Je propose donc d évoquer les différents aspects de cette prise en charge du patient.



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Douleur et pansements d ulcères de jambes à domicile Gaillard isabelle, infirmière libérale, Poisat ( 38) Introduction Infirmière à domicile, je suis amenée à effectuer de nombreux pansements d ulcères de jambes. Les douleurs induites par ce soin m ont souvent interpellée, et les prendre en charge s est révélé être à mes yeux une priorité. Ce questionnement a été le thème de mon mémoire lors du Diplôme universitaire Plaies et cicatrisation, passé en 2007. Ce travail m a permis de mettre en lumière les origines diverses de la douleur, ainsi que les différentes possibilités dont dispose le soignant pour y faire face en secteur extra hospitalier. Bien qu ayant de nombreuses similitudes avec celle qui serait proposée en structure de soin, la prise en charge de la douleur à domicile revêt certaines spécificités. La notion de travail en réseau y a toute son importance, et bien qu étant seul au domicile du patient, l infirmier est en lien avec de nombreux intervenants. La communication entre les différents professionnels de santé influence nettement la qualité des soins prodigués au patient. Je propose donc d évoquer les différents aspects de cette prise en charge du patient. Pourquoi soulager la douleur? Tout d abord parce que c est une obligation légale pour tout soignant. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental : «toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée.» D autre part, la douleur a de nombreux effets délétères sur le patient : A l heure actuelle, il est prouvé que le cerveau réactive, à partir d une douleur nouvelle, son patrimoine douleur. La douleur non soulagée lors d un pansement entraînera une majoration des douleurs ultérieures. Au fil du temps, les soins deviennent insupportables. Le patient ressent de l appréhension, a peur des soins, devient irritable, jusqu à refuser les soins. La relation avec le soignant peut se détériorer très rapidement. De plus, la douleur entraîne la libération de cytokines qui influent défavorablement sur les phénomènes cellulaires entrant en jeu lors de la cicatrisation. Pour le soignant, la douleur est également un obstacle: il est difficile de réaliser le soin de manière efficace : Laver et déterger la plaie devient problématique, de peur de faire mal. Des difficultés de positionnement vis a vis du soin peuvent apparaître : Une certaine ambivalence

survient, avec deux concepts qui coexistent et s opposent malgré tout : Le soin est source de douleur, mais il soulage et guérit à plus long terme. S il reste insuffisamment soulagé, il est redouté tant par le soignant que par le patient. Douleur et ulcère : L ulcère est une plaie chronique douloureuse. A la douleur aigue liée aux soins, se mêle une douleur de fond, ressentie parfois tout au long de la journée. Il est reconnu que la douleur est plus ou moins intense selon l étiologie. L ulcère artériel est considéré comme plus douloureux que l ulcère veineux. Cependant l évaluation et le traitement de la douleur ne peuvent en aucun cas reposer sur l étiologie de l ulcère! Un ulcère veineux peut se révéler extrêmement douloureux, la douleur étant ressentie et vécue de façon singulière et propre à chacun. Douleur et pansements : La réfection d un pansement d ulcère est répétée, voir quotidienne, et les douleurs induites sont d origine nociceptives, pouvant éventuellement s associer à des douleurs psychogènes ou neuropathiques. Le déroulement d un soin permet de mettre en lumière les manipulations susceptibles de provoquer des douleurs plus ou moins violentes : Le retrait du pansement, le nettoyage, la détersion mécanique de la plaie, la réfection du bandage sont autant d étapes génératrices de douleurs. Nous verrons que chacun de ces gestes peut être effectué de façon à limiter les stimulations inutiles. L incontournable évaluation : Elle est réalisée au moyen d échelles validées, dont le choix est fonction des capacités d expression du patient. Les échelles unidimensionnelles sont des outils simples et rapides d utilisation : L échelle visuelle analogique (EVA), l échelle verbale simple (EVS), l échelle numérique simple (ENS) sont d une grande utilité lors des soins. Le soignant doit s approprier pleinement l outil d évaluation choisi, et l intégrer à sa pratique. L évaluation est réalisée avant, pendant et après le soin. L évaluation qui précède le soin permet de mettre en lumière une douleur de fond, indépendante de toute stimulation nociceptive. Durant le soin, elle permet de juger de l impact douloureux des différents gestes, et met parfois en évidence l insuffisance de la couverture antalgique. Le traitement sera ainsi réajusté en fonction de l intensité de la douleur.

Evaluer nécessite d entendre la souffrance du patient telle qu elle est réellement. L évaluation est réalisée par le patient, elle n est en aucun cas une estimation du soignant, qui doit éviter de relier la douleur aux caractéristiques de la plaie (localisation, dimensions) et au degré d expression du patient (certaines douleurs peuvent ne pas être exprimées). Les différents traitements médicamenteux : Le choix des antalgiques est réalisé par le médecin traitant, et l infirmier a un rôle primordial concernant leur utilisation. En effet, la connaissance des délais et durées d action de chaque antalgique permet une prise adaptée et judicieuse, selon l heure de réalisation du soin. Quel que soit leur palier, la plupart des antalgiques oraux ont un délai d action compris entre 30 minutes et une heure. Les durées d action sont de 4 et 6 heures. Ainsi, la prise idéale du traitement est d environ 1à 2 heures avant le soin. Les traitements par voie injectable sont très efficaces. Certains médecins hospitaliers ou libéraux les ont couramment intégré à leur pratique, et à leurs habitudes de prescriptions. Cependant, il existe encore des réticences concernant l usage des morphiniques par voie sous cutanée lors des réfections de pansements. Ces traitements sont inconsciemment assimilés et réservés aux traitements des maladies chroniques, ou en stade très avancé. Ces préjugés demeurent toujours présents au sein du monde soignant, ce qui est regrettable. L analgésie locale peut être réalisée avec une crème à base de lidocaine et prilocaine (EMLA). La crème est appliquée sur l ulcère, sans dépasser 10grammes, puis recouverte d un film occlusif. Le temps de pose est de 30 minutes environ.cet usage doit être limité à 8 applications successives. Le spray de xylocaine peut également être utilisé, vaporisé sur la plaie, tout en la recouvrant de compresses imbibées de produit. Certains médecins établissent des protocoles préétablis afin de pouvoir réajuster le traitement rapidement lorsque cela est nécessaire. Ces prescriptions anticipées permettent d avoir une grande réactivité lors des soins, et le patient s en trouve sécurisé. Les moyens non médicamenteux : De nombreux soignants se forment à différentes techniques, telles que la sophrologie ou l hypnose. L effet antalgique de ces méthodes est indéniable et leur mise en place lors des réfections de pansement est très simple. L usage de la distraction se révèle être elle aussi très efficace. Une discussion anodine, ne concernant pas le soin, permet au patient de fixer son attention sur un sujet agréable, distrayant, et d être moins centré sur sa plaie, et les gestes inhérents au soin.

S il le souhaite, le patient peut laisser la télévision allumée, écouter une musique qui l apaise, ou rester en compagnie d un proche. Garder une certaine souplesse, rester ouvert à des propositions semblant parfois hors du commun est un aspect essentiel. L objectif étant que le patient intègre un cadre rassurant, et qu il vive cet instant déjà difficile avec un maximum de sérénité. Une approche limitant l anxiété : Les soins d ulcère étant quotidiens, ils prennent une place importance dans la vie du patient. Il est primordial que celui ci puisse choisir le moment du soin afin de maintenir une vie sociale et familiale satisfaisante. Le soignant doit ainsi faire un compromis entre ses contraintes horaires et le respect de la vie du patient. Expliquer le déroulement du soin, répondre aux différents questionnements permet de limiter l angoisse de l inconnu, sachant que l imaginaire fait parfois supposer le pire. L installation doit être confortable, afin de limiter les tensions inutiles. Maintenir le dialogue durant le pansement permet à la fois d évaluer la douleur, mais aussi de parler de tout autre chose, afin que le soin soit un moment d échange agréable. Donner une dimension humaine à cet instant est essentiel. Cette approche, empreinte de douceur et de souplesse, limite l angoisse, la peur, et le patient, plus rassuré, sera moins centré sur ses perceptions douloureuses. Marquer un temps d arrêt au cours du soin peut être également bénéfique lorsque la douleur survient. Des gestes limitant la douleur : La technique qu utilise le soignant lors du soin influence nettement l apparition des douleurs. Lors du retrait du pansement, maintenir la peau péri-lésionnelle limite la traction de tissus déjà bien fragilisés. Humidifier le pansement permet d en limiter l adhérence. Cela peut être réalisé simplement, avec du sérum physiologique ou sous la douche. Le douchage de la plaie est réalisé de manière douce, et l intensité du jet sera réglée en fonction de la douleur. Les propriétés antalgiques du chaud ou du froid seront variables d un patient à l autre, et ce moment peut être un réel soulagement. La détersion des zones nécrotiques ou fibrineuses doit être effectuée de manière franche, avec du matériel de qualité, afin d éviter les manipulations excessives et traumatisantes. Le soignant doit être à l aise avec sa technique et le matériel qu il choisit. Il est important de ne pas exercer de pressions inutiles au niveau des berges de la plaie et des zones de bourgeonnement très vascularisées.

Enfin, le choix du pansement utilisé a toute son importance, et maintenir un taux d humidité idéal permet d éviter les douleurs inutiles. Un pansement trop absorbant desséchera la plaie, sera très adhérent, provoquant des douleurs ne se limitant pas au retrait. A l inverse, un pansement peu absorbant sur une plaie très exsudative provoquera des irritations, l exsudat restant au contact de la plaie et de la peau péri lésionnelle. Le choix du pansement, selon l exsudat, fait partie intégrante de la prévention de la douleur, au delà des bénéfices reconnus concernant la cicatrisation. Le milieu doit être maintenu humide, mais sans excès. L usage d adhésifs est à éviter, la peau péri lésionnelle étant très fragile. De plus, le retrait du pansement sera source de douleur. Utiliser des bandes en coton est préférable, en évitant d appliquer une pression excessive. Le pansement doit être agréable à porter, et facile à retirer. Rester vigilant : Soulager la douleur est une priorité pour chaque soignant, mais cela ne doit pas lui faire oublier d en rechercher la cause. En effet, la douleur reste un «signal d alarme», et, dans certains cas, elle doit alerter le soignant. Une douleur excessive peut être liée à une infection locale, un exsudat très irritant, des lésions dermatologiques, une ischémie, ou un œdème important. Il faut donc faire preuve de discernement, et rechercher l étiologie de la douleur (induite par les soins, liée à la plaie ou à diverses complications.) L éducation : Elle est un aspect essentiel de la prise en charge. Tout d abord concernant le délai d action des antalgiques, car le patient est amené à prendre son traitement seul, bien avant le passage du soignant. Il doit donc connaître la cinétique de l antalgique afin que son effet soit maximum lors du soin. Expliquer les effets secondaires de certains traitements peut être nécessaire afin d effectuer une surveillance adaptée et judicieuse. Le patient doit rester acteur de sa prise en charge, et il est important de ne pas le déposséder des choix le concernant et des actes qu il peut effectuer de façon autonome. Certaines craintes concernant les traitements, le risque d accoutumance, de perte de vigilance, sont extrêmement répandues, mais peu exprimées. Il est important de déceler ces appréhensions afin de rassurer le patient concernant l usage de certains antalgiques. Le patient face à la douleur : il n est pas rare que le patient donne une signification à sa douleur, selon ses croyances, sa culture, ou son éducation. La douleur est parfois considérée comme le prix à payer pour guérir, ou ayant un pouvoir quelconque sur la guérison. La souffrance peut aussi être rattachée à une conduite reprouvée et être jugée de ce fait

«méritée». Cette conception est peut exprimée, mais inconsciemment très présente dans notre société judéo chrétienne. L expression ou l acceptation de la douleur seront bien sur influencées par de telles interprétations. Tout en respectant les croyances de chacun, le soignant peut tout de même insister sur le fait que la douleur n a aucune action bénéfique sur la cicatrisation de la plaie, cela étant même le contraire à long terme. Le travail en réseau : La prise en charge de la douleur est pluridisciplinaire. La communication entre tous les professionnels de santé est indispensable, et dépend de la rigueur, de la disponibilité et de la bonne volonté de chacun. Chaque soignant doit pouvoir établir des relations efficaces avec ses collègues afin d être cohérent et suffisamment réactif lorsque cela est nécessaire. Le milieu libéral doit être en lien avec le secteur hospitalier. Le patient qui est suivi en structure de soins doit pouvoir réintégrer son domicile sereinement, sachant que les soins seront poursuivis de manière cohérente et adaptée à son état. Ainsi les professionnels, qu ils exercent en secteur intra ou extra hospitalier, doivent assurer des transmissions détaillées concernant les soins, la douleur, les différents traitements instaurés, et l efficacité de chacun. Faire appel à une structure spécialisée dans la prise en charge de la douleur peut être une démarche intéressante lorsque les différentes thérapeutiques envisagées se sont révélées être inefficaces. Savoir accepter ses limites, faire appel à d autres compétences que les siennes, est une démarche empreinte de bon sens et d humilité. La prise en charge de la douleur est un travail d équipe, qui requiert les compétences, les valeurs, et la sensibilité de chaque soignant, quel que soit son grade ou son statut. La formation : L évolution des recherches, des thérapeutiques, et des outils d évaluation, nécessite de s informer régulièrement. Les vecteurs d accès à l information sont riches et variés, et chaque professionnel peut ainsi l intégrer à sa pratique. La mise à jour des connaissances est essentielle à une prise en charge de qualité, mais relève d une démarche volontaire et propre à chaque soignant. Savoir faire le bilan de ses compétences et de ses lacunes, permet de cibler les formations les plus judicieuses à envisager. Se remettre en question : Le soulagement optimal de la douleur repose sur une multitude de gestes simples, pouvant de ce fait paraître sans importance. Par habitude, lassitude, manque de temps, ou de motivation, ils peuvent être totalement occultés.

Le soignant doit aussi accepter le fait que les soins soient douloureux. Il peut parfois nier l intensité de la douleur car celle ci le dérange : Elle retarde l exécution du soin, nécessite d appeler un médecin, d administrer des antalgiques. Ce phénomène de déni, doit être mis en lumière afin d en comprendre l origine, et de le dépasser. Chaque soignant devrait pouvoir marquer un temps d arrêt, afin d analyser ses pratiques et se remettre en question en toute honnêteté. Cette démarche ne doit pas être culpabilisante, mais à l inverse, être positive, et constructive. Chacun a un cheminement propre, et les expériences de soin, les rencontres, toujours uniques, façonnent ses valeurs, sa maturité et son humanité. Ces notions sont au cœur de la conscience soignante, et en font toute la richesse. Conclusion : «Tout être humain a le droit d être libéré de sa douleur dans les limites ou nos connaissances permettent aux professionnels de la santé de le faire» Ronald Melzack et Patrick Wall, le défi de la douleur La douleur bouleverse tout sur son passage, elle rend fragile et vulnérable, et le patient a plus que jamais besoin d aide et de réconfort. Cette aide est une obligation légale pour tout professionnel de santé. Soulager les douleurs induites par les soins est une priorité, sachant que cette douleur est prévisible, et que le soignant dispose de nombreux moyens pour y parvenir. L attitude soignante face à la douleur restera toujours très personnelle, et au sein d une prise en charge si délicate, chaque soignant donne plus que jamais le reflet de lui même. Ses connaissances et compétences, si nécessaires et solides soient elles, ne sauront remplacer la richesse d une écoute juste, respectueuse et bienveillante. Bibliographie Fiche de soins " Utilisation de la crème EMLA chez l'adulte et la personne âgée" E Malaquin- Pavan, P Thibault Cours "les antalgiques" Dr Nicolas Saffon, disponible sur www.geocities.com EWMA. La douleur au changement d'un pansement. 1988:17.

Ouvrages : LE BRETON D. Anthropologie de la douleur. PARIS: EDITIONS METAILIE; 2006. MEAUME S, DEREURE O, TEOT L. Plaies et cicatrisations. PARIS: MASSON; 2005. Articles : DE LA BRIERE A, FROMANTIN I. Douleurs et soins de plaies. SOINS 2010;Dossier "La douleur induite par les soins"(749):44-46. DE SAINT LEGER A-S, MOIZIARD A-S, MEAUME S. Les plaies de la personne âgée ou très âgée. SOINS 2009(734):21-26. MEAUME S, Collectif. Plaies et détersion. SOINS 2011;Dossier(752):29-57. TOUSSAINT P. La détersion des ulcères de la jambe. SOINS 2011;Dossier Plaies et détersion(752):52. Mémoire : GAILLARD I. Douleur et pansement d'ulcère à domicile [Mémoire Diplôme universitaire]. GRENOBLE: Université Joseph Fourier; 2007.