PREMIÈRES JOURNÉES NATIONALES D ACTION CONTRE L ILLETTRISME Discours de Mme George Pau-Langevin, Ministre des outre-mer - Lundi 8 septembre 2014 - SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI L illettrisme : un handicap social, une épreuve subjective Je suis très heureuse d être parmi vous aujourd hui pour ces premières journées nationales d action contre l illettrisme. En France, en 2011, ce sont près de deux millions et demi d hommes et de femmes qui étaient en situation d illettrisme. Les difficultés de lecture, d écriture et de calcul barrent l accès à l emploi qualifié et réduisent également les débouchés aux emplois non qualifiés. En 2004, à peine plus d un Français sur deux en situation d illettrisme avait un travail. Mais l illettrisme, tous ceux qui sont présents ici aujourd hui en ont conscience, n est pas seulement un handicap social. C est également une épreuve subjective.
Ne pas être en mesure de lire, c est ne pas être en mesure de déchiffrer le monde qui nous entoure. L illettrisme est une épreuve quotidienne : dans le métro, dans la rue, à la poste, au supermarché, pour écrire un message, lire le carnet scolaire des enfants, comprendre une notice de médicament, une consigne de travail ou de sécurité. L illettrisme c est l épreuve d un quotidien qui ne cesse de résister à soi. L illettrisme est l épreuve d un monde indéchiffrable, d un monde qui devrait être familier et qui demeure irrémédiablement étranger, hermétique, et parfois hostile. L épreuve que constitue l illettrisme, c est l épreuve que le monde qui nous entoure, nous n y avons pas accès comme nous le devrions. L illettrisme : grande cause nationale 2013 Cette cause m est chère, vous le savez. Je me suis engagée dans ce combat lorsque j étais alors encore ministre de la Réussite éducative. Vincent Peillon et moi-même avions soutenu auprès du Premier ministre Jean-Marc Ayrault la proposition de l ANLCI d ériger la prévention de l illettrisme en grande cause nationale. Cette mobilisation a été très porteuse. Elle a contribué à ce que ce phénomène caché, mal connu des pouvoirs publics, et dont les publics concernés restent mal identifiés, soit mis en lumière, au plus haut niveau de l Etat comme dans les médias.
On évoque ces derniers temps la France des invisibles, ceux qui ne parlent pas et ceux dont on ne parle pas. Les hommes et les femmes en situation d illettrisme sont ces invisibles. Prévenir l illettrisme et le combattre, c est redonner à ces gens une considération, une parole et une visibilité.. Combattre l illettrisme, c est combattre l exclusion. Un combat entamé depuis le ministère de la réussite éducative Deux millions et demi d illettrés, ce sont deux millions et demi d exclus, de parents qui ne peuvent accompagner leurs enfants dans leur scolarité. C est un terreau particulièrement propice à la reproduction de cet échec d une génération à l autre. Nous avions donc souhaité, en 2013, qu un plan de mobilisation soit proposé, afin de veiller à ce que ce fléau soit pris en compte par l Education nationale dans la relation avec les parents, avec leurs enfants, pour que l illettrisme ne devienne pas un déterminisme social. Nous avons travaillé à réarmer l institution scolaire en sensibilisant les personnels pour que tous soient en mesure de prendre en compte l illettrisme au sein des familles comme un élément déterminant de la scolarité des élèves. C est dans cette perspective que nous avons élaboré et construit un cadre national afin de coordonner les acteurs et de valoriser les partenariats en vue de donner une cohérence à tous les dispositifs et à toutes les actions mises en
place. L Agence Nationale de Lutte Contre l Illettrisme a permis la convergence des acteurs et d inverser la courbe de l illettrisme. Je salue le travail de tous ceux qui y ont participé. et qui se poursuit au Ministère des Outre-mer Ma préoccupation pour cette juste cause est restée intacte depuis que j ai été appelée à la responsabilité de Ministre des Outre-mer. Vous le savez, la situation de l illettrisme demeure, dans nos territoires d Outre-mer, plus préoccupante encore que celle rencontrée dans l hexagone. La population touchée par l illettrisme y est bien supérieure : 14% en Martinique et plus de 20% à La Réunion et en Guadeloupe. A Mayotte, l illettrisme touche plus d un tiers de la population et près de 20% en Guyane. Et encore, ces chiffres ne prennent en considération que les personnes qui ont été scolarisées en France. Face à ce constat, le Ministère des Outre-mer a mis en œuvre des mesures spécifiques pour ces territoires et ces populations. Des plans régionaux de lutte contre l illettrisme ont été mis en place dans chacun des départements d Outre-mer, ainsi qu en Nouvelle-Calédonie. Ces plans se définissent autour de trois axes forts : un diagnostic territorial et une gouvernance forte ; un plan d actions concertées de prévention et des mesures favorisant l acquisition des
compétences clés. La nomination, depuis 2010, de sous-préfets délégués à la jeunesse et à la cohésion sociale dans nos départements d outre-mer permet de renforcer l application du plan de prévention et de lutte en assurant une coordination plus grande aux politiques de cohésion sociale territorialisées. Par ailleurs, l action du Service militaire d insertion socio-professionnelle aux services de la jeunesse d Outre-mer a vu son action renforcée et se positionne sur les jeunes les plus fragiles. Le SMA s est associé à la société GERIP afin d aider plus de 1200 jeunes ultramarins à sortir chaque année de l illettrisme. Nous soutenons et finançons par ailleurs les expérimentations ultramarines du Fonds d expérimentation pour la jeunesse, dont le projet porté par l ANLCI sur la maîtrise des savoirs de base comme facteur de sécurisation des parcours de formation des apprentis. Le ministère des Outre-mer s inscrit pleinement dans la réflexion en cours sur la nouvelle synergie à mettre en place pour intensifier les actions en faveur de la lutte contre l illettrisme. Le ministère travaille en vue d améliorer la prévention en consolidant les compétences de bases et en visant une Haute Qualité Educative pour les outremer. Nous travaillons, dans cette perspective, en partenariat avec l Education nationale.
SI la lutte contre l illettrisme est indispensable dans l Hexagone, elle l est encore davantage dans nos Outre-mer. La formation des jeunes comme l insertion des adultes sur le marché du travail requiert la mobilisation, la coopération et l association de tous les acteurs de l éducation, de la formation et du monde économique. La prévention et la lutte contre l illettrisme sont non seulement une fin en soi, mais également un vecteur décisif de l insertion sociale et professionnelle de nos concitoyens. L ANLCI : un acteur décisif Je voudrai, une fois encore, remercier et saluer le travail décisif de l ANLCI. L Agence et les grandes organisations qui travaillent en partenariat avec elle ont permis au cours de ces dernières années des avancées considérables. Elles ont permis d aider les personnes qui sont confrontées à l illettrisme en les sortant de la honte qu elles ressentent souvent. Elle a participé à promouvoir les solutions existantes et à renforcer la mobilisation pour que les moyens de combattre l illettrisme soient hissés à la hauteur des besoins. Elle a permis de mener une action transversale en impliquant les professionnels concourant à l éducation, à la formation professionnelle, à l action sociale et culturelle. Cette méthode de travail a porté ses fruits, puisqu en moins de dix ans ce sont
près de 600.000 personnes qui sont sorties des statistiques de l enquête Information et vie quotidienne. Beaucoup reste encore à faire, et nous devons tous unir nos compétences et notre action afin de poursuivre ce combat. Conclusion A la fin du XIX siècle, la République, en rendant l école obligatoire, a porté un coup décisif à l analphabétisme. Plus d un siècle et demi plus tard, force nous est de reconnaître que pour un enfant, comme pour un adulte, la scolarité ne suffit pas toujours à ce que les savoirs fondamentaux soient intégrés et acquis une fois pour toute. Le taux d illettrisme des adultes est là pour nous rappeler à l ordre au cas où notre idéal virerait à l illusion. Cela exige des responsables que nous sommes de redoubler de vigilance quant à la transmission des savoir fondamentaux pour les enfants d aujourd hui qui seront les adultes de demain. Prévenir l illettrisme et permettre aux adultes que ce fléau frappe de retourner vers les apprentissages dont ils ont besoin c est faire preuve de soutien, de bienveillance et de solidarité. Cette préoccupation pour nos concitoyens qui connaissent cette situation difficile est une marque de respect. C est même avant tout une marque de fraternité.
Et la France n est jamais aussi fidèle à elle-même que lorsqu elle se retrouve autour des valeurs qui l ont portée tout au long de son histoire. Ces valeurs de solidarité, de fraternité et d émancipation sont les bases sur lesquelles reposent notre pacte social et notre communauté de bien. Merci à vous,