Réponse du CRDP à la consultation du CNoCP sur son projet de cadre conceptuel



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Transcription:

Réponse du CRDP à la consultation du CNoCP sur son projet de cadre conceptuel Le centre de recherche en droit public de Nanterre regroupe des enseignants chercheurs en droit public. C est donc à travers ce prisme que nous répondons à la consultation sur le cadre conceptuel comptable public. Nous avons choisi de réagir au fil de l eau à la lecture du cadre et reprenons donc son plan en situant au maximum nos remarques dans le document. Chapitre 1 : Rôle et portée du cadre conceptuel Le rôle et la portée du cadre conceptuel présentent une ambiguïté. D une part, au 14, il est énoncé «le cadre conceptuel n a pas de force normative et n énonce pas de règles comptables». D autre part, au 15, le cadre conceptuel est érigé comme un instrument permettant de «faciliter l interprétation des normes». D un point de vue juridique, l interprétation d une norme relève d une forme de pouvoir normatif «dérivé», nous relevons donc ici une forme de contradiction à affirmer que le cadre n a pas de force normative alors qu il en facilite l interprétation. Pour surmonter ce hiatus, il serait possible de considérer que le cadre conceptuel ne constitue pas en soi une norme comptable, sans être, pour autant, dépourvu de normativité dans la mesure où le producteur des comptes peut s y référer afin de palier certaines lacunes des normes comptables. Chapitre 3 : Spécificité de l action publique Nous avons noté le rôle central de la notion de souveraineté dans la définition de la spécificité de l action de l État. 1

B : La souveraineté, principale source des spécificités de l action des administrations publiques Utilisée dans la construction juridique et politique de l État, la souveraineté présente indéniablement un intérêt pour souligner la spécificité de son action, quoique cette notion ne constitue pas la seule voie possible. La doctrine juridique se réfère, par exemple, aux notions d autorité publique, de service public, d intérêt général ou de puissance publique. Si tant est qu on puisse se référer à la notion de souveraineté, il convient toutefois de préciser ses différentes significations. C : Distinction entre les objectifs du souverain et l action des administrations publiques La tâche est d autant plus délicate que la souveraineté joue, dans le cadre conceptuel, deux rôles qui peuvent sembler contradictoires. La souveraineté est le fondement de la spécificité de l action de l État et elle trace la frontière d un pan de l action de l État qui sort du champ de la comptabilité publique. En particulier, le cadre conceptuel s appuie sur l idée de souveraineté pour distinguer, au 46, le souverain des administrations publiques. La frontière tracée par le cadre conceptuel peut s avérer ténue. Certaines compétences attribuées à des administrations publiques peuvent être considérées comme la manifestation de la souveraineté. De plus et en dépit de son intérêt, le recours à la notion de souveraineté s avère ambiguë en raison de sa polysémie. Il est possible de recenser au moins trois significations différentes de l usage du terme souveraineté dans le cadre conceptuel. - Un sens «matériel» qui renvoie à certains attributs de l État. - Un sens «formel» qui touche à la qualité de l État. - Un autre sens qui définit certains organes au sein de l État. Une telle polysémie ne peut qu affaiblir l utilité d un recours à la souveraineté. Partant de ces différents constats, nous suggérons de substituer «pouvoir public» ou «pouvoir politique» à souverain. L opposition du 46 deviendrait Pouvoir public/ administration publique ou Pouvoir politique / administration 2

publique. L idée est bien que la comptabilité n est pas une comptabilité des «pouvoirs» des institutions, mais bien une comptabilité des «actes» des administrations. Cette distinction, déclinée dans le reste du document, nous semble concourir à sa lisibilité. D : Principales conséquences comptables de l identification de la souveraineté comme source des spécificités de l action publique Une des difficultés pour la comptabilité publique est de saisir quelles sont les obligations juridiques qui peuvent se traduire par un engagement comptable. La référence à la souveraineté peut également créer des difficultés. La souveraineté implique que certaines entités publiques puissent modifier le régime juridique et donc de modifier les obligations qui pèsent sur elle. Toujours, dans la même optique, nous proposons de distinguer les droits (ou obligations) potentiels des droits (ou obligations) effectifs (ou concrétisés). Seuls ces derniers génèrent, à notre sens, un engagement comptable devant être inscrit au bilan de l État. Le droit potentiel est inscrit dans une norme générale, législative ou réglementaire, il est fondateur d une exigence d un administré à l égard de l administration. Le droit effectif est un droit réalisé ou en cours de réalisation et il est précisé quant à son contenu par un acte juridique spécifique, contractuel ou unilatéral. En outre et à titre subsidiaire, est précisé au 61 : «leur périmètre et leur portée peuvent varier en fonction de décisions qui ne sont pas sous le contrôle de ces entités». Nous proposons plutôt la rédaction suivante : «Leur périmètre et leur portée peuvent varier en fonction de décisions qui ne dépendent pas de ces entités». Il s agit d éviter l emploi du terme «contrôle» dont la signification est très forte en comptabilité. 3

Chapitre 5 : Caractéristiques qualitatives des états financiers A : Principes généraux L énoncé des trois principes généraux, sincérité, régularité, image fidèle, n appelle en soi aucune remarque. Nous constatons cependant une confusion fréquente entre les champs budgétaire et comptable. Cette confusion provient d une utilisation des mêmes termes dans des sens qui évoluent dans le temps et qui ne sont pas forcément les mêmes selon qu ils sont appréhendés par un «comptable» ou par un «budgétaire». Les normes juridiques n apportent malheureusement pas de lumière sur ces questions puisque leurs rédacteurs sont soit des techniciens qui maîtrisent cette subtilité, soit des non techniciens qui ne sont pas conscients de la polysémie! Les concepts d exercice ou de gestion en sont deux bonnes illustrations. Aussi, suggérons-nous de préciser que les principes généraux sont bien «comptables», en ce sens : - Sincérité comptable - Régularité comptable - Fidélité comptable Il s agit de bien distinguer : - Sincérité comptable et sincérité budgétaire. - Régularité comptable et régularité juridique. - Chapitre 6 : Éléments et comptabilisation A : Éléments 2 : Passif Au 121 et suivants, le cadre opère une distinction des éléments du passif selon «la nature de l obligation» en opposant l obligation «similaire ou assimilable à une obligation de l entreprise» et l obligation «spécifique de l action publique». La distinction nous paraît pertinente puisqu il est possible d envisager une obligation, issue d une norme générale, engendrant un engagement comptable. 4

Dans ce sens, nous suggérons cependant de substituer une autre distinction : - Obligation issue d une norme générale (voir «droit potentiel» du chapitre 5) - Obligation issue d une norme individuelle (voir «droit effectif» du chapitre 5). Dès lors, la distinction reposerait en fait sur l exigibilité de l obligation (sa maturité, son opposabilité) et convergerait avec les développements des 126 à 128. 5 : Produits charges et résultat 143 : «Les administrations publiques, et principalement l État, disposent de produits spécifiques». Nous proposons d ajouter de produits non spécifiques et, de sorte que la rédaction deviendrait : «Les administrations publiques, et principalement l État, disposent de produits non spécifiques et de produits spécifiques». 145 : Le paragraphe évoque des «charges d intervention» dans un contexte qui nous semble différent de celui employé couramment. (Cf. Compte général de l État). Voir aussi sur ce point le 157. B : Comptabilisation 148 : Le texte utilise ici le terme «élément» dans un sens qui ne semble pas correspondre à la définition proposée de l élément au 108 «grandes catégories structurant le bilan». Nanterre Paris Le 1 er juin 2015 A. Camus S. Kott V. Mazzocchi L. Zevounou 5