Traumatismes dus à l alcool une étude aux départements des urgences du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) *



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Traumatismes dus à l alcool une étude aux départements des urgences du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) * Gerhard Gmel 1, 2, Hervé Kuendig 2, Jacques Gaume 1, Jean-Bernard Daeppen 1, 1 Centre de traitement en alcoologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, 2 Institut Suisse de Prévention de l Alcoolisme et autres Toxicomanies, Lausanne Résumé Les traumatismes liés à l alcool sont une composante majeure de la charge de morbidité et mortalité de par le monde, mais peu d informations existent quant à la situation en Suisse. Sur la base des données de 3653 patients avec traumatisme et 3519 patients sans traumatisme ayant visité les Urgences du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), les fractions attribuables d accidents liés à la consommation d alcool dans les 6 heures précédant la survenue du traumatisme ont été estimées. Les risques relatifs de survenue de traumatismes augmentent parallèlement à la quantité consommée et la part attribuable est de 17% chez les hommes et de 12% chez les femmes. Les traumatismes survenant lors de loisirs sont les plus grandement concernés et la plupart des traumas attribuables à l alcool sont déjà en lien avec des niveaux de consommation faibles. Abstract Alcohol-related injuries are responsible for a large share of the global mortality and morbidity burden. Scant information existed, however, for Switzerland. Based on 3 653 injured patients and 3519 patients attending the Emergency Department of the Lausanne University Hospital for other reasons, alcohol attributable fractions with regard to the alcohol consumption in the 6 hours before the injury were estimated. Among men 17% of all injures were alcohol attributable, and 12% among women. Relative risks increased in dose-response relationship with alcohol intake. Leisure time related injuries were most likely to be alcohol attributable. Most of the alcohol-related injuries occurred at already small ethanol quantities ingested. 1. Introduction Les accidents et lésions traumatiques représentent approximativement 40% de la charge totale de morbidité et mortalité liées à l alcool de par le monde (1). Un élément important dans le développement de tels estimateurs est le calcul de fractions attribuables d accidents et de maladies liés à cette consommation. Ces fractions attribuables peuvent être interprétées comme étant la proportion d accidents ou de maladies qui, dans une population spécifique, aurait été éliminée en absence de consommation d alcool (2). Par contraste à la majorité des maladies liées à une consommation d alcool chronique, comme par exemple les cirrhoses du foie, le niveau auquel la consommation d alcool contribue à la survenue de traumatismes ne peut pas être établi sur la base d études méta-analytiques, le mode de consommation et notamment les consommations excessives ponctuelles (heavy episodic drinking ou binge drinking dans la littérature anglophone) jouant souvent un rôle plus important que la consommation totale ou habituelle d un individu lors de la survenue de tels événements. En conséquence, la proportion de traumatismes liés à l alcool varie largement entre différents pays ou même entre régions d un même pays (3). Le niveau auquel la consommation d alcool contribue à la survenue de traumatismes doit ainsi être déterminé séparément dans chaque culture et dans différents environnements. En Suisse, les données sur les traumatismes liés à la consommation d alcool sont rares et les données les plus récentes sur des accidents autres que les accidents de la circulation routière remontent au début des années 1990 (4). Pour cette raison, la présente étude vise à mettre à jour la littérature suisse concernant les traumatismes liés à la consommation d alcool. Key Words Injury Alcohol Emergency Departement Attributable Fractions Switzerland * Ce projet a été soutenu par le contrat de recherche n 05.001526 de l Office fédéral de la santé publique. L article originale a été publié dans la Revue médicale Suisse 2007;123. (http://revue.medhyg.ch/) 1

2. Méthode et échantillonnage Cette étude se base sur des données collectées dans la section chirurgicale du service des Urgences du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). La population cible était constituée par les patients âgés de 18 ans et plus consultant les urgences entre 11h00 et 23h00. La collecte de données a eu lieu de manière quotidienne de janvier 2003 à juin 2004. La présente étude analyse les données de 3 653 patients avec traumatisme et 3 519 sans traumatisme. 2.1 Mesures 2.1.1 Activités menées lors de la survenue du traumatisme Le codage des activités menées lors de la survenue du traumatisme a été opéré sur la base de la Classification statistique internationale des Maladies et des Problèmes de santé connexes (CIM-10) (5). 2.1.2 Consommation aiguë d alcool La consommation d alcool avant la survenue du traumatisme (avant l admission pour les patients non traumatiques ) a été demandée en nombre de verres d alcool consommés (approximativement 10 à 12 grammes d éthanol pur par unité) sur la base des 24 heures précédant l interview par périodes de 2 heures. En se basant sur des périodes-temps communément utilisées dans la littérature (6,7,8), la consommation d alcool dans les 24 et 6 heures précédant la survenue du traumatisme a été déterminée et catégorisée en 4 niveaux de risque (9): sans risque: pas de consommation, risque faible: 1 verre pour les femmes et jusqu à 2 verres pour les hommes, risque modéré: 2 à 3 verres pour les femmes et 3 à 4 verres pour les hommes, risque élevé: 4 verres ou plus pour les femmes et 5 verres ou plus pour les hommes. 2.2 Analyses statistiques Les fractions attribuables à la consommation d alcool (AAF, pour Alcohol Attributable Fractions) ont été calculées en utilisant une formule communément utilisée dans la littérature (10,11). Une fraction attribuable est en fait une fonction pondérée de la prévalence et des risques relatifs, qui est généralement interprétée comme étant la proportion d un événement spécifique (maladie ou traumatisme) qui pourrait avoir été évité en l absence d exposition à un facteur de risque défini ici une consommation aiguë d alcool (2). Les fractions attribuables sont en ce sens fondamentalement différentes des risques relatifs en eux-mêmes. Par exemple, la probabilité de subir un accident de voiture lorsque l on conduit avec un taux de concentration d alcool dans le sang de 2.5 grammes par litre est certainement plus de 50 fois supérieure à celle rencontrée en conduisant avec un taux de 0.5 grammes d alcool par litre de sang. Néanmoins très peu de personnes prennent le volant après avoir bu de telles quantités d alcool (2.5 gr/l). Ainsi, beaucoup plus d accidents de la circulation routière sont attribuables à des niveaux de concentration d alcool inférieurs (et donc à risque plus faible), bien plus de gens prenant le volant après avoir consommé de faibles quantités d alcool. Dans une perspective de santé publique, les fractions attribuables apparaissent donc plus importantes que les risques relatifs. Les relations de risque entre consommation d alcool et traumatismes ont été estimées au travers de modèles de régression logistique utilisant les cas nontraumatiques comme groupe de référence (groupe contrôle). Les Odds Ratios (rapports de cotes en français) correspondants sont ici utilisés comme des approximations de risques relatifs permettant d estimer les fractions d accidents attribuables à la consommation d alcool. 2

3. Résultats Comme le montre le tableau 1, le risque de traumatisme augmente avec l augmentation de la consommation d alcool (ORs) et est plus élevé si la consommation est concentrée sur une plus courte plage de temps (6 heures avant traumatisme vs 24 heures). Dans les 6 heures précédant le traumatisme, 76.2% des hommes et 84.8% des femmes n avaient consommé aucune boisson alcoolisée. Pour ce même laps de temps, 17.2% de tous les traumatismes subis par des hommes et 12.0% de ceux subis par des femmes étaient attribuables à l alcool. En outre, 8.8% des traumatismes subis par des hommes et 7.6% des traumatismes subis par des femmes étaient attribuables à une consommation dite à bas risque. Ceci signifie que chez les hommes, 51.2% de tous les traumatismes attribuables à l alcool étaient liés à une consommation à bas risque (1 à 2 verres d alcool). Chez les femmes, cette part était de 63.8% (1 verre). Ainsi, malgré l estimation d associations de risque plus élevées chez les consommateurs d alcool dits à haut risque, un plus grand nombre de traumatismes attribuables à l alcool venait de personnes ayant en fait peu consommé avant l événement. Concernant l activité exercée lors de la survenue du traumatisme, trois conclusions peuvent être tirées (tableau 2). Premièrement, les traumatismes subis lors d activités de travail ne sont généralement pas liés à une consommation d alcool. Deuxièmement, les femmes montrent globalement des fractions attribuables plus faibles que les hommes dans toutes les activités, sauf pour les traumatismes liés aux activités sportives. Troisièmement, les plus hautes fractions attribuables à l alcool ont été trouvées pour les activités de loisir, ainsi que pour d autres activités qui se pratiquent en général également en tant que loisir. Tableau 1: Fraction attribuable de traumatismes liés à une consommation aïgue d alcool Type de Risque 95% Proportion Fractions Fraction Répartition consommation relatif Intervalle de de cas attribuables attribuable des fractions d alcool confiance partielles totale attribuables par niveau de consommation Consommation dans les 6 heures précédant la survenue du traumatisme Hommes sans risque 1.0 76.2 risque faible 2.5 (2.0; 3.2) 14.6 8.8% 51.2% risque modéré 8.1 (4.7; 14.0) 5.0 4.4% 25.6% risque élevé 26.6 (8.3; 85.1) 4.2 4.0% 23.2% total 100.0 17.2% 100.0% Femmes sans risque 1.0 84.8 risque faible 4.1 (2.9; 5.7) 10.1 7.6% 63.8% risque modéré 6.4 (3.5; 11.6) 4.2 3.6% 29.8% risque élevé 9.0 (2.0; 39.3) 0.9 0.8% 6.4% total 100.0 12.0% 100.0% Consommation dans les 24 heures précédant la survenue du traumatisme Hommes sans risque 1.0 55.8 risque faible 1.7 (1.4; 2.0) 24.8 10.3% 43.2% risque modéré 2.9 (2.2; 3.8) 9.6 6.3% 26.5% risque élevé 3.8 (2.8; 5.2) 9.7 7.2% 30.2% total 100.0 23.8% 100.0% Femmes sans risque 1.0 70.9 risque faible 2.1 (1.7; 2.6) 17.1 9.0% 53.4% risque modéré 2.8 (2.1; 3.8) 9.3 5.9% 35.1% risque élevé 3.4 (2.0; 5.9) 2.8 1.9% 11.5% total 100.0 16.9% 100.0% Remarques: sans risque: pas de consommation; risque faible: 1 verre pour les femmes et jusqu à 2 verres pour les hommes; risque modéré: 2 à 3 verres pour les femmes et 3 à 4 verres pour les homes; risque élevé: 4 verres ou plus pour les femmes et 5 verres ou plus pour les hommes Modèles ajustés pour l âge des patients Risques relatifs approximés au travers de odds ratios (rapports de cotes); tous les odds ratios estimés sont significativement suppérieurs à 1. Tableau 2: Distribution des activités menées lors de la survenue de traumatismes et fractions attribuables à la consommation d alcool dans les 6 heures précédant la survenue, par activité Hommes Femmes % de n fractions % de n fractions traumatismes attribuables traumatismes attribuables par type d activité par type d activité en pratiquant un sport 21.6% 416 13.4% 9.3% 163 13.5% en participant à un jeu et à des activités de loisirs 2.8% 54 40.9% 2.9% 51 20.5% en exerçant un travail à des fins lucratives 12.8% 247 1.8% 3.1% 55 0.1% en exerçant d autres formes de travail 2.2% 42 13.8% 3.3% 57 7.7% en se reposant, en dormant, en mangeant ou en participant à d autres activités essentielles 2.5% 48 14.6% 5.9% 104 5.8% en participant à d autres activités précisées 8.8% 169 32.2% 6.9% 120 16.1% en participant à une activité non précisée 49.3% 949 19.4% 68.6% 1201 12.4% total 100.0% 1925 17.2% 100.0% 1751 12.0% 3

4. Discussion Il ne fait aucun doute que la consommation d alcool est un facteur causal lors de la survenue de traumatismes. Cependant, l ampleur de la relation entre alcool et traumatisme varie d une société à une autre. De ce fait, il est surprenant qu il n y ait encore que peu de recherches à ce sujet en Suisse. Notre étude a permis d estimer qu environ 17% des traumatismes chez les hommes et 12% chez les femmes sont attribuables à l alcool (en considérant les 6 heures précédant l événement) et pourraient être évités en l absence de consommation d alcool. Il est à préciser que ces résultats ne sont certainement pas surestimés, l inclusion des patients dans l étude originale se faisant de 11h à 23h, alors que de précédentes études ont démontré que la plupart des traumatismes liés à l alcool se produisent autour de minuit ou tôt le matin (voir par exemple (12)). La contribution importante de l alcool dans les blessures subies lors d activités de loisir montre à quel point la consommation d alcool est fortement intégrée dans la vie de tous les jours. Ceci apparaît notamment important au vu du fait que les traumatismes liés à l alcool ne se produisent pas seulement en lien avec de fortes consommations, mais déjà à partir de l absorption d un à deux verres d alcool. De ce fait, la population générale devrait être informée, ce au travers de messages de santé publique clairs, qu une consommation d alcool, même de faible ampleur, augmente notablement le risque de blessures lors de situations pour lesquelles des capacités cognitives et psychomotrices spécifiques sont demandées (par exemple jouer au football avec ses enfants, faire son jardin ou utiliser un appareil électroménager). Ainsi, en Suisse, des blessures liées à une consommation d alcool durant des activités de loisir peuvent toucher une grande partie de la population, une population pourtant perçue comme étant à faible risque. Une limitation importante de la présente étude émane du fait que la base de données utilisée n a pas été originellement collectée pour étudier l association entre traumatismes et alcool. L échantillonnage d études à venir devrait couvrir l ensemble de la journée et non pas seulement une partie de celle-ci comme c était le cas dans la présente étude (de 11h à 23h). 5. Références 1. Rehm J, Room R, Monteiro MG, et al. Alcohol use. In: Ezzati M, Lopez AD, Rodgers A, et al, eds. Comparative quantification of health risks global and regional burden of disease attributable to selected major risk factors. Geneva: World Health Organization (WHO), 2004:959 1108. 2. Spurling MC, Vinson DC. Alcohol-related injuries: evidence for the prevention paradox. Annals of Family Medicine 2005;3:47 52. 3. Room R, Mäkelä K. Typologies of the cultural position of drinking. J Stud Alcohol 2000;61:475 83. 4. Yersin B. Epidémiologie des accidents liés à l alcool en Suisse: revue des études des centres d urgence. Cah GREAT 1993;1 2:27 34. 5. World Health Organization (WHO). International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems (ICD-10). Geneva: WHO, 2007. (accessed 2007, at www.who.int/classifications/ apps/icd/icd10online/) 6. Cherpitel CJ. Alcohol and injuries: a review of international emergency room studies. Addiction 1993;88:923 37. 7. Voas RB. Issues in cross-national comparisons of crash data. Addiction 1993;88:959 67. 8. Watt K, Purdie DM, Roche AM, et al. Risk of injury from acute alcohol consumption and the influence of confounders. Addiction 2004;99:1262 73. 9. US Department of Health and Human Services (USDHHS). The physicians guide to helping patients with alcohol problems. Rockville, MD: U.S. Department of Health and Human Services, Public Heath Service, National Institute of Health (NIH), National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA), 1995. 10. Hanley JA. A heuristic approach to the formulas for population attributable fraction. J Epidemiol Comm Health 2001;55:508 14. 11. Schlesselman JJ. Case control studies: design, conduct, analysis. New York: Oxford University Press, 1982. 12. Gmel G, Heeb JL, Rezny L, et al. Drinking patterns and traffic casualties in Switzerland matching survey data and police records to design preventive action. Public Health 2005;119:426 36. 4

6. Implications pratiques Les traumatismes liés à l alcool ne se produisent pas seulement en lien avec de fortes consommations, puisqu ils sont pour une grande partie subis après l absorption d un à deux verres d alcool. La population devrait ainsi être informée au travers de messages de santé publique clairs qu une consommation d alcool, même de faible ampleur, augmente notablement le risque de blessures lors de situations pour lesquelles des capacités cognitives et psychomotrices spécifiques sont exigées. L alcool contribue particulièrement à la survenue de traumatismes durant des activités de loisir. Les consommateurs devraient ainsi être informés des risques encourus. Il devrait particulièrement leur être suggéré de renoncer à toute consommation d alcool dans des situations à risque. L alcool joue un rôle majeur lors de la survenue de traumatismes et devrait être dépisté en routine par les médecins afin de sensibiliser les patients aux risques importants d accidents liés à une consommation d alcool même modérée. Adresse pour correspondance: Gerhard Gmel, Ph.D. Centre de traitement en alcoologie, CHUV CH 1011 Lausanne Fax +41 21 314 05 62 E-mail: gerhard.gmel@chuv.ch 5