Société S.E.V.P. / Office du Tourisme de RAMBOUILLET et Préfet des Yvelines. Conclusions du Commissaire du Gouvernement



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Transcription:

1 N 3949 - Conflit positif Société S.E.V.P. / Office du Tourisme de RAMBOUILLET et Préfet des Yvelines Séance du 10 mars 2014. Conclusions du Commissaire du Gouvernement Par un décret du 18 février 1922, la Commune de RAMBOUILLET (Seine et Oise) a été érigée en station de tourisme et dotée d une chambre d industrie touristique. Au terme de la loi n 64-698 du 10 juillet 1964, les stations ainsi classées ont été autorisées à créer, à la demande de leur conseil municipal, un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé office du tourisme, chargé de promouvoir le tourisme dans la station et d assurer la coordination des divers organismes et entreprises intéressées à leur développement. Suite à la délibération de son conseil municipal du 15 novembre 1984, la Commune de RAMBOUILLET a été dotée d un tel E.P.I.C. par arrêté de M. le préfet des Yvelines du 15 janvier 1985. La nature et les missions de ces offices de tourisme municipaux ont été redéfinis par l article 10 de la loi 92-1341 du 23 décembre 1992, portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme qui n en a pas modifié la qualification juridique initiale. C est dans ce contexte légal et réglementaire que l Office du tourisme de RAMBOUILLET a conclu pour trois années, à compter du 13 décembre 1986, un contrat le liant à la société Service d Edition et de Vente Publicitaire (ci -après dénommée S.E.V.P.) ayant pour objet la réalisation et l édition annuelle du Guide Officiel de Rambouillet ( contrat en pièce jointe n 2 annexée au déclinatoire de compétence du 20 septembre 2010). Selon les termes mêmes de ce contrat l Office du tourisme concevait puis fournissait la partie rédactionnelle du guide et appuyait son cocontractant dans les démarches entreprises pour rechercher des annonceurs publicitaires en l accréditant officiellement.

2 En contrepartie la S.E.V.P. assurait la recherche effective des partenaires économiques puis mettait en page et imprimait le guide, bénéficiant, à titre de rémunération de ses prestations, de l exploitation exclusive de la publicité de la brochure. Au rythme triennal fixé par ce contrat, tacitement reconduit, les parties atteignaient la fin de l année 2007 à l occasion de laquelle l office du tourisme de RAMBOUILLET prenait l initiative de dénoncer cette convention. Feignant de ne pas avoir compris les termes de cette résiliation dont elle soutenait le caractère incohérent au vu d une prétendue commande d ores et déjà passée pour l exercice 2008, la S.E.V.P. en contestait le bien fondé et sollicitait du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES des indemnités pour rupture abusive, privation de recettes et perte de clientèle de la part de l office du tourisme et de la société Axiom graphic, désignée pour lui succéder dans la mission. Saisi successivement d une exception d incompétence soulevée par les défendeurs puis, le 20 septembre 2010, d un déclinatoire de compétence de M. le Préfet des Yvelines, régulièrement notifié, le Tribunal Civil, par jugement du 7 février 2012, rejetait ce déclinatoire ainsi que les exceptions susvisées et ordonnait sursis à statuer pour permettre, le cas échéant, l élévation du conflit. Le Préfet réagissait en ce sens le 20 février 2012 tandis que l office du tourisme agissait en contredit sur la compétence ( articles 80 et s. du code de procédure civile) devant la Cour d appel de Versailles qui, par arrêt du 9 juillet 2012, décidait également de surseoir à statuer. Cette double démarche conduisait à la perte de vue de cette procédure qui ne vous était confiée que début janvier 2014, sur la revendication légitime de notre Président. Saisis d un conflit positif au plein sens de ce terme, nous nous devons d examiner le raisonnement juridique de chacune des parties à ce différend de compétence afin d en jauger la pertinence et les références jurisprudentielles, étant souligné que l ancienneté relative du contrat liant l office du tourisme de RAMBOUILLET et la SEVP peut conduire à des analyses actualisées au regard des textes législatifs nouveaux qui sont intervenus depuis sa conclusion, en 1986. 1/ La thèse soutenant le caractère administratif du contrat litigieux: Passé nécessairement entre une personne morale de droit public ( E.P.I.C.) et une personne morale de droit privé ( Société commerciale), ce contrat d édition et diffusion d un guide touristique local s inscrivait, selon l autorité préfectorale et les

3 demandeurs à l exception d incompétence judiciaire, dans le cadre de l une des missions de service public de l office du tourisme de Rambouillet à laquelle la SEVP a contribué pendant ces quelques vingt années en relayant l information touristique propre de cette Commune qui en avait conservé la maîtrise des contenus et de la formulation. Qui plus est, selon les mêmes parties, cette participation à la mission de service public était encadrée strictement par trois clauses particulières du contrat qui en manifestaient la nature purement administrative au titre de leur caractère exorbitant du droit commun : - l article 5 du contrat, intitulé le rédactionnel relié aux articles 2 et 4, qui définissaient le pouvoir de contrôle de l office du tourisme sur la production de son cocontractant. Cette maîtrise réelle débutait dès la conception de l ouvrage dont le titre même comme la partie rédactionnelle demeuraient sous le contrôle et étaient fournis par l office qui établissait le programme de travail, s assurant enfin de son exécution en donnant le bon à tirer (mémoire de l office page 5). - l article 8 qui encadrait de manière étroite la mission de prospection commerciale de SEVP tout en lui assurant à la fois un monopole d action et une protection morale sous couvert d une campagne de presse et d une accréditation spécifiques à chaque édition. - la fixation des tarifs des publicités insérées relevait des termes mêmes du contrat, sans aucune marge d appréciation pour la SEVP qui devait en outre concéder la gratuité partielle des insertions publicitaires aux professionnels de la commune de Rambouillet (mémoire de l office page 5). Pour compléter leur dispositif, ces parties invoquaient et continuent de revendiquer (mémoire de l office page 5) le bénéfice des nouvelles dispositions de la loi du 11 décembre 2001, dite loi MURCEF et plus spécifiquement son article 2 pour affirmer, de plus belle, le passage de ce contrat ancien, non encore judiciairement contesté à la date d entrée en vigueur de cette loi, dans le giron des contrats administratifs de plein droit du fait même de son rattachement naturel aux marchés publics. 2/ la thèse du T.G.I. de VERSAILLES déniant tout caractère administratif au contrat en cause. Répondant aux prétentions administratives, le T.G.I. de VERSAILLES fonde sa décision de rejet du 7 février 2012 sur deux éléments: 3

- il écarte toute application de la loi MURCEF au motif que, conclu bien antérieurement à l entrée en vigueur de ce texte de 2001, le contrat en cause n a pu être affecté, dans sa nature juridique, par les nouvelles dispositions, faute d avoir été repris dans le cadre d un marché public tel que prescrit par cette nouvelle loi ( motifs du jugement page 5 in fine); - il écarte, plus fondamentalement, toute idée de participation de la SEVP à une mission de service public de l office du tourisme de la commune de Rambouillet auquel il ne dénie pas la qualité d E.P.I.C. et rejette l existence de clauses du contrat exorbitantes du droit commun ( motifs du jugement page 5). Il importe de souligner que cette décision paraît s inscrire dans la lignée de deux arrêts de la Première Chambre civile de la Cour de Cassation des 16 novembre 2004, Ville de MEAUX / CIEP (U 02-10.628, n 1638) et 5 avril 2005, Commune de BUSSY SAINT-GEORGES / CIEP ( X 03-16.109, n 673) qui, dans des espèces proches mais non similaires, ont retenu la compétence des juridictions de l ordre judiciaire. Sur deux points de droit au coeur de notre débat, une lecture attentive de ces décisions, rendues d ailleurs à l égard ou au profit d une même personne morale de droit privé, la CIEP, permet d en préciser le sens et la portée. En effet au regard du critère de la participation du partenaire privé à l exécution d une mission de service public,(en l occurrence pour le premier arrêt de 2004, l édition du guide municipal de la ville de MEAUX), la Cour de cassation admet, avec la Cour d Appel critiquée, que l information municipale relève bien d un service public, mais c est au prix d une analyse factuelle du contenu de ce bulletin faite par les premiers juges qui ne l ont pas distingué de celui d autres guides et bottins usuels, qu elle approuve la dissociation de cette activité de service public reconnue d emblée. Dans la seconde espèce du 5 avril 2005, la notion même de participation à l exécution du service public commande le raisonnement de la Cour de Cassation qui, cependant, adopte à nouveau les observations de fait des premiers juges sur le contenu mixte, public-privé des informations reprises sur le plan et le guide d informations pratiques commandés par la commune de BUSSY SAINT GEORGES dont il était possible de trouver la trace dans d autres publications. La Première Chambre en déduit que le guide et le plan en cause ne se présentent donc pas comme un bulletin d information de la vie municipale et ne participent donc pas de la mission de service public communal. La Cour écarte à la fois le pouvoir d initiative des services de communication de la mairie dans la rédaction des pièces comme le mode de rémunération fondé sur la vente d espaces publicitaires qui ne constituent pas, à ses yeux, des critères suffisants du caractère administratif du contrat et, partant, de la participation du cocontractant à l exécution du service public d information municipale. 4

3/ Le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES était-il fondé à suivre un tel raisonnement pour le cas du contrat liant l office du tourisme de Rambouillet à la SEVP? La motivation de l arrêt de la Cour de cassation susvisé du 16 novembre 2004 ( Ville de MEAUX) est importante qui place, de manière directe l information municipale dans le cadre de l exécution d un service public. L analyse portée par le T.G.I. de VERSAILLES paraît cependant faire l impasse sur cette considération particulière et s attache directement au contenu du guide qui serait centré sur des indications pratiques relatives aux services publics et aux services commerciaux disponibles par ailleurs, à l exclusion de toute information sur la vie politique et citoyenne municipale (Jugement page 5). L emprunt évident à la motivation de l arrêt de la Cour de Cassation susvisé du 5 avril 2005 ne rend manifestement pas compte des missions propres d un E.P.I.C. qualifié Office du tourisme qui, dans une station classée à ce titre, n a pas pour objectif premier d informer sur la vie politique et citoyenne municipale. Par ailleurs le motif tiré du caractère pratique et à visée essentiellement commerciale des informations contenues dans un guide papier édité par un Office du tourisme apparaît par trop général et inapproprié pour écarter la qualification juridique d une mission de service public et, partant, de la détermination du caractère administratif d un contrat. L accessibilité des informations sur d autres supports existants ne disqualifie pas de plein droit une commune, et a fortiori un E.P.I.C. Office du tourisme qui en assurerait la rédaction quasi-intégrale, dans sa mission de service public de diffusion d informations locales utiles aux touristes et aux citoyens-résidents. L analyse doit être poursuivie sur d autres terrains et en premier lieu vers les décisions antérieures de votre Tribunal sur ce même thème. Deux espèces retiennent l attention en 1996 et 1999 qui recoupent de très près le cas qui vous est soumis: - 24 juin 1996, SARL France déco / Commune de Longjumeau et préfet de L Essonne ( n 03023) dans le cadre de laquelle vous avez retenu comme ayant le caractère administratif, un contrat d édition d un magazine paraissant cinq fois l an et de divers autres supports de l information municipale tels plans ou guides, fondé sur une contrepartie publicitaire partielle au profit de l annonceur-éditeur privé qui ne prenait pas en charge la rédaction des documents. 5

- 7 mai 1999, Société International management group / département de l Ain ( n 03133, Rec. P 463) dans le cadre d un conflit négatif où votre Tribunal a retenu comme participant de l exécution d un service public administratif l opération de communication et publicité d un département confiée à une officine privée à l occasion d une manifestation sportive hors site local, en vue de promouvoir l image de la collectivité territoriale. Il convient de rappeler que, dans la présente espèce, l Office de tourisme de RAMBOUILLET entendait, de manière contractuelle, se réserver les pages 2 et 3 de la publication pour la présentation des manifestations de la saison touristique et la présentation du maire, les pages 6 à 20 pour ses propres travaux et la page 23 pour les services publics ( mémoire office du tourisme page 4). Il apparaît donc difficile de suivre le raisonnement par trop général du T.G.I. de Versailles sur la nature pratique des informations traitées dans le guide en cause prise comme critère unique de privatisation du rapport de droit entre la SEVP et l office de tourisme. De même il apparaît impossible de partager l élimination lapidaire des clauses spécifiques du contrat dont le caractère exorbitant du droit commun est nié sans autre forme d analyse précise de leurs termes. A l évidence les articles 2, 4, 5 et 8 du contrat liant la SEVP à l office du tourisme de Rambouillet imposaient au partenaire privé qui y consentait, des contraintes rédactionnelles et de mise en page, une surveillance du tirage et des conditions de prospection qui dépassent le simple cadre de l édition à caractère publicitaire privée. La tutelle administrative de l E.P.I.C. Office du tourisme de Rambouillet sur son partenaire commercial était telle qu aucune marge d initiative ne lui était laissée sur le contenu de l information dont la personne morale de droit public gardait la totale maîtrise, s agissant de ses intérêts touristiques propres. Mais qui plus est le démarchage publicitaire lui-même était strictement encadré, qui devait se conformer aux annonces préalables de l E.P.I.C. par voie de presse et répondre aux normes d une accréditation spécifique pour chaque campagne. Il est intéressant de noter que le Conseiller-rapporteur de l arrêt de la première Chambre civile du 5 avril 2005 (qui a servi de source d inspiration au Juge civil) avait précisément souligné, dans ses observations préalables au débat, qu il n est pas allégué que le contrat litigieux comporterait des clauses exorbitantes. C est donc sous le seul angle du critère de la participation du cocontractant à l exécution même du service public qu il faut apprécier la valeur de la motivation de la Cour d appel. 6

En présence d un débat sur l existence et la portée de telles clauses exorbitantes du droit commun, comme en l espèce, il est permis de penser que la décision de la première chambre de la Cour de cassation eut été toute autre. Seule reste en suspens la question posée par les demandeurs à l exception d incompétence sur l incidence de la loi du 11 décembre 2001 dite MURCEF quant à la qualification juridique du contrat litigieux. Le motif retenu par le T.G.I. de Versailles est proprement elliptique qui soumet l application des dispositions nouvelles à la nécessité de reprendre le contrat en cause dans le cadre des marchés publics nouvellement qualifiés. Les seules véritables questions étaient plutôt de savoir si, conformément à l article 2 de cette loi du 11 décembre 2001, le contrat litigieux avait ou non été contesté devant une juridiction de l ordre judiciaire à la date de sa promulgation et si, par sa nature même, ce contrat aurait été soumis au code des marchés publics à la date de sa conclusion. La réponse à la première question est assurément négative, le contentieux civil entre les parties n étant né qu en 2009. Il en va de même pour la seconde question au regard du mode de rémunération défini au contrat qui ne fait pas apparaître un prix fixe de la prestation du partenaire privé mais une rémunération fondée sur la perception de recettes publicitaires dont l aléa, même relatif, s accorde mal avec un quelconque seuil de marché public. PAR CES MOTIFS NOUS CONCLUONS : 1/ à la confirmation de l arrêté de conflit pris par le Préfet des YVELINES le 20 février 2012, 2/ à la nullité et au caractère non avenu de la procédure engagée par la société Services d édition et de ventes publicitaires devant le Tribunal de Grande Instance de Versailles et du Jugement de cette Juridiction du 7 février 2012. Michel GIRARD, Commissaire du Gouvernement.