Dumping et fraude sociale dans le contexte du détachement de travailleurs Argumentaire et position de la Confédération



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Transcription:

Dumping et fraude sociale dans le contexte du détachement de travailleurs Argumentaire et position de la Confédération Pourquoi cette note? Cette note s inscrit dans le cadre des travaux du groupe "Bridges" sur le dumping social dans la construction. Elle répond à une double utilité, conformément aux objectifs assignés au projet Bridges, à savoir: - Aider les groupements et au-delà les entreprises membres à mieux comprendre la problématique du détachement, en particulier afin de pouvoir faire la part des choses entre les situations régulières de détachement et les situations de fraudes ou d abus dans l application des règles du détachement. - Situer correctement la vision de la Confédération sur les enjeux de cette problématique et rappeler le fil conducteur de la politique professionnelle menée afin de veiller à un alignement de l ensemble des groupements sur cette politique. Cette note peut également constituer le socle de la stratégie de communication à développer vers les membres (autre objectif du projet Bridges) ainsi que de l établissement d un code de bonnes pratiques (ou d éthique) de la Confédération dont le principe a été accepté récemment par le comité directeur. Qu est-ce que le détachement signifie concrètement? Le régime du détachement est l ensemble des règles, d origine européenne, applicables aux aspects sociaux d une prestation de services transfrontalière d une entreprise. Le détachement est indissociable de l exécution d un véritable contrat d entreprise par un prestataire de services. Les entreprises au sein de l Union européenne disposent à la fois de la liberté de s établir (de manière permanente) sur le territoire de l État de leur choix et de la liberté de se rendre temporairement sur le territoire d un autre État membre que celui où elles sont établies pour y exécuter un travail défini. Dans cette dernière hypothèse on parle de "liberté de prestation de services" des entreprises au sein de l Union européenne, qui est inscrite dans les traités européens et dont l application a été renforcée par une directive européenne en 2005 (la directive "services"), notamment sous l angle de la suppression des entraves à cette liberté de prestation dans les réglementations des États membres. L entreprise qui exécute une prestation de service sur le territoire d un autre État membre que celui où elle travaille habituellement se trouve dans une situation de détachement, du nom des règles européennes qui régissent les aspects sociaux liés à cette prestation de service. Le cadre juridique du détachement porte globalement sur deux types de règles: 1/8

- Les règles relatives aux conditions de travail: il s agit ici des règles qui déterminent les conditions de travail applicables aux travailleurs que l entreprise étrangère "détache" sur le territoire d un autre État pour effectuer les travaux décrits dans le contrat d entreprise. Ces règles sont définies par des directives européennes (la directive "détachement" complétée par la directive "exécution"). En bref, ces directives imposent aux entreprises étrangères de respecter un "noyau dur" de conditions de travail du pays où les travaux sont exécutés, comme les salaires minimums, la durée du travail, les vacances annuelles, les prescriptions de sécurité, - Les règles relatives à l assujettissement à la sécurité sociale: il s agit ici des règles qui déterminent la loi applicable en matière d assujettissement des travailleurs aux régimes de sécurité sociale. Ces règles, qui sont contenues dans un Règlement européen, prévoient que les entreprises qui détachent du personnel (pour une durée maximum de deux ans, mais prolongeables individuellement dans certains cas) continuent de payer les cotisations sociales pour leurs travailleurs dans le pays où elles sont établies. La même règle vaut pour les travailleurs indépendants. Les règles en matière de détachement sont indissociables du principe de la liberté de prestation de services de l entreprise. Il n y a pas de détachement sans qu il y ait en même temps exécution d une prestation par une entreprise. Donc: Un travailleur détaché est toujours lié contractuellement à une entreprise qui exerce habituellement son activité sur le territoire d un État membre et qui se déplace sur le territoire d un autre État membre pour y effectuer une prestation dans le cadre d un contrat d entreprise. Comment reconnaître un véritable détachement? Une entreprise étrangère qui exécute des travaux de construction en Belgique est en situation régulière lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies: - Elle exécute réellement et habituellement des activités de construction dans le pays où elle est établie. - Elle a conclu un contrat d entreprise en Belgique avec un donneur d ordres, qu il s agisse du maître d ouvrage ou d un entrepreneur. - Elle exécute ce contrat d entreprise en respectant les règles de l art et en assumant la responsabilité totale des travaux qu elle exécute. - Elle paie à ses travailleurs détachés sur le chantier en Belgique les salaires définis par la convention collective de travail du secteur de la construction en Belgique et elle respecte les autres conditions de travail relevant du noyau dur de la directive (durée du travail, sécurité, ). - Elle s acquitte des cotisations de sécurité sociale, calculées sur les salaires effectivement payés à son personnel durant le détachement en Belgique, aux caisses sociales du pays d établissement. À ces conditions fondamentales s ajoute le respect des formalités liées au détachement, à savoir l accomplissement de la déclaration LIMOSA et la détention d un formulaire A1 dans le chef des travailleurs, ainsi que le respect des obligations en matière de déclaration de chantiers, d enregistrement des présences, de port du Construbadge (à partir de 2016), NB: Qu en est-il du travail intérimaire? Le recours au travail intérimaire par l intermédiaire d une agence établie dans un autre État membre que celui de la prestation tombe également sous l application des directives "services" et "détachement". Une entreprise de travail intérimaire étrangère qui veut mettre du personnel à 2/8

disposition d entreprises belges de construction est en situation régulière dans notre pays lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies: - Elle est une entreprise de travail intérimaire dans son pays lorsque le travail intérimaire est réglementé ou elle fait de la mise à disposition reconnue. - Elle est agréée en Belgique en qualité d entreprise de travail intérimaire (agrément par les régions). - Elle met le personnel à disposition dans les seuls cas et conditions prévues par la réglementation belge. - Elle paie aux travailleurs intérimaires le même salaire belge que celui applicable dans l entreprise utilisatrice aux travailleurs permanents ayant la même qualification. - L entreprise utilisatrice applique aux travailleurs intérimaires les mêmes conditions de travail que celles qui sont en vigueur dans l entreprise pour le personnel permanent. - L entreprise de travail intérimaire paie les cotisations sociales des travailleurs intérimaires aux caisses sociales du pays d établissement sur la base des salaires effectivement payés pendant la période de détachement en Belgique. À ces conditions fondamentales s ajoute le respect des formalités liées au détachement ou au placement de la main-d œuvre dans une entreprise de construction et qui relèvent soit de l entreprise de travail intérimaire soit de l entreprise utilisatrice. Comment s assurer que l entreprise étrangère respecte le cadre social du détachement? Une entreprise étrangère occupant du personnel qui facture une heure de travail à un donneur d ordres pour un montant inférieur à 30 (25 si l entreprise est originaire de Pologne) n est en principe pas à même de respecter l ensemble de ses obligations sociales et se trouve donc, sauf justification, dans une situation irrégulière. Le donneur d ordres, qu il soit maître d ouvrage, entrepreneur général ou sous-traitant, a tout intérêt à s assurer de la régularité de l entreprise étrangère qui exécute des travaux sur le chantier pour son compte. Il existe en effet des régimes de responsabilité solidaire, non seulement pour les dettes sociales et fiscales, mais aussi pour le paiement du salaire minimum belge aux travailleurs détachés. Le donneur d ordres se doit dès lors de veiller au contrôle de l absence de dettes sociales (y compris au régime "timbres" de l OPOC), fiscales et salariales dans le chef de l entreprise étrangère. Au-delà, il devra également vérifier le bon accomplissement par l entreprise étrangère des formalités en matière de détachement. Le donneur d ordres sera avisé, avant de contracter avec une entreprise étrangère, d analyser au travers des prix qui lui sont remis, les éléments du coût salarial réel de l entreprise. Une des résolutions de la table ronde construction porte sur l établissement de tableaux des coûts salariaux minimaux auxquels les entreprises étrangères sont soumises lorsqu elles travaillent en détachement en Belgique. Ces tableaux seront établis pour les entreprises originaires des pays où les charges sociales sont faibles et qui détachent un grand nombre de travailleurs dans notre pays. Un premier exercice a déjà été fait, dont les résultats provisoires constituent une estimation suffisamment fiable pour l objectif recherché. Ce tableau des coûts établi pour le Portugal, la 3/8

Bulgarie, la Pologne et la Roumanie est joint en annexe. Ces coûts minimaux varient selon les pays de 22,5 à 27 par heure prestée (pour un coût belge de 32 ). Ces coûts salariaux sont des coûts "employeur", c est-à-dire ce que coûte à l employeur l occupation d un travailleur pour une heure de travail. À ce coût, il faut ajouter les frais de matériel, les charges d équipement et les frais généraux du chantier pour arriver au coût "entrepreneur". À ce coût entrepreneur il faut encore ajouter la marge bénéficiaire de l entreprise pour aboutir au montant qui est facturé au donneur d ordres. Ce dernier montant est à tout le moins supérieur de 15% au coût employeur, soit un montant de 25,80 à 31 (pour un coût belge de 36,8 ). Quelles sont les principales situations de fraude liées au détachement? Les situations frauduleuses sont le résultat de dérives dans la mise en œuvre du principe de la libre prestation de services des entreprises et d abus dans l'application des règlementations européennes en matière de détachement. La fraude sociale liée au détachement dans la construction en Belgique est le résultat d une utilisation abusive et dénaturée du principe de la liberté de prestation de services des entreprises en Europe et des instruments juridiques qui ont été adoptés pour faciliter et promouvoir cette liberté de prestation de services. Ce phénomène s est clairement aggravé, comme le montre l évolution des statistiques LIMOSA depuis 2007, à la suite de l émergence des pays de l ancienne Europe de l est dans le paysage de la prestation de services intraeuropéenne. Les fraudes revêtent diverses formes et elles sont d intensité variable. Elles peuvent être regroupées en quelques grandes catégories: - La fausse sous-traitance par des opérateurs économiques qui ne sont pas de véritables entreprises de construction dans le pays où ils sont établis. La sous-traitance est la couverture généralement utilisée pour mettre du personnel à disposition d un utilisateur, opération qui est interdite en droit belge lorsqu elle se pratique en dehors du cadre légal du travail intérimaire ou de la mise à disposition autorisée dans certaines situations. Cette mise à disposition est fréquente dans le cadre de la mise en œuvre de la libre prestation de services au point que le concept de "main-d œuvre détachée" s est imposée dans la réalité du terrain. o La fraude est "simple" lorsque l opération de mise à disposition, cachée sous l apparence d un contrat de sous-traitance, ne s accompagne pas d autres fraudes sociales. Dans ce cas, l opérateur économique qui n est pas une véritable entreprise de construction dans son pays d origine, respecte strictement les conditions de détachement (salaires belges et paiement des cotisations sociales dans le pays d origine). On note que, même dans ce cas, l opération de mise à disposition se fait toujours à un coût inférieur au coût d une véritable entreprise de construction étrangère (du même pays) qui effectue des travaux en Belgique avec son personnel détaché. o La mise à disposition de main-d œuvre par des opérateurs économiques qui ne sont pas de véritables entreprises de construction dans leur pays d origine, qui travaillent sous couvert de faux contrats de sous-traitance et qui pratiquent l une ou l autre forme de fraude sociale ou de dumping. Les éléments de coûts salariaux (voir ci-avant) peuvent souvent permettre de confirmer la fraude. o La fraude liée à la mise à disposition de travailleurs peut être poussée à l extrême lorsqu elle émane de véritables réseaux ou de filières internationales 4/8

qui fonctionnent sur le mode maffieux des "négriers de la construction" qui ont opéré en Belgique à diverses périodes au cours des dernières décennies. Dans ce dernier cas, la mise à disposition s accompagne de pratiques de fraudes graves à la sécurité sociale et parfois d actes de traite des personnes. - La mise à disposition de main-d œuvre par des opérateurs économiques qui se présentent comme des entreprises de travail intérimaire dans leur pays (ce qu elles peuvent être par ailleurs) mais qui ne sont pas agréées en Belgique pour effectuer des opérations de placement en tant qu agence de travail intérimaire. Ces entreprises ne vérifient pas si les conditions de placement imposées par la réglementation belge (notamment les cas dans lesquels le travail intérimaire est autorisé) sont respectées et elles pratiquent des prix qui ne tiennent pas compte des obligations du droit du travail en vigueur en Belgique. - L utilisation abusive du statut de travailleur indépendant par des personnes ou des équipes travaillant en réalité comme ouvriers sur les chantiers (faux indépendants). Ce type de fraude est largement répandu dans le secteur de la construction et constitue pour la main-d œuvre "détachée" une voie d accès au marché belge de la construction qui est relativement simple à mettre en œuvre. En effet, les principes du droit européen imposent aux autorités du pays où la prestation est exécutée de tenir compte du statut juridique dont le travailleur excipe sur la base des règlementations du pays d origine. La possession d un document attestant ce statut d indépendant délivré par les autorités du pays d origine complique singulièrement la tâche d un contrôleur social belge lorsqu il souhaite requalifier le statut du travailleur indépendant en travailleur salarié sur la base des constations faites à propos de la relation de travail exécutée en Belgique. L utilisation abusive du statut d indépendant permet au titulaire de ce statut de ne pas devoir respecter les règles en matière de salaire minimum ni l ensemble des règles relatives à l organisation du travail, notamment celles sur la durée du travail. Le recours à cette pratique peut dans certains cas être encadré par les réseaux ou filières internationales de mise à disposition de main-d œuvre. Comment réagit la Confédération? L action de la Confédération dans le dossier est double: d une part, elle contribue activement à l adoption de mesures réglementaires contre le dumping et la fraude et elle développe des actions spécifiques dans ce domaine; d autre part, elle a lancé avec ses partenaires du secteur un plan de réduction des charges dans la construction (moins 6 /h) comportant un volet de financement de l opération. La Confédération est mandatée par son Conseil d administration pour dénoncer et combattre toutes les formes de fraude sociale, en particulier celles liées au système du détachement. Elle est également mandatée pour lutter contre la concurrence déloyale des entreprises étrangères en provenance de pays où les charges sociales sont faibles et entend tout mettre en œuvre pour restaurer des conditions de concurrence correcte sur le marché belge de la construction. Les actions contre la fraude sociale et le dumping Parmi les actions menées par la Confédération, on retiendra principalement les démarches suivantes: 5/8

La mise en œuvre du plan d action de la table ronde Construction Le "plan pour la concurrence loyale", signé le 8 juillet dernier par les partenaires sociaux de la construction et les représentants des pouvoirs publics concernés, est le résultat des travaux de la table ronde consacrée au dumping et à la fraude sociale dans la construction. Ce plan comporte 40 résolutions à concrétiser par l adoption de mesures réglementaires et par le lancement d actions diverses à différents niveaux de pouvoir. Plusieurs de ces résolutions émanent des propositions que la Confédération avait elle-même faites dans son mémorandum aux partis politiques en janvier 2014 et qui avaient été ensuite reprises dans le plan stratégique des partenaires sociaux de la construction en avril de la même année. Les résolutions de la table ronde peuvent être regroupées en fonction des différents objectifs qu elles cherchent à atteindre: Le renforcement de la prévention et de la transparence o La généralisation progressive de l enregistrement des présences sur chantiers. o L obligation de port du "Construbadge". o L amélioration de la déclaration LIMOSA et des données de la BCE. L encadrement de la sous-traitance o La limitation du nombre de sous-traitants dans la chaine "verticale"(deux niveaux maximum). o L agréation obligatoire de tous les sous-traitants. o La facilitation du contrôle des dettes salariales. La responsabilisation des maîtres d ouvrage o Le renforcement de l efficacité des dispositions de la réglementation "marchés publics" sous l angle du dumping et de la fraude, notamment le contrôle et la justification des offres anormalement basses. o L extension de la responsabilité subsidiaire pour les dettes sociales et fiscales. o Des mécanismes de responsabilisation des particuliers maîtres d ouvrage. o La sensibilisation des administrations locales et régionales aux conditions de logement des travailleurs détachés. L adoption de mesures et procédures d accompagnement o La mise en œuvre d actions en "cessation" devant les tribunaux à l encontre d opérateurs irréguliers. o Le "monitoring" du chômage économique. o Le renforcement du contrôle par diverses politiques. Les corrections à apporter à diverses législations o Évaluation et adaptation des mesures contre les faux indépendants, la mise à disposition de travailleurs, La communication et l échange d informations o L instauration d un point de contact central pour la fraude sociale et la création d organes de concertation au plan local. o Le lancement d une campagne de sensibilisation. La concertation au plan international et le débat au niveau européen 6/8

La sensibilisation des donneurs d ordres et l appel à l adoption de codes de bonnes pratiques Les maîtres d ouvrages publics, à quelque niveau que ce soit, doivent être des partenaires de la lutte contre le dumping et la fraude. Ils peuvent y parvenir en adoptant une démarche volontaire, sous la forme de codes de bonnes pratiques ou charte contre le dumping, de clauses anti-dumping dans leurs cahiers des charges et d un contrôle strict des offres et des conditions d exécution des marchés. Les maîtres d ouvrages privés devront eux-aussi être sensibilisés au problème et incités à adopter une démarche volontaire à leur niveau. L adoption d un code d éthique pour les entreprises La Confédération proposera à ses instances l adoption d un code de bonnes pratiques à l égard des entreprises membres. L objectif est d inciter les entreprises à adopter une attitude responsable consistant à rejeter systématiquement toute forme de proposition commerciale comportant des prix anormalement bas, à faire preuve de discernement dans le choix de leurs sous-traitants et à veiller, notamment par des clauses contractuelles adaptées, à empêcher la survenance de situations frauduleuses sur les chantiers. La poursuite des actions judiciaires La Confédération poursuivra les actions qu elle a intentées déjà deux fois avec succès en 2013 et 2014 à l attention d opérateurs qui démarchent les entreprises belges en vue de mettre à leur disposition du personnel de manière illégale. Une troisième action est en cours. D autres n ont pas dû être lancées en raison du retrait de l opérateur concerné du marché belge. La détermination des coûts salariaux minimums obligatoires des travailleurs détachés Les partenaires sociaux et les administrations concernées (SPF Emploi et ONSS) travaillent actuellement ensemble à la détermination des coûts salariaux minimums auxquels les entreprises étrangères qui détachent du personnel en Belgique sont obligatoirement soumises, en tenant compte des conditions de travail (dont le salaire) à respecter en Belgique et des charges obligatoires qui pèsent sur ces entreprises en application des réglementations de leur pays d origine. Cette démarche, déjà menée en partie par la Confédération, est inscrite dans les résolutions de la table ronde construction. L objectif est de mettre ces informations à la disposition des maîtres d ouvrages afin de les aider à mieux évaluer les offres anormalement basses des entreprises. La coordination avec des fédérations d autres pays Les concertations menées avec les fédérations sœurs des Pays-Bas et de la France au cours des derniers mois seront étendues aux fédérations d autres pays. Ces concertations ont pour objet d identifier les bonnes pratiques dans la lutte contre le dumping et d adopter des positions communes au plan européen. Le rétablissement de conditions saines de concurrence L exercice d une concurrence saine suppose que les acteurs économiques soient soumis à des conditions identiques ou comparables d accès au marché. L ouverture des frontières européennes à la libre prestation de services des entreprises a engendré un phénomène sévère de distorsion de la concurrence sur le marché de la construction en Belgique: les entreprises de construction en provenance de pays où les charges sociales sont peu élevées 7/8

peuvent en toute légalité exécuter des travaux en Belgique à des prix bien inférieurs (de l ordre de 20 à 35%) à ceux proposés par les entreprises belges. Cette différence de coûts salariaux constitue un handicap insurmontable pour les entreprises de construction belges, qui sont confrontées à d importantes pertes de marchés. Une demande de réduction de 6 /h du coût salarial de la construction belge Le rétablissement de conditions correctes de concurrence ne peut se faire que de deux manières: - Soit soumettre les entreprises étrangères en situation de détachement en Belgique aux mêmes taux de charges sociales que les entreprises belges. - Soit réduire le coût salarial des entreprises belges de manière à le rapprocher des coûts salariaux moyens des entreprises étrangères. La première option étant incompatible avec les principes actuels du droit européen, la Confédération et ses partenaires en commission paritaire ont introduit auprès du gouvernement un plan de relance fondé sur une réduction du coût salarial des entreprises de construction établies en Belgique de 6 par heure prestée. Cette réduction importante doit permettre, pour autant qu elle soit octroyée rapidement et en une fois, d entraîner un effet de levier sur la compétitivité de nos entreprises. Un plan de financement cohérent Le besoin de financement de la réduction s élève à 1,3 milliards /an. La Confédération a proposé au gouvernement un plan de financement de la réduction du coût salarial qui n obère pas les finances publiques et qui repose sur trois leviers de financement: - Une mesure de financement alternatif; - Le recyclage de réductions existantes; - L utilisation des recettes supplémentaires issues de l effet "retour" sur l emploi et l activité. Une approche positive du gouvernement Le gouvernement a fait savoir qu il a bien compris la demande du secteur et qu il va s efforcer d y réserver une suite favorable. A cet effet, il a annoncé la réservation d un budget spécifique de 600 millions pour la réduction des charges dans la construction et le lancement d une concertation étroite avec les partenaires du secteur pour s entendre sur les modalités de mise en œuvre de la réduction. ------------------------------------------ 8/8