ALLOCUTION DE MONSIEUR CLAUDE HAMEL, PRÉSIDENT DE L'UNIVERSITÉ DU QUÉBEC, PRONONCkE LORS DE L'OUVERTURE DU COLLOQUE ((LE GESTIONNAIRE, UN ACTEUR PRIMORDIAL EN GESTION DES RESSOURCES HUMAINES,, LES 21-22 OCTOBRE 1992 AU CHATEAU BONNE ENTENTE BRPH 992.1 0.20
Mesdames et messieurs, Chers collegues, En guise d'ouverture à ce colloque, j'aimerais vous livrer quelques réflexions au sujet du theme qui nous rassemble, c'est-à-dire le gestionnaire considéré comme un acteur primordial dans la gestion des ressources humaines. Ce theme rejoint un courant de pensée tout à fait actuel qui repose sur deux concepts majeurs, sur deux constats en fait: - d'une part que la principale richesse d'une entreprise - quelle qu'elle soit - réside dans ses ressources humaines; d'autre part, que ceux qui sont responsables de gérer cette entreprise seront de plus en plus amenés h Btre les animateurs de ces ressources humaines. Leur rôle n'est pas d'encadrer, mais d'aider les personnes à se réaliser au mieux dans leurs professions et, conséquemment, de constituer autant d'apports uniques et efficaces pour l'entreprise. Cette façon de penser est-elle si nouvelle? - Pas vraiment en réalité, dans la mesure OÙ le concept de (<gérer,,, dont est issu ((gestionnaire,,, a toujours gardé le sens premier: s'occuper des affaires d'un autre, ou pour un autre. II y a donc en filigrane cette id6e d'être au service de quelqu'un des l'apparition du terme même de(<gérer,,, A la fin du Moyen-Âge. II faudra attendre la deuxihme moitié du dix-neuvieme si&cle, avec l'industrialisation de l'occident et le début des secteurs tertiaires, pour qu'apparaissent le concept et le mot de ((gestionnaire), qui désigne alors spécifiquement un type de professionnel de la gerance. On a progressivement précisé sa tache, notamment en économie pour qui la gestion s'oppose A * i, qui est I'étude des méthodes de gestion, et au Contrôle, qui vérifie si la gestion a bien eté faite. Cette spécification des rôles était sans doute nécessaire dans des types d'entreprises qui connaissaient une complexification croissante, mais elle a peut-être technicisé les rôles de chacun, aux dépens du sens premier de gérer. On y revient aujourd'hui parce que, justement, la complexité des rôles et des fonctions est telle qu'il serait impensable d'avoir autant de types de gestionnaires qu'il y a de secteurs distincts d'activités.
3 On voit donc s'instaurer aujourd'hui de nouvelles pratiques de gestion qui misent sans doute plus sur une dynamique créatrice que sur l'efficience immédiate. Ces pratiques s'articulent autour d'éléments tels que le partage d'informations entre gestionnaires et travailleurs, le partenariat, l'intégration des relations du travail aux stratégies technologiques et organisationnelles, la formation et le développement de la maind'oeuvre ainsi qu'une organisation du travail plus flexible. Les universités n'échappent pas à cette réalité. Je l'ai formulé textuellement en août 1991 au cours de la rencontre annuelle avec les dirigeants du réseau: les universités, disais-je, devront passer d'une gestion des ressources humaines dominée largement par la gestion des conventions collectives à une gestion des ressources humaines nouvelle faite surtout de politiques et de programmes modernes qui investissent massivement dans les compétences, la motivation et la mobilisation du personnel. C'est un virage, un pari que l'université du Québec doit prendre collectivement. Pour gagner ce pari, nous devons toutefois développer de nouvelles pratiques de gestion qui visent l'amélioration de l'efficacité de nos ressources humaines et qui nous permettent l'atteinte de nos objectifs. C'est une démarche que le Siège social a entreprise pour lui-même depuis plus d'un an et que d'autres établissements du réseau s'apprêtent à faire ou ont déja initiée. Décider de développer de nouvelles pratiques de gestion, c'est essentiellement s'engager dans un processus de changement qui demande A être planifié et qui doit d'abord donner suite à une décision formelle et à une volonté ferme et connue de la direction. Au Siege social, par exemple, cette décision et cette volonté sont exprimées clairement dans le plan triennal 1990-1993. Celui-ci annonce, en effet, la volonté de la direction de promouvoir une nouvelle philosophie de gestion orientée vers la recherche de la qualité des services rendre, s'appuyant sur des principes d'efficacité, de rigueur et de transparence, et reposant avant tout sur la richesse des ressources humaines qui doivent alors etre mises à contribution de façon créative et intelligente. Selon I'énoncé des objectifs du plan, la direction s'engage notamment à développer au Siège social des mécanismes visant à mobiliser les employés et favoriser ainsi leur motivation; nous voulons devenir exemplaires dans ce domaine.
4 Une fois la décision prise d'adhérer à de nouvelles pratiques de gestion, et de façon à faire passer B l'étape de réalisation ces nouvelles valeurs, il est nécessaire de concrétiser celles-ci dans une politique de mobilisation des ressources humaines. Une telle politique doit couvrir tous les aspects importants de la gestion des ressources humaines et poursuivre les principaux objectifs suivants: s'assurer de la participation du personnel au maintien de la qualité des services offerts; favoriser la polyvalence et la flexibilité du personnel; permettre aux membres du personnel d'évoluer dans un milieu de travail satisfaisant, propice B l'exercice de leurs compétences ainsi qu'au développement de leurs connaissances, de leurs habiletés et de leurs objectifs de carrière. L'amélioration de la satisfaction et de la productivité au travail suppose toutefois que les gestionnaires soient pleinement responsables de la gestion de leurs ressources humaines, matérielles et financières et que les membres du personnel, à tous les niveaux, puissent répondre de leurs tâches. Cela exige donc des mandats clairs, des descriptions de tâches précises et des communications constantes tant horizontalement que verticalement. Pour le Siège social, I'énoncé de notre politique de mobilisation des ressources humaines nous a aussi amenés à définir un plan d'action concernant des programmes qui nous permettront d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et de gérer quotidiennement nos ressources humaines. Dix programmes nous sont apparus prioritaires: ils portent sur l'accueil, le développement de carriere, le perfectionnement, la formation à la gestion, la mobilité, l'aide aux employés, l'accès à I'égalité, la planification et I'évaluation de la contribution individuelle, la reconnaissance envers le personnel, la retraite. Dans le réseau, on constate également cette même volonté, non de ((repenser)) la gestion des ressources humaines, mais de poser des gestes concrets qui, espère-t-on, tireront meilleur parti de ces ressources.
Y 5 Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement des idees dans l'air du temps. Ainsi, l'assemblée des gouverneurs a dégagé, pour une deuxieme année, un montant de 1 O0 O00 $ afin de promouvoir la mobilisation des ressources humaines. On remarque également ici et 18 dans le réseau des faits assez significatifs: par exemple, qu'une constituante en région, comme I'UQAT, ait tenu 8 inscrire dans son plan triennal que sa mission est de contribuer 8 la croissance et au développement des personnes; ou que quelques établissements aient modifié récemment leur structure pour créer dans la haute direction un poste de responsable des ressources humaines. Tout ceci m'amene 8 conclure que si la problématique des ressources humaines est essentielle, le gestionnaire se trouve donc véritablement au centre du défi universitaire. Ce n'est même plus une question de matiere grise: ce sont les Wumons de l'université qui sont en cause, son souffle et sa vie, au sens où les Grecs l'entendaient en utilisant volontairement un seul et même mot*, <<pneuma,,, pour designer les deux. En milieu universitaire, le gestionnaire se trouve au service d'un corps constitué particulierement complexe parce qu'il est issu de toutes les strates de la société. C'est un organisme important, vivant, avec sa dynamique propre où s'interpénetrent des courants parfois convergents, parfois divergents. Je rappellerai ici, en substance, ce que je disais tout récemment aux dipômés de I'École nationale d'administration publique, lors de la derniere collation des grades: il me semble en effet que le gestionnaire, surtout lorsqu'il est globalement au service de la société, doit développer plus le talent de l'animateur que le strict savoir-faire du technocrate, dans la mesure où l'objet de son travail est d'abord la personne humaine * ((Pneuma,, qui désigne indifféremment le souffle, la vie vivante et même l'esprit, par opposition 8 <<bios,, qui designe abstraitement la vie biologique.
6 ainsi que les groupes sociaux. C'est donc un r61e subtil où l'on ne peut plus se fier aux seules techniques, pourtant nécessaires A connaitre. Peut-etre commençons-nous A comprendre qu'il faut tout simplement etre des hommes et des femmes qui s'entraident et se respectent mutuellement, pour enfin batir ensemble quelque chose dont nous soyons fiers. Je vous souhaite de bons échanges et un agréable colloque.