cause de mortalité par cancer dans le monde (5 e en France) - 8 000 nouveaux cas par an en France Un cancer de mauvais pronostic: - survie à 5 ans < 25% - pas de profil moléculaire spécifique - pas de thérapie spécifique - peu étudié La compréhension des mécanismes de carcinogénèse impliqués et l identification des cellules à l origine de la transformation (CSC) permettraient de proposer de nouvelles thérapies
Modèles expérimentaux pour l étude de la cancérogenèse et des CSC Chez l animal : modèles d animaux transgéniques (mutations activatrices de proto-oncogènes (ex : KRas ) ou inhibitrices d anti-oncogènes (ex: p53, p27 ) modèles d animaux non transgéniques où le cancer est induit par des drogues (cancers du foie, cancers du colon.) ou une chirurgie (cancer de l œsophage) modèles de xénogreffes de tumeurs humaines sur souris immunodéficientes
Modèles expérimentaux pour l étude de la cancérogenèse et des CSC Chez l animal : modèles d animaux transgéniques (mutations activatrices de proto-oncogènes (ex : KRas ) ou inhibitrices d anti-oncogènes (ex: p53, p27 ) modèles d animaux non transgéniques où le cancer est induit par des drogues (cancers du foie, cancers du colon.) ou une chirurgie (cancer de l œsophage) modèles de xénogreffes de tumeurs humaines sur souris immunodéficientes modèle infectieux : infection inflammation - cancer
Inflammation et Cancer: Modèle classique
Infection Inflammation et Cancer Agence Internationale pour la Recherche sur le Cancer (OMS 2008): - 16,1% des cancers attribuables à des infections - 2 millions de nouveaux cas en 2008 -en 1 ère position: H. pylori et cancer gastrique = 5,5% des cas (devant HPV 5,2%, HBV et HCV 4,9%, EBV 1% etc )
Helicobacter pylori 0,5 à 1 µm Gram négatif Microaérophile Bactérie de forme hélicoïdale et motile Isolée pour la première fois en 1984 Habitat : muqueuse gastrique de l homme Uréase : urée ammoniaque + CO 2 (ph7) Survie au milieu acide de l'estomac
Infection chronique à H. pylori: prévalence dans le monde L infection par Helicobacter pylori est la plus répandue dans le monde. - 25% de la population française adulte, - environ 50% de la population mondiale - 90% dans certains pays en voie de développement. Sa prévalence dans les pays développés a diminué tout au long du XX e siècle, reflétant l'amélioration progressive des conditions socio-économiques.
Infection à H. pylori et pathologies H. pylori Muqueuse gastrique normale Gastrite chronique 100% Ulcère duodénal Asymptomatique Ulcère gastrique 15-20% PREVALENCE AGE Adénocarcinome Gastrique LG - MALT <1%
1994 : Infection à H. pylori classée carcinogène de type I (niveau maximal) par le CIRC (agence de l OMS) 2005: Robin Warren Barry J. Marshall
Facteurs du cancer gastrique Facteurs environnementaux Facteurs de l hôte - âge de l infection - tabac, - alimentation (sel, vit., nitrosamines) - stress Cancer gastrique Facteurs bactériens
Facteurs du cancer gastrique Facteurs environnementaux Facteurs de l hôte Cancer gastrique Facteurs bactériens Facteurs génétiques: - récepteurs pour H. pylori - type de réponse immunitaire (polymorphisme IL1β, IL10 ) - mutation gène E-cadhérine
Facteurs du cancer gastrique Facteurs environnementaux Facteurs de l hôte Cancer gastrique Facteurs bactériens Facteurs génétiques de la souche de H. pylori - facteurs de pathogénicité (caga, souches d Asie du sud-est hautement cancérigènes)
Adenocarcinomes gastriques distaux liés à H. pylori Gonzalez et al. 2012 : > 93% associés à l infection à H. pylori Inflammation chronique Atrophie Métaplasie intestinale Dysplasie Adénocarcinome de type intestinal Adénocarcinome de type diffus
Pathogénicité liée à CagA in vivo Modèle d infection chez la gerbille de Mongolie: Infection par une souche caga+ entraîne le développement d adénocarcinome gastrique à 7 mois Non infecté infecté L infection par un mutant inactivé pour le cagpai ou pour caga n induit pas cet effet (Rieder et al, Gastroenterology 2005) CagA: effet transformant? D après Franco et al, PNAS 2005
Pathogénicité liée à CagA in vivo Modèle d expression de CagA chez la souris transgénique: Phénotype: - Estomac: hyperplasie, polypes, adénocarcinomes - + rarement: leucémie myéloide, lymphome B Adenocarcinoma Polyps D après Ohnishi et al, PNAS 2007
Analyse histopathologique de la muqueuse gastrique - (colorations, immunomarquages?) C57BL/6 15 sem. 35 sem. 55 sem. 75 sem. + H. pylori Inflammation Atrophie : perte cellules pariétales et principales Hyperplasie : hyperprolifération des cellules de surface et mucineuses Métaplasie : mucineuse ou intestinale Dysplasie Adénocarcinome
Analyse histologique de la muqueuse gastrique Hyperplasie (coloration HES) + Helicobacter Prolifération cellulaire (détection de l incorporation de BrdU / IHC) Control + Helicobacter
Analyse histologique de la muqueuse gastrique Inflammation Control non infecté + Helicobacter Coloration Hémalun et des mucines gastriques au PAS, Grossissement x200
Analyse histologique de la muqueuse gastrique Métaplasie mucineuse : remplacement des cellules pariétales par des cellules productrices de mucus de type intestinal (BA+/PAS+) Control non infecté + Helicobacter PAS BA Grossissement x400
Analyse histologique de la muqueuse gastrique Métaplasie pseudo-intestinale (tardive, à partir de 1 an) : - remplacement des cellules gastriques par des cellules de phénotype intestinal (entérocytes) - expression de certains marqueurs intestinaux: Cdx2- Muc2 +/- AP+/- TFF3+ - chez l homme: métaplasie intestinale Cdx2+ Muc2+ Varon et al, Gastroenterology 2011
Analyse histologique de la muqueuse gastrique Dysplasie: + Helicobacter + Helicobacter carcinome in situ (polype) x200 GIN, adénocarcinome invasif x100
Intérêts du modèle murin pour l étude de la carcinogénèse gastrique induite par Helicobacter 1/ mime en moins d un an la séquence d évènements intervenant chez l homme en 70 ans 2/ Etude du rôle prédisposant/protecteur de certains composés (chimiques, naturels, probiotiques), de mutations 3/ Etude des mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans la carcinogénèse Facteurs bactériens impliqués (infection avec des souches mutants isogéniques) Voies de signalisation impliquées (modèles transgéniques, études de signalisation) Essais d éradication Origine des cellules qui se transforment.
Les Cellules Souches Cancéreuses (CSC) - définition - méthodes d identification - analyse d article
Est-ce que chaque cellule composant la tumeur est capable d initier une nouvelle tumeur? Modèle A: Stochastique = chaque cellule a le même potentiel Chaque cellule a la capacité d induire une nouvelle tumeur Chaque cellule présente la même sensibilité Mélanome (Quintana et al, Nature 2009)
Est-ce que chaque cellule composant la tumeur est capable d initier une nouvelle tumeur? Modèle B: Hiérarchique 1940-70 : nombre limité de cellules tumorales en cycle, de pouvoir clonal in vitro et tumorigène in vivo chaque cellule n a pas le même potentiel existence de cellules souches cancéreuses «cancer stem cells» «Tumor initiating cells» représentant une population rare au sein de la tumeur
Modèle des Cellules Souches Cancéreuses Implications thérapeutiques : 1- l élimination de la masse tumorale n implique pas forcément l éradication totale des CSC 2- les CSC utiliseraient des voies de signalisation particulières 3- les CSC seraient les plus résistantes aux traitements, pourraient rester en dormance 4 propriétés migratoires et invasives, échappement de la niche, métastases Enjeu majeur dans la recherche contre le cancer: Identifier pour pouvoir Eradiquer les CSC
Identification des CSC dans les cancers 1994: Leucémie myéloïde aigüe (Lapidot et al. 1994; Bonnet and Dick 1997) Depuis 2003: dans différentes tumeurs solides: Sein (Al-Hajj et al. 2003) Cerveau (Hemmati et al. 2003, Singh et al. 2003) Colon (O Brien et al. 2007, Ricci-Vitiani et al. 2007) Pancréas (Hermann et al. 2007, Li et al. 2007) Prostate (Collins et al. 2005) Ovaire (Bapat et al. 2005, Alvero et al. 2009) Foie (Ma et al. 2007, Yang et al. 2008) Poumons (Ho et al. 2007, Eramo et al. 2008) Rein (Bussolati et al. 2008) Mélanome (Fang et al. 2005, Quintana et al. 2008) Estomac (Fukuda et al. 2009, Takaishi et al. 2009).
CSC : causes et conséquences de leur apparition Causes: facteurs extérieurs (environnement, inflammation, infections) mutations héréditaires ou sporadiques Conséquences: - Émergence d un clone muté (à partir de cellules souches, progéniteurs ou cellules différenciées?) - auto-renouvèlement dérégulé: hyperprolifération (hyperplasie), - résistance à l apoptose, - perte de l inhibition de contact (croissance multicouche, tumeur), - dédifférenciation (métaplasie, carcinome + ou - différencié) - migration/invasion (envahissement de l organe, dissémination)
Identification des CSC Basée sur les propriétés des CSC: 1 d autorenouvèlement permanent 2 - de division asymétrique et de différenciation: - CSC = source unique des diverses populations cellulaires qui constituent la tumeur : nouvelles CSC et cellules différenciées de la masse tumorale - existence de marqueurs spécifiques exprimés uniquement par les CSC au sein de la masse tumorale
Identification des CSC Basée sur les propriétés des CSC: Modèles d étude pour la mise en évidence des propriétés des CSC: In vitro : CSC capable de donner un clone de cellules en culture 3D 1- Dissociation cellulaire 2- Tri cellulaire 3- ensemencement en 3D in vitro 4- suivi de clonogénicité tumeur Microsphère de cellules tumorales = tumorsphère
Identification des CSC Basée sur les propriétés des CSC: Modèles d étude pour la mise en évidence des propriétés des CSC: In vivo : seules les CSC sont capables de donner une nouvelle tumeur après implantation chez une souris immunodéficiente (NOD/SCID, nude, Rag2, NSG ) capacité transférable d un animal à l autre = autorenouvèlement permanent 1- Dissociation cellulaire 2- Tri cellulaire 3- xénogreffe 4- suivi tumorigénèse Pas de tumeur tumeur Pas de tumeur Pas de tumeur
Histologie des tumeurs: du patient à la souris Patient A : carcinome gastrique peu différencié Tumeur patient Tumeur secondaire souris Patient B : adénocarcinome gastrique de type intestinal moy. différencié Tumeur Tumeur patient patient Tumeur Tumeur secondaire xénogreffe souris I
Intérêts de l identification des CSC 1/ Marqueur de CSC = marqueur prédictif? de pronostique? prédictif? immunodétection sur des biopsies de patients présentant des lésions pré-néoplasiques de pronostic? immunodétection sur les tumeurs: association entre l expression des marqueurs des CSC et le type histologique et le stade/grade (TNM) des tumeurs? 2/ Thérapie ciblée identification de voies de signalisation / nouvelles cibles spécifiques? profil d expression particulier des CSC vs cellules tumorales non CSC? Essais pré-cliniques modèles murins de xénogreffes de tumeurs primaires et de tumorsphères in vitro disponibles pour l industrie pharmaceutique
Analyse d article: identification de marqueurs des CSC dans l adénocarcinome gastrique