Aspects comportementaux de la nutrition chez les enfants atteints de mucoviscidose Lori J. Stark, Docteur, ABPP Professeur en pédiatrie University of Cincinnati College of Medicine Directrice Division de médecine comportementale et psychologie clinique Cincinnati Children s Hospital Medical Center Il est généralement recommandé que les enfants atteints de mucoviscidose consomment 120 à 150 % de l apport journalier recommandé (AJR) en énergie pour les individus de mêmes âge et sexe non atteints de mucoviscidose, 40 % de cette énergie provenant de graisses. Le respect de ces recommandations apporte de nombreux avantages, de plus en plus évidents. Un apport énergétique élevé entraîne un gain de poids et un meilleur poids pour le centile d âge. Un statut pondéral supérieur est associé à un meilleur fonctionnement pulmonaire et une plus longue survie. Les familles d enfants atteints de mucoviscidose connaissent bien l importance du gain de poids et de l obtention du poids et d une taille optimum pour leur enfant. Nos études et d autres dans le domaine de la nutrition indiquent que cette connaissance engendre généralement un stress accru pour les familles au lieu du résultat souhaité de meilleur statut nutritionnel de l enfant atteint de mucoviscidose. Les familles décrivent souvent les repas comme un champ de bataille et se sentent médiocres dans cet aspect des soins à leur enfant. 1,2 Les parents reçoivent clairement le message de l importance de la nutrition, mais pas les compétences formant à travailler avec leur enfant pour atteindre cette importante composante du traitement. Dans cet article, nous aimerions examiner les composantes de l intervention comportementale responsable et la manière dont ces composantes répondent aux barrières empêchant les enfants atteints de mucoviscidose et leurs familles de se conformer aux exigences alimentaires. Une des principales stratégies employées par les parents d enfants atteints de mucoviscidose pour encourager la prise de nourriture est de garder leur enfant à table plus longtemps. Dans notre étude, nous avons découvert que les enfants atteints de mucoviscidose passent 6 minutes de plus à la table du dîner que les enfants non atteints de mucoviscidose, et de nombreux enfants dans notre étude passaient 30 à 45 minutes à table. En observant ce qui se passe au cours du dîner, nous avons découvert que tous les enfants mangent moins pendant la seconde partie du repas et adoptent davantage de comportements incompatibles avec la prise de nourriture, refusant par exemple de manger, ne respectant pas les demandes des parents de s alimenter, et même quittant la table. En examinant le comportement des parents, nous avons vu que pendant que les enfants perdent intérêt à s alimenter, dans la seconde moitié du repas, les parents augmentent leurs efforts pour inciter leur enfant à manger, en proposant des aliments, en lui commandant de manger, en l y invitant, voire en lui donnant à manger.
Ceci est vrai pour les parents d enfants atteints de mucoviscidose et les autres. Tandis que les enfants atteints de mucoviscidose et leurs parents avaient les mêmes comportements, ils se différenciaient des enfants non atteints de mucoviscidose et de leurs parents dans le nombre absolu de refus de manger des enfants et le nombre de tentatives de les faire manger des parents. Les enfants atteints de mucoviscidose et leurs parents adoptaient ces comportements presque deux fois plus. Ainsi, garder l enfant à table plus longtemps n est pas efficace et entraîne des repas plus stressants. Les méthodes généralement utilisées par les parents pour encourager leur enfant à manger (câlinerie, commandement, incitation et nourrissage) ne fonctionnent pas. Ces méthodes ne fonctionnent pour aucun parent, et ont généralement des ratés car elles donnent toutes davantage d attention à des comportements négatifs (incompatibles avec l alimentation) qu à des comportements positifs. Les enfants aiment avoir l attention des parents, même de manière négative. Une approche différente de votre enfant : Premièrement, en travaillant avec des enfants atteints de mucoviscidose, les parents et l équipe médicale doivent reconnaître que satisfaire les recommandations diététiques pour la mucoviscidose est une tâche difficile et exige que l enfant aille au-delà de la sensation habituelle de satiété (au moins initialement pour s habituer à ingérer davantage d énergie). Après tout, plusieurs études ont montré que les enfants atteints de mucoviscidose mangent autant que les autres enfants du même âge, juste sans le supplément requis selon les recommandations propres à la mucoviscidose. Deuxièmement, soulignez les avantages liés à l énergie supplémentaire pour l enfant pour en faire un partenaire pour satisfaire les recommandations alimentaires. Ces avantages comprennent l énergie que les enfants doivent dépenser pour jouer, courir, faire du sport, grandir, etc. Le gain de poids n est pas un avantage que les enfants identifient généralement et, en fait, de nombreuses filles atteintes de mucoviscidose expriment le souci de grossir. Aussi, il ne faut pas focaliser sur le gain de poids lorsque l on parle aux enfants de la prise d aliments supplémentaire. Troisièmement, il est recommandé que les repas ne durent pas plus de 20 minutes. Ceci est lié à une réponse biologique commune à tous les individus dans laquelle l estomac indique au cerveau qu il est rempli après 20 minutes d alimentation. C est pourquoi peu de prise de nourriture est susceptible d avoir lieu après 20 minutes. Quatrièmement, concentrez-vous à aider les enfants à ingérer autant d énergie que possible dans les 20 premières minutes en portant votre attention sur l alimentation et les comportements la favorisant (comme mettre de la nourriture sur la fourchette, prendre une bouchée après l autre, mastiquer rapidement, avaler rapidement, goûter des aliments, terminer son assiette) en faisant des compliments et des louanges. Comme les enfants atteints de mucoviscidose mangent autant que les autres enfants, il existe de nombreuses opportunités de les complimenter pour l alimentation. Soyez enthousiastes et spécifiques dans vos compliments : «Coralie, j aime comme tu as pris trois grosses bouchées de ton hamburger!» ; «Tom, bonne idée de charger ta fourchette pendant que tu mâches ce morceau.» Les compliments ont plusieurs fonctions : Ils enseignent à un enfant les comportements qui plaisent aux parents sans harcèlement ni instructions. Les enfants aiment avoir l attention des adultes et
adoptent tout comportement (positif ou négatif) amenant un adulte à s intéresser à lui. Lorsque l attention des parents suit le comportement d un enfant, ce comportement se produit plus souvent. Aussi, en louant de bons comportements alimentaires, les parents prêtent attention à ces comportements, qui se développeront. Les compliments intensifient également la confiance de l enfant qu il peut adopter un comportement souhaité car les parents sont concentrés sur ce qu il fait, et non ce qu il ne fait pas. Enfin, les compliments augmentent la force de la relation parent-enfant étant donné l accent mis sur le positif. Cinquièmement, ignorez ou ne prêtez pas attention aux comportements interférant avec l alimentation, comme traînailler, mâchonner, bavarder, se plaindre de la nourriture et de ne pas avoir faim. Si l attention récompense un comportement et entraîne sa répétition, alors même les réprimandes, les commandements et les câlineries constituent une attention et peuvent entraîner la répétition des comportements mêmes que les parents souhaitent faire disparaître. Soyez donc sélectif quant à l objet de votre attention et ne la donnez pas quand l enfant ne mange pas. L astuce consiste à complimenter l enfant dès qu il commence à manger ou même prend sa fourchette. Si les parents prêtent attention à tout ou ignorent tout, l enfant n est pas en mesure de comprendre le comportement que le parent aime et fera tout dans la même proportion. Offrez des récompenses en cas de satisfaction des objectifs énergétiques, que cet objectif soit une valeur calorique donnée ou des quantités de nourriture spécifiques lors d un repas. Le meilleur moyen d opérer est par contrat. Par exemple, le parent et l enfant définissent des comportement ou objectifs énergétiques spécifiques que l enfant doit s efforcer d atteindre durant chaque repas et au cours de la journée, ainsi que les récompenses correspondantes que l enfant peut obtenir s il atteint ces objectifs. Noter ces objectifs et récompenses dans un contrat, ainsi qu identifier avec l enfant les avantages du supplément d énergie, font des parents et de l enfant des partenaires visant le même objectif. Les récompenses ne sont PAS des tentatives de corruption, mais le résultat d une tâche bien accomplie. Vous pouvez récompenser un enfant en lui permettant de gagner du temps seul à seul avec un parent pour faire une activité qu ils ne font généralement pas ensemble de manière régulière, par exemple, jouer à un jeu de société, aux cartes ou au ballon. L étude montre que toutes ces activités sont très appréciées des enfants. Les activités dans lesquelles l enfant préfère se lancer, comme les jeux vidéo ou sur ordinateur, constituent également de bonnes récompenses. Si on utilise leurs activités préférées comme récompenses, les enfants peuvent apprendre que prendre soin d eux et satisfaire les objectifs de traitement amènent de bonnes choses. Ceci est en opposition avec la manière dont fonctionne généralement le traitement, prenant plutôt du temps sur les activités préférées. En disant «Si tu manges tout ton poulet et tes pommes de terre et que tu bois ton lait, tu pourras jouer 15 minutes à ta console ce soir», nous enseignons aux enfants qu un apport énergétique supplémentaire amène des choses positives. Une approche alimentaire différente
Les parents ayant participé à nos études d intervention nous ont raconté de manière anecdotique qu il est toujours mieux que rien que leur enfant prenne «une bouchée de plus», et que lors des repas ils essaient toujours de faire manger davantage leur enfant atteint de mucoviscidose. L absence de point d arrêt clair dans le repas lance parents et enfants dans une bataille, les parents se sentant toujours obligés de demander à l enfant de manger un peu plus. Des parents nous ont dit qu ils savent uniquement que leur enfant a terminé son repas quand ce dernier ne veut plus manger ne serait-ce qu une bouchée de plus. Une méthode comportementale permettant de diminuer les conflits au moment des repas consiste à identifier des objectifs énergétiques clairs. Ceci peut s effectuer 1) en calculant les calories en pesant et en mesurant la nourriture ou 2) en servant à l enfant des portions de nourriture dont vous savez qu il les mangera, et en définissant ce que l enfant doit manger pour remporter la récompense spécifiée avant le repas. o La définition d un objectif énergétique cible par repas et par jour donne aux parents un point d arrêt. Cela donne également aux parents la confirmation immédiate que leur enfant a assez mangé, donnant aux parents et aux enfants un sentiment d accomplissement plutôt que d incertitude et d échec à la fin du repas. Si un enfant doit manger davantage pour respecter les recommandations alimentaires liées à la mucoviscidose, augmentez graduellement leur apport énergétique en visant un seul repas à la fois. L augmentation des objectifs énergétiques au cours d un repas à la fois permet aux enfants de s adapter à l apport énergétique accru sans être submergés. Cela permet également aux parents d apporter des modifications dans leur planning de repas pour intégrer les aliments hautement énergétiques dont les enfants atteints de mucoviscidose ont besoin. Travaillez à augmenter la teneur énergétique d un repas pendant 1 à 2 semaines avant de passer au second repas. Un apport supplémentaire de 150 calories seulement par repas peut permettre à la longue d atteindre les recommandations alimentaires. Lors de l augmentation de l apport énergétique, il est conseillé de commencer par une occasion souvent ignorée et où les parents peuvent servir de la nourriture nécessitant très peu de préparation : la collation. Servez 2 à 3 collations par jour et utilisez des aliments à haute teneur énergétique. La collation est une excellente opportunité d apporter les graisses supplémentaires dont ont besoin les enfants atteints de mucoviscidose pour leur santé. C est le moment idéal pour proposer une barre de friandise ou un paquet de chips. Comme il existe plusieurs opportunités de collation dans la journée, l apport total d énergie provenant des collations peut être augmenté davantage qu aux repas. Des anecdotes familiales indiquent qu une autre stratégie permettant de satisfaire les recommandations alimentaires liées à la mucoviscidose consiste à servir de grosses portions, ou davantage de nourriture, dans l espoir que l enfant mange davantage. Au lieu de servir plus de nourriture, servez des aliments de densité énergétique la plus élevée dans la plus petite quantité. Ajoutez des graisses sous forme de beurre et de crème fraîche pour augmenter la densité énergétique de tous les aliments. Servez toujours du lait entier et ajoutez du sirop de fraise ou du chocolat. Les parents d enfants atteints de mucoviscidose indiquent souvent qu ils reçoivent des conseils contradictoires concernant les aliments à servir suite aux campagnes nationales concernant une nourriture moins grasse. Il est important qu ils obtiennent le soutien de leur équipe de soin afin de servir des aliments à haute teneur en graisses avec la réassurance que les graisses sont bonnes
pour les enfants atteints de mucoviscidose. Il est difficile de faire manger un enfant audelà de la satiété, de sorte que nous ne voulons pas les remplir d aliments à basse teneur en énergie et devoir doubler la quantité de nourriture. Il est bien plus simple d utiliser les stratégies comportementales décrites ci-dessus pour encourager la prise d une plus petite quantité d aliments hautement énergétiques. En résumé, l approche comportementale permettant d atteindre les recommandations alimentaires liées à la mucoviscidose comprend les directives suivantes : 1. Définissez des objectifs énergétiques qui augmentent graduellement l apport énergétique type de l enfant d un repas à la fois pendant une période d une à deux semaines. Conservez les objectifs énergétiques des autres repas au niveau habituel de l enfant. Notez que les calories des collations sont les plus faciles à viser en premier lieu lorsque les enfants ne mangent généralement pas les aliments à haute teneur énergétique ou prennent 2 à 3 collations par jour. 2. Incluez l enfant dans la définition des objectifs et élaborez un contrat spécifiant les récompenses convenues pour atteinte des objectifs énergétiques. En discutant de ces objectifs, soulignez les activités pour lesquelles l enfant a besoin d énergie comme les jeux, le sport, etc. 3. Utilisez des compliments sur les comportements alimentaires et compatibles pour enseigner à l enfant ce qui va dans le sens des objectifs à atteindre. Evitez tout harcèlement, câlinerie ou autre forme d attention prêtée aux comportements interférant avec l alimentation, comme traînailler, bavarder ou se plaindre de la nourriture servie. 4. Servez toujours les aliments les plus énergétiques dans le volume le plus faible de nourriture pour garantir que l enfant peut satisfaire les objectifs. 5. Si l enfant atteint l objectif énergétique pour le repas, félicitez-le et offrez la récompense convenue. S il échoue, dites-lui simplement qu il peut essayer à nouveau au repas suivant et poursuivez vos activités de manière habituelle. 1. Crist, W., P. McDonnell, et al. (1994). Behavior at mealtimes and the young child with cystic fibrosis. Journal of Developmental and Behavioral Pediatrics 15: 157-161. 2. Stark, L. J., A. M. Bowen, et al. (1990). A behavioral approach to increasing calorie consumption in children with cystic fibrosis. Journal of Pediatric Psychology 15: 309-326. Translated by: Catherine Warin E-mail: catherine.warin@nordnet.fr