RAPPORT RENCONTRE FRANCO-BRÉSILIENNE SUR L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE



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Transcription:

RAPPORT RENCONTRE FRANCO-BRÉSILIENNE SUR L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 27 et 28 novembre 2014 Brasília Brésil Co-organisateurs: Contacts Mariana Nascimento Collin Représentante du FMDV au Brésil (Fonds Mondial pour le Développement des Villes) mnascimento@fmdv.net + 55 61 30 44 98 38 Carlos de Freitas Directeur de Programmes du FMDV à Paris cdefreitas@fmdv.net +33 1 53 85 73 83 Rose-Anne Bisiaux Attachée de Coopération Technique, Ambassade de France au Brésil rose-anne.bisiaux@diplomatie.gouv.fr +55.61 32.22.38.64 Tatiana Reis Chargée de Mission du Secrétariat Exécutif du Réseau de Gestionnaires de Politiques Publiques de l'economie Solidaire tatiana.reis@uol.com.br +55 71-3115-9945 Reynaldo Sorbille, Coordinateur du projet de renforcement du réseau de gestionaires de politiques publiques de l'economie Solidaire de la Fondation Unitrabalho reynaldo.sorbille@gmail.com, +55 16 997142423 // +55 16 997102423 Paulo Oliveira Coordinateur des Relations Internationales de l'association des Maires Brésiliens (Frente Nacional de Prefeitos - FNP) paulo.oliveira@fnp.org.br +55 61 30 44 98 17

ACCORD NATIONAL DE COOPÉRATION FRANCE/BRÉSIL SUR L' ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE La rencontre des 27 et 28 novembre dernier entre élus et gestionnaires français et brésiliens a été la première activité organisée dans le cadre de la "déclaration d'intention sur la coopération et l'assistance technique en matière d'économie sociale et solidaire" signée en décembre 2013 entre le ministre du Travail brésilien, Manoel Dias et le ministre d'economie Sociale et Solidaire français, Benoît Hamon. L'accord détermine trois axes de coopération: 1/ Développer la formation de professionnels engagés dans la conception et mise en oeuvre de politiques d'économie sociale et solidaire. 2/ Favoriser les échanges d'expériences et de bonnes pratiques: faciliter le transfert de connaissances et la participation réciproque lors d'événements nationaux et régionaux. 3/ Promouvoir les projets conjoints de coopération: identifier les innovations et expérimentations sociales qui présentent un intérêt mutuel. Parmi les thématiques prioritaires: politiques d'appui à l'ess; élaboration d'un cadre juridique et réglementaire adapté à l'ess; les réseaux de coopération et de développement territorial; la promotion d'incubateurs d'entreprises de l'ess; la reprise d'entreprises par les salariés, notamment lorsqu'elles sont en faillite ou sur le point de l'être; le développement économique des entreprises économiques solidaires, principalement dans les activités de recyclage des déchets informatiques, des vêtements, véhicules...; la recherche, le développement et la dissémination des technologies appropriées aux entreprises économiques solidaires; l'économie de proximité; la finance solidaire; le commerce juste et équitable. JEUDI 27 NOVEMBRE La rencontre franco-brésilienne s'est déroulée durant la 3ème Conférence Nationale de l'economie Solidaire (3a CONAES) qui a eu lieu à Brasilia du 27 au 30 novembre 2014. La Conaes, conférence organisée tous les quatre ans par le Secrétariat National de l'economie Solidaire (SENAES), a pour objectif la construction d'un Plan National de l'economie Solidaire, pour promouvoir le droit de produire et de vivre de façon associative et durable. L'agenda du jour a commencé par l'organisation d'une première table ronde dont l'objectif était d'analyser les contextes nationaux brésiliens et français en matière d'économie sociale et solidaire. Les interventions ont eu pour objectif de présenter les particularités de chaque pays en matière de politiques nationales et locales, identifier les principaux acteurs et thèmes de l'ess, les principales difficultés rencontrées et les opportunités existantes pour les politiques d'ess. La discussion a aussi cherché à présenter le fonctionnement et rôle des réseaux de gestionnaires et territoires de l'ess dans les deux pays. Elle était composée des intervenants suivants: Paul Singer, Secrétaire National de l'économie Solidaire (SENAES) Sonia Marise, Professeur de l'université de Brasilia et Secrétaire Exécutive de la Fondation Unitrabalho Juliana Braz, Centre de Recherche de l'ess de l'université de São Paulo (NESOL/USP) Hélio Rabelo, représentant du Forum National des Secrétaires d'etat du Travail (Fonset) Patrick Risselin, Conseiller Affaires Sociales de l'ambassade de France au Brésil

Anne Laure Federici, Déléguée Générale du Réseau des Territoires pour une Economie Solidaire (RTES) Tatiana Reis, représentante du Secrétariat Exécutif du Réseau de Gestionnaires de Politiques Publiques de l'economie Solidaire Carlos de Freitas, Directeur de Programmes du FMDV (Fonds Mondial pour le Développement des Villes) Gerson Martins, Chargé de Mission de l'association des Maires Brésiliens (Frente Nacional de Prefeitos - FNP) Le Professeur Paul Singer, Secrétaire National de l'economie Solidaire depuis la création de la Senaes en 2003, a ouvert la discussion en rappelant l'importance du partage d'expériences entre pays pour tirer des enseignements avec les succès et échecs des uns et des autres. Il a souligné les similitudes idéologiques et politiques ainsi que les différences de réalité entre la France et le Brésil, qui rendent le partage d'expériences encore plus enrichissant. Il a aussi souligné l'importance des partenariats entre le gouvernement fédéral et les autorités locales, villes et Etats, pour une application effective des politiques d'économie solidaire, justifiant de cette façon la pertinence d'une rencontre entre autorités locales. Hélio Rabelo, du Fonset, a complété en soulignant que l'apprentissage sera mutuel et qu'aussi bien la France que le Brésil ont beaucoup à apprendre l'un de l'autre. Sonia Marise, Professeur de l'université de Brasilia et Secrétaire Exécutive du réseau universitaire et de centres de recherche sur le travail, Fondation Unitrabalho, a souligné le rôle central des universités dans la formation sur l'économie solidaire et a fait un panorama du contexte de l'écosol au Brésil. Prof. Marise a rappelé que l'écosol au Brésil est née pour faire face aux inégalités créées par le système capitaliste et participe à la stratégie d'éradication de l'extrême pauvreté du gouvernement fédéral. Les principaux thèmes

de l'écosol au Brésil sont: les politiques d'agriculture familiale, la gestion de déchets et notamment l'inclusion des chiffonniers ("catadores"), l'artisanat, les finances solidaires et le commerce équitable. Parmi les avancées de l'écosol au Brésil, elle a mentionné la création du Conseil National de l'economie Solidaire en 2006 et l'élaboration d'un projet de loi de Politique Nationale de l'economie Solidaire en 2012. Néanmoins, elle a souligné les nombreuses limites qui persistent, parmi lesquelles: le manque de politiques structurantes pour l'économie solidaire, l'absence d'une régulation effective qui protège le travail et la vie associative; l'absence d'un cadre juridique adéquat pour la relation entre l'etat et la société civile; la dégénération d'entreprises sociales du au manque de formation. D'autres défis identifiés incluent: la difficulté d'accès à l'assistance technique et au crédit dans de bonnes conditions; peu d'instruments de transfert de ressources financières entre le gouvernement fédéral et les autorités locales; ne pas être incluse dans la stratégie nationale et locale de développement durable des territoires; projet de loi de l'écosol coincé au Congrès. Juliana Braz du NESOL/USP a abordé le thème des finances solidaires, en rappelant notamment qu il s agit d un thème central pour le développement territorial vu que les finances doivent être "territorialisées", c'est-àdire s'adapter aux dynamiques et besoins locaux. Au Brésil, les finances solidaires sont encadrées par le Comité Thématique de Crédit et Finances Solidaires (fait partie du Conseil National de l'economie Solidaire), et se divisent en trois groupes: 1/ les coopératives de crédit, qui sont des institutions financières; 2/ les banques communautaires de développement, qui sont des institutions sociales mais qui ont des produits financiers (il existe 104 banques communautaires au Brésil); 3/ les fonds rotatifs et solidaires; organisés avec l'épargne locale et directement en lien avec les initiatives solidaires (plus de 1000 fonds identifiés). Mme. Braz a rappelé que le rôle des autorités locales dans l appui aux initiatives de finances solidaires est important pour exécuter la politique publique locale de l'économie solidaire et promouvoir les entreprises solidaires. Elle a aussi mentionné les principaux défis du Comité Thématique, parmi lesquels faire l'articulation des initiatives de finances solidaires avec la société civile et les autorités publiques, et définir un cadre juridique qui garantisse que les initiatives sociales puissent exercer une fonction de financement. Patrick Risselin, de l'ambassade de France, a présenté les données qui illustrent la place de l'ess pour l'économie de la France, montrant ainsi que le secteur est loin d'être marginal. L'ESS en France représente aujourd'hui: 223 000 entreprises, 9% du total d'entreprises privées françaises, 10% du PIB, 2 400 000 salariés, 11% des emplois du secteur privé (dont 17% de cadres). Il s agit d un secteur qui se caractérise par son dynamisme en matière de création d'emplois: entre 2000 et 2013, le secteur de l'ess a créé 24% d'emplois supplémentaires, tandis que le secteur de l'économie classique à peine 4%; de la même façon, la perspective pour les prochains 7 ans est de créer 600 000 emplois dans le secteur de l'ess. En ce qui concerne les domaines d'action, ce secteur représente 2/3 du secteur sanitaire et social (principalement le service aux personnes âgées et handicapées), 2/3 des activités de sport et loisir, 1/3 des activités financières (mutuelles de santé et prévoyance); 1/4 du secteur de l'éducation et la culture. M. Risselin a rappelé que les activités du secteur de l'ess sont anciennes, mais ont été reconnues récemment grâce à l'adoption de la Loi Nationale de l'ess en juillet 2014. Celle-ci reconnaît et réaffirme l'identité de l'ess, et a permis de définir un cadre juridique unique (l'ess était jusqu'alors régulée par huit codes juridiques différents). Son objectif est de donner une définition claire de ce qu'est l'ess mais aussi d'encourager un saut d'échelle du secteur et de garantir l'efficacité de l'appui institutionnel et financier pour le secteur. Il a présenté les cinq grands objectifs de la loi: 1) Reconnaitre l'ess comme un mode innovant et durable d'entreprendre en donnant une définition claire du secteur. Les entreprises de l'ess se basent sur trois principes: (i) solidarité: lucrativité limitée et objectif d'utilité sociale. (ii) répartition des bénéfices encadrée: les profits doivent être réinvestis dans l'entreprise. (iii) gouvernance participative qui respecte le principe 1homme = 1voix. L'ESS réunit quatre grandes familles: associations, fondations, coopératives et mutuelles. La loi permet dorénavant que les entreprises commerciales du secteur traditionnel qui respectent les trois principes de l'ess soient aussi considérées comme faisant partie du secteur. 2) Consolider les réseaux de gouvernance du secteur et définir les instruments de financement. Il a par exemple été cité la création du Conseil National de l'ess dont l'objectif est de favoriser le dialogue avec les conseils locaux et de définir le Plan National de l'ess tous les trois ans. La loi a aussi donné une définition juridique de la subvention afin de protéger aussi bien les associations que les autorités locales. 3) Augmenter le pouvoir des salariés. Pour cela, la loi a créé l'obligation pour les chefs de petites et moyennes entreprises (jusqu à 250 salariés), d'informer ses salariés lors du transfert de l'entreprise avec deux mois d'avance. De cette façon, les salariés auront la possibilité de reprendre l'entreprise s'ils le souhaitent (si c'est le cas, le chef d'entreprise aura l'obligation de former les salariés à la gestion de l'entreprise). La loi définit aussi de nouvelles formes de coopératives pour garantir la récupération des entreprises par les salariés: SCOP (Société Coopérative et Participative) et SCIC (Société Coopérative d'intérêt Collectif).

4) Créer un "choc coopératif" pour potentialiser le secteur de l'ess, en simplifiant les procédés administratifs et développer de nouveaux instruments qui devraient par ex. permettre d'identifier les entreprises sociales et vérifier qu'elles correspondent aux critères définis par la loi. 5) Renforcer les politiques de développement local. La loi encadre en particulier le thème des achats publics, reconnaît les monnaies complémentaires, et crée un cadre pour les Pôles Territoriaux de Coopération Économique (PTCE) dont l'objectif est de créer des emplois non délocalisables. Anne-Laure Federici, du Réseau des Territoires pour une Economie Solidaire (RTES), a présenté le fonctionnement du réseau créé en 2002 qui réunit 130 élus de collectivités territoriales de tous les échelons (commune, communauté de communes, départements et régions). Le RTES a deux objectifs: 1/ être un espace pour l'échange de bonnes pratiques entre élus et techniciens des autorités locales françaises. 2/ rôle de lobby pour renforcer la place de l'ess au sein des politiques publiques locales et nationales. Les activités organisées par le réseau incluent: séminaires d'échange d'expériences et débats; formation de gestionnaires (élus et techniciens); publications; partenariats; activités de lobby et promotion de l'ess. Le RTES, par exemple, pour accroitre la compréhension de l'ess, a produit un document destiné aux gestionnaires des autorités locales, qui explique pourquoi il est important de développer des politiques publiques locales de l'ess et comment elles peuvent soutenir les initiatives solidaires locales. L'intérêt pour les collectivités locales de participer au réseau est: (i) faire connaitre les actions qu'ils développent; (ii) échange d'expériences avec les paires sur les actions et difficultés; (iii) s'informer sur le contexte national, international, sur les sources de financement, etc.; (iv) bénéficier d'accompagnement et de formations. Mme Federici a complété avec quelques commentaires sur le contexte de l'ess en France: le secteur a eu une importance accrue au sein des politiques publiques nationales et locales en France depuis les crises financières et économiques de 2008 qui ont contribué à une prise de conscience généralisée des limites du mode de développement actuel, basé sur des visions de court terme, déconnectées des réalités économiques locales et des besoins de la population. Elle souligne trois thèmes importants des politiques publiques de l'ess en France: i) la notion de co-construction de la politique avec les acteurs locaux, d'où le rôle important des Conseils de Développement de l'ess; ii) la question de la transversalité des politiques publiques de l'ess qui souvent reste marginale et non intégrée dans les autres politiques par ex. de transport, agriculture, etc.; iii) la question de l'évaluation des politiques publiques de l'ess: d'autres indicateurs que l'emploi pourraient être utilisés pour démontrer l'impact de l'ess sur le développement du territoire. Tatiana Reis, du Réseau de Gestionnaires de Politiques Publiques de l'economie Solidaire a aussi présenté le fonctionnement du réseau brésilien. Créé en 2003, le réseau réunit plus de 230 gestionnaires des trois niveaux de gouvernement: municipal, États fédérés; État fédéral. Ses objectifs sont: (i) construire un agenda commun pour l'élargissement, la consolidation et l'institutionnalisation de politiques publiques de l'économie solidaire dans le pays. (ii) étendre l'articulation à d'autres acteurs de l'économie solidaire dans le but de renforcer un espace commun pour la discussion. (iii) favoriser l'interlocution entre les échelles de gouvernement par l'intégration de stratégies, programmes et instruments qui structurent les politiques publiques de l'économie solidaire. iv) contribuer à la formation de gestionnaires publics de l'écosol pour le renforcement de la place de celle-ci dans les programmes de gouvernement. v) stimuler l'organisation de réseaux et chaînes productives entre initiatives de l'écosol. Mme Reis a aussi rappelé que l'écosol au Brésil est une stratégie née de résistances et luttes sociales contre le chômage et la pauvreté, composée d'activités socio-économiques qui réaffirme la primauté du travail sur le capital, de caractère coopératif, associatif et autogestionnaire; qui produit travail et richesse et qui a le potentiel de promouvoir l'inclusion citoyenne et le développement économique, social et culturel avec plus grande durabilité, équité et démocratisation. Les acteurs du secteur se divisent en quatre catégories: initiatives de l'écosol (EES), institutions de soutien et promotion (EAF), institutions gouvernementales, forums et réseaux d'articulation. Mme Reis a identifié quelques points nécessaires pour améliorer le contexte de l'écosol au Brésil, parmi lesquels: la définition d'un cadre légal (Loi Nationale de l'economie Solidaire, mais aussi les lois d'encadrement des coopératives et finances solidaires); un plus grand soutien aux réseaux et chaînes de l'écosol; une plus grande territorialité et développement local dans l'analyse de l'élaboration et mise en oeuvre de politiques publiques d'écosol; plus grande institutionnalisation pour garantir la continuité des politiques locales d'écosol; la création de fonds spécifiques (aux niveaux national et local). Gerson Martins a présenté l'association Nationale des Maires (FNP), une institution de représentation des villes brésiliennes, dirigée exclusivement par maires en exercice, dont un des objectifs est de promouvoir l'interlocution des autorités locales et la société civile avec le Gouvernement Fédéral, le Congrès National et les instances supérieures du judiciaire. Depuis l'organisation de la première édition en 2012 de la Rencontre des Villes avec le Développement Durable (EMDS), qui est le plus grand événement sur la durabilité au

Brésil organisé par la FNP en partenariat avec le Service Brésilien d'appui aux Micros et Petites Entreprises (Sebrae), le thème de l'entrepreneuriat et du développement durable ont occupé une place plus importante dans l'agenda de la FNP, et par conséquent sur celui des gestionnaires municipaux. Aussi, la FNP peut agréger en synergie au partenariat des gestionnaires de politiques publiques d'économie solidaire brésiliens et français, en offrant des espaces de dialogue et de présentation d'alternatives pour le développement durable des villes, tout comme stimuler et élargir la participation des ces gestionnaires à l'élaboration et la mise en oeuvre de politiques publiques pour promouvoir la durabilité économique, sociale et environnementale au Brésil. L'après-midi, la deuxième table ronde a permis aux gestionnaires de l'économie sociale et solidaire français et brésiliens de présenter les expériences en matière de politiques d'ess développées par leurs gouvernements locaux. Les intervenants suivants étaient présents: Florian Ancel, Chargé de mission ESS, Région Nord-Pas de Calais (France) Didier Cujives, Président Conseiller regional, représentation à Bruxelles de la Région Midi-Pyrénées (France) Sophie Vally, Maire-adjoint déléguée à l Econoçie sociale et solidaire à la mairie d Aubervilliers, et Conseillère Générale à la communauté de communes Plaine Commune (France) José Celso Carbonar, Directeur de Science et Innovation du Secrétariat Municipal du Développement Economique et de l Emploi de la ville de Palmas (Tocantins, Brésil) Nelsa Nespolo, Secrétaire de l Economie Solidaire de l Etat du Rio Grande do Sul (Brésil) Vladimir de França, Gestionnaire de l Economie Solidaire de l Etat du Paraná (Brésil) Wagner Baraldi, Gérant à l Economie Solidaire et Inclusion Productive de l Etat de l Espírito Santo (Brésil) Tatiana Reis, représentante de la Superintendance de l Economie Solidaire du Secrétariat du Travail de l Emploi et du Revenu de l Etat de Bahia (Brésil)

Florian Ancel, a présenté les politiques de l ESS de la Région Nord-Pas de Calais (France), région du nord de la France de 4 millions d habitants, qui développe déjà des activités de coopération avec l Etat du Minas Gerais principalement sur des questions liées au climat. Il a rappelé que les initiatives de l ESS sont anciennes sur le territoire, et que la région a défini sa politique d ESS en 2003. Aujourd hui, la région définit un plan de développement de l ESS tous les six ans dans un processus de co-construction avec les acteurs de l ESS locaux (représentants institutionnels, coopératives, etc.) pour créer un consensus autour des objectifs et des méthodes. Dans la région, l ESS représente 11 000 structures, 150 000 emplois, 10% de l économie régionale. Étant donné l importance du secteur, le gouvernement de la région a choisi de placer l ESS comme une orientation de développement économique, à la même hauteur que la création d entreprises classiques, le commerce, l innovation, etc. De cette façon, entre 2009 et 2012, ont été investis plus de 34 millions d euros dans le secteur de l ESS dans la région. M. Ancel a souligné trois axes du Plan de l ESS: 1) Communication sur l ESS aussi bien pour faire connaître le thème au grand public et inciter à la consommation responsable, que pour informer les créateurs d entreprises concernant les possibilités du secteur (focus spécifique sur l éducation et la sensibilisation des jeunes). 2) Coopération avec les initiatives locales, et en particulier renforcer le lien avec les villes de la région pour promouvoir des politiques locales d appui à l ESS. 3) Accompagnement technique (formation pour la création d entreprises sociales) et création d instruments financiers (prêts fléchés, subventions, garanties bancaires, etc.). Didier Cujives, a présenté l expérience de la Région Midi-Pyrénées, située au sud de la France peuplée de près de 3 millions d habitants. Il a souligné l importance du secteur de l ESS pour la région vu que celui-ci représente 11,7% des emplois de la région, 12 250 entreprises, 114 000 employés (en comparaison, la région, qui est le 1 er fabricant industriel aéronautique de France, embauche 60 000 employés dans ce secteur). Entre 2001 et 2013, la région a investi plus de 16 millions d euros dans le secteur de l ESS, et plus de 2 millions en 2014. Parmi les actions développées par la région pour promouvoir le secteur de l ESS, M. Cujives a mentionné : l accompagnement des entreprises avec la création en 2014 d un Incubateur Régional de l Innovation Sociale (Catalys), qui sera administré par l union des coopératives de la région ; le financement d activités de formation des entrepreneurs sociaux ; la création d instruments financiers qui visent à faciliter l accès à l emprunt aux institutions du secteur ou bien qui permettent à la région d investir directement dans les entreprises sociales. M. Cujives a aussi présenté un partenariat existant entre la région et l Etat du Pernambuco depuis 2012, sur le développement économique local et l économie sociale et solidaire. La coopération inclu un partenariat avec l Intercommunalité Matasul, qui produira une étude sur l agriculture familiale et développera un projet pilote de renforcement de l économie solidaire sur le territoire après qu une industrie de canne à sucre ai cessé ses activités. Le projet sera financé par la région Midi-Pyrénées et réalisé avec l appui de deux associations, une française et l autre brésilienne. Un autre exemple de coopération entre les deux pays est une expérience de commerce équitable où l entreprise «éthicable» de la région Midi-Pyrénées développe un partenariat avec une coopérative de l Etat de São Paulo qui réunit 35 producteurs d oranges, afin d importer les produits sans intermédiaires. Sophie Vally, a partagé l expérience de la communauté d agglomération de Plaine Commune qui réunit neuf communes de la périphérie de Paris, et qui, entre autres, a pour compétence la gestion des déchets, du système de voirie, et l économie sociale et solidaire. Le territoire se caractérise à la fois par une importante activité économique due à la présence de grandes entreprises, et par de fortes difficultés socioéconomiques, dues en grande partie à la forte immigration. Aussi, l intercommunalité a parmi ses priorités les politiques d insertion et de création d emplois. Par ailleurs, une forte tradition associative sur le territoire a contribué à la création d une politique d ESS depuis 2006. Plaine Commune a pour objectif la création sur son territoire, d emplois solidaires et non délocalisables ; en outre, l ESS est perçue comme un secteur économique à part entière qui contribue au développement du territoire et qui fait partie de la politique de la ville. Les grands axes de la politique d ESS sont : 1) éco-activités, liées à l écologie, l économie circulaire, la production alimentaire et les circuits courts. 2) la diversité culturelle. 3) la protection de la petite enfance. Les activités développées par les autorités publiques pour encourager les initiatives d ESS incluent : des appels d offre annuels pour soutenir les projets du secteur ; soutien à la location et achat d infrastructures immobilières ; formations d acteurs (incubateurs) ; communication sur les achats responsables pour sensibiliser la population et les entreprises à privilégier les produits issus de l ESS (créer un marché de l ESS) ; organisation d une foire annuelle de savoirs et savoir-faires locaux où les producteurs locaux exposent leurs produits. Mme Vally a aussi mentionné le projet de «ressourcerie» prévu pour 2015, un centre dont l objectif est de construire une filière de recyclage, depuis la collecte, recyclage et revente des matériels produits avec les déchets ; projet issu d une coopération avec l association des chiffoniers de Belo Horizonte, et en coopération avec la Prefeitura de Canoas.

Nelsa Nespolo a présenté la politique du Département de Promotion et Soutien à l Economie Solidaire (Difesol), qui fait partie du Secrétariat Étatique de l Economie Solidaire et du soutien aux Micros et Petites Entreprises (Sesampe) du gouvernement de l Etat du Rio Grande do Sul. Son objectif est de réduire les inégalités de l Etat et de renforcer les entreprises économiques solidaires. Pour cela il a eu pour objectif de construire une politique d Etat en renforçant le cadre juridique de l Ecosol de la région, et développer des mécanismes de financement direct aux entreprises solidaires. Parmi les mesures légales adoptées, Mme Nespolo a mentionné : la Loi Étatique de l Economie Solidaire de 2010, dont la première initiative a été la création du Conseil Etatique de l Economie Solidaire. La loi de 2011 qui exonère les coopératives de l impôt ICMS (impôt sur la circulation de marchandises et prestation de services). Loi de 2012 qui oblige que 30% des achats publics de produits et services soient issus du secteur de l écosol et l agriculture familiale (par ex. pour les prisons, hôpitaux, écoles, etc.). Loi de 2013 qui crée un système de certification pour les initiatives solidaires, où pour obtenir ce certificat celles-ci doivent respecter quatre critères : être formées d au moins cinq personnes ; être démocratique et organiser au moins trois assemblées par an ; que la répartition des bénéfices entre associés ne soit pas supérieure à six fois ; que l initiative fasse partie d un forum d économie solidaire. Une autre loi qui devrait être votée d ici fin 2014 devra permettre des investissements directs du gouvernement dans les initiatives solidaires, et possibiliter la création d un Fonds Public Étatique de l Economie Solidaire. Mme. Nespolo a aussi présenté la politique de création de Maisons de l Economie Solidaire, centres qui émettent des certificats d écosol et offrent des formations. Une autre politique importante du gouvernement du Rio Grande do Sul a été de renforcer les chaînes de production autour de six thèmes (le PET, la laine, les fruits natifs, pierres précieuses, les os) en renforçant le lien direct entre les entreprises sociales correspondant aux différentes étapes de la chaîne. Mme. Nespolo a aussi souligné un obstacle majeur rencontré par les gestionnaires d économie solidaire au Brésil : la difficulté de continuité des politiques dues aux changements de gouvernement. Vladimir de França, a partagé l expérience de l Etat du Paraná et la politique d économie solidaire développée par le Secrétariat du Travail depuis 2012. La politique d économie solidaire de l Etat a trois axes : artisanat, alimentation et vestimentaire. L Etat a établi divers partenariats pour promouvoir l écosol sur le territoire, et notamment avec le BNDES (Banque Nationale de Développement Economique et Social) et la Banque Interaméricaine de Développement (BID). Par ailleurs, est en cours de discussion la création du Conseil Etatique de l Economie Solidaire et la Loi de l Economie Solidaire. José Celso Carbonar a présenté le programme de soutien à l économie solidaire de la ville de Palmas (Etat du Tocantins), développé en partenariat avec le Secrétariat National de l Economie Solidaire (Senaes) depuis 2013. L objectif du programme sera d atteindre 2000 familles en soutenant 50 initiatives, et de positionner l économie solidaire comme stratégie pour le développement sociocommunautaire. Le projet s organise autour de plusieurs phases : mapping de projets, formation et assistance technique ; création d entreprises sociales ; soutien aux finances solidaires ; appui à la commercialisation. Pour cela a été créé, au sein du Centre de l Innovation et des Technologies Sociales, un Centre Public d Economie Solidaire qui est un incubateur technologique d initiatives d écosol. Wagner Baraldi a partagé l expérience du Gouvernement de l Espírito Santo en matière de politiques publiques de soutien à l économie solidaire, initié en 2010 avec la création de l Agence de Développement de l Espírito Santo (Aderes), pour le soutien aux micros et petites entreprises, l agriculture familiale, la création d entreprises individuelles, le coopérativisme et l économie solidaire. En 2012, l agence a créé un plan de développement pour chaque secteur, y compris le plan de développement de l économie solidaire. Par ailleurs, l agence a créé le Conseil Etatique de l Economie Solidaire, avec une forte représentation du Forum de l Economie Solidaire, participation qu il a soulignée comme indispensable pour le succès de la politique d écosol au Brésil. La politique de l Agence a aussi cherché à renforcer l artisanat issu de l écosol en le différenciant de l artisanat traditionnel, grâce à un processus de certification, et une plus grande sensibilisation de la population. Une autre expérience forte de l Etat de l Espírito Santo sont les banques communautaires et les monnaies complémentaires : le gouvernement soutient 10 banques en employant les fonctionnaires, offrant un soutien financier pour les dépenses fixes et l infrastructure, sans pour autant intervenir dans la gestion de la banque. M. Baraldi a aussi souligné la politique d intégration des catadores de matériel recyclable à travers la promotion de la création d associations et de la fourniture de matériel. La politique d appui à l agriculture familiale agit de façon semblable à travers la formation et la mise à disposition de matériel. Il a conclu en soulignant le fait que le succès de la politique d écosol de l Etat se doit en grande partie à la structure en agence de développement. Tatiana Reis, de l Etat de la Bahia a montré une vidéo de présentation de la politique d économie solidaire développée sur le territoire depuis 2007. La vidéo a présenté des initiatives comme les associations de

catadores et les coopératives de recyclage, les foires d artisanat d écosol, l agriculture familiale, les finances solidaires comme les fonds rotatifs, la formation d entrepreneurs sociaux, entre autres. La vidéo peut être vue en copiant ce lien : youtu.be/2ieioykuwng Pendant le débat qui a suivi les présentations d expériences, les gestionnaires brésiliens ont à nouveau souligné la difficulté rencontrée liée aux changements de gouvernements, et notamment de parti au pouvoir qui tendent à interrompre les politiques d économie solidaire, encore associées aux partis de gauche. Ils sont aussi convaincus que la principale façon de surmonter cette difficulté est de créer un cadre juridique, aussi bien au niveau national que local. Didier Cujives, a souligné que la construction d un cadre légal en France n a pas non plus été simple, et que cela a en grande partie été dû à un contexte politique favorable, et à l existence d un certain consensus entre tous les partis sur l importance de l économie solidaire pour le développement du pays (principalement depuis les crises financières et économiques de 2008). La discussion a aussi permis d identifier quelques différences entre l économie solidaire en France et au Brésil, parmi lesquelles : en France, les initiatives de l ESS sont définies par leur statut (par ex. toutes les coopératives et associations sont considérées comme faisant partie du secteur de l ESS) ou par leur finalité sociale (toutes les institutions qui respectent les règles de gouvernance et ont un objectif social, même qu il s agisse d une entreprise commerciale traditionnelle, sont considérées comme appartenant à l ESS) ; tandis qu au Brésil, la définition des initiatives sociales semble être plus restreinte à certaines catégories spécifiques (agriculture familiale, production d artisanat, association de «catadores» et coopératives de recyclage, etc.). De la même façon, il existe au Brésil des initiatives qui sont considérées comme faisant partie de l économie solidaire mais qui ne le sont pas en France : c est par exemple le cas pour le microcrédit qui, en France, est offert aux personnes en difficulté, mais non seulement aux initiatives solidaires, mais aussi aux entrepreneurs individuels traditionnels ; par ailleurs, le thème de la gestion des déchets n est pas fortement lié à l ESS en France, comme il l est au Brésil. La journée s est conclu avec la participation à la cérémonie d ouverture de la 3ª Conaes, où était présente la Présidente de la République Dilma Roussef, accompagnée de certains ministres comme Gilberto Carvalho, ministre-chef du Secrétariat-Général de la Présidence de la République ; Tereza Campello, Ministre du Développement et du Combat à la Faim ; entre autres. Dans son discours, la présidente a réaffirmé son compromis à renforcer l économie solidaire et continuer les politiques d inclusion sociale. VENDREDI 28 NOVEMBRE Le deuxième jour, la délégation française a participé à deux activités. Le matin la délégation a réalisé une visite technique organisée avec le soutien du Secrétariat de la Micro et Petite Entreprise et de l Economie Solidaire du Gouvernement du District Fédéral autour du thème de la gestion des déchets. Pour cela, la délégation a échangé avec Rônei Alves da Silva, coordinateur du Mouvement National des Catadores de Matériel Recyclable (MNCR) et Président de la Centrale de

Coopératives de Recyclage du District Fédéral (CentCoop). Ensuite, la délégation a visité le Lixão de Cidade Estrutural (décharge à ciel ouvert). Lors de la discussion avec Rônei, la délégation a pu en savoir plus sur l historique du mouvement de «catadores» de matériel recyclable qui a surgi en 1999, avec l objectif d organiser les catadores et conquérir un cadre juridique qui cherche à valoriser et protéger la catégorie. Le mouvement a contribué à la définition des politiques de gestion des déchets et à la législation qui régule l action des catadores, les principales sont : le Décret Présidentiel 5940 de 2006 qui prévoit l obligation pour les institutions publiques fédérales de séparer les déchets recyclables, et les destiner aux associations et coopératives de catadores de matériel recyclable ; la Loi 11445 d assainissement urbain de 2010 qui, entre autres, prévoit que les coopératives de recyclage puissent être contractées par les institutions publiques sans appel d offre (aujourd hui elles agissent en parallèle aux entreprises de nettoyage public des mairies) ; et la Politique Nationale de Déchets Solides de 2010. Il existe au Brésil environ 800 000 catadores, qui se divisent entre ceux qui travaillent dans le tri, directement dans les décharges, et ceux qui collectent le matériel dans la rue. Moins de 10% est organisé en coopératives. Dans le District Fédéral (GDF), il y a environ 4500 catadores et 33 coopératives de recyclage. La CentCoop, créée en 2006 est une coopérative de second degré qui réunit 24 coopératives de recyclage, qui regroupe 4000 catadores du District Féderal. Elle fonctionne selon la Loi 5764 de 1971 des coopératives de la façon suivante : un président est élu pour 3 ans par le Conseil de Gestion, composé quant à lui d un représentant de chaque coopérative, élus quant à eux directement par les catadores. Les objectifs de la Centcoop incluent : négocier directement avec les entreprises acheteuses de matériel, afin d éliminer la figure de l intermédiaire ; donner plus de pouvoir de négociation aux catadores ; maintenir des prix justes pour le matériel collecté et trié ; promouvoir un meilleur revenu et qualité de vie aux travailleurs de la collecte de matériels recyclés. La coopérative a, par exemple, eu un rôle important dans l opposition au projet du GDF de privatiser la gestion des déchets à travers un partenariat public-privé. Par ailleurs, fin 2013, la CentCoop a bénéficié d un Projet d Inclusion Productive du gouvernement fédéral en partenariat avec le Secrétariat National de l Economie Solidaire (Senaes) et la Banque Nationale de Développement Economique et Social (BNDES). Le projet a pour objectif de renforcer la CentCoop et par là même l autonomie des catadores à la réception du matériel collecté, le triage, la séparation, destination et commercialisation directe avec l entreprise finale. Le projet suppose la construction d un site d enfouissement sanitaire, un système de collecte sélective ; la construction de 12 hangars de triage. Il est aussi important de souligner que la Centcoop est organisée nationalement puisqu elle fait partie du Mouvement National des Catadores de Matériel Recyclé (MNCR) et de la Centrale de Coopératives et Entreprises Solidaires du Brésil (UNISOL Brasil). La décharge à ciel ouvert visitée dans les alentours de Brasília est la plus grande d Amérique Latine. Elle existe depuis 54 ans, et compte environ avec 2100 catadores qui y travaillent. Elle se trouve au sein de Cidade Estrutural, une ville composée de 20 000 familles construite autour de la décharge. Au Brésil il existe encore près de 3000 lixões à ciel ouvert malgré la Politique Nationale de Déchets Solides (PNRS) qui prévoyait l élimination des lixões jusqu en août 2014.

L après-midi, la délégation française a participé d une réunion au Palais Présidentiel du Planalto, dont l objectif était d identifier les opportunités pour renforcer la coopération entre les deux pays en matière d économie solidaire. Ont participé à la réunion les personnes suivantes : De la Sous-direction des Affaires Fédératives du Secrétariat de Relations Institutionnelles (SAF/SRI) de la Présidence de la République : Gilmar Dominici, Sous-Directeur des Affaires Fédératives de la Présidence de la République Paula Ravanelli, Coordinatrice du secteur international de la SAF/SRI Ana Carolina, chargée de mission de la SAF Antonio Cruvinel, chargée de mission de la SAF De la délégation française: Anne-Laure Federici, du RTES, Didier Cujives, de la région Midi-Pyrénées, Florian Ancel, de la région Nord-Pas-de-Calais, Sophie Vally, de la communauté de communes Plaine Commune, Des gestionnaires brésiliens de l économie solidaire: Sandra Faé Praxede de la ville de São Paulo, Wladimir França de l Etat du Paraná, Maurivan Tenório de la ville de Recife, Raphael Reis du Governo do Distrito Federal, Maria Penha da Prefeitura de la ville de Joinville (Santa Catarina) Wagner Baraldi de l Etat du Espírito Santo, Michelli Larissa de la ville de Maceió De l Ambassade de France au Brésil: Rose-Anne Bisiaux, de la coopération technique Des réseaux spécialisés et généraux: Reynaldo Sorbille de la Fondation Unitrabalho, Tatiana Reis du Réseau de Gestionnaires de l Economie Solidaire, Carlos de Freitas, du FMDV, Mariana Nascimento, du FMDV Brésil, Paulo Oliveira de l Association des Maires Brésiliens (FNP) Valentina Velkenstein de l Association Brésilienne des Villes (ABM) Pendant la rencontre, les parties présentes ont réitéré leur intérêt pour la coopération entre la France et le Brésil pour l échange d expériences en matière d économie sociale et solidaire et ont identifié les axes possibles de coopération pour l année suivante (thèmes et agendas). Ci-dessous les principaux points abordés : Aussi bien Paula Ravanelli de la SAF, que Paulo Oliveira de la FNP et Rose-Anne Bisiaux, de l Ambassade de France, ont rappelé l existence d une coopération décentralisée forte et ancienne entre la France et le Brésil, sur des thèmes variés comme le transport, l adaptation au changement climatique ou la gestion des déchets. Celle-ci se matérialise en coopérations bilatérales (par ex. entre Plaine Commune et Canoas, ou Midi-Pyrénées et Pernambuco) ou à travers l organisation de rencontres tous les deux ans (la prochaine aura lieu dans la région Nord-Pas de Calais en 2015). Concernant les thèmes possibles pour la coopération, Tatiana Reis, du Réseau de Gestionnaires a souligné l intérêt pour l échange d expériences sur le fonctionnement du réseau de gestionnaires publics et territoires

sur l économie solidaire. D autres gestionnaires brésiliens présents ont démontré un fort intérêt à travailler sur les thèmes de formation de gestionnaires publics, de commercialisation de produits d artisanat, et sur la cadre juridique de l économie solidaire. Reynaldo Sorbille, de la fondation Unitrabalho, a suggéré que la coopération cherche à articuler avec les entreprises sociales et les universités. Tous les participants français ont démontré une forte volonté d apprendre de l expérience brésilienne et de continuer les activités concrètes de coopération au-delà de celles qui existent déjà. Parmi eux, Anne-Laure Federici, du RTES, a souligné les fortes différences qui existent entre la France et le Brésil en matière d organisation du territoire et de politiques d économie sociale et solidaire, mais a insisté sur l existence de similitudes entre les deux pays en matière de défis rencontrés par ceux-ci dans les politiques d ESS. Elle a aussi identifié quelques thèmes possibles pour la coopération entre les deux pays, parmi lesquels : Lien entre les universités et les acteurs de l économie solidaire Finances solidaires et mobilisation de l épargne locale pour les projets locaux Achats publics pour favoriser et appuyer les entreprises sociales locales Différentes formes de coopératives Transversalité de l économie solidaire : comment renforcer l ess au sein d autres politiques publiques locales comme l éducation, la santé, l agriculture, la coopération internationale, etc. Pôles territoriaux de coopération économique Sophie Vally, de Plaine Commune, a identifié les thèmes suivants pour la coopération avec le Brésil : 1) gestion de déchets ; 2) agriculture urbaine et familiale, jardins partagés ; 3) mobilisation citoyenne, participation de la société civile à la vie économique et sociale du territoire. Florian Ancel, de la région Nord-Pas de Calais a rajouté le thème du lien entre le monde de l économie solidaire et celui de l innovation technologique et innovation sociale. Concernant les agendas possibles pour les prochaines rencontres, l Association des Maires Brésiliens (FNP) a invité les gestionnaires français et brésiliens à participer de la 3 ème Rencontre des Villes avec le Développement Durable (3ºEMDS), qui aura lieu à Brasília les 7, 8 et 9 avril 2015. Il y a eu consensus entre les participants pour que ce soit le moment pour la prochaine rencontre franco-brésilienne sur l ESS. Par ailleurs, Anne-Laure Federici du RTES, a invité les gestionnaires brésiliens à participer de la réunion annuelle sur l économie sociale et solidaire des autorités locales françaises membres du réseau qui aura lieu en juillet 2015. De la même façon, Sophie Vally, de Plaine Commune, a invité les gestionnaires brésiliens à visiter la foire de savoirs et savoir-faires de son territoire qui aura lieu fin 2015. Carlos De Freitas, du FMDV a rappelé que le thème de l Economie Sociale et Solidaire est chaque fois plus important dans les discussions internationales. Il a mentionné notamment la création de deux groupes de travail sur l économie sociale et solidaire au sein du système des Nations Unies, et identifié quelques rencontres importantes pour 2015 : Juin : conférence sur le financement du développement à Adis Abeba Septembre : conférence à New York sur les Objectifs du Développement Durable Octobre : 3 ème Forum de Développement Local à Turin Novembre : rencontres du Mont Blanc en France qui devra discuter la création d un fonds international pour financer l ESS Octobre 2016 : conférence des Nations Unies Habitat III Il a souligné l importance d accompagner ces débats vu qu ils iront définir un cadre juridique international de l économie solidaire, et cela aura des répercussions importantes sur les politiques nationales et locales.

CONCLUSION Les deux jours de la rencontre ont souligné la richesse et variété des expériences solidaires au sein des deux pays et confirmé la pertinence de la coopération au niveau des autorités locales. Aussi, ont été identifiés des thèmes d intérêt pour les deux parties, et définit un agenda possible pour les prochaines rencontres comme indiqué ci-dessous. THÈMES: Gestion des déchets Cadre juridique Mobilisation citoyenne, participation de la société civile à la vie économique et sociale du territoire Finances solidaires et mobilisation de l épargne citoyenne pour les projets locaux Pôles territoriaux de coopération économique Lien entre les universités et les acteurs de l économie solidaire Fonctionnement du réseau de gestionnaires et territoires Achats publics pour favoriser et soutenir les initiatives sociales locales Différentes formes de coopératives Transversalité de l économie solidaire : comment renforcer l ESS au sein d autres politiques locales comme l éducation, la santé, l agriculture, la coopération internationale, etc. Agriculture urbaine et familiale, jardins partagés Lien existant entre le monde de l économie sociale et solidaire et l innovation technologique, et l innovation sociale Formation de gestionnaires publics Commercialisation de produits d artisanat AGENDA: 3ème Rencontre des Villes avec le Développement Durable (3º EMDS) de l Association Brésilienne des Maires (FNP) qui aura lieu à Brasília les 7, 8 et 9 avril 2015 Rencontre Nationale des Collectivités Locales pour une Economie Solidaire du RTES à Paris, juillet 2015 FORMES DE COOPÉRATION ET ACTIVITÉS POSSIBLES: Participation aux événements nationaux (par ex. 3º EMDS et rencontre du RTES) Visites techniques et ateliers (par ex. à l Etat de Bahia après le 3º EMDS et dans la région de Paris après la rencontre du RTES) Coopération bilatérale: identifier des binômes (régions et Etats ; et entre villes) pour des projets concrets d échanges d expériences Publication: élaboration d une publication qui rassemble des études de cas français et brésiliens