Jérôme DUPUIS CONSULTANT Conseil en Gestion Des Organisations Publiques - CONSEIL RÉGIONAL DE LA MARTINIQUE Note de synthèse portant conclusion de l audit de gestion de la politique sportive régionale Le Cardenal 31450 BELBEZE DE LAURAGAIS Tél. : 05 34 66 03 50 Fax : 05 34 66 03 51 - e-mail : jeromedupuis@wanadoo.fr N SIRET : 339 160 285 00039 - Code APE : 7022 Z - Organisme de Formation Professionnelle n 73 31 03254 31 Conseil Régional de la Martinique 1
La politique sportive régionale auditée repose principalement sur 4 dispositifs : l aide aux sportifs de haut niveau, l aide à l élite sportive régionale, l aide aux ligues et comités, l aide aux clubs. 1- Deux dispositifs classiques pour le Haut Niveau à portée limitée et aux règles du jeu incertaines Les 2 premiers, dont les principes sont assez classiques et présents dans d autres régions, reposent sur une délibération cadre (23/11/2003 pour les sportifs de haut niveau et 12/07/2005 pour l élite régionale) fixant le critère d éligibilité (ressources, éléments de financement de la saison sportive), les plafonds, les règles de cumul Or, suite à l analyse menée et aux entretiens conduits, il apparaît que : - Le critère de ressources n est pas utilisé - Les éléments de financement fournis n ont pas d incidence sur les décisions - Le cumul entre l aide sportifs de haut niveau et l aide à l élite (21% sur 2008 et 2009) en diminue la portée et leurs principes respectifs ; d autant plus qu aucune justification n a pu être fournie et que la règle de 60% du plafond élite régionale quand le sportif concerné est déjà classé en haut niveau n est aucunement respecté. - Il n y a pas de prise en compte particulière distinctive entre les sports individuels et les sports collectifs contrairement à la plupart des pratiques des autres Régions - Ces sportifs peuvent bénéficier d une bourse régionale en plus de l aide directe apportée par les ligues à ces derniers. Ces derniers éléments ne sont à ce jour aucunement utilisés dans la décision, tant du principe d attribution, que du montant alloué - Jusqu en 2008, seul le potentiel de progression était considéré, mais aucunement les résultats sportifs réels. A partir de cette date, l avis de la ligue est sollicité permettant de prendre en compte les résultats, le rayonnement et le comportement du sportif. En termes budgétaires, ces 2 dispositifs ne représentent respectivement qu 5% et 10-12% du budget sport réalisé de la Région, soit 575 000 en moyenne sur les exercices 2008 / 2009. Le bilan d utilisation fait apparaître des restes à réaliser conséquents, le saupoudrage est manifestement la caractéristique majeure compte tenu de l écart entre les montants versés et les plafonds délibérés. En outre, de façon particulière pour l aide à l élite régionale, la procédure est la suivante : proposition des ligues d'appartenance en respectant les critères définis examen des propositions des ligues par une commission ad hoc de sept membres, dont la composition est validée par le Président du Conseil Régional après vérification des dossiers et audition des sportifs proposés, la commission ad hoc (mouvement sportif + élus) Conseil Régional de la Martinique 2
la commission de la jeunesse, des sports et de la vie associative examine, pour avis, la liste des sportifs établie par la Commission ad hoc saisine, pour décision de la Commission permanente après avis de la commission de la planification des finances et du budget, de la liste des Sportifs martiniquais d'élite Régionale. La somme est imputée au chapitre 933-32, article 6513 du budget régional et versée aux bénéficiaires ou à leurs représentants légaux selon les modalités suivantes : 50% lorsque la présente délibération sera rendue exécutoire Le solde sur présentation des résultats de la saison en cours appréciés par la ligue ou le comité concerné et validés par la commission jeunesse, sports et vie associative Globalement la procédure (commission ad hoc, commission sport, commission finances, CP) est très lourde et pose la question du rôle des Commissions du Conseil Régional par rapport à la Commission ad hoc De même, il peut y avoir problème quant au versement au sportif, à sa famille ou à la ligue. Il y a un risque si la subvention est versée aux parents (usage autre que celui destiné aux besoins en terme d achats de matériel, de déplacement du sportif) ; de même, s il est versé directement au sportif sans contrôle, l usage des fonds publics est posé. Les ligues pourront utiliser les fonds pour d autres actions que celles destinées au sportif aidé par la Région ; d autant plus que certaines d entre elles sont en difficulté financière, voire même en redressement judiciaire (comme actuellement l athlétisme, le basket, le football ) Enfin, sur ces dispositifs, si la pertinence intrinsèque peut être réelle malgré les problèmes identifiés, une vraie réflexion sur le sport de haut niveau en Martinique mériterait d être conduite : - De nombreuses études sociologiques ont montré l intérêt de la pratique (et donc de l encouragement) du sport de haut niveau, que l on peut résumer ainsi: La recherche de l excellence, dans le sport comme dans tous les domaines, permet à chacun d exprimer le maximum de ses potentialités. Il possède un effet d entraînement vers la pratique sportive de la population et sur le développement des disciplines sportives. Il constitue un facteur stimulant pour l économie. Il est un puissant vecteur de communication pour les collectivités en particulier. - Définitions Les concepts de sportif professionnel et de sportif amateur méritent d être précisés. A cet effet, on peut reprendre la définition proposée par le CROS (Comité Régional Olympique Sportif) : «Est dénommée amateur, dans le domaine du sport, toute personne qui pratique, seule ou en groupe, une activité sportive à titre de loisir et qui tire ses moyens habituels d existence de salaires ou de revenus étrangers à cette activité». - Concernant le concept de haut niveau, une distinction devrait être établie entre les sports individuels et les sports d équipe. Pour les premiers (les sportifs), la seule solution incontournable est celle de la définition officielle contenue dans le code du sport, à savoir l inscription sur les listes nationales arrêtées chaque année par le ministre chargé des Conseil Régional de la Martinique 3
sports: élite, senior, France jeune, partenaire d entraînement et reconversion. Pour les sports d équipe, devrait être considérée comme telle, une discipline où existe un championnat comportant au minimum 10 journées de compétitions officielles. Le tableau ci-dessous déterminerait les critères à prendre en compte pour qualifier de haut niveau une équipe, un club ou une structure d entraînement (pôle...). Equipe Appartenance à une division nationale Encadrement Représentation du club au niveau européen Projet Politique de recrutement Rang dans le département Rang national Nombre de sélectionnés nationaux Structure/club Politique éducative vers le haut niveau Encadrement Equipements Projet Politique de recrutement Politique financière Politique de partenariat Nombre de sélectionnés nationaux Double parcours Double parcours Volume d entraînement Volume d entraînement Accompagnement médical Intégration dans le projet «fédéral» (Ligue+comité) Proportion minimale d athlètes formés localement Proportion minimale d athlètes formés localement - Financement Il importe de souligner que les aides du Conseil Régional se croisent avec celles apportées par d autres financeurs (le plus souvent publics). On peut regretter qu il ne soit pas possible de créer une coordination entre toutes les parties impliquées dans le financement du sport (le haut niveau en particulier). Au fil des réflexions, cette coordination s avère de plus en plus nécessaire. Pour ce qui concerne l action du Conseil Régional, nous pourrions retenir les grands principes suivants: Il est souhaitable de recentrer les aides, même si une certaine dispersion pouvait permettre d augmenter le nombre de bénéficiaires au détriment cependant de l efficacité. Pour les sportifs, les clubs et les structures de haut niveau, les aides doivent être attribuées dans le cadre d une démarche de projet, et donner lieu à une évaluation assurant la transparence du dispositif. Conseil Régional de la Martinique 4
Pour les équipes, seuls les 1ers et 2èmes niveaux amateurs nationaux doivent être pris en compte et une seule aide doit être apportée à chaque bénéficiaire au vu de son projet. 2- Un dispositif «discrétionnaire» sans soubassement juridique à destination des sportifs Avant même d aborder les 2 autres dispositifs, il convient d en mentionner un autre qui ne s adosse à aucune délibération cadre et dont : - Les décisions d'attribution relevaient jusqu en mars 2010, après avis de la Commission Sectorielle, d'une décision discrétionnaire du Président de la Région - Le montant de 245 000 en 2008 représentait 60% du montant alloué à l élite régionale, et 130% de celui attribué aux sportifs de haut niveau 3- Une aide aux ligues et comités sans règles du jeu établies Pour l aide aux ligues et comités, aucune délibération cadre relative à cette aide n'a pu nous être fournie par le service. Seules seraient prises en compte un programme d'actions mentionnant l'objet du projet, le nombre de licenciés ; la subvention étant versée en fonction de la popularité de la discipline, des résultats des sportifs ou des clubs concernés. Or, aucune preuve de documents d instruction valorisant ces aspects, ni de tableau récapitulatif soumis à la Commission thématique n ont pu être produits. En terme budgétaire, prés de 2M sont versés à ce titre, soit la part la plus importante du budget sport réalisa de la Région (60% en 2008 et en 2009 des réalisations). Globalement, sur ces 2 exercices près de 60% du montant total est versé à 10 comités et ligues. Nos propositions seraient de définir une part fixe et une part variable allouées aux ligues et comités : - Une partie fixe à hauteur de 20 à 30% (à revoir) sur la base de critères intégrant le nombre de clubs affiliés, le nombre de licenciés, le taux d'encadrement, le nombre de jeunes... Le calcul de cette part pourrait être calculé en définissant une enveloppe globale pour l'ensemble des comités et ligues et attribuer des points aux différents critères. La part relative des points de chaque comité et ligue constituerait la clé de répartition de l'enveloppe pour chaque ligue ou comité. - La part restant par rapport à l'inscription budgétaire globale de la Région à ce titre constituerait une part variable en réponse aux projets déposés par chaque comité ou ligue. 2 types de projets pourraient être spécifiquement dédiés à ce titre. L aide à l'équipement des ligues : Le but serait de soutenir les ligues et les comités régionaux dans leur volonté de développer et d améliorer leurs structures et leurs équipements et d aider à l amélioration du développement des disciplines sportives dans le cadre du sport de masse. Conseil Régional de la Martinique 5
Cette mesure viserait à permettre aux athlètes martiniquais de rester licenciés dans la Région grâce aux infrastructures sportives mises en place pour les ligues régionales. L aide aux actions de formation : Il s'agirait de soutenir l organisation de stages qualifiants mis en place par les ligues et les comités régionaux. Cela pourrait concerner tout autant les ligues sportives et les comités régionaux que les associations, avec l accord de leur ligue. Seraient alors concernés, les stages organisés par les ligues et comités régionaux visant : Le perfectionnement des meilleurs sportifs martiniquais ; la formation de cadres fédéraux (initiateurs, animateurs, entraîneurs, éducateurs) et d officiels (arbitres, juges, chronométreurs) ; la formation des dirigeants. Le Conseil régional accorderait par journée stagiaire une aide financière pour le perfectionnement de l élite régionale des athlètes ainsi que des cadres sportifs. 3- Une aide aux ligues et comités sans règles du jeu établies Pour l aide aux clubs, aucune délibération cadre ne vient fonder l intervention régionale. De même : - Aucun tableau d'aide à la décision de la commission n'a pu être fourni par le service des sports pour préciser la nature des opérations soutenues, le montant sollicité et le montant attribué. Seuls ces derniers, que nous avons dû retraiter pour cause d incohérences diverses, peuvent être exploités. - Les clubs locaux font des demandes directement à la Région qui soutient sur la base d'aucune délibération cadre et sans critère. Toutefois, la dotation comporte une aide en fonctionnement sur opération (dont aucune liste d'action éligible n est définie à priori) selon la règle suivante : 1er acompte de 60% à la notification, et 40% sur la production de facture. Le processus de gestion est relativement lourd, et coûteux compte tenu des subventions allouées. Sur le plan budgétaire, ce sont près de 700 000 qui sont versés à ce titre chaque année, soit près d un quart du budget sport réalisé par la Région. Pour ce dispositif : - La notion d intérêt régional est posée compte tenu de l absence de critères - L analyse des dotations financières aux clubs par d autres organismes publics (CG, villes ) n est pas réalisée par le service. La place voir l existence même de ce dispositif régional est posée. Conclusion Globalement, sur cette «politique publique», nous avons relevé particulièrement : - Une faible vision consolidée de l action de la Région en matière de sports, notamment dans le rapport d activité de la Collectivité (dans lequel on peut noter un certain nombre d insuffisances et d incohérences) Conseil Régional de la Martinique 6
- Des actions qui semblent conduites hors des champs de compétences de la Région, sans aucune assise réglementaire ou légale - Un flou sur les bénéficiaires finaux des aides (faiblesse du suivi, de statistiques et de contrôles récurrents sur les aides et subventions accordées, incohérences des tableaux réunis.) - Une prise de décision sur l attribution d aide peu transparente Des critères d attribution non formalisés par l institution Des décisions politiques prises directement par l Exécutif régional Des champs d intervention longs Un suivi inexistant des aides accordées C est pourquoi nos pistes d évolution pour la (re)définition d une politique sportive régionale en Martinique seraient les suivantes : - A l aune des éléments recueillis à l occasion de cet audit de gestion (qui ne constitue pas une évaluation de politique sportive) un certain nombre de thèmes pourrait être intégré sur lesquels pourraient porter les réflexions futures : La problématique de l accessibilité à la pratique sportive Le haut niveau L emploi dans le sport Le renouvellement des dirigeants bénévoles L éventualité de mettre en place en Martinique une CRESI (commission régionale des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature) Le projet associatif L évaluation du coût des pratiques - Les orientations stratégiques de la Région en faveur du sport pourraient mettre en avant deux actions pour y parvenir : Passer des conventions avec les comités sportifs régionaux en y intégrant les priorités régionales Refondre la politique d aide au sport de haut niveau Conseil Régional de la Martinique 7