TUNNEL de BLAISY-BAS TRAVAUX DE RÉFECTION DU DISPOSITIF DE TRANSIT DES EAUX Par : Maurice Guillaud - AFTES Claude Mosnier, Serge Berlande - NOUVETRA Résumé : Le tunnel de Blaisy-Bas, long de 4110 mètres, situé près de Dijon sur la ligne PLM Paris-Marseille, fut construit entre 1846 et 1850. Plusieurs travaux confortatifs furent réalisés depuis 1946, y compris la réfection totale du dispositif central de transit des eaux, menée en 3 phases. L article décrit les travaux de la 3 ème et dernière phase de ces travaux, du PM 0 au PM 1376, achevés en 2004 par le Groupement Nouvetra- Chantiers Modernes et plusieurs sous-traitants locaux. Astract: The Blaisy-Bas tunnel ; rehabilitation of the water transit system The 4110m-long Blaisy-Bas railway tunnel, located near Dijon, France, was built in the period 1846-1850. Several rehabilitation works were carried out since 1946, including the complete rebuilding of the axial water transit system achieved in 3 phases ; the paper describes the third and last phase of these works from PM 0 to 1,376 completed in 2004 by the Nouvetra- Chantiers Modernes Joint Venture, helped by several local sub-contractors. 1 - Présentation générale 1.1 - SITUATION GÉOGRAPHIQUE Le tunnel de BLAISY-BAS est un ouvrage stratégique de la ligne PARIS-MARSEILLE situé entre le PK 288.398 et le PK 292.508 à 26 km à l ouest de Dijon dans le département de la Côte d Or. Il recueille la totalité du trafic PARIS-LYON hors ligne nouvelle TGV. La ligne, à double voie classée en groupe 2 UIC, est électrifiée en 1500 volts continu. Elle supporte environ 200 trains journaliers dans les deux sens. UN PEU D'HISTOIRE SUR LE VILLAGE ET LE TUNNEL DE BLAISY-BAS Le nom de Blaisy (du celte " blaïz " qui signifie loup) indique un lieu fréquenté autrefois par les loups. Ce village apparaît dans l'histoire au IX e siècle. En 1150, alors que la localité ne comportait que 50 habitants, on note déjà la présence d'un Maire et au XVIIe siècle celles d'un chirurgien et d'un recteur d'école. C'est à Blaisy-Bas que la ligne impériale Paris-Lyon-Marseille escalade le seuil de la Bourgogne et se faufile sous la barrière rocheuse de la ligne de partage des eaux (entre Manche-Océan et Méditerranée) par le tunnel de Blaisy, long de 4110 mètres, dont on doit le projet à un dijonnais célèbre, Henry Darcy (1803-1858), ingénieur du Corps des Ponts et chaussées et hydraulicien de grande renommée. Le percement nécessitait au départ le creusement de 22 puits de trois mètres de diamètre, sans compter les puits de tête, tous espacés de 200 mètres environ, dont la profondeur variait de 14 à 196,50 mètres. Dans un premier temps, le creusement des puits fut dirigé par les ingénieurs des Ponts et chaussées. Par suite de la loi sur les chemins de fer de juin 1845, les travaux du tunnel, ainsi que ceux d'un des viaducs, furent concédés le 1er mai 1846 à la Compagnie du Chemin de fer de Paris à Lyon, qui fit diriger tous les travaux par ses propres ingénieurs et entrepreneurs. Une des premières mesures prises par le conseil d'administration de la Compagnie pour ce qui concerne l'exécution des travaux dans la Côte-d'or fut de passer un marché à forfait à l'entreprise Catinal Phorion Debains pour la construction du tunnel dont la réalisation nécessita plus de 5 années d'efforts de 1845 à 1850 et mobilisa près de 2000 travailleurs venus de tous les coins de France ainsi que du Piémont. Cette ligne P.L.M est aujourd hui empruntée par le TGV Paris-Lausanne. TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N o 194-195 - MARS/JUIN 2006 151
L ouvrage a une longueur de 4110 mètres et un profil en long régulier en pente de 5mm/m vers l est. L extrémité nord-ouest, sise à la limite exacte du partage des eaux de la Seine, de la Loire et du Rhône, est, avec 452 mètres d altitude, le point le plus haut de la ligne. La vitesse maximale dans ce tunnel en double voie est de 140 km/h sur V1 et 160 km/h sur V2. 1.2 - HISTORIQUE DE LA CONSTRUCTION (voir encadré page précédente) Henry Darcy, l auteur du projet, choisit de faire passer la ligne ferroviaire par la haute vallée de la Seine et par la vallée de l Oze, de traverser les monts par un tunnel de 4110m et de rejoindre Dijon en surplombant la vallée de l Ouche, ce tracé imposant un nombre important d ouvrages d art entre Blaisy et Dijon. Le tunnel de Blaisy-Bas a été creusé à partir de 22 puits - dont le plus profond, le puit XV, mesure 200 mètres de hauteur - qui servaient d accés au chantier, de puits de ventilation et de voies pour l évacuation des déblais et l approvisionnement des matériaux. Le tunnel est revêtu d une maçonnerie de moellons de calcaire avec des reprises en briques. Dans certains tronçons les piédroits ne sont pas revêtus. Plusieurs campagnes de travaux complémentaires ont été réalisées depuis 1946 : entre 1946 et 1948 : travaux d assainissement et d étanchement en vue de l électrification. entre 1950 et 1954 : remise en état de l aqueduc central et - -localement- remplacement par des éléments en béton armé. en 1973 : consolidation de la plate-forme entre les PM 3200 et 4000 par injection de coulis bentonite-ciment et exécution de pieux-racine dans les zones de mauvaise qualité. en 1976, réalisation de 233 anneaux porteurs en béton armé, de largeur 1.20m, entre les PM 2970 et 3990. en 1996, réfection complète du dalot central du PM 2764 au PM 4100, et construction de barrages au droit des puits pour limiter les circulations d eau en plate-forme (phase 1 - Entreprise Chantiers Modernes). en 2000-2001, réfection complète du dalot central du PM 1378 au PM 2764, mise en place d une buse PEHD de diamètre 400 mm et enrobage de la buse par un coulis de ciment (phase 2 - Entreprise Nouvetra). Cet article décrit les travaux de réfection du dispositif central de transit des eaux entre les PM 0 et 1376 (phase 3) réalisés entre 2003 et 2004 par le Groupement Nouvetra (mandataire) et Chantiers Modernes. 1.3 - CONTEXTE GÉOLOGIQUE ET HYDROGÉOLOGIQUE Le tunnel traverse différents horizons constitués d éboulis argileux, de marnes argileuses, de calcaires, de grès et marnes infraliasiques des PM 2700 à 3350 puis des marnes et dolomies triasiques, des marnes et gypses triasiques et enfin des éboulis calcaréo-argileux. Au PM 3900 se situe une faille importante. Les arrivées d eau dans le tunnel se font uniquement à partir des précipitations extérieures. Les eaux proviennent des différentes couches de terrains surplombant l ouvrage, que les BLASY-HAUT PUITS 1 PUITS 4 PUITS 7 ZONE DE CHANTIER 2003/2004 152 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N o 194-195 - MARS/JUIN 2006
puits de construction ont mis en communication. La montagne de Blaisy est constituée par des couches jurassiques et triasiques légèrement inclinées dans le sens Dijon-Paris du tunnel ou vers le Nord, qui se diversifient beaucoup vers la base côté Dijon. La couverture, d épaisseur maximale 170m vers le puits 9 et 180m vers le puits 15, est relativement homogène entre le PM 0 et le PM 2450 : elle est constituée par 1 à 150m de marnes grises plus ou moins argileuses, micacées, gréseuses au sommet et comportant quelques intercalations calcaires en petits bancs, niches, et nodules (Pliensbachien -Toarcien), surmontées par un plateau calcaire. Au delà du PM 2450 s ajoutent à cette couverture les couches variées de la base du Lias et du Trias traversées successivement par le tunnel. Du NW au SE le tunnel traverse : les marnes du Pliensbachien (PM 0 à 2150) le calcaire à gryphées du Sinémurien (PM 2150 à 2550), compact et dur, à joints lenticulaires marno-argileux (environ 10m d épaisseur) des grès, marnes et dolomies (PM 2550 à 3300), du gypse triasique (PM 3000 à 3880), des marnes de couleur variée (PM 3880 à 4100) plus ou moins dolomitiques, gréseuses, avec des blocs calcaires et du gypse. QUELQUES CHIFFRES 1 376 mètres traités côté Blaisy au cours de cette 3 e campagne, complétant ainsi le traitement des 4110 mètres du tunnel 610 tonnes de ballast neuf mis en place 550 m 3 de matériaux évacués du tunnel 350 m 3 de mortier d enrobage de la buse 30 tonnes de blindage métallique 2 - Campagne de travaux 2003-2004 2.1 - DESCRIPTION DU DISPOSITIF DE TRANSIT DES EAUX La buse axiale situé entre les voies 1 et 2 dont le fil d eau se situe à peu prés à 1,90 m sous le plan de roulement et qui assure le transit des eaux de pluie en provenance des différentes couches de terrains surplombant l ouvrage et des puits de construction comporte quatre profils-type : Dalot type A : Ovoïde en béton Il s agit de la version la plus stable du dispositif de transit. Dalot type B : Piédroits en béton couverclé Les piédroits versent vers l intérieur sous l effet des bourrages successifs. La buse est obstruée. Dalot type C : Ovoïde en béton Même structure que le type B avec des piédroits moins hauts et un couvercle constitué d une 1/2 buse en béton. Dalot type D : Voûte maçonnée Structure originelle du dispositif de transit. 2.2 - AVARIES CONSTATÉES Les avaries observées concernent exclusivement le dalot central : obstruction de tout ou partie du dalot par accumulation de produits d injection et de dépôts minéraux. dégradation du dalot central se traduisant par une fissuration pour les éléments préfabriqués ou une déformation des murets maçonnés avec rétrécissement du dalot en partie supérieure. Ces pathologies proviennent de chocs exercés par les engins de bourrage. INTERVENANTS Maître d ouvrage : RFF Maître d œuvre : SNCF Groupement d entreprises : NOUVETRA (mandataire) CHANTIERS MODERNES Sous-traitants : DIJONNAISE DE VOIES FERREES : Pose des supports S4 SRA SAVAC : Hydrocurage FRANCOIS PIERRE : Terrassement - démolition CANALISE : Soudage buse PEHD SYGMA BETON : Contrôle des coulis et mortiers TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N o 194-195 - MARS/JUIN 2006 153
2.3 - OBJECTIFS DES TRAVAUX ET CHOIX TECHNIQUES Les objectifs sont multiples : assurer un transit des eaux totalement fiable, vers le point bas tête côté Marseille, consolider définitivement la structure du dalot central qui présente des risques visà-vis de la stabilité des plans de roulement, ralentir les circulations d eaux résiduelles de plate-forme. Les travaux réalisés en 1996 et 2000 dans la zone aval, des PM 1376 à 4100, pour les mêmes objectifs, permettent de bénéficier d un bon retour d expérience et de guider les choix techniques de cette troisième phase de travaux (zone PM 0 PM 1376) qui comprend : le détournement provisoire des eaux de transit, le curage en aqueduc avec accès par les regards existants pour les dalots de types A et D, le curage à l abri d un double blindage pour les dalots de types B et C, le rescindement des piédroits du dalot à élargir à l abri de double blindage, la réalisation de 3 fouilles en entrevoie pour enfilage de la buse PEHD, la mise en place d une buse PEHD diam. 400 mm sur toute la longueur traitée, l enrobage de la buse avec du mortier ou du coulis de ciment, la réalisation de regards de visite. 2.4 - RÉALISATION DES TRAVAUX Tandis que le trafic commercial continuait d être assuré sur la voie 1, les travaux ont été réalisés à partir de trois trains-travaux (TTX) principaux stationnés sur la voie 2 dénommée voie de chantier : - TTX " terrassement-démolition " Vue du TTX terrassement équipé d un chargeur Bobcat en action pendant la phase de terrassement-blindage - TTX " hydrocurage " Situation définitive visée après travaux Vue du train de curage en phase de nettoyage mécanique du drain central - TTX " tirage de buse " Treuil pour le tirage des buses PEHD dia-400mm Trois wagons-épurateurs fournis par la SNCF filtraient les gaz d échappement des locotracteurs Un quatrième TTX " injections enrobage " intervenait régulièrement en tunnel en se substituant à l un des 3 TTX principaux. Vue du TTX injections sur le chantier de formation des TTX en gare de Blaisy-Bas 154 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N o 194-195 - MARS/JUIN 2006
Les travaux ont été exécutés sous couvert d une interception de la voie 2 pendant 8 heures les lundis et 4h30 les autres jours de la semaine. Le chantier a été exécuté sous couvert d un ralentissement à 40 km/h sur les deux voies. Une barrière d entrevoie matérialisait, pour les agents SNCF et les ouvriers d entreprise, la zone dangereuse. Trois ventilateurs installés au sommet des puits 1, 4 et 7 assuraient le renouvellement de l air pendant les travaux. Une rampe d éclairage coté voie assurait la lumière sur le chantier. Les trois brèches dans l entrevoie de 2,00mx4,00m au PM 200, 750 et 1150 qui ont permis le tirage depuis TTX des éléments de buse PEHD pré-soudées en atelier extérieur ont été ouvertes sous couvert de supports S4 voie 1 et voie 2 sur les files intérieures des deux voies. Des caissons métalliques de blindage assuraient la stabilité des deux voies pendant les phases de terrassement, de démolition, de curage et de mise en place de la buse PEHD (fig ci-contre) 2.5 - PHASAGE DES TRAVAUX - DÉTAILS Les travaux se sont déroulés en 4 phases successives : blindage curage & mise en place de la buse enrobage de la buse enlèvement du blindage et ballastage La figure ci-dessous illustre la séquence de ces phases pour le profil de dalot type B. Les photos ci-après illustrent quelques unes des opérations effectuées au cours des 4 phases de travaux. Tirage de buse PEHD dia-400mm Vue du dalot central dégarni et découverclé Soudage de la buse en éléments de 200 mètres à l extérieur du tunnel Bourrage mécanique lourd pour rétablissement de la géométrie de voie après les travaux de buse PEHD dia-400mm Mise en place de blindage bois additionnel au droit de piédroits instables MOYENS MATÉRIELS MIS EN ŒUVRE Cantonnement en gare de Blaisy Bas : 2 bureaux équipés, salle de réunion, réfectoire, sanitaire, vestiaire. Energie embarquée sur les trains travaux : 3 compresseurs de 5 000 l ; 4 groupes électrogènes de 30 kva ; 1 branchement EDF ; 1 container de stockage ; 3 cuves à eau équipées de surpresseurs de 7 000 à 17 000 litres ; 1 aire aménagée ; 1 élevateur télescopique ; éclairage des rames travaux et des postes de travail ; 2 fourgons. L approvisionnement s est effectué par camions semi remorques. Terrassements, Blindage, Curage, Pose de regards : 2 Pelles JOB équipées benne preneuse. 1 Mécalac équipée benne preneuse. 3 Mini chargeurs. Installations en tête de puits : 4 Groupes électrogènes 100 kva 4 Ventilateurs 115000 m3/h 1 branchement EDF 1 Latil équipé pour ravitailler les groupes en fuel Curage en zone d aqueduc : 3 camions pompes ; 2 unités THP Installations fixes en tunnel: 1 treuil 2 tonnes pour la pose de buses ; protection de la plate forme par géotextile ; 1 rampe d éclairage d ambiance ; dispositif d exhaure. Installations des rames de travail suivant les travaux exécutés : Bétonnage des tranchées : 1 GE 55 kva ; 2 trémies Sécatol 6 m 3. Injection : 1 silo horizontal d une capacité 25 m 3 ; 1 turbo malaxeur ; 1 bac de reprise 3 m 3 ; 1 pompe PHI 5 Intendance : 3 wagons équipés chacun d un réfectoire, d un WC chimique et d un groupe électrogène 30 kva. Matériel divers : 100 ml de protections latérales de wagons ; 3 barres de liaisons ; 600 ml de blindages d entrevoie ; matériel pneumatique (marteaux piqueurs) ; Matériel électroportatif (disqueuses, perceuses). Matériel mis à disposition par la SNCF : 3 locotracteurs diesel type Y7500. 1 locotracteur diesel type Y 10 wagons plats type K5. 10 wagons plats type R9 3 wagons épurateurs. 2 wagons pousseurs. 156 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS - N o 194-195 - MARS/JUIN 2006