Le prix du porc : européen et libéral



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ÉLEVAGE PORCIN Le prix du porc : européen et libéral Michel RIEU Institut technique du porc Le prix du porc est conditionné par l offre et la demande sur le marché de l Union européenne, géré selon un mode libéral. Liée au mécanisme cyclique de la production, la variabilité des cours est importante. Dans le long terme cependant, le prix payé au producteur tend à s aligner sur le coût de production. Dans un contexte très concurrentiel, cela n est possible que par une recherche permanente de gains de productivité. Ces gains font appel au progrès technique, mais reposent aussi sur une évolution structurelle rapide, la spécialisation régionale et la concentration des élevages. Au cours des dix dernières années, des événements sanitaires ou politiques ont à plusieurs reprises réduit l offre de certains pays de l Union ou augmenté la demande. La rentabilité de la production a été souvent meilleure que par le passé. Après deux années exceptionnelles, en 1996 et 1997, la croissance de la production est soutenue dans la plupart des États membres. Une crise de marché va s intensifier d ici la fin de 199. Elle pourrait se prolonger en 1999. Très rapidement avec la création du marché commun, en raison de la réglementation et par la mise en place de flux d échanges, le marché du porc est devenu communautaire dès les années soixante. Par son usage des règlements, la CEE a toujours géré le marché du porc selon un mode libéral. Elle n a pas pratiqué d achats publics, sauf dans des cas assez rares et exceptionnels, tels que les graves crises sanitaires. Le budget de soutien du marché du porc est toujours resté faible, moins de 1 % des dépenses de soutien agricole, alors que le porc représente 11 % de la production agricole totale. L équilibre du marché dépend de l offre et de la demande communautaires. L équation d équilibre est : Consommation + Exportations vers les pays tiers = Production + Importations des pays tiers Production et consommation sont longtemps restées proches, importations et exportations hors CEE étant faibles ou presque égales. Mais la production excède la consommation de manière croissante depuis le début des années quatre-vingt, avec le développement des exportations vers les pays tiers. Celles-ci jouent un rôle de plus en plus important dans l équilibre du marché. Les importations ont plutôt tendu à se réduire et ont eu un effet très limité ces dernières années. Les exportations suivent une logique commerciale. La Commission recourt à des AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199 15

opérations de dégagement beaucoup plus rarement que pour d autres productions agricoles, plus soutenues. Le taux d autoapprovisionnement dépasse 0 % depuis le début des années quatre-vingt. Il s accroît régulièrement et a atteint 6 % en 1997. Ce taux durablement supérieur à 0 n est pas un indicateur de l état du marché, des périodes de cours bas et de cours élevés alternant alors qu il dépasse ce seuil. De plus, on ne peut guère qualifier le marché européen du porc «d excédentaire», dans la mesure où le solde exportateur correspond pour l essentiel à une réelle demande. Cependant, les exportations vers les pays tiers ne sont pas dénuées d une certaine fragilité et, en cas d évolutions brutales, à la hausse comme à la baisse, les effets sur le marché peuvent être sensibles. Un prix très fluctuant Le prix du porc, observé en France ou dans la plupart des pays de l Union européenne (UE) au stade de la production, présente une grande variabilité. La tendance est calculée par un traitement de la série chronologique du prix qui élimine ces variations. Un éleveur qui vendrait des porcs régulièrement et durant une longue période toucherait en définitive un prix moyen équivalent à la tendance. C est le niveau de la tendance qui détermine principalement la rentabilité. Autour de la tendance, le prix du porc présente d amples oscillations (graphique 1). Les déterminants de ces oscillations sont de natures et de durées diverses. Le prix du porc est une grandeur composite, dont le niveau est principalement déterminé par la composante tendancielle. Les autres facteurs interviennent comme des coefficients correctifs qui éloignent plus ou moins le prix réel de la tendance, à la hausse ou à la baisse. La composante cyclique possède un rythme, ou «période irrégulière», de 2, 3 ou 4 ans. Elle a des oscillations le plus souvent d une amplitude de l ordre de ± %, mais qui peuvent atteindre ou dépasser ± 20 % (graphique 2). La composante saisonnière traduit une influence périodique intra-annuelle. Elle est, par définition, reproductible d une année à l autre. Elle se déforme toutefois légèrement et, à plusieurs années de distance, les profils saisonniers peuvent être différents. Actuellement le mois le plus cher est juin, le moins cher décembre, avec un effet de ± 6 %. La composante accidentelle ou résiduelle est non périodique. Elle est d effet très variable en intensité et en durée. Certains accidents affectent le prix de façon majeure. Le coût de production détermine la tendance Le prix du porc à la production a augmenté moins vite que l inflation, depuis les années Graphique 1 Le prix mensuel du porc fluctue autour de sa tendance 14 6 4 2 1954 Cotation mensuelle classe U (ou équivalent) 60 65 Prix observé 70 75 0 5 90 95 9 Tendance Graphique 2 L effet du cycle atteint et dépasse % 130 0 1 0 90 0 En % 1955 Prix mensuel désaisonnalisé/tendance long terme 60 65 Tendance = 0 70 75 0 5 90 95 16 AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199

soixante-dix. Exprimé en francs constants, il baisse sur un rythme proche de 4 % par an (graphique 3). Mais cette baisse du prix de vente a été en partie contrebalancée par la baisse du prix de certains facteurs de production. Cela a été le cas, en particulier, du prix de l aliment des porcs, facteur qui représente encore 60 % du coût de production, même si ce poids tend à se réduire. De plus, la productivité de certains facteurs de production s est améliorée. Il en est ainsi de l indice de consommation (nombre de kilos d aliment consommés par kilo de porc produit), de la productivité des truies (nombre de porcelets produits) ou du taux de rotation dans les bâtiments d engraissement grâce à une croissance plus rapide. La mise en œuvre de nouvelles formes d organisation de l élevage, ainsi que des technologies nouvelles, combinée à l augmentation de la taille des ateliers a aussi permis d accroître la productivité du travail. En fait, le prix du porc payé au producteur suit d assez près, en tendance, l évolution du coût de production moyen observé dans les élevages en place. Avec une production gérée selon un mode libéral et dans un contexte très concurrentiel, le prix ne peut en réalité diverger durablement du coût de production moyen (ou marginal). Il en est empêché par le mécanisme du cycle (cf. ci-dessous). La concurrence permanente conduit plutôt la baisse du prix de marché à précéder la baisse du coût. Les producteurs doivent répliquer en améliorant leurs performances. Ceux qui ne le peuvent pas sont contraints d abandonner cette activité. Comme ce sont les moins productifs, cela contribue aussi à l amélioration des performances moyennes. En conséquence, le secteur de l élevage porcin se concentre, avec des élevages moins nombreux et plus grands, et se spécialise. La production européenne fait le cycle Le cycle du porc est européen. Le prix de marché subit, à moyen terme, des influences identiques dans tous les pays de l Union européenne. Des pays à détermination totalement libérale des cours du porc charcutier et au cœur du marché européen, comme la France, les Pays-Bas, la Belgique, l Allemagne ou l Autriche, évoluent en phase. Dans chacun de ces pays, le prix est représentatif du «marché européen», mieux encore que la Graphique 3 Le prix du porc augmente moins que l inflation* 11 9 7 6 5 4 3 2 1 1970 72 Cotation annuelle classe U (ou équivalent) En francs constants En francs courants 74 76 7 0 2 4 6 90 92 94 96 * Inflation : indice INSEE des prix à la consommation. moyenne communautaire qui atténue les variations extrêmes ou inclut des prix sur des marchés plus spécifiques (Italie, Royaume-Uni, Grèce) ou plus régulé (Danemark). Le déroulement du marché «européen» se trouve donc bien illustré par des graphiques portant sur le prix du porc en France. Le mécanisme du cycle «assure» que la production ne s éloigne pas durablement de la demande. Une production faible augmente les prix et la rentabilité de la production. En conséquence, celle-ci s accroît à terme. Elle fait alors pression sur le marché et entraîne la chute des cours. La rentabilité étant dégradée, la production finira par baisser à nouveau. Un cycle complet s est alors produit. C est le mécanisme d un mode libéral de régulation, garantissant l adaptation de l offre à la demande. Le cycle du porc est souvent pris comme modèle de ce type de mécanisme. La spécialisation de la production rend maintenant les ajustements plus difficiles et diverses perturbations ont contrecarré le déroulement du cycle dans la dernière période. Celui-ci a perdu de sa régularité, mais il conserve ou tend à accroître ses amplitudes. Il résulte toujours de la même cause, l impossibilité pour la production de rejoindre spontanément et en permanence le niveau de la demande. L organisation et la spécialisation de la production n ont pas encore vaincu le cycle du porc. AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199 17

1. Le Syndrome dysgénésique et respiratoire du porc (SDRP) est une nouvelle maladie virale apparue en Amérique du Nord dans les années 190, en Europe au début des années 1990, parfois appelée «Maladie bleue» en raison des symptômes qu elle provoque. Des variations saisonnières nées de la demande La saisonnalité du prix du porc en France est surtout influencée par celle de la demande. Les variations saisonnières des prix des différentes pièces de découpe, assez amples, se combinent pour façonner celle de la carcasse. La consommation du porc frais, qui se répercute sur le prix de la longe au stade de gros, a une influence dominante. La modulation de la production selon les saisons conserve cependant un certain effet. Le résidu ou aléa est provoqué par tous les événements, non répétitifs et d ampleurs diverses, qui perturbent l équilibre entre l offre et la demande (production, consommation, commerce...). Des accidents majeurs ont été provoqués, ces dernières années, par des problèmes sanitaires qui affectent l offre et les échanges, par des évolutions brutales du commerce avec les pays tiers, par des accidents de la consommation, par les conséquences de phénomènes climatiques et par des événements politiques ou sociaux. Une décennie hors normes Les mécanismes d ajustement à long terme décrits plus haut ne sont pas fondamentalement remis en cause sur la période 199-1997. Cependant, la dernière décennie a été particulière. Comme déjà évoqué, le cycle devient moins régulier, par une moindre souplesse et une moindre capacité d adaptation des structures, donc d ajustement de l offre à la demande. De plus, depuis 199, le niveau moyen du prix ne répond plus exactement à la définition donnée. Des événements nombreux et divers, qui ont souvent réduit l offre ou parfois accru la demande, ont maintenu la tendance des cours au-dessus de ce qu elle aurait été, si elle avait été strictement déterminée par le coût de production dans un climat très concurrentiel. Une succession de crises sanitaires a frappé l Europe, surtout du Nord : peste porcine en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne ; SDRP 1 dans la plupart des pays, avec des effets très sensibles sur la production aux Pays-Bas. L importance prise par ces maladies est pour partie la conséquence de la concentration géographique et structurelle de la production (élevages spécialisés de plus en plus grands). Les effets de la concentration géographique sur l environnement ont induit des freins au développement des élevages. Aux Pays-Bas, sous la pression de l opinion, des décisions politiques ont bloqué la croissance de la production porcine à partir de 197. Des mesures très récentes vont entraîner sa baisse. L unification de l Allemagne a provoqué l effondrement de la production dans la partie orientale, par une confrontation brutale à la compétition libérale. Dans les nouveaux Länder, la production a baissé des deux tiers en quatre ans, de 1990 à 1993. Ils sont ainsi devenus déficitaires en viande de porc, alors que la RDA était exportatrice. Le déficit de l Allemagne unifiée s est accru de 50 %, par rapport à celui de l ancienne RFA, déjà le principal pays importateur de la CEE. Selon une logique voisine, la libéralisation économique et politique de l Europe centrale et orientale a provoqué la récession du secteur et l accroissement des achats en Europe occidentale. Tous ces événements qui ont affecté la production ou les débouchés apparaissent exceptionnels. La réponse des producteurs au marché n a pu jouer son rôle de principal levier d ajustement de l offre à la demande. Mais les causes de certains événements étant structurelles, rien n assure que, dans l avenir, la régulation retrouvera sa régularité et son efficacité antérieures. La France avait engagé une importante rationalisation de sa production et de sa filière porcines dans les années soixante-dix. Mais en 195, les résultats n en étaient pas encore clairement visibles. Le déficit atteignait 20 % des besoins en viande de porc. Après une croissance de 50 %, la production française est maintenant excédentaire et la France est devenue une puissance exportatrice, tant vers l UE que vers les pays tiers. Les efforts structurels ont fini par porter leurs fruits. De plus, relativement épargnés par les fléaux sanitaires, les producteurs français ont, plus que certains de leurs concurrents, bénéficié des cours souvent favorables de la période 199-1997. Ces progrès de la filière française ont surtout été réalisés en Bretagne, puis dans les régions voisines. Les problèmes environnementaux liés à la forte concentration géographique, sensibles aux Pays-Bas depuis le début des années quatre-vingt, sont apparus en Bretagne dix ans plus tard. 1996 et 1997, deux années exceptionnelles En 1996, le marché européen du porc a profité, dans sa première moitié, de l effet «vache 1 AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199

2. Le Japon est un débouché important pour les exportations communautaires depuis les années 190. Ces ventes sont essentiellement opérées par le Danemark, même si quelques autres pays (Pays-Bas, Royaume- Uni, France) commencent à les développer. folle» (graphique 4). La consommation de bœuf s est reportée sur la volaille et en partie sur le porc, sinon de manière déterminante en France, au moins dans d autres pays de l UE. En même temps, les expéditions de l UE vers le Japon 2 ont été massives. Mais elles se sont arrêtées en juillet 1996, en raison de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde, mécanisme de protection agréé par le GATT. À l automne, la consommation de bœuf s est en partie rétablie et celle du porc a chuté. Les cours européens se sont alors dégradés. Cependant, l année est restée en moyenne convenable grâce à la demande. S annonçait alors ce que l on pensait devoir être une crise violente, en raison de la montée de la production européenne. Mais dès mars 1997, un nouvel événement considérable a rebattu les cartes. Une épidémie de peste porcine a touché plusieurs pays d Europe, et surtout les Pays-Bas. Près de onze millions de porcs auront été détruits. Plus de 90 % l ont été aux Pays-Bas, représentant 5 % de la production de l UE pour une année. Des effets concentrés au printemps, ainsi que la forte réactivité du marché, ont fait flamber les cours européens en avril et mai 1997. Mais consommateurs et utilisateurs l ont mal supporté. La demande a faibli et les cours se sont établis, plusieurs mois durant, un palier plus bas, demeurant toutefois d une bonne profitabilité. À partir d octobre, la crise sanitaire a eu des contrecoups. Des animaux qui avaient fait l objet d une interdiction de commercialisation et avaient été retenus dans les élevages néerlandais, ont été soudain libérés. Les cours ont alors chuté à des niveaux de crise (graphique 4). Les évolutions de la production et des prix, parfois brutales et de grande ampleur, sont masquées si l on considère les moyennes annuelles (tableau 1). En 1997, le prix du porc a été élevé et très proche de celui de 1996, mais pour des raisons liées à l offre cette fois. En cours d année cependant, entre les points extrêmes, l écart aura dépassé 60 %. La production française a augmenté de 4 %, en tonnage, en 1997. Avec une baisse de 1 % seulement, la production communautaire a vu Tableau 1 Le prix du porc s est maintenu, en moyenne annuelle, en 1997 Évolutions annuelles moyennes 1995-96 1996-97 1997-9* Prix du porc en France1 + 11 0 20 Production française2 + 1 + 4 + 3 à 4 Production de l UE2 + 2 1 + 4 à 5 1. Cotation nationale Classe E. 2. Production Indigène Brute en tonnage. * 199 = prévision. Sources : ITP, Eurostat et AGRESTE - Scees En % Graphique 4 1996 et 1997, des profils voisins et des causes différentes 14 - Cotation hebdomadaire classe E 13 11 9 J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M 1996 1997 199 AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199 19

la croissance de plusieurs pays compenser la chute néerlandaise ( 25 % en tonnage de viande, 35 % en nombre d animaux produits). La crise débute en 199 La crise évitée en 1997 revient en 199 (graphique 5). Les prix exceptionnellement bas de fin 1997 se sont légèrement rétablis au début de 199. Au premier semestre, la production communautaire est en croissance, mais elle subit encore un peu les séquelles de la crise sanitaire néerlandaise. La croissance dans de nombreux pays européens et le rétablissement de la production néerlandaise vont se poursuivre. Celui-ci sera cependant freiné en fin d année. De nouvelles mesures politiques viennent d être prises, pour réduire une production qui avait atteint en 1996, avant la peste porcine, un niveau jugé excessif par l opinion publique et le ministère de l Agriculture néerlandais. On estime que le cheptel porcin néerlandais va baisser de 15 % à 20 %, en deux à trois ans, par rapport à ce niveau. Quoi qu il en soit, la production de l UE sera très forte à la fin de 199. Les cours devraient se détériorer gravement, sans doute à partir de la fin de l été. Compte tenu du mouvement acquis, la croissance de la production risque de se poursuivre dans de nombreux pays durant une partie de 1999. La poursuite de la crise pourrait cependant être atténuée par l effet de la nouvelle réglementation néerlandaise. Graphique 5 Le prix du porc baisse en 199 13 11 9 7 Cotation mensuelle classe E et prévision ITP 1996 1997 Prix mensuel observé Tendance + cycle Prévision de mai 9 199 20 AGRESTE - LES CAHIERS N 30 - JUIN 199