TOUTE UNE VIE prévoir, aider, transmettre dans une société de longue vie METHODOLOGIE I. Enquêtes utilisées Cette édition de BPCE L Observatoire s appuie notamment sur deux enquêtes : Une étude quantitative réalisée par l institut CSA auprès de 1 509 personnes âgées de 30 ans et plus en novembre 2012. L échantillon a été construit sur la base de quotas avec des effectifs d au moins 500 personnes sur chacune des trois générations analysées : la génération des «cadets» (30-49 ans), celle des «pivots» (50-64 ans) et celle des «aînés» (65 ans et plus), cette répartition à parts égales permettant de disposer de bases d enquêtes suffisantes pour analyser de façon détaillée chacune de ces trois générations. Les résultats ont, bien évidemment, été ensuite redressés pour redonner à chaque catégorie son poids réel dans la population totale des 30 ans et plus. Une étude qualitative réalisée par l institut CSA en octobre 2012 sur la base de 32 entretiens individuels approfondis menés auprès de quatre populations cibles : les 30-44 ans, les 50-64 ans, les 70-78 ans et les structures familiales «alternatives» (familles recomposées ou monoparentales). Ces entretiens ont par ailleurs été complétés par six interviews d experts des questions patrimoniales (notaires, conseillers en gestion de patrimoine ). II. Rang des modes d intervention et des préoccupations Pour chaque individu, les six thématiques financières de la longue vie (aide, retraite, héritage, santé, dépendance et protection) sont classées par ordre de priorité, afin de déterminer lesquelles font l objet des préoccupations les plus fortes ou sont privilégiées en termes de mise en œuvre. Tout d abord, un degré de mise en œuvre est affecté à chaque modalité : Très fort pour «Vous pensez déjà en avoir les moyens», Fort pour «Epargner davantage», Moyen pour «Préparation après», Bas pour «Vous n en avez pas les moyens suffisants» et Très bas pour «Vous n y pensez pas, car c est à un horizon trop lointain». On procède de la même façon pour les préoccupations : Forte pour «C est une préoccupation forte», Moyenne pour «C est une préoccupation secondaire» et Basse pour «Ce n est pas une préoccupation». Une thématique est alors considérée comme prioritaire par rapport à une autre si l individu lui a attribué une modalité de mise en œuvre plus forte. Si le répondant choisit la même modalité pour plusieurs thématiques, celles-ci ont alors le même degré de priorité. Pour une population donnée (par exemple, les Pivots), l item prioritaire est alors celui pour lequel les individus ont en moyenne donné le degré le plus élevé.
III. Modélisation des choix discrets : LOGIT Une analyse quantitative reposant sur les modèles dits «à choix discret» de type LOGIT a été appliquée à l enquête BPCE-CSA afin de mettre en perspective les réponses apportées aux différentes thématiques liées à l allongement de la vie. Il s agit d un outil de modélisation des choix probabilisés «toutes choses égales par ailleurs» dans le respect des hypothèses de la théorie de la décision et de l utilité en sciences économiques. Il permet de quantifier les choix des individus et d estimer une fonction d utilité (l individu choisit la modalité pour laquelle son utilité est la plus forte). La variable à expliquer peut être binaire ou discrète à plusieurs modalités. Dans le premier cas (modèle binomial), la variable représente la décision d agir (mise en œuvre effective ou envisagée) ou de ne rien faire (par nécessité, choix ou inertie). Dans le second (modèle multinomial), l ensemble des modalités de réponse est modélisé. Le modèle multinomial se comprend comme une généralisation du modèle binomial. La probabilité y de réalisation d un événement (investir ou non dans notre cas), pour un individu i peut s écrire comme la fonction de répartition F d un ensemble de caractéristiques x i : ( ) ( ) ( ) ( ) On choisit de déterminer la fonction de répartition F comme une fonction logistique de la forme : ( ) ( ) Les coefficients β traduisent l impact de chaque variable x (réponses aux arbitrages ou préoccupations sur d autres thèmes ou variables sociodémographiques). Ils sont obtenus par la maximisation du log de la fonction de vraisemblance associée au modèle : ( ) [ ( )] [ ( )] Adaptée à notre échantillon, cette fonction peut s écrire : ( ) [ ( )] [ ( )] La significativité et l impact des variables du modèle sont mesurés par une statistique dite de Wald qui détermine le pouvoir explicatif des facteurs. Plus le coefficient (ici impact sur la probabilité de la variable à expliquer) du facteur est élevé et plus la statistique de Wald sera grande. Cela est d autant plus vrai lorsque ce coefficient est accompagné d un faible écart type (reflétant une forte valeur prédictive et la qualité de l information donnée par le coefficient). Ce test qui suit une loi du Khi-deux peut s écrire : ( ) Où représente le coefficient d impact estimé par notre modèle Logit et ( ) la variance asymptotique estimée des coefficients. La colonne du rapport des chances nous donne une mesure interprétable de l impact de chaque facteur sur la probabilité de notre variable à expliquer.
1. Exemples de modélisation binomiale des réponses sur les arbitrages financiers liés à l allongement de la vie : La variable «décision» prend deux valeurs, investir (déjà les moyens, épargner plus et oui mais après la ) ou ne pas investir (pas les moyens, non concerné, horizon trop lointain). Exemple 1 : les réponses apportées au thème de la retraite sont modélisées en fonction des réponses apportées aux autres thèmes proposés (aide aux, protection de sa famille, héritage, santé, dépendance) ainsi que des éléments de revenus et du nombre d enfant à charge. Modélisation de la probabilité d'investir pour avoir suffisamment de revenus pour ou pendant sa retraite Facteur Explicatif Estimati on Ecart Type de Wa ld Significativ ité Rapport des chances Constante -0,63 0,19 11,68 *** 0,53 Investir pour aider ses Investir pour protéger son conjoint ou ses Investir pour laisser un héritage Investir pour faire face à l augmentation de ses dépenses de santé Investir pour faire face à des dépenses liées à la dépendance pour soi-même ou ses proches 0,49 0,15 11,19 *** 1,63 0,58 0,14 16,02 *** 1,79 0,76 0,15 27,07 *** 2,14 0,89 0,14 40,01 *** 2,44 1,02 0,15 47,03 *** 2,78 Revenu mensuel moins de 2000-0,76 0,17 20,90 *** 0,47 Entre 2000 et 3000 Réf, 1 Entre 3000 et 5000-0,30 0,20 2,17 ns 0,74 Plus de 5000 0,24 0,32 0,57 ns 1,27 Enfant à charge Au moins un enfant à charge -0,42 0,13 10,0 *** 0,66 Aucun Enfant à charge Réf. 1 Significativité : *** à 1 %, ** à 5 %, * à 10 %, ns : non significatif (coefficient non significativement différent de zéro) Guide de lecture : Par rapport à l individu de référence ayant un revenu mensuel entre 2000 et 3000, la probabilité de vouloir investir pour avoir suffisamment de revenus pour ou pendant sa retraite est diminuée de plus de la moitié (multipliée par 0,47)
lorsque les revenus mensuels de l individu sont de moins de 2000. De même, cette probabilité est diminuée de près de 35 % lorsque l individu a au moins un enfant à charge. La probabilité d investir dans sa retraite est multipliée par 2,5 en moyenne lorsque les individus déclarent investir pour faire face à des dépenses liées à la dépendance (2,77) ou à la santé (2,44). En revanche, l impact est plus faible (mais néanmoins toujours positif) au regard des décisions d investir dans des thèmes plus altruistes comme l aide aux (1,6) la protection du conjoint et de la famille (1,8) ou l héritage dans une moindre mesure (2,1). Exemple 2 : La décision prise, sur le thème de la santé cette fois-ci, en utilisant les seules caractéristiques sociodémographiques du répondant comme variables explicatives : Probabilité d investir pour se prémunir d éventuels problèmes financiers liés à l augmentation des dépenses de santé Coeffici ent estimé Ecart Type de Wa ld Significativ ité Ratio des Chances Revenu Net Mensuel moins de 2000-0,46 0,15 9,30 *** 0,63 Entre 2000 et 3000 Réf, 1 Entre 3000 et 5000 0,44 0,17 6,72 *** 1,56 plus de 5000 0,63 0,26 5,85 ** 1,89 Bien ou Placement (Patrimoine) Aucun placement financier Réf, 1 Assurance décès 0,46 0,23 4,03 ** 1,59 Au-moins un bien immobilier hors RP 0,75 0,24 10,09 *** 2,13 Complémentaire santé 0,25 0,23 1,22 ns 1,29 Valeur mobilière de placement 0,74 0,28 6,86 *** 2,09 QC Retraite : Forte préoccupation (oui vs. Non) 0,22 0,11 3,89 ** 1,24 Significativité : *** à 1 %, ** à 5 %, * à 10 %, ns : non significatif Guide de lecture : Par rapport au l individu de référence ayant un revenu mensuel entre 2000 et 3000 la probabilité de vouloir investir pour faire face à ses dépenses de santé est diminuée de près de 37 % lorsque les revenus mensuels de l individu sont de moins de 2000 et elle est multipliée par 1,6 lorsque ces derniers gagnent entre 3000 et 5000. La possession d un patrimoine très diversifié (détention d un bien immobilier hors résidence principale ou d actions, obligations ou OPCVM) multiplie par 2,1 cette probabilité. De plus les individus fortement préoccupés par leur retraite ont 1,24 fois plus de chance de vouloir ou de déjà investir pour faire face à l augmentation de leurs dépenses de santé que ceux dont la retraite n est pas une préoccupation majeure.
2. Exemple de modélisation multinomiale des réponses sur les arbitrages financiers liés à l allongement de la vie : Le modèle Logit multinomial est construit comme la généralisation du modèle binomial. Le tableau suivant exprime les probabilités de réponse à la question de l aide aux en fonction seulement des réponses attribuées à la question de l héritage. Les réponses aux autres questions sont également significativement contributives, mais pour des raisons de lisibilité des résultats, seules les contributions des réponses à la question de l héritage sont présentées. Probabilité d investir pour pouvoir aider financièrement ses ou petits- plus longtemps Impact des modalités des réponses à la question sur l héritage Coefficien t Estimé Ecart type de Wald Significativit é Ratio des chances Héritage : NSP, Non concerné Aide : NSP, Non concerné 1,3 0,6 5.0 ** 3,9 Aide : Pas les moyens suffisants 1,2 0,6 4,5 ** 3,3 Héritage : Horizon trop lointain Aide : NSP, Non concerné 1,4 0,4 9,8 *** 3,9 Aide : Horizon trop lointain 1,4 0,3 29,5 *** 4,0 Aide : Pas les moyens suffisants 1,2 0,3 11,6 *** 3,2 Héritage : Pas les moyens suffisants Aide : NSP, Non concerné 2,2 0,6 13,4 *** 8,7 Aide : Horizon trop lointain 1,2 0,4 9,9 *** 3,5 Aide : Pas les moyens suffisants 2,5 0,4 38,6 *** 12,7 Aide : Préparation après la 1,2 0,5 6,9 *** 3,3 Héritage : Préparation après la Aide : Horizon trop lointain 0,9 0,4 7,5 *** 2,6 Aide : Préparation après la 1,8 0,4 24,4 *** 5,9 Héritage : Epargner davantage Aide : NSP, Non concerné 1,1 0,7 2,7 * 3,1 Aide : Pas les moyens suffisants 1,4 0,5 8,4 ** 3,9 Aide : Préparation après la 0,8 0,4 3,2 * 2,1 Aide : Epargner davantage 1,1 0,4 10,2 *** 3,1 Significativité : *** à 1 %, ** à 5 %, * à 10 %, ns : non significatif. La réponse «vous pensez en avoir déjà les moyens» a été utilisée comme référence de calcul et prend le coefficient de rapport des chances égal à 1. Guide de lecture : Les individus ayant répondu ne pas avoir les moyens pour transmettre un héritage à leurs proches ont plus de chance de dire qu ils n investissent pas pour pouvoir aider leurs ou petits- plus longtemps. En effet, ils multiplient par plus de trois la probabilité de répondre qu il s agit d un horizon trop lointain (3,5) ou d un objectif plus secondaire (3,3) à la question de l aide aux. La
probabilité de répondre qu ils ne sont pas concernés par l aide à leurs ou petits est multipliée par 8,6 et celle de répondre qu ils n en ont pas non plus les moyens est, quant à elle, multipliée par plus de 12. Altruisme et autonomie, deux univers interdépendants mais segmentés Le modèle multinomial propose une statistique de Wald pour l ensemble des coefficients des variables explicatives (ici modalités de réponse) afin de tester leur significativité jointe. Cette statistique permet de quantifier et d ordonner l impact global des différents thèmes. Elle met en évidence une césure entre ceux qui relèvent de l altruisme et ceux qui renvoient à l autonomie avec une forte interdépendance au sein d un même univers et une influence moindre si les thèmes appartiennent à deux registres différents. Notons que cette distinction se retrouve pour les modèles binomiaux et la modélisation des préoccupations. Tableaux récapitulatifs des Khi-2 de Wald : PROTECTION AIDE HERITAGE Aide 168 Héritage 171 Aide 162 Statut marital 129 Enfant 161 Dépendance 121 Dépendance 117 Protection 144 Retraite 104 Retraite 84 Santé 88 Protection 79 Héritage 78 Retraite 81 Santé 59 Santé 61 Dépendance 69 Age 42 Age 36 Age 43 Statut marital 16 Revenu 28 Enfant 11 DEPENDANCE SANTE RETRAITE Santé 270 Dépendance 254 Dépendance 116 Héritage 127 Retraite 110 Héritage 102 Retraite 121 Aide 89 Santé 110 Protection 115 Protection 67 Aide 84 Aide 73 Héritage 62 Protection 82 Enfant à charge 23 Enfant 20 Age 58 Enfant à charge 15 Enfant 11 Le schéma ci-dessous fait la synthèse de ces interactions entre les six variables au sein de leurs deux univers de référence. Il est récapitulatif et explicatif de l ensemble des tableaux : les flèches pleines représentent un pouvoir explicatif de premier rang (coefficients les plus élevés) et les flèches pointillées un pouvoir explicatif de deuxième rang. Par exemple, les réponses apportées au thème de la dépendance constituent la
variable explicative principale des réponses apportées aux questions de la retraite (statistique de Wald la plus élevée : 116). Une flèche de A vers B se traduit par «A explique B» 3. Exemple de modélisation binomiale des réponses sur les préoccupations liées à l allongement de la vie : Modélisation de la préoccupation de l autonomie en fonction des autres préoccupations (forte vs faible) : Estimatio n Erreur type de Wal d Significativi té Ratio des chances Faire face à la dépendance (soimême ou un proche) Faire face à des problèmes financiers liés à la santé 0,7 0,15 20,5 *** 2,0 0,6 0,16 14,4 *** 1,8 Assurer sa retraite 0,6 0,16 13,3 *** 1,8 Aider ses 0,6 0,15 15,0 *** 1,8 Se constituer un capital ou accroître son patrimoine 0,4 0,19 5,4 ** 1,6 Aider ses parents 0,4 0,21 4,2 ** 1,6 Protéger sa famille et son conjoint 0,3 0,16 4,3 ** 1,4 Guide de lecture : une préoccupation forte pour l autonomie est impactée positivement par l ensemble des préoccupations ayant trait aux autres thèmes (renforçant l idée de préoccupations qui seraient conjointes). Toutefois, les soucis de dépendance, de santé et de retraite ont un effet plus marqué sur la probabilité de se préoccuper fortement de garantir son autonomie (avec une probabilité multipliée par respectivement 2 et 1.8).