13. Sport, surentrainement et fatigue



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Transcription:

Les petites fiches du Rom Doc 13. Sport, surentrainement et fatigue Introduction Il nous arrive parfois de ressentir des épisodes de fatigue plus ou moins intense, en particulier lors de périodes d'entrainement important en vue de compétitions à court ou moyen terme, certain(e)s d'entres vous en ont déjà fait l'expérience...or, il est parfois difficile de faire la part des choses entre une fatigue «naturelle» consécutive à un entrainement physique important, et une fatigue «pathologique» provoquée par une autre cause, mais favorisée néanmoins par l'entrainement physique intense. Je me suis donc penché sur le sujet pour essayer de vous faire un topo simple mais complet sur les hypothèses actuelles des scientifiques, sachant que comme vous allez le voir, on ne sait pas tout... Les causes discutées de fatigue chez le sportif 1) les infections virales Les études épidémiologiques des dix dernières années montrent l'importance des épisodes infectieux dans l'état de forme des sportifs, notamment des infections virales. Le principal virus incriminé est l'epstein-barr Virus (EBV), qui est le virus responsable de la mononucléose infectieuse (MNI), mais d'autres ont été évoqués, notamment le Cytomégalovirus (CMV), responsable également d'un syndrome mononucléosique. La mononucléose infectieuse consiste en l'association de plusieurs symptômes pas forcément tous présents : la fatigue, persistante, durant plusieurs semaines voir plusieurs mois, une fièvre légère (38-38,5 C) une baisse de l'appétit des maux de tête des ganglions, une hypertrophie de la rate une angine une éruption cutanée (rare mais déclenchée par la prise de pénicilline A) Il faut savoir que plus de 90% des adultes sont immunisés contre l'ebv et le CMV, et que l'immense majorité d'entre nous ont déjà rencontré ces virus sans avoir présenté le moindre symptôme. La transmission d'homme à homme se fait essentiellement par la salive, raison pour laquelle la mononucléose touche le plus souvent les adolescents et les jeunes adultes (à l'âge des premiers baisers sur la bouche...) s'ils n'ont pas été immunisés par des postillons dans leur enfance. 1

Ce sont les anticorps, que nos globules blancs synthétisent dès la première rencontre avec ces virus, qui nous protègent durablement des infections ultérieures et des réactivations virales. Or, il a été montré que chez les sportifs pratiquant des sports intensifs et/ou d'endurance, la concentration dans la salive en anticorps était diminuée, à cause d'une baisse globale du fonctionnement de certains globules blancs, probablement liée aux effets de l'entrainement physique. Cette diminution des anticorps salivaires (notamment des IgG3 et des IgA) serait responsable directement de la réactivation du virus quiescent dans l'organisme, qui s'exprime alors par des symptômes de la MNI. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, de traitement spécifique et curatif de la MNI. On peut tout au plus traiter la fièvre (par du paracétamol), les complications graves (par des corticoïdes), les surinfections bactériennes (par des antibiotiques), et dans le cas du sportif, on ne peut que conseiller une période de repos sportif. En effet, il a été observé une ré-ascension du taux d'anticorps salivaires après l'arrêt de l'entrainement chez des nageurs de haut niveau présentant une probable MNI suite à une période d'entrainement intensif. 2) Les infections bactériennes Elles sont plus rarement en cause dans les épisodes de fatigue du sportif mais méritent d'être citées : Sinusite aigue ou chronique bronchites à répétition autres infections de la sphère ORL 3) Les allergies Une allergie est la conséquence d'un dérèglement de l'immunité : l'organisme se défend contre des cibles inoffensives et surtout fréquemment en contact avec le sujet atteint. Le terrain allergique (on parle «d'atopie») d'un individu est la conséquence de deux facteurs : les antécédents familiaux : l'atopie est en partie héréditaire son environnement : notamment l'exposition aux allergènes, le tabagisme, l'alimentation... Une allergie peut se déclencher à tout âge, et elle nécessite un premier contact avec l'allergène pour que l'organisme fabrique les anticorps contre lui, qui fonctionneront à partir du second contact. Les manifestations des allergies les plus fréquentes sont : l'asthme la rhinoconjonctivite l'eczéma digestives : vomissements, amaigrissement... Dans le triathlon, sport de plein air par excellence, une rhinite ou des difficultés respiratoires au printemps ou durant l'été doivent faire rechercher une allergie aux pollens. A la piscine, des allergies aux dérivés chlorés dissouts dans l'eau existent. L'asthme est potentiellement la pathologie la plus handicapante et la plus grave par son évolution imprévisible. Ses symptômes sont la toux, des crachats blanchâtres, des sifflements dans la poitrine lors de l'expiration, et/ou un essoufflement avec notamment une gêne à l'expiration. L'apparition d'un de ces symptômes doit vous faire consulter votre médecin traitant pour qu'il envisage deux choses : 2

un bilan respiratoire par une spirométrie afin de diagnostiquer l'asthme un bilan allergologique par des tests cutanés («prick tests») afin de déterminer à quoi vous êtes allergiques. Tout ceci permettra l'éviction de(s) allergène(s) si possible, d'envisager un traitement optimal des symptômes respiratoires, et éventuellement d'envisager une désensibilisation. A noter que l'asthme à l'effort existe, il s'agit d'une crise d'asthme déclenchée uniquement par l'effort, qui peut être mortelle, mais qui est très très très rare... 4) les troubles du sommeil Au même titre qu'ils empoisonnent la vie socioprofessionnelle, ils sont responsables de fatigue à l'entrainement sportif...à prendre en charge, donc. 5) les troubles hormonaux et métaboliques Une fatigue inhabituelle à l'entrainement peut permettre le diagnostic d'un dysfonctionnement de la thyroïde, notamment chez les femmes. Cependant, le sport n'a jamais été reconnu comme facteur de risque de maladie thyroïdienne. En revanche, entrainement intense, fatigue, et anémie, sont souvent associés sans que l'on puisse l'expliquer. Des études ont ainsi montré une carence en Fer chez plus d'un quart des basketteuses américaines, associées dans la plupart des cas à une fatigue précoce à l'entrainement. Il n'y a pas, à l'heure actuelle, d'explication du pourquoi du comment...mais il semblerait qu'une supplémentation en fer puisse éviter, dans certains cas, des épisodes de fatigue chez les sportives intensives, même si une supplémentation systématique n'est pas recommandée pour l'instant. En tous cas, les filles, pensez à faire faire un dosage de ferritine et de TSH en cas de coup de barre durant quelques semaines. 6) les causes nutritionnelles Je devais les citer car elles sont responsables d'une fatigue durable si le régime alimentaire n'est pas en adéquation avec les besoins d'un sportif, qu'il s'agisse de l'alimentation en général, comme des apports énergétiques pendant les efforts physiques. Je vous renvoie aux topos que j'avais écrit sur le sujet ou à d'autres documents spécialisés... 7) la dépression J'imagine bien qu'il n'y a rien de plus frustrant que de s'entendre dire, devant une fatigue persistante, que «c'est dans votre tête, tout ça, mon bon monsieur!», mais les épisodes tristes de la vie, qu'ils soient peu intenses ou très profonds, sont responsables d'un coup de fatigue indéniable chez les personnes concernées. 8) les causes très rares Je devais les évoquer car elles existent : les maladies cancéreuses, les lymphomes 3

les maladies métaboliques graves : diabète, déficits hormonaux... les maladies cardiaques, rénales... etc etc... Devant une fatigue persistante chez un sportif entrainé : que faire? Je n'ai pas la prétention de formuler ici un modèle de prise en charge pour un individu lambda, s'entrainant plusieurs heures (voir plus de 10h) par semaine, présentant une fatigue persistante (plusieurs semaines) et incessante, mais voici quelques éléments de réflexion : diminuer la quantité d'entrainement, en fréquence comme en durée, si cela n'a pas déjà été fait à cause de la fatigue elle même (quoique certain(e)s athlètes persévèrent...), et patienter encore quelques jours/semaines, sous surveillance médicale, pour voir si l'état de forme s'améliore. Réfléchir à son alimentation, à son hygiène de vie (sommeil, charge de travail...), en somme faire une réflexion globale sur son activité quotidienne, sur les temps de repos quotidiens accordés à son organisme, sur les apports nutritionnels, tout ceci seul(e) et avec un médecin. Chercher une cause parmi celles vues précédemment qui soit de diagnostic facile (sans examens complémentaires, même si la confirmation en nécessitera ; exemple : les allergies...) ; En cas de non amélioration après correction des facteurs de risque simples, faire des investigations complémentaires, à commencer par une prise de sang comportant des dosages de routine et cherchant des stigmates d'infection virale ; selon les résultats, on décidera d'un traitement spécifique (s'il existe) ou pas... En guise de prévention, le plus simple est de se ménager et de ne pas tomber dans le surentrainement... en saison de compétition, se réserver des périodes de récupération après les compèt (adage de Seb : 42 km à pied = 42 jours de récup); «récupération» ne voulant pas dire «pas de sport», mais sport à faible intensité... augmenter la charge d'entrainement progressivement au fil de l'année, et pas brutalement ; en saison creuse (l'hiver pour tout triathlète qui se respecte), ne pas forcer, car sinon, au printemps, c'est le coup de mou... ne pas enchainer tous les jours de séances intenses style fractionné, même s'il s'agit de sports différents. écouter son corps. Même les pros, suivis médicalement, et dans des structures très pointues, le disent. Une douleur impose le repos par exemple. Une baisse des performances (au chrono) malgré un maintien de l'entrainement ne doit pas provoquer une augmentation de l'entrainement mais doit au contraire poser la question d'une fatigue due à un éventuel surentrainement. A méditer... 4

Sources : V L Reid, M Gleeson, N Williams, R L Clancy, Clinical investigation of athletes with persistent fatigue and/or recurrent infections, Br J Sports Med 2004;38:42 45 ; Gleeson M, Koina C, Clancy RL, et al. Epstein-Barr virus reactivation in elite swimmers. Int J Sports Med 2000;21(suppl 1):83. 5