LES VILLES ONT-ELLES UN AVENIR? Intervention de Jacques de Courson. Séminaire de prospective de la FONDA À la MACIF Paris, 22 novembre 2012



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Transcription:

LES VILLES ONT-ELLES UN AVENIR? Intervention de Jacques de Courson Séminaire de prospective de la FONDA À la MACIF Paris, 22 novembre 2012

Questions Un habitant de la Terre sur deux est urbain. A l horizon 2030, la population mondiale sera de 8 milliards d habitants, dont 5 dans les villes (80% en France). Les villes du Sud devront accueillir 2 milliards d habitants nouveaux en 25 ans. Le Sud compte déjà 20 métropoles de plus de 20 millions d habitants. Le fait urbain est-il récent dans l histoire de l humanité? Faut-il encourager ou contraindre cette croissance urbaine? Faut-il urbaniser la terre?

Paradoxes 1. Les villes intéressent tout le monde, mais personne ne sait ce qu elles vont devenir, pas plus au Nord qu au Sud. 2. Les villes (espace+capital+flux+réseaux+monnaie) se portent (presque toutes) très bien, mais pas leurs habitants. 3. Les villes bougent très lentement, mais sont très fragiles (catastrophes et cataclysmes) car «tout est lié». 4. Les urbanistes font des plans et des projets qui sont rarement respectés, car la ville résiste au changement. 5. Les villes françaises, dont la croissance globale s est arrêtée, s essoufflent et souffrent. Bientôt la révolte?

1. «DIAGNOSTIC DU PRESENT» DES VILLES - La planète est fragile et menacée, avec montée des politiques de lutte pour sauvegarder l environnement, préserver la nature et réaliser des économies d énergie, donc des mesures anti-urbaines. - Les grandes métropoles se multiplient (surtout dans le Sud) et s étendent en «archipel» sans limites. - Dans chaque ville, l écart se creuse entre les «très riches» et les «très pauvres», avec formation d une classe moyenne urbaine de plus en plus mondialisée et standardisée (modes de vie, télé, mobile, consommation, voitures individuelles, etc.).

- Apparition d un sous-prolétariat urbain (20 à 80% de la population) constitué des «sans» ( domicile en dur, emploi, formation professionnelle, revenus réguliers, parents, «papiers» etc ), avec constitution d une économie parallèle non monétarisée permanente (50% du PIB urbain en moyenne dans le Sud). - Montée de l insécurité, de la mendicité, de la drogue, de la prostitution, de la corruption, du clientélisme. Et cependant des mécanismes de la solidarité (familles élargies, communautés, sectes, tribus, clans etc ) se maintiennent. - Les services publics urbains (eau, assainissement, transport, police, formation, sécurité, déchets) sont peu performants, préoccupés par l urgence et le manque de moyens financiers, techniques et humains.

2. ET POURTANT LES VILLES SONT ATTRACTIVES - parce qu elles sont devenues indispensables et sont plébiscitées par tous comme les moteurs du progrès économique, social, culturel, intellectuel et politique - parce que l ingénierie urbaine a fait récemment d énormes progrès, qu on sait maintenant gérer des agglomérations millionnaires (et les construire) et que les moyens financiers ne manquent pas - parce que chaque civilisation urbaine a su le plus souvent perpétrer, renouveler et moderniser des savoir-faire anciens, des techniques transmises, des usages de matériaux locaux, des coutumes, des modes de régulation des conflits, des systèmes de droit local immémoriaux, des modes d arbitrage des conflits etc

- parce que le développement accéléré du tourisme urbain les a fait connaître et reconnaître universellement parce qu elles sont belles, que le goût des voyages les a rendues attractives et que le coût des transports ( vols low-cost, TGV) a encouragé les relations intercités - parce que les immigrés, les bobos, les étrangers, les pauvres et les retraités les apprécient - parce que les villes continuent de fasciner car elles constituent des «territoires d opportunité» : travail, amour et amitié, services et spectacles gratuits, clients et fournisseurs, culture, pouvoir politique, mendicité etc... ex : on a jamais vu un prix Nobel à la campagne ex : «La ville rend libre»

3. LES EVOLUTIONS URBAINES POUR LA FRANCE L exode rural est terminé. Reste une société urbaine diversifiée, caractérisée par : - de nombreuses femmes seules (1,5 million) - une précarité en hausse et des «nouveaux pauvres» - une montée en régime des «seniors actifs» (1/3 de la vie) - la privatisation et la professionnalisation progressive des services publics urbains - l explosion du péri-urbain de luxe et bas de gamme

et de nouveaux territoires : - des «villages» sécurisés, des espaces publics surveillés par caméras et des «gardiens» privés - des communautés étrangères stigmatisées (Roms) - les expatriés français (4 %, dernier rang européen) qui fuient le chômage en quittant la France et en sens inverse des immigrés étrangers de plus en plus pauvres (Afrique noire, Asie Centrale, Chinois) - les bonheurs de la «province» et des petites villes - la «campagne réinventée» (Jean Viard) ou le mode de vie urbain à la campagne

- la région parisienne au bord de l implosion par asphyxie et sans avenir ni ambition - une nouvelle génération de «managers urbains» - les entreprises françaises de l ingénierie urbaine en tête de l expor dans le monde : Veolia, GDF Suez, RATP/SNCF, Lafarge, Vinci, Bouyghes etc d où : - la naissance d une «économie de la solitude» : commerces et services spécialisés, aides à domicile, portage des journaux, SOS amitié etc - la poussée du bénévolat, du «care» et des ONG

- l explosion du mouvement associatif hors marché : environnement, voyages, culture populaire, jardins ouvriers, maisons de quartier - les initiatives créatives de la société civile : économie du troc, du recyclage, des «réseaux sociaux», du covoiturage... - la montée du e-business et de l auto-entreprise - les nouvelles formes du «faire société» : fêtes, vide-greniers, spectacles de rue - les nouveaux emplois de la modernité (Vélib, services à domicile, animateurs de banlieue )

4. DES REALISATIONS EXPERIMENTALES - les éco-quartiers et le «new urbanism» : économies d énergie, vélo+tram+marche à pied, espaces verts et plantations, agriculture urbaine, sports urbains, moto-taxis, fêtes sportives etc. - des villes «cossues» dans le péri-urbain : Ouest Ile de France, Monts du Lyonnais à Lyon, Est toulousain etc - des communes de première commune en pleine renaissance : Plaine commune (93), Vaulx-en-Velin (69) etc - des opérations «lourdes» d urbanisme en centre-ville : Confluence (Lyon), bords de Garonne (Bordeaux), Euralille (Lille), Euroméditerranée (Marseille) etc

Et dans les principales villes françaises : - des équipes municipales compétentes, puissantes et structurées (élus, services techniques, agences d urbanisme, architectes, entreprises) - un réseau moderne d équipements publics neufs ou récents ( mairies, musées, lycées, conservatoires, théâtres, médiathèques, déchetteries etc ) - un patrimoine historique restaurée et animée tout au long de l année et 20 instituts d urbanisme (un seul,i l y a 40 ans!) et un secteur professionnel florissant

5. LES «SIGNAUX FAIBLES» DE L EVOLUTION DE LA SOCIETE URBAINE - développement et structuration de l «économie modeste» : micro-crédit, artisanat solidaire, services «low cost», économie de troc, échanges interâges, tri et sélection des ordures, travaux à domicile non déclarés, recyclage des déchets, gardes d enfants etc - développement de «l économie de la solitude» (Godet) et des seniors : portage des repas à domicile, nouveaux «réseaux sociaux», services à la personne etc - multiplication des pratiques et évènements festifs : fêtes de pays, videgreniers, Journées Mondiales de la Jeunesse et pèlerinages, théâtre de rue etc.

- développement des échanges internationaux : mouvements de jeunesse, Erasmus, stages à l étranger, voyages culturels, pratique des langues étrangères, jumelages, économie solidaire etc. D ou de nouveaux jobs et de nouvelles opportunités en particulier pour les jeunes et les associations.

6. DES SCENARIOS POUR L AVENIR DES VILLES EN FRANCE ET EN EUROPE scénario 1 : désengagement de l Etat, prise en charge par les collectivités locales et les associations du «vivre ensemble» local scénario 2 : privatisation et professionnalisation des «entreprises urbaines» (eau, transport, formation, santé, médias, culture, habitat social etc.)

scénario 3 : des mini «villes nouvelles» privatisées à la campagne en marge de métropoles consolidées, densifiées et interconnectées scénario 4 : une France urbanisée par «mitage» généralisé, sauf agriculture productive, montagnes, forêts et parcs naturels protégés scénario 5 : une seule «ville lumière» (Paris), objet de toutes les attentions (et conflits) des hommes politiques, et le reste de la France confié (comme partout dans le monde) aux acteurs locaux

7. DES OPPORTUNITES POUR LES ENTREPRISES, ASSOCIATIONS ET FONDATIONS DE L ECONOMIE SOCIALE - la formation des entrepreneurs de l économie sociale et solidaire, et leur insertion dans le marché de l emploi urbain - la création et la gestion d un parc de logements sociaux dégradés ou précaires - la recherche et l expérimentation de «morceaux de ville» (ensembles immobiliers+ équipements collectifs), neufs ou réhabilités, pour ménages à revenus modestes

- le soutien au développement des ONG ( management, gestion, financement, communication) de service urbain - la formation, l encadrement et la gestion des «seniors actifs» et des structures intergénérationnelles (béguinages, aides au devoir, dépannages, conduites à l école) - la promotion de l économie mutualiste pour les services urbains : sécurité, tri des ordures ménagères, eau, entretien des espaces vers, transport, loisir et culture, voyages et échanges internationaux etc. - le développement de la «coopération décentralisée» entre villes françaises et étrangères