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Transcription:

Recherche en cours, veuillez patienter. COUR D'APPEL PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE QUÉBEC No: 200-09-001237-962 (235-05-000106-964) Le 17 décembre 1998. CORAM: LES HONORABLES BROSSARD ROUSSEAU-HOULE, JJ.C.A. BIRON, J.C.A. (ad hoc) SIMON FORTIN, HUGUETTE FORTIN, LISE FORTIN, APPELANTS - (demandeurs) c. JEAN-GUY CHRÉTIEN, INTIMÉ - (défendeur) et LE CLUB JURIDIQUE,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC, MIS EN CAUSE et LE BARREAU DU QUÉBEC INTERVENANT LA COUR: - Statuant séance tenante sur le pourvoi contre un jugement de la Cour supérieure, district de Frontenac, rendu le 10 décembre 1996, par le juge Ross Goodwin, qui a accueilli avec dépens les requêtes en irrecevabilité de l'intimé et rejeté les requêtes en injonction interlocutoire et les actions en injonction permanente formées par les appelants sauf à se pourvoir; Après étude du dossier et audition; Dans ses requêtes en irrecevabilité, l'intimé alléguait que les auteurs des procédures n'étaient pas les appelants Fortin mais Yvon Descôteaux, un ancien avocat radié du Barreau et devenu fondateur et mandataire de l'association mise en cause, le Club juridique. Il demandait le rejet des requêtes en injonction interlocutoire et des actions en injonction permanente parce qu'elles auraient été rédigées pour le compte des appelants par une personne qui n'est pas membre du Barreau, contrairement à la Loi sur le Barreau. Le juge Goodwin de la Cour supérieure, après avoir conclu que la preuve révélait que les procédures avaient été préparées par Yvon Descôteaux, qu'elles avaient probablement été dactylographiées par la secrétaire du Club juridique et que les appelants avaient payé chacun 50$ pour leur carte de membre du Club juridique, a accueilli les requêtes en irrecevabilité. Le Barreau du Québec a été autorisé par notre Cour, le 6 juin 1997, à intervenir au présent dossier dans le but de soutenir l'interprétation de la Loi sur le Barreau retenue par le juge de la Cour supérieure. Deux articles de loi sont au coeur du litige. L'article 61 du Code de procédure civile et l'article 128.1. b) de la Loi sur le Barreau. 61. Nul n'est tenu de se faire représenter par procureur devant les

tribunaux, hormis: a) les personnes morales; b) le curateur public; c) les syndics, gardiens, liquidateurs, séquestres et autres représentants d'intérêts collectifs, lorsqu'ils agissent en cette qualité; d) les agents de recouvrement et les acheteurs de comptes, relativement aux créances. 128. 1. Sont du ressort exclusif de l'avocat en exercice ou du conseiller en loi les actes suivants exécutés pour le compte d'autrui: a) donner des consultations et avis d'ordre juridique; b) préparer et rédiger un avis, une requête, une procédure et tout autre document de même nature destiné à servir dans une affaire devant les tribunaux. L'article 61 C.p.c. permet aux appelants de signer et de présenter euxmêmes leur requête en injonction interlocutoire et leur action en injonction permanente et de défendre leur cause devant le tribunal sans l'assistance d'un avocat. C'est ce qu'ils ont fait. Leur déclaration solennelle au soutien de leur requête en injonction interlocutoire mentionne toutefois qu'ils sont membres de l'association "Le Club juridique" et ils admettent avoir été aidés et conseillés par cette association et son mandataire Yvon Descôteaux pour la rédaction des procédures. L'article 128.1. b) de la Loi sur le Barreau interdit à toute personne, non membre du Barreau, de préparer et rédiger pour le compte d'autrui une

procédure destinée à servir dans une affaire devant les tribunaux. On ne semble pas contester qu'en l'espèce Yvon Descôteaux a non seulement conseillé et aidé les appelants mais qu'il a préparé et rédigé les procédures pour le compte des appelants. Ce fait entache-t-il la validité des procédures au point d'en entraîner le rejet? Analyse Les tribunaux reconnaissent généralement le caractère d'ordre public aux lois professionnelles. Ainsi dans l'arrêt Pauzé c. Gauvin (1), la Cour suprême a jugé que la Loi sur les architectes était une loi d'intérêt public car, bien qu'elle ait été édictée principalement pour le bénéfice des architectes, elle servait également à protéger le public en général contre les constructeurs incompétents et malhonnêtes. De même, la Cour d'appel a jugé de façon constante que les lois établissant des normes professionnelles sont d'ordre public même si elles protègent un groupe restreint au sein de la société (2). Comme le mentionne le juge Claire l'heureux- Dubé dans l'arrêt Garcia Transport Ltée c. Cie Trust Royal (3), "le critère qui distingue les lois d'ordre public des autres types de lois réside dans l'intérêt public, plutôt que simplement privé, dont se soucie le législateur". La notion d'ordre public n'est pas facile à cerner. Si elle est techniquement une, ses finalités peuvent être diverses. Ainsi les finalités de l'ordre public peuvent être distinguées, selon la doctrine moderne, en ordre public politique et moral et en ordre public économique et social. L'ordre public économique et social peut lui-même se subdiviser en ordre public économique et social de direction et en un ordre public énocomique et social de protection (4). On rattache généralement à l'ordre public politique et moral les lois portant sur l'administration de la justice, les lois sur l'organisation de l'état, les lois administratives et fiscales, les lois d'organisation des corporations professionnelles, les lois pénales, les lois du travail, les chartes des droits et libertés fondamentales. Les parties ne peuvent faire échec à ces lois ou s'y soustraire par convention particulière et le contrat qui a pour effet de le faire est

frappé de nullité absolue (5). Ainsi, s'il y a exercice illégal de la profession d'architecte, de médecin, d'avocat, le contrevenant encourt non seulement une sanction pénale mais le contrat basé sur la violation de la loi est jugé nul et illégal. Sous le titre de l'ordre public économique de direction, la jurisprudence et la doctrine regroupent les textes et arrêts jurisprudentiels qui tentent d'imprimer aux agissements des individus une direction publique, sociale ou économique déterminée. Il s'agit, donc, avant tout de règles posées dans l'intérêt de la société toute entière et de son bon gouvernement et qui s'attachent davantage, mais non exclusivement cependant, à l'intérêt collectif (6). Le nouveau code civil reconnaît cette diversité des finalités de l'ordre public. Les articles 1411 et 1413 C.c.Q. retirent à la nullité sanctionnant la cause et l'objet contraires à l'ordre public la mention expresse de son caractère absolu: 1411. Est nul le contrat dont la cause est prohibée par la loi ou contraire à l'ordre public. 1413. Est nul le contrat dont l'objet est prohibé par la loi ou contraire à l'ordre public. L'article 1417 sanctionne de nullité absolue le contrat dont la cause est prohibée par une loi qui s'impose pour la protection de l'intérêt général et l'article 1419 de nullité relative le contrat qui viole une condition qui s'impose pour la protection d'intérêts particuliers. La distinction entre nullité absolue et nullité relative ne réside pas dans la gravité du défaut. C'est plutôt l'objectif de la condition violée qui détermine les modalités de la nullité. Le Code civil, en effet, a adopté une conception de la nullité qui oppose les conditions de formation ou de validité qui protègent l'intérêt général à celles qui protègent certains intérêts particuliers (7). La nullité absolue et la nullité relative diffèrent sur deux points à

savoir la qualité des personnes qui peuvent invoquer la nullité et la possibilité de confirmation de l'acte entaché de nullité. Elles produisent toutefois des effets juridiques identiques. La nullité met fin au contrat et anéantit rétroactivement tous les effets produits par celui-ci sujet aux règles de la remise en état et aux droits acquis des tiers (8). La question, dans la présente affaire, n'est pas tant de savoir si la contravention à l'article 128.1. b) de la Loi sur le Barreau doit être sanctionnée par la nullité absolue ce qui doit être le cas puisque d'une part, le mandat entaché de nullité ne saurait être confirmé et que d'autre part, il y a violation d'une règle prohibitive destinée à protéger l'ordre social et l'administration de la justice comme l'indique le préambule de la Loi sur le Barreau, mais bien si cette nullité peut n'être que partielle. L'article 1438 C.c.Q. pose le principe, en matière contractuelle à tout le moins, que la clause qui est nulle ne rend pas le contrat invalide quant au reste, à moins qu'il n'apparaisse que le contrat doive être considéré comme un tout indivisible. Parfois c'est la nature même des obligations qui empêche d'effacer les effets du contrat nul, ainsi en matière de louage de chose, la restitution de l'usage est impossible. Parfois ce sont les objectifs poursuivis par le législateur en édictant une prohibition quelconque qui seraient desservis si la prohibition ne pouvait pas être sanctionnée par une mesure autre que la nullité totale (9). Si les articles 1411 C.c.Q et 1413 C.c.Q ainsi que l'article 41.3 de la Loi d'interprétation (10) selon lequel "les lois prohibitives emportent nullité, quoiqu'elle n'y soit pas prononcée", font naître une présomption d'invalidité de l'opération juridique qui contrevient à une loi prohibitive, cette présomption peut être renversée lorsqu'il apparaît que les objectifs poursuivis par le législateur, en édictant la prohibition, exigent que soient examinés la nature, les circonstances et les effets de l'opération juridique qui contrevient à la règle. À cet égard, les arrêts Girard c. Véronneau (11) et Belgo-Fisher (Canada) Inc. c. Lindsay (12) fournissent des exemples où l'effet de l'exercice illégal d'une profession n'a pas été étendu à des opérations juridiques

incidentes. Dans le premier arrêt, concernant la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction (13), l'analyse de l'ensemble des dispositions de cette loi et des articles du Code civil relatifs au privilège du constructeur ont amené la majorité de la Cour à conclure que le législateur n'a pu avoir l'intention de rendre nul le privilège enregistré par un entrepreneur qui n'était pas détenteur de la licence requise par la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs en construction. Dans le second arrêt, notre Cour, à l'unanimité, a jugé que l'intimé qui agissait comme courtier en immeuble avait enfreint la Loi sur le courtage immobilier (14) en promettant de partager la prime d'intermédiaire avec une personne qui n'était pas courtier en immeuble. Cette infraction à une loi d'ordre public rendait nulle l'entente intervenue entre l'intimé et cette personne. Il fut jugé cependant que le promettant vendeur ne pouvait invoquer l'illégalité de cette entente pour se soustraire aux obligations qu'il avait en vertu de sa propre convention avec l'intimé, cette convention respectant toutes les prescriptions de la Loi sur le courtage immobilier. législateur. En l'espèce, il s'agit en fin de compte de retrouver l'intention du L'article 61 C.p.c. permet aux appelants de se représenter eux-mêmes devant le tribunal. Il ne leur est pas interdit de se faire aider et conseiller par des personnes qui ne sont pas membres du Barreau pourvu qu'aucun mandat ne soit donné à ces personnes pour les représenter dans des procédures destinées à servir dans une affaire devant le tribunaux. Les appelants ont accepté de rayer de leur déclaration solennelle le fait qu'ils soient membres de l'association "Le Club juridique". Ils ont signé euxmêmes leurs actes de procédure et se représentent eux-mêmes devant le tribunal. Ces actes ne sauraient leur être interdits parce que l'article 128.1. b) de la Loi sur le Barreau prohibe l'exercice illégal de la profession d'avocat. Ce serait donner à ce dernier article une portée que n'a pu vouloir le législateur, compte tenu de l'article 61 C.p.c. La protection que le législateur a voulu accorder par ce dernier article à ceux qui ne peuvent avoir recours aux services d'un avocat se retournerait alors contre eux.

L'atteinte des objectifs visés par l'article 61 C.p.c. impose la reconnaissance de la validité des requêtes et actions formées par les appelants même si le mandat donné à M. Descôteaux est nul de nullité absolue. C'est donc à tort que les requêtes en irrecevabilité ont été accueillies. Les requêtes en injonction interlocutoire et les actions en injonction permanente formées par les appelants doivent donc procéder au fond. Il convient cependant d'ordonner aux appelants de rayer de leur déclaration solennelle le nom du Club juridique et de rayer de leurs procédures Le Club juridique comme mis en cause. Le Club juridique qui n'est même pas une personne morale n'a aucun droit d'être mis en cause dans ces dossiers sinon pour faire une espèce de publicité à ce Club juridique. D'autres recours sont ouverts contre le mandataire de ce Club juridique et contre ceux qui pourraient se faire complices d'une infraction à l'article 128.1. b) de la Loi sur le Barreau mais l'irrecevabilité des procédures n'en est pas une dans les présents dossiers. POUR CES MOTIFS, LA COUR: ACCUEILLE le pourvoi, sans frais; INFIRME le jugement de première instance; REJETTE les requêtes en irrecevabilité des requêtes en injonction interlocutoire et des actions en injonction permanente, sans frais en Cour supérieure; ORDONNE la radiation du mis en cause Le Club juridique; ORDONNE aux appelants de radier dans leurs actes de procédure toute référence au Club juridique et à son mandataire Yvon Descôteaux; ORDONNE aux appelants de déposer dans les 15 jours du présent

jugement des procédures amendées supprimant toute référence au Club juridique et à son mandataire Yvon Descôteaux. ANDRÉ BROSSARD, J.C.A. THÉRÈSE ROUSSEAU-HOULE, J.C.A. ANDRÉ BIRON, J.C.A. (ad hoc) M. Simon Fortin (lui-même) Pour les appelants. Me Maurice Warren (Warren, Ouellet) Procureur de l'intimé. Me Pierre Ferland (St-Laurent et ass.) Procureur du Procureur général. Me François Folot (Flynn, Rivard) Procureur de l'intervenant. Date de l'audition: 3 décembre 1998. 1. [1954] R.C.S. 15. 2. Landry c. Cunial, [1977] C.A. 157 ; Pouliot c. Cie Trust Royal, [1980] C.A. 157 ; Belgo-Fisher (Canada) Inc. c. Lindsay, [1988] R.J.Q. 1223 ; In re Réserves du Nord (1973) Ltée: Biega c. Drucker, [1982] C.A. 181. 3. [1992] 2 R.C.S. 499, p. 524. 4. Voir M. Tancelin, Des Obligations, Actes et Responsabilités, 6 éd. Montréal, Wilson et Lafleur, 1977, no. 82, p. 47; Ghestin, Traité de droit civil, t. 11, Les obligations - le contrat, Paris, L.G.D.J. 1980, note 156, p. 118. 5. Voir J.L. Baudouin, Les Obligations, 4 éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 1993, no. 102, p. 79 et s. 6.

Idem, no. 103, p. 82 et s.; Voir l'arrêt Garcia Transport Ltée c. Cie Trust Royal, supra, note 3. 7. Voir J. Pineau, D. Burman, S. Gaudet, Théorie des obligations, 3 éd., Montréal, Éd. Thémis, 1996, no. 182, p. 274. 8. Voir J.L. Baudouin, note 5, no. 382, p. 223. 9. Voir J. Pineau et al, note 7, no. 170, p. 260; P.G. Jobin, "Les effets du droit pénal ou administratif sur le contrat: où s'arrêtera l'ordre public?", (1985) 45 R. du B., 655. 10. L.R.Q. c. Q-1. 11. [1980] C.A. 534. 12. [1988] R.J.Q. 1223. 13. L.R.Q. c. Q-1. 14. L.R.Q.. c. C-73.