C est très tôt, dés le début du XX siècle, qu apparaissent les premières dispositions légales encadrant la consommation d alcool sur le lieu de travail. Gérer les problèmes liés à la consommation ou à l introduction de l alcool sur le lieu de travail reste au fil du temps un sujet épineux et délicat, notamment concernant le mode de preuve dont peut faire usage un employeur afin de faire respecter le principe d interdiction. Compte tenu de l évolution de la jurisprudence, faisant peser sur l employeur une obligation de sécurité de résultat, la question de la consommation d alcool durant le travail a été remise sur le devant de la scène. On se souviendra par exemple de cet employeur condamné pour faute inexcusable suite à un accident de la route mortel survenu à un salarié suite à un pot alcoolisé de départ dans l entreprise (C. cass. Chambre criminelle 5 juin 2007). Cette note a pour objet de récapituler les dispositions légales relatives à la consommation d alcool sur le lieu de travail et de faire état des différents moyens à la disposition de l employeur pour prévenir et sanctionner ces situations. Bien que non intégrées dans le code du travail, les questions liées à l utilisation ou à l introduction de drogues sur le lieu de travail pourront être traitées de façon relativement similaire. 1 CADRE LÉGAL 1.1 Interdiction de l alcool sur le lieu de travail Selon l article R. 4228-20 du code du travail, «Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.». L employeur est en outre tout à fait légitime à interdire, au sein du règlement intérieur, toute forme de boisson alcoolisée ; qu il s agisse de l introduction ou de la consommation. Il peut donc élargir l interdiction totalement l alcool, y compris donc le vin, la bière, le cidre et le poiré. Tout salarié ne veillant pas au respect de l interdiction ainsi formulée commettra une faute sanctionnable. Il en est de même pour l usage de drogue (Rép. Roubaud n 80516, journal Officiel 31/01/2006, AN quest. P. 1003). Selon l article L. 3322-8 du code de santé publique, «la délivrance de boissons alcooliques au moyen de distributeurs automatiques est interdite». Enfin, selon l article R. 4228-21 du code du travail, «il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse». Concernant la drogue Article L. 3421-1 code de santé publique ; «L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende.» 1.2 Obligations pesant sur l employeur L'employeur est tenu, à l'égard de chaque salarié, à une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé (c. trav. art. L. 4121-1). Cette obligation est tirée de la jurisprudence (C. soc. 28/02/2002). réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l employeur / Zoom sur / 1 er avril 2010 1
L employeur est donc tenu de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de préserver la santé et la sécurité des salariés sur leur lieu de travail. Il doit également en ce sens prendre toutes les mesures de prévention. Dans le cadre d une obligation de sécurité de résultat, le seul fait que le résultat escompté ne soit pas atteint engage la responsabilité du débiteur de l obligation. En outre, la cour de cassation reconnait l existence d une faute inexcusable imputable à l employeur lorsque celui-ci aurait du ou avait conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu il n a pris aucune mesure de prévention ou de protection pour y remédier. Les juges n exigent pas que la connaissance par l employeur du danger soit une connaissance effective et fine ; les juges adoptent une appréciation in concreto. Le critère de connaissance du danger de l employeur sera donc apprécié en fonction de celle légitimement attendue de tout employeur. 2 MISE EN PRATIQUE La question de l alcool sur le lieu de travail est un sujet complexe à traiter ; cette question se situe en effet bien souvent au croisement des règles d hygiène et de sécurité et des règles protégeant la vie privée des salariés. Face à ce problème, l employeur dispose de certains outils, dont il est fait un exposé ci après. 2.1 Sanctionner «L homme ivre qui trouble l ordre de la Cité doit être châtié parce qu il trouble l ordre, non parce qu il est ivre» (Montesquieu) En matière disciplinaire toute sanction n est légitime que dans la mesure où elle présente un degré de proportionnalité avec la gravité des faits reprochés. Outre le choix de la sanction, l employeur devra également pouvoir prouver la véracité des faits reprochés. 2.1.1 Prouver la consommation d alcool : l éthylotest Le règlement intérieur est un acte par lequel l employeur fixe les règles applicables dans les domaines suivants : - hygiène et sécurité, - discipline, - droits de la défense des salariés. Le règlement intérieur devra donc utilement rappeler les principes d interdiction relatifs à l alcool et à la drogue applicables au sein de l établissement. Le règlement intérieur devra en conséquence préciser les mesures de contrôle auxquelles l employeur pourra avoir recours. Préalablement à l introduction d une mesure de contrôle, l employeur devra en informer les représentants du personnel, ainsi que le CHSCT si cette mesure concerne son domaine de compétence (art. L. 2323-32 C. trav.). Il ressort de la circulaire DRT du 15/03/1983 et des décisions rendues par le Conseil d État, que soumettre un salarié à un alcootest prévu au règlement intérieur doit être diligenté afin de prévenir ou de faire cesser immédiatement une situation dangereuse. Le contrôle d alcoolémie n est donc pas un outil permettant uniquement à l employeur de faire constater une faute disciplinaire. réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l employeur / Zoom sur / 1 er avril 2010 2
La haute juridiction en a tiré les conséquences suivantes, relatives aux conditions d'exercice du contrôle (C. Cass. 24/02/2001 n 01-47.000). Ainsi, selon la cour de cassation, il est possible de prévoir au sein du règlement intérieur le recours à l éthylotest afin d établir l état d ébriété du salarié si les conditions cumulatives sont remplies ; - Les modalités de contrôle permettent la contestation par le salarié ; - En raison de la nature des fonctions du salarié, son état d ébriété est de nature à exposer les biens ou les personnes à un danger de sorte qu il puisse constituer une faute grave. Ainsi le recours à l alcootest est limité aux situations permettant de vérifier les taux d alcoolémie des salariés qui ; - Doivent manipuler des produits dangereux ; - Sont occupés à des machines dangereuses - Sont occupés à la conduite de véhicule et notamment transportent des personnes. Il convient donc de déduire que toute clause inscrite au règlement intérieur prévoyant le recours à l alcootest de façon systématique et générale sera illégal. Le non respect de ces dispositions rend le contrôle opéré irrégulier et prive de fondement la sanction adoptée. 2.1.2 Fouiller des vestiaires Concernant l interdiction d introduire ou de détenir de l alcool sur le lieu de travail, il peut être envisagé, dans le règlement intérieur de prévoit le recours au contrôle des armoires/vestiaires individuelles. L employeur ne peut procéder à l ouverture de l armoire individuelle d un salarié que : - dans les cas et aux conditions prévus par le règlement intérieur, la fouille devant être justifiée par un risque ou un événement particulier (ex. : nettoyage, impératif de sécurité), - et en présence de l intéressé ou si celui-ci a été préalablement prévenu. Le salarié peut exiger la présence d un témoin. Concernant la drogue Le comité consultatif national d éthique pour les sciences de la vie et de la santé a évoqué la possibilité d établir l usage de stupéfiants pour les postes comportant des exigences importantes en matière de sécurité. Selon ce comité, le dépistage pourrait intervenir lors des visites médicales d embauche et périodique. Pour ces contrôles, le comité préconise au médecin du travail d informer préalablement le salarié sur l objet du test et sur les éventuelles conséquences sur son emploi en cas de test positif. Le code du travail n ayant pas visé l usage et la détention de drogue sur le lieu de travail, le règlement intérieur ne peut imposer, quelle que soit les circonstances, ce dépistage. 2.1.3 Utiliser les témoignages L employeur peut également recourir à des témoignages pour prouver les faits qu il avance. Le témoignage est un mode de preuve recevable sous réserve qu il ait été donné librement. En outre, il devra répondre à certaines conditions de fond et de forme prévues par le nouveau code de procédure civile; - Être écrit à la main ; - Établit par le salarié seul réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l employeur / Zoom sur / 1 er avril 2010 3
- Être accompagné de la photocopie de la carte d identité du salarié témoin. 2.1.4 Choisir la sanction Exclusion faite du licenciement pour motif économique, il existe différents types de licenciement possible; - Le licenciement pour motif personnel non disciplinaire - Le licenciement pour motif personnel disciplinaire Quelle que soit la forme du licenciement pour lequel l employeur opte, il devra se conformer aux procédures applicables et veiller au respect des protections éventuellement prévues par le code du travail. En cas de consommation ou de détention d alcool (ou de drogue) sur le lieu de travail l employeur pourra, selon les circonstances de l espèce, envisager soit ; 1/ le licenciement pour motif non disciplinaire - Mauvaise exécution du contrat de travail (du à une consommation d alcool ou de drogue) - Inaptitude (décidée par le médecin du travail) 2/ le licenciement pour motif disciplinaire - Violation d une règle de discipline applicable dans l établissement En cas de licenciement pour motif disciplinaire constitutif d une faute grave, il peut être envisagé une mise à pied conservatoire. 2.2 Prévenir 2.2.1 Le CHSCT Le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs ainsi qu à l amélioration des conditions de travail, et de veiller à l observation des prescriptions législatives et réglementaires fixées en ces matières. Son rôle est donc de procéder régulièrement à des analyses des risques professionnels, à des inspections et enquêtes en matière d hygiène de sécurité de travail et d accidents de travail. De plus, le CHSCT contribue à la prévention des risques professionnels dans l établissement, notamment en suscitant toute initiative qu il juge utile dans cette perspective et en proposant des actions de prévention (art. L. 4612-1 à L. 4612-7 C. trav.). Cette institution est donc l interlocuteur désigné pour évoquer les problématiques relatives à la consommation d alcool ou de drogue. Rappelons qu à défaut de CHSCT, ce sont les délégués du personnel qui se verront attribuer le rôle du comité d hygiène. 2.2.2 Le règlement intérieur Le règlement intérieur ne peut comporter des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Compte tenu de la spécificité du secteur sanitaire, social et médico-social, une interdiction totale de consommation et de détention semble donc légitime. Le contact avec une population fragile ou d enfants semble pouvoir justifier une telle restriction. 2.2.3 Le médecin du travail Selon les dispositions du code du travail, le médecin a pour rôle ; - l amélioration des conditions de vie et de travail dans l entreprise ; réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l employeur / Zoom sur / 1 er avril 2010 4
- l hygiène générale de l établissement ; - l adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine ; - la protection des salariés contre l ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d accidents du travail ou d utilisation des produits dangereux ; - l hygiène dans les services de restauration ; - l éducation sanitaire dans le cadre de l établissement en rapport avec l activité professionnelle. Dans le cadre de ses missions, le médecin du travail est le seul à pouvoir faire pratiquer des examens complémentaires. 2.2.4 Les alertes professionnelles Il s agit d un dispositif consistant en l organisation des modalités selon lesquelles les salariés, ou toute autre personne exerçant une activité dans l entreprise, peuvent signaler au chef d entreprise ou, éventuellement, à d autres personnes désignées à cet effet, des problèmes pouvant sérieusement affecter l activité de l entreprise ou engager gravement la responsabilité de l employeur. L alerte professionnelle peut être mise en place par décision unilatérale de l employeur ou par voie négociée (au niveau de la branche, du groupe, de l entreprise ou de l établissement). Le mode de mise en place sera fonction des domaines dans lesquels ce dispositif interviendra. L utilisation du dispositif d alerte doit demeurer facultative. L anonymat doit pouvoir être conservé, particulièrement dans le cas de signalements particulièrement lourds ou sensibles (circ. DGT 2008/22 du 19 novembre 2008). réseau Uniopss-Uriopss / Site Guide de l employeur / Zoom sur / 1 er avril 2010 5