Discours du Chef de projet pour ouverture PASCRENA 17 décembre 2012 Salutations protocolaires Chers amis de la société civile, Je vous remercie d avoir bien voulu répondre par votre présence à cette invitation pour l inauguration officielle du Projet d Appui à la Société Civile et la Réconciliation Nationale, en abrégé le PASCRENA. Ce projet est le fruit d une convention signée entre le gouvernement togolais et l Union européenne le 25 janvier 2011 pour un montant total de 6 millions d euros dont 1,6 affectés directement, via le PNUD, au fonctionnement de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation Nationale. L Unité de Gestion du Projet a été mise en place en mars 2012 et en octobre dernier nous avons signé le premier devis programme annuel d activités qui a fait l objet d intenses discussions entre les acteurs de la société civile au cours de 6 ateliers organisés en juillet dans tout le pays. Le premier devis 1
programme courra jusqu en octobre 2013 et sera suivi de deux autres devis programmes annuels. Le détail des activités du PASCRENA a déjà fait l objet de 21 présentations publiques dans tout le pays courant novembre qui ont réuni plus de 450 organisations de la société civile dont beaucoup sont présentes ici. Aussi je n évoquerai que rapidement ces activités pour insister sur les principes de mise en œuvre à partir de la réalité de la place et du rôle de la société civile au Togo. L objectif de ce programme est relativement simple dans son énoncé mais redoutablement complexe dans sa mise en œuvre : «Promouvoir la participation de la société civile aux processus de développement, de démocratisation et de réconciliation nationale». Quatre axes structureront les activités pour atteindre cet objectif : le cadre réglementaire, le renforcement des capacités de la société civile, la mise en place d un cadre de dialogue permanent et légitime de discussion entre les acteurs de la société civile et avec l Etat, 2
enfin la mise en œuvre des recommandations de la CVJR par la société civile. Tordons immédiatement le cou à cette idée communément répandue que le concept de société civile est flou. Il est au contraire simple et opératoire : la société civile représente tous les citoyens togolais organisés collectivement qui n appartiennent ni à la sphère étatique, ni au secteur marchand, quel que soit leur statut juridique ou quelle que soit leur propre organisation et ceci dans le cadre des lois du pays. Ces citoyens organisés collectivement relaient auprès des pouvoirs publics et des entreprises l accès aux droits fondamentaux de leurs compatriotes. Les droits fondamentaux ce sont les droits civils, politiques, sociaux, économiques, culturels et bientôt environnementaux que la déclaration des droits de l homme avec ses protocoles additionnels reconnaît. Le Togo a signé tous ces textes internationaux. Le renforcement des capacités de la société civile passera donc par sa capacité à promouvoir les droits humains dans l espace public. 3
Dans son premier axe, le PASCRENA vise à améliorer le cadre réglementaire et législatif de l exercice des droits des associations et des ONG. Ce travail revient bien entendu d abord à l Etat qui doit garantir ces droits dans le cadre des textes qu il a pris et de ses engagements internationaux. Les textes garantissant les libertés publiques existent au Togo. Le rôle de la société civile est celui d interpeller l Etat sur la réalité de la mise en œuvre de ces droits, notamment le droit d association. Cette interpellation passera par la documentation de la réalité des pratiques et par un plaidoyer constructif et coordonné de la société civile auprès des pouvoirs publics pour que ces derniers appliquent dans le quotidien de l administration de proximité ce droit fondamental. Le second axe vise au renforcement des capacités de la société civile. Le renforcement passe donc par la capacité de plaidoyer, c est à dire l influence sur les décideurs publics. Il ne s agit pas de dénoncer à tout va, mais de montrer que l interpellation des pouvoirs publics se base nécessairement sur une réelle expertise des réalités sociales et une exemplarité 4
dans la gestion financière et la vie démocratique interne des associations. Les associations ne seront jamais crédibles sur les sujets qu elles portent si elles mêmes ne pratiquent pas ce qu elles veulent promouvoir auprès des pouvoirs publics : la reddition des comptes, la bonne utilisation des fonds qui leurs sont confiés, la circulation de l information et le respect des droits fondamentaux. Les pouvoirs publics attendent d elles qu elles apportent une réelle plus value de connaissance de proximité et de solidarité. Le PASCRENA appuiera les acteurs de la société civile dans ce sens par la formation, la mise à dispositions de dispositifs d audits internes, la mise en œuvre d activités via les regroupements géographiques et sectoriels légitimes, la participation aux évènements internationaux et des subventions pour les activités améliorant la communication et la vie associative. Le troisième axe est probablement le plus complexe : contribuer à la mise en place d un cadre de concertation permanent au sein de la société civile et avec les pouvoirs publics. De la définition de la société civile proposée pour le PASCRENA 5
nous pouvons déduire que la société civile est organisée selon ses propres logiques internes. Nous sommes au Togo et on peut penser en toute logique que si une commission de réconciliation nationale a été mise en place par le chef de l Etat, c est que la société togolaise n est pas encore réconciliée avec elle même. Les logiques internes de la société civile sont le reflet de cette réalité. Aussi au Togo il y aurait plutôt trop de structuration que pas assez, trop d initiatives de cadres de concertations en concurrence entre elles. Le PASCRENA ne vas donc pas ajouter de la confusion à cette réalité plurielle, d ailleurs toutes les tentatives de structuration de la société civile à partir d injonctions des partenaires au développement ont toujours échoué. Sans légitimer l une ou l autre structure, dans le respect de la diversité de la réalité togolaise, le PASCRENA travaillera sur les convergences qui existent au sein de la société civile, en espérant que des activités communes amèneront les leaders associatifs à laisser de côté leurs divergences pour se concentrer sur ce qui les unit et pour construire des outils de négociation et de concertation 6
communs. En fonction des résultats atteints, des états généraux de la société civile seront programmés en 2014 ou en 2015. Le 4 e axe prévoit de financer les activités de la société civile pour la mise en œuvre des recommandations de la CVJR. La difficulté est que ces recommandations sont essentiellement à l endroit des pouvoirs publics. Le travail de la société civile sera donc de convaincre les pouvoirs publics de la mise en œuvre de telle ou telle recommandation qui préoccupe particulièrement les citoyens togolais. Un groupe de travail composé de personnes de notoriété a déjà commencé à recenser les recommandations pour identifier et prioriser celles qui pourront faire l objet d actions de plaidoyer efficaces portés par les associations ou leurs regroupements. Ce groupe de travail rendra son rapport à l Unité de Gestion de Projet le 15 février. A partir de ce rapport, l UGP pourra lancer un appel à propositions pour subventionner les actions de plaidoyer de la société civile. 7
Avant de conclure, j aimerais revenir sur deux points. Tout d abord la question des syndicats. Ils entrent bien évidemment dans le périmètre du PASCRENA, en effet ils n appartiennent ni au secteur marchand, ni à la sphère de l Etat. Ils relaient auprès de ces deux derniers les droits économiques et sociaux des salariés. Leurs modes d actions sont certes différents de ceux du monde associatif mais dans de nombreux domaines l alliance d action entre ces deux familles d acteur contribue au changement social. Le second point concerne la question du lien entre la société civile et le monde politique. Cette question a ses spécificités au Togo. Les partis politiques participent à la compétition démocratique pour le choix des personnes en charge de la responsabilité de la gestion de l Etat. Ils ne sont donc pas des acteurs de la société civile. En revanche il est légitime et démocratique que certains acteurs de la société civile, par leur expertise ou leur connaissance des réalités sociales contribuent au débat politique en proposant leurs idées et en remontant leurs préoccupations aux partis politiques. Tous travaillent dans 8
l espace public et ainsi l agenda politique est souvent approprié par les acteurs de la société civile. C est au moment ou les acteurs de la société civile deviennent partisans dans l espace public que les difficultés apparaissent. Le PASCRENA devra donc être vigilant dans les partenariats qu il mènera. Pour conclure, j ajouterai que la question de l égalité entre les hommes et les femmes (c est la définition de l approche genre que le PASCRENA a retenu) sera au centre de nos préoccupations. Non pas sous une forme procédurale et idéologique faite à coups d objectifs et d indicateurs artificiels, mais sous la forme au sein du programme d une cellule d observation chargée de la documentation constante de nos activités sous cet angle de l égalité entre les femmes et les hommes. Dans huit mois un premier bilan sera dressé qui nous permettra d intégrer dans nos activités des principes et des modalités de travail concrètes permettant d avancer dans la direction de l égalité entre les femmes et les hommes. 9
Un dernier mot si vous me le permettez. Le PASCRENA s appliquera à lui même ce qu il aimerait que les acteurs de la société civile fassent : la transparence. Sur son site vous trouvez déjà les deux premiers rapports d activité et une large documentation sur la société civile. Nous publierons toutes nos procédures, nos rapports d activité et tous les rapports que nous commanderons. Tous les bénéficiaires de subventions du PASCRENA adhèreront à la charte de transparence qui les obligera à publier sur notre site leurs informations financières et associatives. Enfin, en guise de formule de fermeture de ce propos, je vous invite dans un an jour pour jour à participer au challenge de la société civile lors de la première édition des 10 kilomètres du mont Agou. Cette course, organisée par le PASCRENA, ouverte à tous, permettra aux acteurs de la société civile de mettre en avant leurs valeurs de solidarité, de persévérance et de démocratie. Je vous remercie. 10
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