Synthèse de rapport. La gouvernance des sociétés cotées



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Transcription:

Synthèse de rapport La gouvernance des sociétés cotées (Version française) Rapport pour la Commission Européenne, remis par la Fondation pour le droit continental et rédigé par Michel Germain, Véronique Magnier et Marie-Aude Noury.

Cette étude a été commandée par la Fondation pour le droit continental, elle en présente ici la synthèse. L objectif est de promouvoir les techniques du droit continental au plan international afin de faire valoir leur efficacité et la sécurité qu elles apportent aux relations d affaires. Suite au plan d action en droit européen des sociétés de décembre 2012, la Fondation pour le droit continental a tenu à participer à cette réflexion afin de donner une vision de la gouvernance des sociétés commerciales qui tire parti de l héritage du droit français et de sa tradition continentale en présentant les particularités et attraits du droit des sociétés français. La Fondation espère ainsi proposer certaines pistes d évolution à la Commission. Le rapport fût confié à un groupe de travail conduit par le Professeur Michel Germain, enseignant le droit des affaires à l Université Paris II-Panthéon-Assas où il dirige également le magistère des juristes d affaires et un MBA de «Law and Management». Le groupe était également composé du Professeur Véronique Magnier, enseignant le droit des sociétés français et communautaire à l Université Jean Monnet Paris-Sud où elle est responsable du Master 2 juristes d affaires, et de Maître Marie-Aude Noury, avocat d affaires au Barreau de Paris. Les trois auteurs ont alors cherché à mettre en valeur quelques points significatifs du droit français dans l objectif de permettre une avancée de la gouvernance en droit européen. A partir de ce rapport, la Fondation identifie certains points-forts du droit français qui pourraient intéresser la Commission européenne dans le cadre de la mise en œuvre de son plan d action en droit des sociétés. Le débat se noue autour de trois lieux de pouvoir : celui des dirigeants eux-mêmes, celui des actionnaires et celui des parties prenantes.

I. La gouvernance du côté des dirigeants C est dans ce domaine que la situation a connu les mutations apparentes les plus considérables, en raison de l apparition d une soft law formalisée au travers de «codes de gouvernance» et sanctionnée par le mécanisme du comply or explain. 1. L assimilation de la Soft Law par le droit français Le pari difficile du droit français a été d assimiler la culture anglo-saxonne de la soft law au sein d un droit des sociétés de nature essentiellement législative, propre à la culture juridique continentale. Il semble que ce pari ait été en grande partie gagné. 1.1. L efficacité d une juxtaposition des normes Cette juxtaposition de deux systèmes normatifs différents, voire d une «normativité graduée» selon l expression du Conseil d Etat dans son Etude annuelle de 2013 sur le droit souple, est un succès et semble fournir un système efficace. Cette juxtaposition nécessite toutefois des ajustements délicats. Le droit communautaire a déjà fait le choix d un droit des sociétés «mixte» alliant lois et soft law puisque la règle du comply or explain a été étendue aux Etats membres par voie de directive. En permettant aux sociétés d écarter certaines recommandations des codes de gouvernance à condition de le justifier, cette règle leur offre la possibilité de les remplacer par des règles plus spécifiques à leurs domaines d activité. La règle du comply or explain permet une gouvernance adaptable. 1.2. L intensité variable des règles de Soft Law : exemple du say on pay L intensité de la règle du say on pay est très variable selon les pays en raison de sa conjugaison avec le droit législatif. L ajustement est à ce point spécifique qu il faut sans doute laisser se faire des évolutions qui sont assez naturelles et purement sociologiques. En droit français, le say on pay prend actuellement la forme d un vote consultatif a posteriori sur une rémunération déjà fixée. Tout donne à penser que ses modalités peuvent peu à peu évoluer.

1.3. La complémentarité utile de la Soft Law en matière de conflit d intérêt Le droit français connaît un système assez original dit des conventions réglementées, consistant à autoriser a priori les conventions qui seraient conclues entre la société et ses dirigeants. Ce système est parfois critiqué pour sa lourdeur, mais semble apporter une relative sécurité juridique par sa prévisibilité. Pour les cas moins flagrants de conflit d intérêt, le droit français sanctionne la responsabilité individuelle du dirigeant, qui fonctionne a posteriori et est un complément utile du premier mécanisme. Cette complémentarité paraît être une solution réaliste et construire un instrument efficace. 2. La pertinence de l harmonisation des règles de gouvernance par le droit européen Il apparaît qu il serait paradoxal d harmoniser, par le droit européen, des normes de gouvernance qui trouvent leur légitimité dans leur proximité avec le monde des entreprises, l harmonisation des concepts de soft law étant en outre beaucoup plus délicate que celle des concepts juridiques. En revanche l intérêt d une harmonisation se révèle pleinement dans le cadre du contrôle de l application effective du comply or explain qui peut être prévu par le droit. En France, ce contrôle existe à la fois dans le registre de la soft law, prévu par le code de gouvernance et, dans le registre du droit législatif, où il est confié à l autorité publique de l AMF. Ce double contrôle est une manière originale d organiser une sorte de co-surveillance du comply or explain. A l image du droit français, le droit européen pourrait prévoir un double système de contrôle de l application du comply or explain et devenir ainsi le garant d une gouvernance sérieuse, qui combinerait les avantages de sécurité et prévisibilité d un cadre légal avec ceux de souplesse et adaptabilité de la soft law. L action de la Commission pourrait alors tendre à harmoniser les mécanismes de contrôle de l application de la règle du comply or explain.

II. En ce qui concerne les actionnaires On insiste de plus en plus, en France comme en Europe, sur le long terme. 1. La fidélisation des actionnaires Le droit français connaît depuis longtemps l existence d un droit de vote double et plus récemment de dividende privilégié venant récompenser la fidélité des actionnaires. Cette expérience française, un temps décriée en Europe, paraît intéressante et pourrait même, semblet-il, être améliorée relativement facilement. 2. L identification des actionnaires La transparence de l identité des actionnaires est une possibilité que le droit français offre à toutes les sociétés. Il nous paraîtrait étrange que le droit européen revienne sur ce principe, quand la transparence est par ailleurs à ce point valorisée. III. En ce qui concerne les parties prenantes Deux types de parties prenantes sont à distinguer : les salariés, qui peuvent participer à la gouvernance, et la société civile, qui dispose légitimement d une sorte de droit de regard sur l action des entreprises. Leurs statuts peuvent être améliorés en droit européen. 1. La participation des salariés Le droit français s est toujours intéressé à la participation des salariés. Celle-ci peut être entendue de plusieurs manières. Le droit français propose au moins deux systèmes de participation au conseil d administration : un régime spécifique de participation des salariésactionnaires et un régime, tout récent, de participation de tous les salariés à la nomination de représentants des salariés au conseil d administration. Ces deux régimes sont des modèles possibles pour l Europe. On peut légitimement hésiter entre les deux. Mais l on peut aussi penser que la participation des salariés-actionnaires est une expression plus limitée, mais sans doute plus efficace de l intérêt des actionnaires.

2. La responsabilité vis-à-vis de la société civile : la RSE Le droit récent de la RSE, dont le droit français est l un des précurseurs avec la loi NRE de 2001, est aussi une source d inspiration possible. Au vu du projet de directive du 16 avril 2013 proposant que les entreprises remettent une déclaration non-financière avec le rapport de gestion, le droit européen semble aller dans le sens d un principe de transparence en matière sociale et environnementale. L antériorité du droit français sur ce sujet devrait lui permettre de proposer des solutions d amélioration pertinentes. Conclusion : Les propositions pouvant être retenues A propos des règles de soft law, le Conseil d Etat français parle d une «normativité graduée». Il faudrait que les codes de gouvernance énoncent clairement ces différents degrés, ce qui n est pas toujours le cas. A défaut le risque est grand que la distinction de ces niveaux soit difficilement lisible. En matière de conflit d intérêt, la combinaison de lois et de règles de soft law telle qu elle existe en droit français est une solution harmonieuse très efficace. Le droit européen peut, à l image du droit français, prévoir un double niveau de contrôle, dans la loi et dans la soft law, pour garantir l application sérieuse du comply or explain par les entreprises. En matière de fidélisation des actionnaires, le droit français propose des solutions pouvant utilement inspirer la Commission européenne qui semble vouloir favoriser une économie de long terme. Le régime français de participation des salariés-actionnaires pourrait être un exemple dont il serait intéressant de s inspirer dans le dessein de renforcer un consensus social qui fait défaut dans un certain nombre de sociétés. Le droit français de la RSE qui est l un des rares ayant déjà l expérience de la pratique s exprime à travers un cadre légal élaboré. Il peut ainsi prétendre être une source d inspiration efficace pour la Commission européenne en matière de transparence des sociétés sur un plan social et environnemental.