-17- II. Les délais de paiement 1/ La négociation des délais de paiement Une bonne maîtrise du délai client impose une bonne compréhension du délai réel de crédit qui est accordé au client. Une condition stipulée à 30 jours nets est déjà susceptible d interprétation si on ne précise pas à partir de quand commence à courir le délai: date de commande, de facturation, de livraison... Afin d éviter toute contestation sur la date réelle de réception du paiement, il faut être simple et clair. 1.1. Les conditions de règlement usitées Les principales conditions négociées existantes sont: - Jours nets, date de... Ex: 60 jours nets, date de facturation, facture émise le 15. 0 30 60 90 120 150 15 30 30 + = 60 jours Le paiement doit avoir lieu 60 jours après la date de la facture. - Jours, fin de mois, date de... Ex: 60 jours fin de mois, date de facturation, facture émise le 15 0 30 60 90 120 150 15 30 + 30 + 15 = 75 jours Le paiement intervient à la fin du mois suivant l expiration du délai de 60 jours.
-18- - Jours, fin de mois, le 10, date de... Ex: 60 jours fin de mois le 10, date de facturation, facture émise le 15. 0 30 60 90 120 150 15 30 + 30 + 15 + 10 = 85 jours Ex: 60 jours fin de mois le 10, date de facturation, facture émise le 25. 0 30 60 90 120 150 25 30 + 30 + 5 + 10 = 75 jours Le règlement intervient le 10 après la fin du mois suivant l expiration du délai de 60 jours. - Jours, fin de mois, le..., valeur..., date de... Nous atteignons ici le summum dans l aberration des conditions de règlement que l on trouve encore dans certaines professions. Quel délai réel de paiement est accordé à un client avec les conditions suivantes: 90 jours fin de mois le 20, valeur 25, date de facturation, la facture étant émise le 26? 0 30 60 90 120 150 180 26 25 20 4 + 30 + 30 + 30 + 5 + 20 = 144 jours Valeur 25, date de facturation, signifie que toute facture non reçue chez le client avant le 25 du mois est réputée reçue le 25 du mois suivant. Le délai accordé est donc de 144 jours! Avec un taux de refinancement de 12%, c est une remise de 4,8% qui est accordée au client.
-19-1.2. Le piège du «fin de mois» Pour calculer le délai moyen des conditions «fin de mois», on place la date à partir de laquelle court l échéance en milieu de mois, c est à dire le 15. On aura alors les conditions moyennes suivantes: Comptant 30 jours 60 jours 90 jours Facture 30 30 60 90 Fin de mois - 45 75 105 Fin de mois le 10-55 85 115 Fin de mois le 20-65 95 125 Un délai accordé de 60 jours fin de mois le 10 correspond en moyenne à un délai de 60+15+10, soit 85 jours. Cette moyenne ne correspond pas en fait à la réalité. En effet la présence de conditions «fin de mois» influe sur la répartition des commandes au cours d un mois. Lorsque la fin d un mois approche, le client aura tendance à reporter sa commande au début du mois suivant pour gagner près d un mois de crédit supplémentaire. Avec des conditions à 90 jours fin de mois date de facturation, si le client passe une commande de 1000 le 25 mai et que la facture est émise le 26, l échéance du règlement sera le 31 août. 0 31 30 31 31 MAI JUIN JUILLET AOUT 26 26 26 26 31 + 30 + 31 + 5 = 97 jours Le délai de règlement accordé est donc de 97 jours. Si par contre il attend le 2 juin pour passer sa commande ou si la facture est émise à cette date, l échéance sera le 30 septembre. 0 30 31 31 30 JUIN JUILLET AOUT SEPTEMBRE 2 2 2 2 30 + 31 + 31 + 28 = 120 jours Le délai passe à 120 jours.
-20- Le client gagne un mois de crédit gratuit (règlement le 30 septembre au lieu du 31 août), ce qui, avec un taux de refinancement de 12% coûte: (1000 x 30 x 12%)/360 = 10 soit 1% de la facture. Selon les conditions retenues un certain nombre de précautions devront être prises. Il faut notamment réduire le délai compris entre la commande et le fait générateur, point de départ à partir duquel commence à courir le délai. Que ce fait générateur soit la date de facture (émission ou réception), de livraison... Il est possible d accorder un escompte au client pour qu il passe sa commande plus tôt, à condition que cet escompte ne dépasse pas 1%. 1.3. Le délai de paiement pivot Ainsi pour diminuer le risque client, il est nécessaire d agir sur les délais de paiement à l ouverture d un compte si possible, en préconisant le délai pivot (60 jours date à date par exemple). Le principe est que tous les clients bénéficient d un délai de 60 jours sans escompte, ni agio. Néanmoins, pour éviter toute discrimination: Les délais + Courts Comptant 30 jours Bénéficient d un Escompte + Longs - 90 jours Supportent un Agio Un taux identique, indexé sur le Taux de Base Bancaire (TBB) par exemple est appliqué à l escompte et à l agio.
-21-2/ Délai de paiement: un coût ou un manque à gagner pour l entreprise Le décalage dans le temps séparant les achats ou les ventes et leur règlement effectif va créer pour l entreprise soit un besoin de financement qui pèsera sur sa trésorerie (crédit interentreprises positif), soit une ressource de financement qui confortera celle-ci. - Dans le premier cas, l entreprise, pour maintenir son équilibre financier, devra trouver à l extérieur les fonds nécessaires pour financer ce besoin stable. - Dans le second cas, elle dispose d une capacité de financement structurelle qui lui permettra de financer sa croissance (investissement), son exploitation (stocks), ou de réaliser des placements (hors exploitation). On peut apprécier le coût financier du crédit interentreprises, soit par la rémunération que l entreprise est tenue de verser aux apporteurs extérieurs de capitaux qu elle aura sollicités, soit par l économie de rémunération que le crédit engendre quand il procure une ressource de financement. Celui-ci se calcule de la façon suivante: I=(MxTxN)/360 I = coût ou manque à gagner M = montant de la créance T = taux d intérêt N = nombre de jours de crédit Le montant des besoins à financer ou des ressources obtenues par le crédit interentreprises est facile à déterminer (il s agit du solde des postes clients et fournisseurs corrigé des avances et acomptes). Par contre, il est plus difficile de déterminer les taux d intérêts à appliquer: Dans le cas d un crédit interentreprises positif (l entreprise doit emprunter), deux taux peuvent être retenus:
-22- - une première démarche consiste à considérer que l entreprise dispose d un ensemble de ressources externes qui lui servent à financer indistinctement la totalité de ses besoins, à court, long ou moyen terme. On appliquera alors au crédit interentreprises le taux d intérêt apparent payé sur l ensemble des ressources externes et déterminé par le rapport «frais financiers/endettement total». - la seconde démarche vise à analyser le crédit interentreprises avant tout comme un élément constitutif du besoin de financement du cycle d exploitation, et qui doit, dès lors, en priorité être couvert par les concours bancaires courants. On retiendra alors, comme taux de financement, celui du taux de découvert généralement consenti par les banques à l entreprise. C est le mode de calcul le plus généralement retenu. Dans le cas d un crédit interentreprises négatif (situation du prêteur), l entreprise dégage ainsi une ressource qui contribue au financement global de l entreprise. L économie de financement réalisée peut donc être calculée à partir du ratio «frais financiers/endettement».
-23- EXEMPLES 1 ) L impact d une réduction des délais de paiement sur la trésorerie - Hypothèse: taux de financement à 12% Soit une entreprise réalisant un chiffre d affaires mensuel de 1.000.000F T.T.C. Dans l hypothèse où ses clients règlent à 90 jours, son poste client représente en permanence 3 mois de chiffre d affaires, soit 3.000.000F. Le coût financier est égal à 3.000.000F. x 12%, soit 360.000F. Si cette entreprise décide de réduire de 30 jours les conditions de règlement de ses clients, l économie annuelle générée sera de 1.000.000 x 12%, soit 120.000F. 2 ) L arbitrage entre escompte pour règlement comptant et délais de règlement - Hypothèse: taux de financement à 10% Soit un client payant à 90 jours, quel pourcentage d escompte faut-il lui accorder pour des conditions paiement comptant? Si le montant facturé au client est de 10.000F., le coût financier du délai de paiement est de: (10.000 x 90 x 10%)/360, soit 250F, c est-à-dire 2,5% du montant de la créance. Si la décision d escompte ne se motive que par la volonté de réduire l encours d un client «à risques», le pourcentage maximum d escompte devra être de 2,5%. En effet, l application de ce pourcentage entraînera un coût équivalent au coût du délai de paiement pour le fournisseur, à supposer que le client règle réellement au comptant (ce qui est rarement le cas dans la pratique). Ainsi, si le client paie sous 15 jours, le coût supporté par l entreprise est de 250F (escompte) + 41,66F (coût des 15 jours de délai de paiement au taux de 10%), soit 291,66F. Hormis la simple considération du coût, ce sont les entreprises prêteuses qui ont pris l habitude, en France, de trouver les fonds nécessaires au financement des délais accordés à leurs clients. Le crédit interentreprises est, avant tout, un crédit-vendeur (à l inverse, en Allemagne, on est en situation de crédit-acheteur et c est le client qui assure lui-même le financement de ses besoins en fonds de roulement).
-24- Soit les fournisseurs trouveront les fonds nécessaires dans l entreprise elle-même, si son fonds de roulement le permet, soit ils se tourneront vers le système bancaire. 3/ Agir sur les délais de paiements dans les PME-PMI L observatoire d UFB-Locabail mesure les délais de paiement subis par les PME-PMI Françaises et analyse la gestion de leur compte clients dans le cadre d une enquête annuelle réalisée auprès de 100.000 entreprises de 6 à 200 salariés. Ainsi, une évolution positive des délais de règlement constatée en 1993 s est confirmée en 1994. Le délai moyen de règlement a diminué de 2 jours pour s établir à 66 jours. Cette baisse provient essentiellement de la baisse du nombre d entreprises ayant subi des délais supérieurs à 90 jours. En effet, les délais de règlement ont diminué dans tous les secteurs d activité notamment dans les services de 5 jours, dans les transports et commerce de gros de 3 jours, l industrie et le BTP ont connu une amélioration plus timide affichant les détails les plus longs avec 68 jours. Les délais par secteur Les délais par taille 1992 1993 1994 1992 1993 1994 Industrie 71j. 69j. 68j. 6 à 9 salariés 67j. 66j. 63j. BTP 76j. 70j. 68j. 10 à 19 70j. 67j. 66j. Transport 69j. 68j. 65j. 20 à 49 72j. 70j. 69j. C. de gros 66j. 64j. 61j. 50 à 99 74j. 70j. 74j. Services 69j. 67j. 62j. + de 100 79j. 71j. 63j. Source: R.F.C. -Avril 1995- De nouveau, les industries agro-alimentaires et le commerce de gros qui, il est vrai, ont des obligations légales plus strictes, jouissent des conditions les plus favorables (délais moyens respectivement de 45 et 61 j.). Cette évolution favorable s est particulièrement fait ressentir dans les plus grandes PME (> 100 salariés). La quasi totalité des entreprises déclare spécifier des délais de paiement inférieurs à 90 jours (ce sont généralement celles qui éprouvent les plus grandes difficultés de trésorerie), néanmoins près d une entreprise sur 10 subit des délais supérieurs à 90 jours. Le retard de paiement moyen des PME-PMI s établit à 17 jours en 1994. La loi du 31/12/92 n a pas encore permis d atteindre la norme européenne en matière de délais de règlement, ni de réduire efficacement les retards de paiement.
-25- Presque tous les chefs d entreprise (98%) déclarent avoir incité leurs clients à réduire leurs délais de règlement; pour autant que l on s intéresse aux méthodes employées, il apparaît que seules 76% des PME-PMI spécifient clairement les délais de paiement sur leurs factures! (qui est une mention obligatoire selon les dispositions de la loi du 31 décembre 1992). Seulement 32% des PME-PMI ont recours à l escompte pour paiement anticipé. Ces derniers ont hésité encore plus à appliquer des pénalités pour paiement tardif (15% contre 17% en 1993).