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45-070 1 Greffes cutanées 2 3 4 5 6 7 8 9 10 M. Revol, J.-M. Servant Comme toute greffe, la greffe de peau nécessite un sous-sol correctement vascularisé pour pouvoir survivre. Seules les autogreffes de peau survivent. On distingue les greffes de peau mince et les greffes de peau totale, qui s opposent principalement par leur mode de prélèvement, par le siège et le mode de couverture de leur zone donneuse, par leur surface, leur rétraction, leur aspect et leur trophicité. Les peaux minces peuvent être utilisées en bandes pleines ou en filet. Quant aux greffes en pastilles et aux greffes composées, leurs indications sont très spécifiques. 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Greffe cutanée ; Peau ; Peau mince ; Peau totale ; Greffe composée ; Greffe en pastilles 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 Plan Introduction 1 Historique 1 Méthodes 2 Principes communs 2 Greffes de peau mince et demi-épaisse 2 Greffes de peau totale 4 Greffes en pastilles 5 Greffes composées 7 Indications 8 Principe de la greffe cutanée 8 Moment de la greffe 9 Type de greffe 9 Complications 11 Introduction Une «greffe» est un fragment de tissu qui est complètement séparé de son site donneur pour être fixé sur un site receveur destiné à le revasculariser. Contrairement au lambeau qui contient sa propre vascularisation, une greffe ne survit que si elle est revascularisée par les tissus qui la reçoivent. En outre, la très forte antigénicité de la peau ne permet spontanément de survivre qu aux autogreffes. Historique L histoire des greffes de peau débute à la fin du XIX e siècle en Europe [1, 2]. Reverdin (1842-1929) est le découvreur des greffes en pastilles (1869). Lawson (1831-1903) est le découvreur des premières greffes de peau totale (1870). Il avait noté que, pour que la greffe prenne, il faut qu elle soit débarrassée de sa graisse sous-cutanée, posée sur un bourgeon sain et fermement appliquée sur lui. Ollier (1830-1900) a pris le premier des greffes «dermoépidermiques» (1872). Il avait insisté sur la nécessité de greffer sur un tissu de granulation sain. Thiersch (1822-1895) avait découvert en 1874 que la revascularisation d une greffe par son sous-sol s observe dès la dixhuitième heure après sa mise en place. Il avait aussi observé que les couches profondes du derme prennent plus facilement que les couches superficielles, et il en avait conclu que le succès d une greffe dépendait non seulement des caractéristiques du lit receveur, mais encore de l épaisseur de la greffe elle-même. Comme Ollier, il suggéra donc d aviver d abord le sous-sol de la greffe, et il préconisa de prélever les greffes les plus minces et les plus uniformes possibles, avec un rasoir spécialement conçu pour cet usage. Wolfe (1824-1904) perfectionna la technique de la greffe de peau totale (GPT) en insistant sur la nécessité de la dégraisser. Krause (1856-1937) avait publié en 1893 le résultat de son expérience portant sur 100 greffes de peau totale, entièrement dégraissées et appliquées sans suture avec un pansement vaseliné maintenu en place pendant 3 ou 4 jours. Il n avait observé que quatre nécroses complètes dans sa série. Il remarquait aussi, que lorsqu elle était superficielle, une nécrose éventuelle pouvait s épidermiser grâce aux annexes du derme qui avaient survécu. Il disait qu une attelle était nécessaire aux membres. Il notait enfin qu une greffe pouvait prendre sur des lits receveurs aussi variés que le muscle, l aponévrose, le périoste, la dure-mère ou l os avivé au ciseau, qu il soit cortical ou spongieux. Brown et Barret-Brown sont les inventeurs de la greffe de peau demi-épaisse moderne. Ils publièrent en 1929 un article dans lequel ils décrivaient les avantages d une greffe cutanée ni trop mince ni trop épaisse, qu ils prélevaient avec un simple rasoir sans garde, sur une peau tendue par des plaques et un appareil aspirateur qu ils avaient inventés [3]. Lagrot (1900-1999) inventa en 1942 son dermatome. Il s agissait d un rasoir «rabot», qui devait être aiguisé à chaque utilisation. Dufourmentel modifia le rasoir de Lagrot en le dotant d une lame interchangeable et surtout d une garde avec un réglage d épaisseur. Lanz (1865-1935) est l inventeur de la greffe en filet (1908). Son invention fut mécanisée plus tard par Tanner et Vandeput (1964) dans un appareil à rouleaux dont nous connaissons aujourd hui plusieurs variantes [4, 5]. 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 1

45-070 Greffes cutanées 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 Méthodes Principes communs Depuis le XIX e siècle, on distingue les greffes selon le donneur : les «autogreffes» sont prélevées sur le patient lui-même, les «isogreffes» sont prélevées sur son jumeau homozygote (cas théorique), les «homogreffes» (ou «allogreffes») sont prélevées sur un autre être humain et les «hétérogreffes» (ou «xénogreffes») sont prélevées sur un animal. En raison de la très forte antigénicité de la peau, seules les «autogreffes» ne sont pas rejetées. Les homogreffes, dont la survie nécessiterait l emploi de médicaments immunosuppresseurs, ne sont pas employées. Toutefois, les homogreffes de cadavre, voire les hétérogreffes (peau de porc) conservent des indications chez les grands brûlés, où elles peuvent d ailleurs parfois survivre sans être rejetées, comme chez les sujets immunodéprimés. Pour assurer la survie d une greffe cutanée, la zone receveuse doit présenter certains caractères : être bien vascularisée ; toutes les zones susceptibles de bourgeonner spontanément conviennent pour recevoir une greffe cutanée, soit d emblée, soit après bourgeonnement initial de la perte de substance ; ne pas être hémorragique ; pour que la greffe soit revascularisée par son sous-sol, il faut assurer une hémostase parfaite de ce dernier ; au besoin, il faut attendre quelques jours entre l exérèse et la greffe ; ne pas être suintante ; pour cela, une corticothérapie locale doit être systématiquement appliquée sur les bourgeons charnus la veille de la greffe, et parfois même 2 jours avant ; la seule exception à cette règle concerne les ulcères de jambe ; ne pas présenter d infection ; il est habituellement admis que l «infection» microbienne correspond à une quantité supérieure à 100 000 germes (10 5 ) par gramme de tissu ; en pratique, ce n est pas une numération bactérienne qui guide le chirurgien, mais le seul aspect clinique de la zone receveuse, examinée quotidiennement, et l absence de rougeur périphérique et de fièvre ; être immobilisée autant que possible. Sa survie étant liée à sa revascularisation à partir de la profondeur, la greffe doit être parfaitement immobilisée et maintenue au contact de la zone receveuse, sans espace mort ni mouvements possibles de cisaillement. Dans la majorité des cas, un bourdonnet est indispensable pour cela, réalisé avec un tulle ou une interface grasse (éventuellement cortisonée pour les greffes très minces, les ulcères de jambe, les zones macérées telles que la main ou le périnée). Chaque fois que possible, il faut aussi placer des points de capiton sur toute la surface de la greffe, et une attelle plâtrée sur le membre receveur pour éviter les mouvements du sous-sol pendant 7 à 10 jours. Le bourdonnet est laissé en place pendant un temps variable, selon les cas, de 1 à 7 jours environ. Son ablation est impérative s il existe de la fièvre, une douleur, une mauvaise odeur ou une rougeur périphérique. Plus une greffe est mince, plus elle prend facilement, mais moins elle est esthétique (texture, couleur) et plus elle se rétracte ou, plus exactement, plus son sous-sol se rétracte. Une greffe n est jamais hypertrophique ou chéloïde, mais sa jonction avec la peau normale, ainsi que sa zone donneuse, peuvent l être. Chez les sujets à peau noire, une greffe de peau mince est parfois moins inesthétique qu une GPT, qui est toujours très noire. Une greffe est insensible au début. Lorsqu une réinnervation sensitive survient, elle est tardive (plusieurs mois) et de mauvaise qualité, et se fait par la périphérie. Les greffes cutanées sont classées suivant leur épaisseur histologique en : peau mince et demi-épaisse, peau totale et greffes en pastilles. Les greffes composées sont à mettre à part. Greffes de peau mince et demi-épaisse Principe Le principe des greffes de peau mince est de laisser intacte une couche profonde de derme suffisante pour contenir des enclaves épithéliales à partir desquelles survient une épidermisation insulaire (follicules pileux, glandes sébacées et sudoripares). La greffe ne doit donc pas être trop épaisse. Inversement, la greffe ne doit pas être trop mince non plus, car seuls se multiplient les kératinocytes situés au contact de la jonction dermoépidermique. Si le rasoir ne les prend pas, l épiderme greffé ne survit pas. Une greffe de peau «mince» doit donc au minimum passer par le niveau des crêtes ou papilles dermiques. Plus profondément, la terminologie fait insensiblement passer la greffe de «mince» à «demi-épaisse». Zone donneuse La zone donneuse de ces greffes cicatrise donc par épidermisation spontanée, à partir des crêtes de la basale laissées en place (peau mince) et/ou des annexes épidermiques conservées dans le derme (peau demi-épaisse). La durée de la cicatrisation de la zone donneuse et son risque d hypertrophie cicatricielle sont d autant plus grands que la greffe est épaisse. Les zones de prélèvement sont habituellement les membres (surtout cuisses et fesses), mais peuvent être aussi le thorax, l abdomen, le dos et le cuir chevelu. Cette dernière localisation est extrêmement intéressante, car non seulement elle est naturellement riche en enclaves épidermiques qui assurent une cicatrisation rapide et qui permettent des prélèvements itératifs, mais encore la zone donneuse est cachée par les cheveux lorsqu ils ont repoussé. Prélèvement Le prélèvement des greffes de peau mince est fait avec un rasoir ou un dermatome. Tous ont une lame interchangeable à usage unique. Parmi tous les modèles d instruments, les plus utilisés actuellement sont : le rasoir manuel de Lagrot-Dufourmentel (Fig. 1), robuste, simple et sûr, dont le maniement correct nécessite toutefois une solide expérience. Son réglage doit tenir compte de l épaisseur variable du derme d un sujet à l autre et, chez un même patient, d un endroit à l autre. À cet égard, l épaisseur de la greffe doit être contrôlée non pas sur la mollette du rasoir, beaucoup trop imprécise, mais sur la qualité du saignement de la zone donneuse. Un piqueté hémorragique très fin correspond à une greffe mince, un piqueté plus gros à une greffe demi-épaisse. Il ne faut évidemment pas voir de lobules graisseux, qui témoigneraient d une prise totale du derme ; les dermatomes électriques ou pneumatiques, qui permettent de prélever pratiquement sans entraînement de grandes bandes de peau assez étroites, à bords rectilignes (Fig. 2). On peut régler à la fois la largeur du prélèvement, et son épaisseur d une façon plus fiable et reproductible qu avec les rasoirs à main. En moyenne, l épaisseur du réglage pour une peau mince est voisine de 12/100 e de pouces, soit 2 à 3/10 e de millimètres. Quel que soit l instrument utilisé pour prélever la greffe, la zone donneuse doit être tendue aussi parfaitement que possible et, au besoin, largement infiltrée au sérum physiologique éventuellement adrénaliné (Fig. 3). Cela est particulièrement nécessaire dans les zones convexes (scalp, tronc). Pansement de la zone donneuse Les buts sont de ne pas empêcher l épidermisation spontanée, qui survient quoi qu il arrive, et d éviter de refaire le pansement trop souvent, surtout les premiers jours. La plaie est en effet très douloureuse puisque les terminaisons nerveuses du derme à vif sont exposées à l air. Beaucoup de méthodes ont été proposées. Nous préférons celles qui ne touchent pas au pansement pendant la durée de l épidermisation, variable de 10 à 21 jours selon la profondeur de la greffe (Fig. 4). Quel que soit le pansement, la vraie difficulté est de le laisser en place pendant 1 à 2 semaines sans y toucher en l absence d infection. Comme pour les brûlures, une éventuelle infection de la zone donneuse peut faire prescrire de la Flammazine. 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 2

Greffes cutanées 45-070 Figure 1. Dermatome de Lagrot-Dufourmentel. Démonté (A, B) et monté avec sa lame à usage unique (C). 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241 242 Indications Une greffe de peau mince peut être utilisée de plusieurs manières (Fig. 5) : soit en bandes continues, au besoin suturées entre elles pour couvrir de grandes surfaces. Des perforations peuvent être pratiquées dans ces bandes pour drainer les sérosités et éviter le décollement de la greffe, en sachant qu elles laissent des cicatrices inesthétiques (Fig. 6). La greffe peut déborder les limites de la zone receveuse sans inconvénient cicatriciel (Fig. 7). Après l ablation du bourdonnet, lorsque la greffe est bien prise, un certain degré de séchage est utile : une greffe de peau mince peut être exposée à l air quelques heures par jour avant d être recouverte par un pansement gras. Lorsqu une greffe est décollée par un sérome (exsudat séreux non hémorragique), elle est nourrie par imbibition et peut prendre après évacuation de l épanchement en associant de larges perforations de la greffe pour drainer au maximum les Figure 2. Dermatome mécanique. La pièce à main est reliée par un câble à un moteur (A, B). Elle permet de prélever de très longues bandes rectilignes (C). sérosités, alors qu une greffe décollée par un hématome souffre et risque de nécroser, d autant plus que l évacuation de cet hématome a été tardive ; soit en filet (mesh-graft), pour multiplier la surface de greffe prélevée par un facteur variable de 1,5 à six (le plus souvent trois) (Fig. 8). L épidermisation des espaces situés entre les mailles du filet se fait secondairement à partir de ces dernières (Fig. 9). Cette méthode efficace mais inesthétique n est à utiliser que sur les zones receveuses de très grande surface et/ou très suintantes (brûlures, grandes mises à plat). Une greffe en filet est fixée par quelques points périphériques ou par des agrafes, et quelques points de capiton, et couverte par 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 3

45-070 Greffes cutanées Pansement d une greffe de peau mince 259 Pendant les premiers jours, le but du pansement est de maintenir la greffe contre sa zone receveuse, qui doit être immobilisée aussi bien que possible. Dans ce but, une attelle plâtrée est très efficace aux membres. Après ablation du bourdonnet, les pansements de la greffe sont quotidiens et reposent sur les tulles et interfaces au contact de la greffe, recouverts par des compresses dépliées pour capitonner et protéger l ensemble. Contrairement à une GPT, les greffes de peau mince ou demiépaisses peuvent être exposées à l air libre pendant quelques heures par jour pour faciliter leur prise lorsqu elle n est pas parfaite d emblée. 260 261 262 263 264 265 266 267 268 269 270 Greffes de peau totale 271 Les GPT emportent toute l épaisseur de la peau, épiderme et derme avec ses annexes pilosébacées. 272 273 Zone donneuse 274 255 256 257 258 Figure 3. La peau de la zone donneuse doit être parfaitement tendue lors du prélèvement d une greffe de peau mince au dermatome. un pansement gras cortisoné. Plus le suintement et/ou le risque infectieux sont importants, plus le premier pansement doit être précoce, et plus la greffe doit être laissée à l air dans la journée. Incapable d épidermisation à partir de son sous-sol, elle doit être suturée. Les zones de prélèvement possibles sont, pour une greffe du visage, situées le plus près possible de la zone receveuse : sur les paupières supérieures, devant et derrière les oreilles, et à la base du cou au-dessus de la clavicule. Sauf lorsque la surface à greffer est très grande, les autres zones de prélèvement ne sont pas utilisées pour le visage (très dyschromiques) : régions inguinale et sus-pubienne, face interne du bras, pli du coude, pli du poignet. La plus grande surface de 275 276 277 278 279 280 281 282 283 Figure 4. Pansement de la zone donneuse. A. L hémostase de la zone donneuse est obtenue par une compresse imbibée de sérum adrénaliné, qui est laissée en place pendant le temps de la suture de la greffe sur sa zone receveuse. B. Un pansement primaire occlusif la recouvre pour éviter le contact de l air, très douloureux. C. Un pansement secondaire maintient solidement l ensemble pendant 10 jours. D. La zone donneuse est épidermisée entre le dixième et le vingtième jour postopératoires. 4

Greffes cutanées 45-070 Figure 5. Différents types de greffes. A. Une greffe mince continue est cousue sur la perte de substance. Le bord de la greffe déborde les limites de la perte de substance. Certains fils sont laissés longs pour réaliser un bourdonnet. B. Parfois plusieurs feuilles de greffe sont cousues entre elles pour recouvrir une vaste perte de substance. C. Lorsque la greffe est mise en place après granulation, quelques perforations sont pratiquées dans la greffe pour drainer les sérosités. Ce geste est réalisé quand les impératifs esthétiques sont secondaires. D. Une greffe en filet (mesh-graft) est mise en place lorsque la perte de substance à recouvrir est très vaste, pour limiter la surface de la zone donneuse. Elle est également indiquée pour recouvrir une surface suintante voire hémorragique, car les mailles du filet permettent un très bon drainage. E. Une greffe de peau totale est cousue soigneusement bord à bord à la perte de substance. Des points de capiton sont utilisés pour mieux immobiliser et appliquer la greffe sur la perte de substance. Lorsqu elle est mise en place sur la face, pour des raisons esthétiques elle n est pas perforée. L hémostase de la perte de substance doit être extrêmement rigoureuse. F. Les greffes de Davis ou de Reverdin sont simplement posées sur la perte de substance, immobilisées par une simple compresse collée en périphérie et recouvertes d un pansement humide renouvelé quotidiennement. G. Les greffes en bandes de Trueta sont des bandes de peau mince ou demi-épaisse appliquées sur la perte de substance. H. Les greffes en «timbre-poste» (Gabarro) sont des rectangles de peau mince ou demi-épaisse régulièrement répartis sur la perte de substance. Les deux dernières techniques de greffes plurifragmentaires ne sont plus guère employées. I. Pour traiter les très grands brûlés, de petits fragments d autogreffe sont régulièrement répartis sur la perte de substance recouverte et au milieu d homogreffe perforée. Les autogreffes vont croître alors que l homogreffe va être rejetée. Cette opération peut être renouvelée. Figure 6. Une greffe de peau mince peut être perforée pour permettre le drainage des sérosités lorsqu il en existe. (Fig. 10). En réalité, c est la partie profonde du derme qui est retirée sous le terme de «dégraissage». En règle générale, une GPT est mise en place immédiatement après une excision chirurgicale, sans attendre de bourgeonnement (Fig. 11). L existence de réseaux vasculaires dermiques dans la greffe explique qu une GPT peut prendre en «pont» au-dessus d une zone avasculaire si elle n excède pas 1 cm 2. Une GPT doit être suturée bord à bord à la zone receveuse pour éviter une cicatrice en marche d escalier. Après l ablation du bourdonnet, lorsque la greffe est bien prise, il faut absolument éviter sa dessiccation à l air par des pansements gras renouvelés quotidiennement. Même lorsque la greffe n est pas parfaite, il ne faut pas se précipiter pour l exciser, et poursuivre longtemps les pansements gras. Contrairement à une greffe de peau mince, une GPT contient des annexes épidermiques (poils, glandes sudoripares). Elle peut se resensibiliser par repousse nerveuse à partir de la périphérie et du lit receveur, et ne se rétracte presque pas. Greffes en pastilles 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 284 285 286 287 288 289 peau totale prélevable est celle d une plastie abdominale. L expansion préalable de la zone donneuse peut être utile dans certains cas (enfant, séquelles de brûlure). Le prélèvement d une GPT est fait au bistouri. La face profonde du derme doit être parfaitement dégraissée (petits ciseaux pointus fins), surtout lorsque le derme est épais Chaque pastille, de petite surface, est d épaisseur variable, plus importante au centre qu en périphérie. La zone donneuse de chaque pastille peut s épidermiser spontanément à partir de ses berges. Il est cependant esthétiquement préférable de suturer toutes les zones donneuses des pastilles. 309 310 311 312 313 314 5

45-070 Greffes cutanées Figure 7. Mise en place d une greffe de peau mince sur sa zone receveuse. A. La greffe est posée sur sa zone receveuse de façon à épouser sans aucune tension toutes les irrégularités du relief. B. Elle est fixée par des points de capiton, un surjet périphérique et des points séparés laissés longs pour le bourdonnet. C. Une compresse vaselinée est posée sur l ensemble. D. Des compresses stériles entièrement dépliées et froissées sont posées en boule sur la compresse grasse. E. Les fils du bourdonnet laissés longs sont noués entre eux deux par deux. Il ne reste plus qu à protéger l ensemble par un gros pansement secondaire rembourré et si possible une attelle. 6

Greffes cutanées 45-070 Figure 8. Greffe en filet. Il existe plusieurs systèmes d appareils pour transformer en filet les greffes de peau mince (A, B). Dans tous les cas, il faut veiller à ce que la peau ne s enroule pas autour des tambours (C, D). Lorsqu elles sont prises, c est-à-dire revascularisées, les mailles du filet permettent une épidermisation du reste de la surface (E). Le résultat des greffes en filet est toujours inesthétique et reconnaissable (F). 315 316 317 318 319 320 321 Le prélèvement de chaque pastille est fait au bistouri, en sectionnant le cône cutané soulevé par la pointe d une aiguille (Fig. 12). Les pastilles sont posées sur la zone receveuse, et maintenues en place par un tulle ou une interface grasse qui est laissé en place plusieurs jours, recouvert par un pansement humide renouvelé tous les jours. L épidermisation entre les pastilles se fait par confluence progressive des kératinocytes qui en proviennent (Fig. 9). Greffes composées Une greffe composée comporte par définition au moins deux structures tissulaires différentes. Comme toutes les greffes, sa 322 323 324 325 326 7

45-070 Greffes cutanées Figure 9. Repousse épithéliale des greffes en filet ou des greffes en pastilles. À partir des mailles du filet ou des bords de la greffe en pastilles, la repousse épithéliale progresse et finit par confluer. Les greffes en filet sont utiles pour recouvrir rapidement de vastes pertes de substance. Les greffes de Davis sont toujours employées pour recouvrir des pertes de substance à vascularisation assez précaire. Elles résistent remarquablement bien, même si un certain degré d infection est présent. 327 328 329 330 331 332 333 334 335 336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353 354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 survie est liée à sa revascularisation, qui se fait beaucoup plus par les bords que par la profondeur. Elle dépend donc à la fois de la surface de contact entre la greffe et son lit receveur (qui doit être la plus grande possible), de la taille du greffon (qui doit être la plus petite possible), et de la zone receveuse qui doit bien sûr être aussi bien vascularisée que possible (grand risque d échec en terrain cicatriciel et/ou irradié). Les principales greffes composées sont : chondrocutanées, prélevées sur l oreille, pour reconstruire le bord libre de l autre oreille ou le rebord narinaire de l aile du nez ; chondromuqueuses, prélevées sur la cloison nasale ou sur le bord supérieur du cartilage alaire, pour reconstruire le plan tarsoconjonctival de la paupière inférieure sous un lambeau cutané. Parmi les autres greffes composées, on peut citer : le lobule d oreille (pour le pied d aile du nez, la columelle) ; la pulpe d orteil (pour la pulpe du doigt, uniquement chez l enfant) ; le mamelon (pour reconstruire l autre mamelon) ; la plaque aréolomamelonnaire (amputée et greffée dans les grosses hypertrophies mammaires) ; les greffes de cheveux. Sur le plan technique, certaines précautions sont particulières aux greffes composées : le greffon doit être manipulé de façon atraumatique, sans pinces, sans traction ni torsion ; le greffon doit avoir la taille exacte de la perte de substance ; le greffon doit être doucement exprimé dans du sérum hépariné (pour le vider de son sang, et favoriser ainsi une meilleure revascularisation) ; il ne faut pas utiliser d adrénaline, ni sur la zone donneuse, ni sur la zone receveuse ; les cicatrices du site receveur doivent être excisées jusqu en tissu sain ; le greffon en place doit être suturé à points séparés fins et non ischémiants. Cliniquement, une greffe composée chondrocutanée réussie est d abord blanche, puis bleue vers le deuxième jour (début de la revascularisation artérielle), enfin progressivement rose (amélioration du retour veineux). Figure 10. Greffe de peau totale. A. La région inguinale est la zone qui permet le prélèvement des plus grandes greffes de peau totale. B. La zone donneuse doit toujours être suturée en deux plans. C. La face profonde d une greffe de peau totale doit toujours être dégraissée aux ciseaux pointus courbes. Indications Principe de la greffe cutanée Comme tous les tissus, la peau ne peut être greffée que sur une zone receveuse correctement vascularisée. Si tel est bien le 368 369 370 371 8

Greffes cutanées 45-070 Figure 11. Mise en place d une greffe de peau totale. A. Maladie de Bowen du pavillon de l oreille. B. Exérèse de la tumeur. C. Le périchondre conservé constitue un sous-sol correctement vascularisé sur lequel une greffe de peau totale peut être posée d emblée. D. Suture de la greffe sur sa zone receveuse. E. Bourdonnet. F. Résultat au treizième jour. 372 373 374 375 376 377 378 379 380 381 382 383 384 385 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395 396 397 398 399 cas, la greffe peut être posée soit d emblée, soit secondairement après une phase de cicatrisation dirigée. Si ce dernier cas a pour inconvénient de nécessiter un deuxième temps opératoire, il a pour avantages de s assurer d une hémostase parfaite du soussol, d atténuer la dépression de la perte de substance par le bourgeonnement et surtout d en rétrécir notablement la surface par la rétraction qui l accompagne. Moment de la greffe Du moment que la zone receveuse est correctement vascularisée, les seuls paramètres qui doivent faire retarder le moment d une greffe sont le suintement, le saignement ou l infection de son sous-sol. Le saignement concerne surtout les pertes de substances chirurgicales. Lorsque l hémostase ne peut pas être obtenue correctement, il faut soit mettre une greffe en filet, soit retarder la greffe de quelques jours. C est en particulier le cas du talon ou de la plante du pied. Le suintement est généralement lié à un bourgeon hypertrophique et doit être systématiquement prévenu par un pansement gras aux corticoïdes posé sur le bourgeon la veille de la greffe. Quant à l infection du sous-sol, elle est le plus souvent appréciée sur les seuls critères cliniques. Il ne viendrait à l idée de personne de greffer un sous-sol alors qu il existe des signes cliniques d infection (rougeur périphérique, lymphangite, fièvre). Le risque est dans les cas où il n existe pas de signes cliniques mais une colonisation bactérienne «critique». Dans les cas de doute, Vilain avait décrit le «signe de la lame» : un prélèvement à l écouvillon est fait là où la zone receveuse est la plus douteuse. Ce prélèvement est immédiatement étalé sur une lame de microscope, fixé et coloré selon Gram. La lecture au microscope est faite immédiatement, au grossissement 1 000. S il n y a pas de microbes visibles, c est que leur nombre est inférieur à 10 5 par gramme de tissu et que la greffe peut prendre. S il y a des germes et des polynucléaires altérés, c est que le nombre des germes est supérieur à 10 5 par gramme de tissu et que la greffe risque d échouer. Type de greffe Greffes de peau totale Elles sont plutôt réservées aux endroits pour lesquels l esthétique, la trophicité ou la fonction sont essentielles : visage, cou, mains (face palmaire, commissures), organes génitaux, pieds. Les facteurs limitants de ces greffes sont d une part leur surface relativement réduite, car devant être compatible avec une suture directe de la zone donneuse, et d autre part la nécessaire proximité de la zone donneuse avec la zone receveuse pour ce qui concerne le visage, afin d éviter les dyschromies trop prononcées. L expansion cutanée peut permettre de résoudre une partie de ces problèmes, en augmentant par exemple la surface de la greffe prélevable dans les creux sus-claviculaires. Il faut y ajouter trois indications particulières de GPT : lorsque la zone receveuse n est pas de trop grande taille et qu on souhaite faciliter les soins postopératoires, la zone donneuse suturée d une GPT est plus simple à gérer que le pansement d une zone de prélèvement de peau mince ; lorsque la zone receveuse présente une vascularisation précaire, c est parfois le pari d une GPT qu il faut faire de préférence à une peau mince. La raison en est liée à l «effet 400 401 402 403 404 405 406 407 408 409 410 411 412 413 414 415 416 417 418 419 420 421 422 423 424 425 426 9

45-070 Greffes cutanées Figure 12. Greffes en pastilles. A. Le prélèvement de chaque pastille est fait en soulevant la peau avec un crochet et en sectionnant au bistouri le cône ainsi soulevé. B. Les pastilles sont régulièrement espacées sur la zone receveuse. C. La fixation des pastilles est faite par l intermédiaire de compresses grasses vaselinées ou siliconées. D. La revascularisation des pastilles se traduit par un aspect d abord bleu, puis rose. E. Chaque pastille est le centre d une épidermisation du reste de la zone receveuse, qui finit par être entièrement couverte. 427 428 429 430 431 432 433 434 435 de pont» par lequel une peau totale survit sur une distance de 1 cm environ entre deux zones où sa profondeur est revascularisée par le sous-sol. chez l enfant. Présentant une grande capacité de croissance, la GPT est utile chez l enfant, en particulier pour traiter les séquelles de brûlure à la main. Greffes de peau mince et demi-épaisses Elles sont utilisées partout ailleurs, y compris sur la face dorsale des mains ou des pieds, et sur le périnée (scrotum, grandes lèvres). Par rapport aux greffes de peau demi-épaisse, les greffes de peau mince sont plutôt indiquées dans les cas où une grande rétraction de la zone receveuse est recherchée pour être traitée secondairement, et/ou chez les patients prédisposés aux chéloïdes, pour éviter celle de la zone donneuse. Greffes en pastilles Elles n ont pratiquement plus aucune indication en chirurgie plastique, sauf pour couvrir les vastes pertes de substance cutanée laissées par l exérèse chirurgicale des tumeurs qui 436 437 438 439 440 441 442 443 444 10

Greffes cutanées 45-070 445 446 447 448 449 450 451 452 453 454 455 surviennent sur les épidermolyses bulleuses héréditaires. Sur ces terrains, en effet, la greffe de peau mince n est pas possible, et la GPT est, comme partout, limitée par sa surface. Dans tous les autres cas, il s agit d une méthode qui n est plus utilisée qu à titre d appoint par certains dermatologues, au cabinet ou au lit du malade, spécialement dans les ulcères de jambe, où elles sont très utiles. En effet, les pastilles prennent bien sur des sous-sols pauvrement vascularisés, même en présence d un certain degré d infection. Lorsqu un chirurgien plasticien veut greffer un ulcère de jambe, les autres techniques de greffes (peau mince ou totale) sont tout aussi efficaces et moins inesthétiques. rapport au sous-sol, suintement du sous-sol décollant la greffe. Lorsqu il s agit d un sérome, la greffe peut survivre par imbibition. Lorsqu il s agit d un hématome, la greffe meurt si elle n est pas réappliquée après évacuation très rapide de l hématome. La nécrose infectieuse survient lorsque le sous-sol était infecté de façon critique, c est-à-dire inapparente cliniquement. Certaines régions et certains terrains ont particulièrement exposés à cette complication, en particulier le scalp et le dos des mains des personnes âgées. 465 466 467 468 469 470 471 472 473 456 457 458 459 460 461 462 463 464 Complications Malgré toutes les précautions techniques, des complications sont possibles avec toutes les greffes. À côté des complications mineures telles que la dyschromie de la greffe ou l hypertrophie de sa zone donneuse, la complication majeure des greffes est la nécrose, qui peut être d origine ischémique et/ou infectieuse. La nécrose ischémique survient lorsque la greffe n est pas revascularisée par son sous-sol, pour diverses raisons possibles : vascularisation insuffisante du sous-sol, mobilité de la greffe par Références [1] Santoni-Rugiu P, Sykes PJ. A history of plastic surgery. Berlin: Springer-Verlag; 2007 (395p). [2] McDowell F. The source book of plastic surgery. Baltimore: Williams and Wilkins; 1977 (509p). [3] Blair VP, Barrett-Brown J. The use and uses of large split skin grafts of intermediate thickness. Surg Gynecol Obstet 1929;49:82-98. [4] Tanner JC, Vandeput J. The mesh skin graft. Plast Reconstr Surg 1964; 34:287-92. [5] Vilain R. Jeux de mains. Paris: Arthaud; 1987 (350p). 474 475 476 477 478 479 480 481 482 483 484 485 486 487 488 489 M. Revol, Professeur des Universités (marc@revol.org). J.-M. Servant, Professeur des Universités. Service de chirurgie plastique, Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Revol M., Servant J.-M. Greffes cutanées. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 45-070, 2010. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique 11