COLLOQUE DE BRAZZAVILLE - CONGO TABLE RONDE LES ENJEUX DE LA FISCALITE INTERNATIONALE

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Transcription:

COLLOQUE DE BRAZZAVILLE - CONGO TABLE RONDE LES ENJEUX DE LA FISCALITE INTERNATIONALE INTERVENTION DE M. ANTOINE NGAKOSSO, DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS ET DES DOMAINES DU CONGO Le cas du Congo Le Congo, petit pays, à économie ouverte, à taux de changes fixes, est caractérisé par une économie peu diversifiée. Cette économie est essentiellement basée sur l exploitation pétrolière, minière et forestière. Depuis l année 2000, le Congo connait également le développement du secteur bancaire et des assurances ainsi que celui de la téléphonie mobile. Les firmes qui évoluent dans les secteurs susmentionnés appartiennent quasiment à des grands groupes multinationaux ou à des sociétés dont les actionnaires résident à l étranger. De telles firmes sont caractérisées par des transactions intra-groupes ou transfrontalières et par le rapatriement des bénéfices. Dans le domaine fiscal, la vérité sur de telles transactions soulève la question de la bonne gouvernance. Une bonne gouvernance dans de telles transactions doit être caractérisée par la transparence, l échange des informations et une concurrence fiscale loyale. Une telle bonne gouvernance consiste à améliorer la coopération fiscale et à lutter contre la fraude et l évasion fiscales sur des bases géographiques aussi larges que possibles. Concernant les entreprises implantées au Congo et dont les actionnaires résident à l étranger, il se pose le problème de la double imposition au niveau des entreprises et de celui de la répartition du droit d imposer au niveau des Etats. C est dans ce contexte que le Congo a signé en 1987 avec la France, une convention tendant à éviter la double imposition. Cette convention prévoit également des clauses d échange d informations et d assistance en matière de recouvrement. En 2013, une convention similaire à celle signée avec la France, a été également signée entre le Congo et l Italie. Deux conventions sont en cours de ratification. Il s agit de la convention avec la Tunisie et de celle l Ile Maurice. Enfin, un projet de convention avec le Maroc est en cours de négociation. Outre les conventions bilatérales, les Etats de la Communauté Economique et Monétaire de l Afrique Centrale (CEMAC), disposent d une convention tendant à éviter la double imposition. Dans le cadre de la formalisation de l échange des informations dans le cadre de ces conventions, la direction générale des impôts et des domaines (DGID) a élaboré un modèle de fiche de renseignements. 1

Ce modèle est un tableau qui comprend huit colonnes : - la première colonne mentionne le numéro d identification unique (NIU) ; - la deuxième mentionne la raison sociale - la troisième mentionne la forme juridique ; - la quatrième mentionne le capital ; - la cinquième mentionne les noms des actionnaires ; - la sixième mentionne le pourcentage de détention du capital par actionnaire ; - la septième mentionne les actionnaires français ou italiens ; - la huitième mentionne les autres actionnaires. L enjeu des informations contenues dans ce tableau est la transparence de l imposition des revenus à l impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM). S agissant des sociétés appartenant aux groupes internationaux, il se pose la problématique des prix de transfert. Si pour les groupes internationaux, l objet des prix de transfert est de maximiser un bénéfice global au sein du groupe, du côté des Etats, il en résulte une perte de recettes fiscales qui engendre des déficits budgétaires ou qui contribue à l aggravation des déficits budgétaires. Comment alors lutter contre cette perte de recettes? Pour faire face aux prix de transfert, deux solutions sont envisageables : - la vérification conjointe de comptabilité des entreprises par les deux administrations fiscales des pays concernés ; - la coordination de programme de vérification de comptabilité des entreprises par les deux administrations fiscales des pays concernés. Si la vérification conjointe de comptabilité pose un problème juridique en raison de la souveraineté des Etats, la solution de la coordination de programme de vérification de comptabilité est celle que la direction générale des impôts et des domaines tente de mettre en place avec la France. Pour ce faire, depuis janvier 2013, la direction générale des impôts et des domaines a procédé à l indentification des filiales des entreprises françaises (et italiennes) qui évoluent au Congo. Actuellement, elle est à l étape de l identification des sociétés mères de chaque filiale présente au Congo mais aussi à l identification de toutes les autres filiales des sociétés mères qui sont implantées dans tous les pays. 2

Par la suite, elle procèdera à présentation des données selon le tableau suivant : Comptes d exploitation Société filiale Autres sociétés Société ou mère filiales du groupe mère congolaise étrangère - Ventes - Coûts des produits - Marge brute - Autres charges d exploitation - Charges d intérêts - Autres charges et produits - Résultat net - Actif d exploitation - Marge brute de distribution - Marge brute de production - Rentabilité d exploitation L enjeu de ce tableau est de comparer la réciprocité des opérations entre les comptes d exploitation de la filiale et de la société mère ou de toutes les sociétés du groupe impliquées dans la transaction. Par ailleurs, pour améliorer la compétence des inspecteurs vérificateurs dans le domaine des prix de transfert, la loi des finances 2012 a renforcé des dispositions fiscales du Code général des impôts (CGI) sur les prix de transfert. Au total, on compte neuf articles portant sur les prix de transfert. Ces dispositions sur les prix de transfert doivent être complétées par la mise en place de la procédure des accords préalables de prix et d une base de données comparables. En 2012, les inspecteurs vérificateurs ont reçu une formation sur les prix de transfert. A cela, il convient d ajouter les formations y relatives organisées par le Centre d Etudes des Dirigeants des Administrations Fiscales (CREDAF), et par l Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). 3

Intervention de Philippe JACQUIJ, administrateur grandes entreprises. Une législation adaptée, la mise en œuvre de la coopération internationale pour l échange de renseignements, la disposition de législations spécifiques et de structures adaptées et d outils performants d analyse de risque sont indispensables pour lutter contre la fraude fiscale internationale. Reste que la pression internationale d organisme comme le G20, l OCDE ou les organisations régionales ont un rôle primordial à jouer en ce domaine surtout dans le contexte de crise financière que nous connaissons. 1. Echange d informations et coopération internationale Un exemple, la situation de la Belgique : On se souviendra ainsi qu en 2009 le G20 avait placé la Belgique sur la liste grise des paradis fiscaux au motif que notre pays n était pas suffisamment coopératif en matière d échange d informations. Cette liste grise reprend officiellement les «pays qui se sont engagés à respecter les standards mais qui ne les ont pas encore substantiellement mis en œuvre». Vous comprendrez qu il n était pas possible pour nous de rester dans cette liste et à terme de risquer des sanctions! La Belgique a réagi rapidement en concluant en quelques semaines onze protocoles d accords conformes aux standards de l OCDE, ce qui lui valut d être rayée de la liste grise des paradis fiscaux, Ces accords visent les échanges de renseignements automatiques sur base de standards informatiques, spontanés et sur demande, les contrôles fiscaux simultanés et la possibilité de faire les contrôles fiscaux à l étranger. Dans la même optique dans le cadre de la directive épargne de l Union européenne (Directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l épargne sous forme de paiements d intérêts), la Belgique a abandonné en 2010 le système dérogatoire de prélèvement d impôt à la source et surtout l anonymat que ce prélèvement impliquait - sur certains revenus de l épargne essentiellement les intérêts perçus auprès d une banque belge par des personnes physiques résidant dans des Etats européens autres que la Belgique. La Belgique pratique depuis dès lors, en ce qui concerne les revenus de l épargne l échange automatique de renseignements avec ses partenaires. Par ailleurs, toujours sous la pression internationale, Belgique a poursuivi la négociation et la renégociation de conventions fiscales permettant l échange d informations bancaires sur demande expresse des autorités fiscales des Etats partenaires. Enfin afin d échapper à un retour à la liste grise, la Belgique a permis la levée de son secret bancaire fiscal en 2011. De ce fait, L administration dispose, depuis 2011 et moyennant le respect de certaines conditions, du droit de mener des enquêtes auprès des établissements financiers. C est le cas lorsqu elle dispose, dans le cadre de l enquête, d un ou de plusieurs indices de fraude fiscale ou lorsqu elle envisage de déterminer la base imposable suivant les signes et indices d où résulte une aisance supérieure à celle qu attestent les revenus déclarés ou encore en cas de demande d assistance introduite par un Etat étranger. 2. Disposition de structures et de législation adaptées et d outils performants d analyse de risque Au niveau du gouvernement Depuis plusieurs années, en plus du Ministre des Finances, il existe en Belgique un secrétariat d Etat à la lutte contre la fraude fiscale et un Collège pour la lutte contre la fraude fiscale qui publie des Plans d action Lutte contre la fraude et dont une grande partie des préoccupations vise la Fraude fiscale internationale. Par ailleurs ce Collège et ce secrétaire d état joue un rôle important dans la coordination entre les différents acteurs nationaux actifs dans la lutte contre la fraude, des Finances à la Justice en passant par les Douanes, la Police, les organismes sociaux et les organismes anti-blanchiment et anti-corruption. La lutte contre la fraude fiscale internationale ne peut en effet commencer à être efficace que si, avant d améliorer encore plus 4

la coopération internationale, les différents organismes d un pays coopèrent mieux entre eux et s échangent tous les renseignements en leur possession. Des services interdisciplinaires ont ainsi été créés dans cette optique et des comités interministériels spéciaux sont régulièrement organisés pour effectuer le suivi des plans d action et veiller à la mise en œuvre des recommandations du Collège. Au niveau du SPF Finances L Inspection spéciale des impôts (ISI) est une administration générale à part entière et est spécialisée dans la lutte contre la fraude fiscale grave et organisée. Conformément à sa «mission clé», l ISI se consacre principalement à l examen des affaires de fraude qui sont en rapport avec la délinquance économique et financière organisée, en particulier celles qui concernent : a) une infraction liée à la fraude fiscale grave et organisée qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale b) l escroquerie financière ; c) l abus de biens sociaux ; d) l organisation d insolvabilité. L ISI a mis aussi en place un service disposant d un système performant de gestion de risque permettant de détecter rapidement et de lutter efficacement contre les fraudes carrousels à la TVA, fraude internationale caractérisée et véritable escroquerie fiscale Au niveau de l administration générale de la Fiscalité Dans une économie globale où les entreprises multinationales jouent un rôle essentiel, les prix de transfert sont un sujet prioritaire pour les administrations fiscales comme pour les contribuables. Le fisc doit s assurer que les profits imposables des multinationales ne sont pas transférés artificiellement hors de leurs juridictions et que les bases fiscales déclarées dans le pays reflètent correctement l activité économique qui y est entreprise. Après avoir doté la Belgique des instruments législatifs nécessaires sur base des directives de l OCDE, une cellule spécialisée dans la lutte contre les prix de transfert a été organisée au sein du Centre de contrôle des grandes entreprises de Bruxelles avec compétence nationale. Elle assume des tâches de contrôle et d appui à la sélection. Depuis 2013, elle assume aussi la formation et le soutien d un groupe de taxateurs répartis dans plusieurs centres de contrôle du pays, spécialement désignés et formés pour traiter des dossiers de prix de transfert sélectionnés sur base d une analyse de risque. Il existe également au sein de l Administration générale de la fiscalité un service spécialisé dans la description des groupes cibles et la gestion de risque. Ce service est chargé de rassembler et traiter l information et d assurer la sélection des dossiers à risque à vérifier impérativement. Dans le cadre d un plan ce contrôle pluriannuel, Il assure la production de listes de dossiers à contrôler impérativement sur base d une approche de contrôle fixée centralement et assortie d une durée d exécution précise. Dans ce cadre certains groupes cibles définis et certaines actions de contrôle concernent directement la Fraude fiscale internationale. Enfin l arrivée en masse de renseignements internationaux et la fourniture à nos partenaires de grandes quantités d informations fiscales a demandé un investissement organisationnel important au sein de l AGfisc. Un des défis également rencontrés a été de pouvoir s échanger entre pays des données qui correspondent à de standards communs et qui soient susceptibles d être utilisées, sans manipulations excessives des services centraux, par les services de taxation ou par le service chargé de la gestion des risques. Par ailleurs, la qualité ou la 5

précision de l information reçue reste parfois une préoccupation importante. Par exemple il nous a été fourni parfois le montant du capital à la place du montant des revenus de ce capital. Mais tout cela s améliore au fil du temps grâce aux contacts entrepris avec nos partenaires, fournisseurs de données. Vous l avez compris, une lutte efficace contre la grande fraude fiscale internationale et contre les paradis fiscaux demande beaucoup d effort à un pays tant au point de vue législatif qu organisationnel. La volonté politique interne joue naturellement un grand rôle même si les pays ont dû souvent être poussés par la pression internationale. Avec la crise économique que beaucoup de pays connaissent et les difficultés budgétaires qui s ensuivent, la lutte contre la fraude fiscale et en particulier la fraude fiscale internationale et les paradis fiscaux est devenue un des enjeux majeurs de ce début de 21ème siècle pour la plupart des pays du monde. 6

INTERVENTION DE M. MOUNIR BARDAWIL - LIBAN La fiscalité internationale revêt une importance de plus en plus accrue et occupe l administration fiscale libanaise d une manière primordiale. Les soucis des autorités libanaises, en matière de ce sujet, se résument dans les objectifs suivants : - Promouvoir et protéger les investissements entre le Liban et les autres pays en élargissant le réseau des conventions fiscales bilatérales pour la prévention des doubles impositions, - Lutter contre la corruption, le financement du terrorisme et le blanchissement de l argent, - Répondre aux exigences et aux recommandations des organisations internationales surtout l OCDE afin de devenir un membre dans le Global Forum sur la transparence et l échange de renseignements à des fins fiscales et d éviter toute sorte de sanctions économiques éventuelles dues a la non coopération avec ces organisations. A cet égard, et dans le but de faire face a ses engagements, les autorités libanaises ont entrepris plusieurs travaux qui peuvent se diviser en deux volets : 1- Volet légal Plusieurs projets de loi ont été préparés concernant l échange de renseignements, le blanchissement d argent et le transfert d argent à travers les frontières. En plus, un projet de loi modifiant plusieurs articles du code de procédures fiscales a pour but d améliorer la transparence et l échange d informations. 2- Volet administratif Afin de s occuper de toutes les taches relevant de la fiscalité internationale, une unité spécialisée a été créée au sein du ministère des finances.. Cette unité se charge principalement de la négociation des conventions fiscales, de la mise en place des clarifications et des procédures d application des conventions, de la modification des déclarations fiscales pour prendre en considération les termes de la convention, et de la coopération avec les organisations internationales afin d adopter les normes internationales afférentes a ce sujet. Malgré les actions entreprises a ce sujet, la plus grande difficulté que le Liban envisage c est la loi du secret bancaire qui rend impossible l échange des renseignements détenus par les banques et par suite l intégration du paragraphe 5 de l article 26 du Modèle de convention fiscale de l OCDE qui concerne l échange des informations bancaires. En effet, plus de 3 000 conventions bilatérales sont fondées sur le Modèle de l OCDE ; mais pour le Liban, la loi du secret bancaire et la non adoption du paragraphe 5 de l article 26 du Modèle de l OCDE empêchent les pays européens de négocier des conventions bilatérales avec le Liban. A tout ce qui précède, ajoutons que le travail énorme entrepris par le ministère des finances au Liban envisage des obstacles paralysant causés par la situation politique qui est instable pour le moment. 7

INTERVENTION DE M. OLIVIER SIVIEUDE, DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES (FRANCE) I Les enjeux de la fiscalité internationale pour la France 1) le constat : Les 3500 plus grandes entreprises établies en France sont quasiment toutes internationales. C est à dire qu elles ont des filiales établies dans d autres pays du monde ou sont elles mêmes filiales d un groupe international. Ces entreprises sont confrontées à une concurrence sans merci de la part d autres sociétés internationales. Elles doivent donc être attentives à leurs coûts d exploitation et notamment à leurs coûts fiscaux. Or les niveaux et modalités d imposition sont très différents dans le monde. Les entreprises vont par conséquent intégrer dans les choix de localisation de leurs activités la donnée fiscale. Elles vont par exemple choisir de situer leur centre de recherche dans le pays qui offre le dispositif fiscal le plus intéressant. C est ce qu on appelle de l optimisation fiscale et c est légal. En revanche certaines entreprises vont aller plus loin en logeant artificiellement des activités et des bénéfices dans des pays à fiscalité privilégiée. La méthode pour procéder à ces délocalisations de bénéfices repose sur la détermination du prix des transactions économiques ou financières entre les sociétés du groupe ce qu on désigne sous le vocable de prix de transfert. Mais les schémas mis en place sont très variés, parfois extrêmement complexes et dans certains cas particulièrement agressifs. On est là en présence de dispositifs d évasion voire de fraude fiscale. 2) Les conséquences de l évasion fiscale Elles sont de deux natures : elles se traduisent par des pertes budgétaires. Celles ci sont très difficiles à chiffrer puisqu il s agit d une assiette non déclarée. Mais on constate que les rappels effectués en France sur des chefs de redressements internationaux augmentent chaque année et ont atteints 6 milliards d euros d assiette en 2012. et elles sont créatrices de distorsions de concurrence puisque les entreprises qui appliquent correctement la loi sont pénalisées. La France comme de nombreux Etats a donc décidé de se donner les moyens de lutter contre cette optimisation fiscale agressive ce qui nécessite de surmonter trois difficultés : - le fait que nos administrations fiscales ne sont compétentes qu à l intérieur des frontières de leur pays alors que les entreprises ont une vision internationale de leur activité ; - l extrême complexité de ce type d évasion fiscale qui nécessite une expertise de haut niveau de la part de nos services ; - et enfin disposer de textes de loi adaptés dans un contexte contraint notamment dans l Union européenne avec les principes fondamentaux du Traité et notamment ceux de libre établissement et de libre circulation des capitaux. 8

II les principales mesures prises en France Elles portent sur les trois obstacles qu il convient de lever pour lutter efficacement contre l évasion fiscale internationale. 1) Avoir des informations fiables et rapides sur ce qui se passe au delà de nos frontières. Ce point est absolument fondamental puisque les entreprises nous opposent et c est leur droit, le fait que nous ne sommes pas compétents pour procéder au contrôle des entreprises de leur groupe qui ne sont pas situées dans notre Etat. Or nous avons besoin de savoir comment ont été traitées certaines opérations ou quelle est l activité réelle des filiales établies dans les pays à fiscalité privilégiée. C est pour cela qu à la suite du G 20 de 2008, dans le contexte de la crise financière mondiale, la France a mis en place un dispositif législatif qui taxe de façon dissuasive toutes les relations financières avec des entités situées dans des Etats qui refusent les échanges d information en matière fiscale. Ce dispositif a poussé la quasi totalité des pays à accepter de répondre à nos demandes d assistance administrative internationale et les résultats sont tangibles. D autres initiatives ont été prises pour améliorer nos échanges d information : la création d un fichier européen des entreprises qui procèdent à des fraudes internationales en matière de TVA (Eurofisc), l intensification de notre réseau d attachés fiscaux implantés dans nos ambassades et la mise en place d un dispositif d échange entre vérificateurs de certains Etats (Jitsic). Enfin, nous avons systématisé nos échanges avec les douanes notamment pour les contrôles TVA. 2) Disposer de moyens de contrôle adaptés Sur ce point deux types de mesures ont été prises : Former des spécialistes de la fiscalité internationale et des problématiques financières qui viennent à l appui des vérificateurs lors des contrôles. Ces spécialistes diffusent leur savoir au cours de réunions périodiques consacrées aux problématiques internationales. Il faut en ce domaine d ingénierie fiscale sophistiquée veiller à être cohérent et réactif. Utiliser tous les moyens de contrôle et notamment dans certains cas les perquisitions, exiger des entreprises qu elles tiennent une documentation spécifique expliquant leur politique de prix de transfert et créer une police fiscale qui dispose des moyens d enquête de la police judiciaire. 3) Renforcer et adapter le dispositif juridique Plusieurs textes ont été votés en France pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale internationale. Ils portent principalement sur trois points : - renverser la charge de la preuve en cas d utilisation d une filiale dans un pays à fiscalité privilégiée ; - annuler par la loi les effets fiscaux de certains montages difficiles à combattre ; - rallonger les délais de prescription notamment en cas d assistance administrative internationale. 9

Par ailleurs, la France est très active au sein de l Union européenne et de l OCDE pour faire évoluer un certain nombre de règles et notamment celles relatives à la localisation fiscale des activités immatérielles telle que l économie numérique. Ces évolutions ne sont possibles que s il y a une volonté commune de lutter contre l évasion fiscale internationale. La division des Etats profite aux fraudeurs. L union peut conduire à des règles plus adaptées au monde d aujourd hui et plus justes et sécurisantes pour les entreprises. 10

INTERVENTION DE M. PHILIPPE JACQUIJ, SERVICE PUBLIC FEDERAL FINANCES DE LA BELGIQUE (en cours de correction) 11