ECOLE D ARCHITECTURE DE TACHKENT ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D ARCHITECTURE DE TOULOUSE LE TABLEAU BOUKHARIOTE ENTRE PLANIFICATION ET PERMANENCES CULTURELLES : ELEMENTS POUR UNE PRIVATISATION DES SOLS 2007-2008 Enseignants responsables : Muhamadjon Mirakhmedovich MIRAKHMEDOV, Recteur de l école d architecture de Tachkent, Ouzbekistan Clara Sandrini, maître assistant en Espace et Territoire, Ecole nationale supérieure d Architecture de Toulouse, France.
PARTENAIRES Dans le prolongement des programmes d échange France/Ouzbekistan en cours depuis 2002, d abord à l ENSA de Paris-Belleville, puis depuis 2006 à l'ensa Toulouse, nous proposons un programme de relevé et d analyse comparative de la planification soviétique, des habitats traditionnels, soviétiques (pavillonnaires et collectifs) et contemporains. Profitant de l expérience acquise tant par le travail de recherche que dans le cadre de l enseignement, ce programme doit réunir deux écoles d architecture : - L école d architecture de Tachkent, Représenté par Muhamadjon Mirakhmedovich MIRAKHMEDOV, recteur de l université de Tachkent. Il a encadré de nombreuses études sur la ville de Boukhara et a dirigé plusieurs projets d étudiants portant sur la modernisation de la ville. Il est spécialiste du patrimoine ouzbek et participe à des recherches concernant la définition d une architecture contemporaine. - l Ecole Nationale Supérieure d Architecture de Toulouse : (Mandataire pour la partie France) Dans le cadre du séminaire «Stratégies urbaines», des recherches ont déjà porté sur le patrimoine historique et moderne de Boukhara, sous la direction de Clara Sandrini, en lien avec l ENSA de Paris- Belleville. L'Equipe de Recherche de l Ecole d Architecture de Toulouse est impliquée depuis de nombreuses années dans la coopération internationale avec de nombreuses écoles et universités, particulièrement sur la question de l analyse du patrimoine architectural et urbain, notamment au Liban, Laos, Vietnam et en Inde. Le doctorat de Clara Sandrini portait sur le rapport entre politique urbaine et mémoire collective. OBJECTIFS PEDAGOGIQUES : Le but de notre proposition est de permettre aux étudiants d élargir leur horizon culturel qui se restreint trop souvent au monde occidental au travers de la compréhension du processus de planification soviétique et son appropriation par les habitants. Au-delà de l'intérêt historique, il semble que Boukhara se présente comme un laboratoire d'urbanisme, notamment dans les quartiers planifiés (les microrayons) où la mise en place d une hiérarchie de l espace spontanée se retrouve aujourd'hui à l'œuvre dans la conception et la théorisation de la ville contemporaine. Sur le plan pédagogique, nous souhaitons opérer : - une analyse des plans d urbanisme à partir de documents existants en utilisant des travaux universitaires ou les travaux déjà effectués par différents historiens de l architecture. - un travail de terrain permettant d établir de nouveaux documents (relevés architecturaux, relevés urbains, observations et reportages). Sont concernés quatre étudiants suivant le séminaire de quatrième année de Master, intitulé «Stratégies Urbaines, villes et territoires». Ils travailleront en collaboration avec quatre étudiants de l école d architecture de Tachkent. Un voyage d étude, de relevés et d analyse est prévu du 29 janvier au 22 février 2007. L évaluation de cet enseignement se ferait sur trois temps : - en janvier à la fin du premier semestre pour l'évaluation du chapitre théorique, - en février à Tachkent à la fin du premier semestre lors d'une séance d'affichage des travaux à l Institut Français d Etudes sur l Asie Centrale (en collaboration avec l école d architecture de Tachkent), - en juin à Toulouse à la fin du deuxième semestre pour l'évaluation du mémoire. Résultats attendus : Pour le groupe de séminaire M2 : - Une connaissance de la planification urbaine boukhariote, de ses ruptures et continuités - La compréhension du processus de sauvegarde du patrimoine boukhariote au regard du développement urbain, - Une analyse de la hiérarchie des espaces dans la ville ancienne, moderne et contemporaine - Une analyse des typologies et aménagements intérieurs dans la ville ancienne, moderne et contemporaine Cet ensemble de résultats permettant d apporter une aide aux responsables boukhariotes dans la mise en valeur et la sauvegarde du patrimoine et dans la gestion de leurs microrayons (ensemble d habitations collectives).
CONTENUS : L Ouzbékistan a été l objet, au 20 ème siècle, de planifications urbaines soviétiques. Entre 1917 et 1932, un débat s ouvre entre les urbanistes qui veulent raser l existant pour reconstruire une ville sectorisée où le logement collectif est majoritaire et éloigné des zones industrielles, et les désurbanistes, qui prônent la préservation des villes et l édification de villes moyennes à la périphérie, avec du logement individuel. Ce débat s accompagne de la collectivisation des sols. Le sol appartient à l Etat et la population en a l usufruit pour l occuper et le cultiver. La ville est donc un bien collectif, qu il s agisse des intérieurs ou des extérieurs, des pleins ou des vides, de la matière ou du végétal. Une résolution prise en 1932 par le comité exécutif et le conseil des commissaires du peuple sur l aménagement des agglomérations vient l aménagement du territoire en zones, l organisation du réseau viaire et la sauvegarde des monuments historiques. Ces principes vont servir de base aux architectes soviétiques, mais aussi au 4 ème congrès des CIAM en 1933, d où émergera la Charte d Athènes. Les premiers plans directeurs boukhariotes prévoient la destruction du centre de la ville hérité de la période musulmane, pour laisser place à un système de voie hiérarchisées. Des microrayons sont édifiés au sud de la ville, tandis que des lotissements pavillonnaires sont érigés au nord-ouest.les Khauz, bassins où les habitants viennent chercher de l eau, sont asséchés pour cause d insalubrité. Les GEK, équivalent des MIR soviétiques, distribuent le sol aux nouveaux arrivants. Suite aux revendications des pouvoirs locaux, étatique, régional et municipal, les plans directeurs finissent par intégrer la valeur historique du centre ancien de Boukhara. Dès lors, les grands tracés viennent butter contre ses limites, créant un vaste espace vide entre le centre et la périphérie qui représente une réelle opportunité foncière. Les plans directeurs projettent alors la mise en valeur des monuments considérés comme historiques. Les bazars de la route de la soie sont fermés et réorganisés dans des bazars soviétiques à l extérieur de la ville. Les monuments sont dégagés dans le cadre d un parcours empruntant l ancien chemin des marchands. Le plan général de la ville, adopté en 2005, est une actualisation de celui approuvé sous l époque soviétique, déjà reconduit en 1997. Depuis l indépendance, cependant, une aspiration au mode de vie occidental conduit à une refonte du mode de fabrication de la ville. Un aqualand est projeté et la privatisation des sols avance : certaines emprises foncières publiques sont vendues aux enchères comme terrain à bâtir. Toute la ville ancienne, encloses dans les anciennes murailles disparues, a été classée au patrimoine mondial en 1992 : des hôtels éclosent, des caravansérails sont réhabilités et les mosquées et khanako sont aménagés pour recevoir les touristes. Les nouvelles constructions présentent une architecture qui se veut être la synthèse entre la contemporanéité occidentale et la tradition ouzbeke. La périphérie regorge de bâtiments construits au moment de l accession à l indépendance et abandonnés pour des raisons politiques. Certaines de ces structures en attente sont aujourd hui en passe d être finalisées. Pour d autres, la structure béton est toujours sur place, en attente d un projet qui viendrait les réintégrer à la ville. Boukhara est aujourd'hui à un tournant de son histoire. La ville se trouve confrontée à son développement touristique d où émerge la question de sa patrimonialisation. Elle doit également envisager la mise en place de la privatisation des sols, engagée par la privatisation des murs. Et, elle cherche à inventer les lignes d une architecture contemporaine où s inscrit la tradition. Des questions restent en suspens : le patrimoine soviétique peut-il être ouvert au développement touristique? Comment favoriser le maintien sur place des habitants du centre inscrits au patrimoine mondial? Comment répartir les sols des microrayons? Est-il possible d envisager leur densification et l utilisation des dents creuses laissées par la planification soviétique? Et, puisque les boukhariotes ont fini par adapter les formes nouvelles à leurs pratiques traditionnelles, quels peuvent être les outils de contemporanéité de l architecture?
Nous voudrions dans ce séminaire explorer en conjointement trois échelles : - mesurer les évolutions de la planification soviétique au 20 ème siècle en comparant les plans directeurs approuvés de 1932 à 2005, - confronter cette planification au réel des formes urbaines édifiées dans la périphérie de la ville, - analyser les différentes typologies d habitat, traditionnelle, individuelle soviétique, collective soviétique et individuelle contemporaine. Plus précisément les thèmes proposés sont : - La question du zoning et son application dans le microrayon n 4, au sud - L adaptation à l existant de la planification et les formes architecturales construites dans les Sharks, à l est, - La hiérarchie de l espace public mise en place et sa permanence dans l habitat pavillonnaire contemporain, - L aménagement de polarités touristiques, civiques, institutionnelles et commerciales et le rôle des vides dans le tissu d habitat pavillonnaire soviétique au nord-ouest du centre historique.
Méthode : Premier semestre : L'analyse débutera par la reconnaissance des documents de planification. Les étudiants partiront des Plans Directeurs réunis depuis 2003. Ils élaboreront des cartes de même échelle (1/5000) en retranscrivant selon un graphisme commun : - le zoning, - l intégration de l existant, - la hiérarchie des espaces, - l implantation des polarités. Cette analyse chronologique permettra de comprendre la généalogie de la ville. Suivra une reconnaissance de l état achevé, par l analyse de la photo aérienne. En parallèle, l'étudiant développera une problématique personnelle à partir de sources savantes et de sources appliquées à l Ouzbekistan. In Situ de février : Conjointement avec les étudiants de l école d architecture de Tachkent, les étudiants compareront leur relevé sur documents d'archive à l état actuel de la ville. Ils se focaliseront sur différentes formes urbaines qu ils compareront au centre ancien. Ils relèveront l hétérogénéité ou l homogénéité de ces formes, les occupations sociales et les limites entre quartiers. Ils choisiront ensuite un édifice sur lequel ils centreront leurs analyses pour relever la structure des vides dans l habitation, l organisation des espaces, le système constructif et les matériaux employés, et la hiérarchie entre espaces intérieurs et espace extérieur. Le relevé dans le centre ancien s effectuera en groupe. Ils auront à réaliser des entretiens avec les architectes de la ville et de la région, les habitants, le service des monuments historiques et l Unesco. Les 15 jours d analyse se clôtureront par une présentation à l Institut Français d Etudes sur l Asie Centrale, à Tachkent. Second semestre M2 : De retour en France les étudiants devront mettre au propre les relevés minutes dans les différentes dimensions : - projet planifié - projet réalisé - lignes de la forme urbaine - occupations sociales - typologie d habitat. L'ensemble de cette documentation sera analysé. Un mémoire sera rédigé. Le Jury final aura lieu à la fin du mois de juin à Toulouse en présence du professeur de l INALCO Catherine Poujol, spécialiste de l Asie centrale.