LA BASE DE LA NAVIGATION SUR LA CARTE La navigation consiste, dans sa forme la plus générale, à aller sur l'eau avec un bateau d'un point à un autre du monde en connaissant constamment sa position. La première condition à réaliser est de savoir d'où l'on part, où l'on désire arriver et par quel chemin. Le trajet envisagé pouvant être n'importe où sur le globe, il nous faut obtenir des informations que seule une carte peut nous donner. Sur celle-ci nous verrons où nous sommes, où nous voulons aller et quelle est la route à suivre en fonction des dangers : c'est la base de la navigation. Le reste, qui n'est pas moins important, la conduite et la maintenance du bateau, le temps qu'il fera, la reconnaissance des dangers, l'équipage, et même la cuisine, viendra après. Considérons donc un bateau, voile ou moteur, et son équipement de navigation fondamental : carte, compas, loch et sondeur. Avec cela on peut faire le tour du monde et les Bretons qui allaient pêcher sur les bancs de Terre-Neuve avaient à peine cela! Fig. 1 Les caps et les routes Le compas grâce à son aiguille aimantée indique la direction du Nord. Mais quel Nord? Le compas montre l'orientation des lignes de force du champs magnétique terrestre, mais celui-ci est quelques fois perturbé par les masses magnétiques du bateau, une coque en acier, un moteur, les ancres et chaînes, des conduites électriques, etc. Le compas indique alors la direction du Nord compas (Nc) et ce n'est qu'à une certaine distance du bateau que cette perturbation disparaît (voir Fig. 1) et que le compas indiquerait la direction du pôle Nord magnétique (Nm). La différence angulaire exprimée en degrés entre ces deux nord est la déviation du compas (d). Cette erreur de déviation varie avec l'orientation du
2 / La base de la navigation bateau et il faut une table ou une courbe de déviation propre au bateau et au compas pour la connaître. La déviation est en général faible lorsque le bateau se dirige vers le Nord ou vers le Sud, et plus importante lorsqu'il se dirige ers l'est ou l'ouest. Notons que sur nos bateaux modernes en fibre de verre, aluminium, avec un compas bien placé, la déviation est souvent faible et peut être négligée. Mais il y a des bateaux en fer sur lesquels la déviation peut être importante. Les diverses masses magnétiques du bateau peuvent être remplacées théoriquement par une masse unique qui se trouve généralement dans l axe longitudinal et en avant du compas. Lorsque l axe du bateau est parallèle au nord magnétique cette masse fera peu dévier l aiguille du compas. Son influence sera plus forte lorsque le bateau se dirigera vers l Est ou l Ouest (Voir Fig. 2). Fig. 2 Influence du cap sur la déviation du compas La direction du pôle Nord magnétique (Nm) n'est pas toujours la direction du pôle Nord vrai (Nv) car le pôle Nord magnétique ne se trouve pas au même endroit que le pôle Nord vrai. La différence angulaire entre ces deux Nord est la Déclinaison Magnétique (D) qui varie avec le lieu et la date, et figure sur la carte où elle est exprimée en degrés. En ajoutant la déclinaison magnétique (D) au Nord magnétique (Nm) on obtient le Nord vrai (Nv). L'orientation de l'axe longitudinal du bateau par rapport à un de ces Nord s'appelle le Cap. Nous avons donc le cap indiqué par le compas, Cap compas (Cc), le cap par rapport au Nord magnétique Cap Magnétique (Cm), et finalement l'orientation du bateau par rapport au Nord vrai, le méridien de la carte, le Cap vrai (Cv). Dans le croquis (voir Fig. 1) la déviation (d) qui est dessinée sur la gauche du Nord magnétique et la déclinaison (D) qui est dessinée sur la gauche du Nord vrai ont un signe négatif, car selon une convention, tout ce qui va sur la gauche a le signe négatif. Ainsi sur le croquis la dérive due au vent (der) a le signe positif puisque ce bateau dérive sur tribord. En revanche le courant (ct), un vecteur, peut être ajouté (estime) ou soustrait (prévision). Remarquez que ces relations s'appliquent aussi aux relèvements, c'est à dire des visées allant du bateau vers un amer, qui peuvent avoir pour origine, le Nord compas si le relèvement (Zc) est fait avec le compas de route, le Nord magnétique si l'on emploie un compas de relèvement à main qui donne directement un relèvement magnétique (Zm). La déviation d'un compas de relèvement à main que
l'on emploie n'importe où sur le bateau ne peut donc pas être connue d'une façon absolue et l'on s'accorde pour dire qu'il indique le Nord magnétique car il est utilisé sur le pont, loin de l'influence des masses magnétiques du bord. Précisons encore que la déviation est attachée à un compas particulier, placé à un certain endroit.. Le relèvement vrai (Zv) compté à partir du Nord vrai est le seul que nous pouvons tracer sur la carte. En France et dans les pays anglo-saxons on utilise fréquemment la variation (W) qui est la somme de la déviation du compas et de la Déclinaison magnétique. W = d + D Il n'y a aucun avantage à utiliser cette simplification illusoire qui ne peut que conduire à des erreurs. La déviation change avec le cap, la déclinaison avec le lieu. Ce n'est que si le bateau a un compas sans déviation et que la navigation se cantonne dans un territoire restreint que l'emploi de la variation peut se justifier. Mais alors pourquoi ne pas dire que la déviation est nulle et que la Déclinaison est celle donnée par la carte? Le gisement (G) qui est une direction comptée à partir de l'avant du bateau dans le sens des aiguilles de la montre devient un relèvement lorsqu'on lui ajoute un cap. Le radar par exemple donne un gisement (G) que l'on transforme en relèvement vrai (Zv) en ajoutant le Cap vrai (Cv). Si le bateau avance, poussé par son moteur ou le vent, il suivra une route dans le prolongement de son Cap vrai (Cv). Mais s'il y a du vent et que le bateau marche à voile, le vent s'il n'est pas de l'arrière, exercera une poussée latérale sur les voiles et les superstructures qui déviera la trajectoire du bateau. Celui-ci tout en restant orienté selon le Cap vrai (Cv), va déraper sur l'eau et suivre sur l'eau, une route en crabe, la Route en surface (Rs). La différence angulaire entre le Cap vrai (Cv) et la Route en surface (Rs) est la dérive (der), exprimée en degrés. C'est sur la Route surface (Rs) que le loch enregistre les Milles parcourus et la bosse de l'annexe que nous traînons est dirigée dans la direction de la Route surface (Rs). La dérive due au vent devrait logiquement être traitée comme un vecteur car c'est un déplacement qui a une intensité et une direction. Elle est en général faible et toujours dirigée soit sur le travers de tribord ou de bâbord, ce qui justifie qu'on la traite comme une correction angulaire ce qui simplifie le calcul. La valeur (der) varie avec l'allure du bateau. Elle est élevée au près serré et pratiquement nulle à partir du grand largue jusqu'au vent arrière et dépend aussi des qualités du bateau. Un honnête bateau de croisière par vent de force 5 et la mer correspondante a rarement moins de 10 de dérive au près serré. C'est donc une valeur qui n'est généralement pas donnée par un instrument mais estimée par le navigateur, grâce à son expérience. Pouvons nous maintenant tracer la route parcourue sur la carte? Pas toujours, car la mer peut être animée par des courants de marée ou bien des courants généraux (ct). Toute l'eau se déplace alors, entraînant la route surface que nous suivons. Pour connaître la Route sur le fond (Rf) nous devons tenir compte du déplacement du plan d'eau dû au courant qui a une direction par rapport au Nord vrai et une intensité exprimée en nœuds. La valeur du courant est donnée par le cartouche des courants de la carte, par les Instructions Nautiques ou par un Atlas de courants. Les navigateurs Anglo-Saxons font les calculs de Dead Reckoning sans passer par une route surface (Rs). Ils ajoutent au Cap vrai (Cv) un déplacement global sous forme d'un vecteur comprennent le courant et la dérive due au vent. La
4 / La base de la navigation détermination de ce leeway est confuse et relève du flair. Nous préférons notre méthode cartésienne. Affin de mieux comprendre ce qui se passe, supposons que nous puissions arrêter l'effet du courant pendant 59 minutes 59 secondes. Nous nous déplacerions alors sur la route surface (Rs) où le loch enregistre les Milles parcourus. A la fin de cette période il reste 1 seconde pendant laquelle nous laissons au courant faire tout son travail, ce qui nous amène à l'extrémité de la Route sur le fond (Rf). Il s'agit là évidemment d'une image, nous n'aurions pas fait ce curieux trajet en dent de scie, nous serions restés sur la Route fond (Rf), nous avons fait une addition vectorielle (voir Fig. 3). Nous avons ajouté, donc signe vrai, le vecteur courant (Ct) au vecteur Route surface (Rs). La route fond peut être vue comme la trace que laisserait une ancre traînée sur le fond ou les cailloux du Petit Poucet Fig. 3 De la Route surface à la Route fond Ce cheminement, naviguer à un certain Cap compas (Cc) en subissant une déviation du compas (d), une Déclinaison magnétique (D), une dérive due au vent (der) et un courant (ct) pour trouver la Route fond (Rf) parcourue s'appelle ESTIME dans le jargon des marins, et la position finale est la position estimée (Pe).. Toutefois, avant de faire l'estime il faudrait savoir où aller! à partir de la Route fond désirée, chercher le Cap compas à tenir pour la suivre. Cette opération est une PRÉVISION que l'on nomme aussi FAIRE VALOIR LA ROUTE. Partant de l origine de la Route fond tracée sur la carte, nous nous octroyons de nouveau des pouvoirs spéciaux : nous pouvons faire faire le travail du courant en 1 seconde. Arrivés là il nous reste 59 minutes 59 secondes pour rejoindre la Route fond, mais il faut prévoir à quelle vitesse, c'est à dire la longueur de la route en surface, que nous espérons réaliser. Depuis l'extrémité du courant, avec la longueur de la Route surface prévue (Rs) entre les pointes du compas à pointes sèches, nous rejoignons la Route fond (Rf) (voir Fig. 4) pour obtenir l'orientation de la Route surface. Nous avons soustrait, signe inverse, le vecteur courant (Ct) au vecteur Route fond à faire (Rf). Fig. 4 Faire valoir la route
Il suffit maintenant de tenir compte de la dérive vent (der) pour trouver la Cap vrai (Cv), de la Déclinaison magnétique (D) pour obtenir la Cap magnétique (Cm), puis de la déviation du compas (d) pour avoir le Cap compas (Cc) à barrer. Comment cela se passe-t-il avec des chiffres? Pour commencer il faut adopter quelques conventions : La rose du compas graduée de 0 à 360 dans le sens des aiguilles de la montre, comme la règle rapporteur, permet d évaluer l orientation des routes et des courants. Tout ce qui va vers la gauche sera négatif, tout ce qui va vers la droite sera positif Ainsi sur la Fig. 1 le Nord compas (Nc) est à gauche du Nord magnétique (Nm), la déviation du compas (d) est négative. Le Nord magnétique (Nm) est dessiné à gauche du Nord vrai (Nv), la Déclinaison magnétique (D) est négative. La dérive due au vent (der) a lieu sur la droite, sur tribord, elle est positive. Le courant (Ct) a été ajouté à la route Surface (Rs). Lorsque l'on entretient l' ESTIME on ajoute tous les éléments, d, D, der, ct en conservant leur signe. On pose les chiffres l'un sous l'autre avec leur signe et l'on fait l'opération commandée par les signes. Lorsque l'on fait une PREVISION, c'est à dire FAIRE VALOIR LA ROUTE, on ajoute aussi tous les éléments ct, der, D, d mais en inversant leur signe. On pose de nouveau les chiffres l'un sous l'autre et l'on fait l'opération commandée par les signes. Certains préconisent de faire ces opérations sur une ligne ce qui favorise les erreurs de calcul. Essayez de multiplier en ligne deux nombres de deux chiffres, vous comprendrez! La facture du super-marché est toujours présentée en colonnes. Une estime se fait pour la durée réelle de la navigation, alors que la prévision se fait généralement pour une heure. Une comptine permet de se souvenir de ces règles : Du faux (le Cap compas Cc) vers le vrai (la Route fond Rf), signe vrai Du vrai (la route fond Rf) vers le faux (le Cap compas Cc) signe faux (signe inverse) Le schéma mnémotechnique suivant (voir Fig. 5) résume tous ces calculs et constitue la base de la navigation. Il contient tous les cas de calculs que l'on peut faire et demander à un examen. Il doit être gravé dans la mémoire du navigateur ou tout au moins figurer sur sa règle rapporteur. Vous pouvez obtenir des autocollants transparents des fig. 1 et 5 à coller sur votre règle rapporteur auprès de l'auteur : mzi-naval@ bluewin.ch Fig. 5 La base de la navigation
(Schéma mnémotechnique) 6 / La base de la navigation Cette représentation de la navigation, hautement symbolique, peut désorienter certaines personnes. On peut la remplacer par un schéma qui montre la marche à suivre des calculs (voir Fig. 6). Les lignes horizontales indiquent qu'il faut faire l'opération demandée par les signes, addition ou soustraction, sauf à la fin du calcul d'estime ou au début de calcul de prévision où il faut tracer sur la carte pour mesurer Rf ou Rs. Il en est de même pour la conversion des relèvements Zc et Zm en relèvements vrais Zv. On y trouve aussi les règles pour transformer les gisements en relèvements. Fig. 6 Marche à suivre des calculs Voici un exemple de calcul d'estime, il a été fait sur la carte SHOM 6966. Robert F. Menzi 2014 MZI Naval Design Av. du Devin-du-Village 10 1203 Genève Suisse mzi-naval@bluewin.ch 22 octobre 2015