MIEUX PROTÉGER LES ENFANTS : QUELLES CONSÉQUENCES SUR LES PARENTS? Marie-Christine Saint-Jacques Sylvie Drapeau Catherine Turbide Colloque international : Autour de l enfant : Parents, intervenant-e-s-institutions Lausanne, 14-15 novembre 2013
Saint-Jacques et al., 2013 2 E- Moi j ai un exemple là concret. ( ) Un jeune qui a 19 ans aujourd hui. Cet enfant-là, il a fait, je pense 21 familles d accueil. Son père, il ne sait pas où il est. Sa mère est alcoolique, toxicomane, mets-en. Et, cet enfant-là était en famille d accueil. De temps en temps, sa mère (en tout cas, c est ça mon vocabulaire) faisait une montée de lait, elle prenait son enfant puis elle le ramenait chez elle. [Un jour l intervenante demande au jeune] «où elle est ta mère.» Bien, il a dit «elle est au bar». Ils l ont appelé dans un bar. Mais là, elle avait mal dans le dos. Elle ne pouvait pas le prendre pendant une couple de mois, elle avait bien mal dans le dos. Elle avait assez mal dans le dos, elle est restée assise au bar à cause de ça. Mais aujourd hui cet enfant-là, sais-tu qu est-ce qu il dit? Il dit pourquoi vous m avez pas fait adopter?
Saint-Jacques et al., 2013 3 Problématique Introduction en 2007 de modifications importantes à la Loi sur la protection de la jeunesse du Québec visant à contrer la trop grande discontinuité relationnelle et de milieux de vie observée chez les enfants suivis par les centres jeunesse Objectif: assurer de la stabilité et de la continuité dans la vie des enfants afin de leur permettre de développer des liens significatifs et durables L expérience des parents dans les services de protection de la jeunesse: un champ de recherche négligé
Saint-Jacques et al., 2013 4 Les principales modifications apportées à la LPJ ointroduction de délais maximums de placement oélaboration d un projet de vie permanent opriorisation du placement de l enfant auprès de personnes significatives
Saint-Jacques et al., 2013 5 Questions examinées 1) Que sait-on des impacts des modifications visant à améliorer la continuité et la stabilité des enfants? 2) Quels sont les avantages des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse pour les usagers? 3) Quelles difficultés posent ces modifications aux parents et aux enfants qui reçoivent des services?
Saint-Jacques et al., 2013 6 De nombreuses familles concernées Au moment de notre étude en 2009: 69 705 enfants signalés 30 177 enfants pris en charge Principaux motifs de prise en charge Négligence (66,5%) Troubles de comportement sérieux (16,5%)
Saint-Jacques et al., 2013 7 État des connaissances L expérience des parents dans les services de protection de la jeunesse L engagement et la mobilisation du parent dans l intervention Le placement auprès d une personne significative La démarche de clarification du projet de vie Les délais maximums de placement
Saint-Jacques et al., 2013 8 Méthodologie Étude réalisée 2 ans après l entrée en vigueur des modifications à la loi Sélection de 3 centres jeunesse sur les 16 existant à partir de quatre critères: 1) la taille de l établissement ; 2) la situation géographique (rural/urbain); 3) la présence d une clientèle autochtone; 4) et les activités d appropriation mises en place Population étudiée: professionnels des centres jeunesse, les comités des usagers et les commissaires aux plaintes Critères d inclusion pour le personnel agissant à l intervention et à la révision des dossiers : 3 ans ou plus d expérience en centre jeunesse (M = 16 ans)
Saint-Jacques et al., 2013 9 Échantillon: 149 personnes Recherche qualitative Mode de collecte: entrevues individuelles (N=27) avec les membres de la direction, chefs de service, commissaires aux plaintes et entrevues de groupe (N=20) réalisés auprès des intervenants et des comités des usagers Des acteurs dont la position par rapport aux familles diffère Thèmes: accueil dans le milieu, application des modifications, facteurs facilitant ou faisant obstacles, changements de pratique, observations à propos des impacts sur les enfants et les parents
Saint-Jacques et al., 2013 10 Résultats Le meilleur intérêt de l enfant: au cœur de l intervention en protection Pour les parents biologiques, il y a une pression supplémentaire, ce qui est très bon. On a redonné à l enfant sa place. C est une loi pour les enfants.» (9B). Principal avantage perçu: avoir réussi à maintenir les enfants dans des milieux stables avec des mécanismes comme les durées maximales de placement, tutelle, placement à majorité Les contacts parents enfants ne font pas l unanimité
Saint-Jacques et al., 2013 11 Des freins à la stabilité Enfants ayant des problèmes de comportement sévères qui sont placés en centre de réadaptation Les normes en encadrement intensif, c est n importe quoi. Même pour les 30 heures sécurisées, on embarque des jeunes dans nos voitures qui sont désorganisés et qui n ont pas les services pour les protéger.(6b) Les réserves des juges à appliquer les durées maximales de placement Même si les intervenants vont au tribunal avec des dossiers bien montés, les juges sont pro famille et leurs décisions vont à l encontre de l intérêt des enfants. Les juges n appliquent pas la loi. (14B) Le placement en soit peut être une source d instabilité Les comités des usagers sont particulièrement préoccupés du placement dans la famille élargie et des enjeux qu il soulève
Saint-Jacques et al., 2013 12 Des avantages qui varient selon l âge des jeunes Les parents comprennent-ils bien la dynamique de la loi? On doit s assurer du respect des droits des usagers, malgré l orientation de certaines pratiques, par exemple les projets de vie à long terme. Quand les parents ont des problèmes psychiatriques importants, on peut observer qu ils sont mal informés compte tenu de leurs limitations. L enjeu est de s assurer que ces personnes comprennent bien ce vers quoi on travaille. (B) Des délais qui mobilisent certains parents Un an pour les tout-petits, même si le parent veut bien, ça prend son premier 6 mois. Par expérience, quand ils viennent juste d accepter qu ils sont dans le trouble et après ça tu n as quasiment plus de temps pour l action. Ce sont des gens qui sont très souffrants eux-mêmes et le psychosocial veut faire un travail avec un parent un peu récalcitrant, dans des mesures non volontaires. Donc, de leur faire prendre conscience, c est un peu plus long que ça. Ils partent de loin ces parents-là et ce sont des gens qui vont se reprendre plus en 2e année. Dans la première année, il y a la confrontation, tous ces bouleversements. Dans la 2e année, on voit apparaître la mobilisation. Je trouve ça court pour un parent, même si je suis d accord avec le fond de la question. Un an, c est comme si tu es obligé de bouger avec une épée de Damoclès. C est une vraie mobilisation, c est plus de la pression du système qui va faire en sorte que les parents vont bouger? Je me questionne. Je n ai pas de réponses, ce sont juste des questionnements. (16B) Des parents plus impliqués À [nom la ville], c était difficile. Les parents n étaient pas intégrés, ne faisaient pas du tout partie des décisions, ils n étaient informés qu au tribunal parfois. Ça, c est un changement de cap de 180 degrés.( ) Ce n était pas comme ça avant, vous nous aviez dit que. J ai même un exemple où les parents étaient tellement tassés qu on avait même dit à la famille d accueil que l adoption s en venait. Ça n a pas été le cas et les parents sont revenus. Donc, la place des parents et des grandsparents, c est un changement radical. (3C)
Saint-Jacques et al., 2013 13 Envisager de perdre son enfant: difficile pour la plupart des parents Si les parents ne se mobilisent pas, l'enjeu est que son enfant devienne adopté, sous tutelle ou stabilisé long terme. Je dirais que c'est plus bousculant pour le parent. (1B)
Saint-Jacques et al., 2013 14 Discussion Les avantages: plus de stabilité, plus de clarté dans les attentes, une plus grande implication des parents qui gagnent en pouvoir Les inconvénients: course contre la montre, l absence de solutions miracles, le manque de ressources Les points de tension: Écarter un parent de la trajectoire d un enfant en vue de veiller à son meilleur intérêt Qui sont les parents qui n atteindront pas le fil d arrivée? Quelle cible viser pour stabiliser les enfants? Déséquilibre du pouvoir entre les parents et les intervenants
Saint-Jacques et al., 2013 15 Les durées maximales de placement Des visions du monde qui s affrontent et la nécessité des intervenants d entrer dans l univers des parents Le beau risque
16 Cette communication a été rendue possible grâce à une subvention du Fonds de recherche québécois sur la société et la culture (programme Action concertée) et du Centre jeunesse de Québec-institut universitaire. Pour plus d information: marie-christine.saint-jacques@svs.ulaval.ca Centre de recherche sur l adaptation des jeunes et des familles à risque (JEFAR) http://www.arucfamille.ulaval.ca/index.php?pid=1220&a=e Université Laval, Pavillon Charles-De Koninck Québec, Canada, G1V 0A6
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