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Cour des comptes Le 2 3 OCT. Z014 Le Premier président à Monsieur Michel Sapin Ministre des finances et des comptes publics Madame Fleur Pellerin Ministre de la culture et de la communication Réf. : RF 69997 Objet : l'établissement public de la Cité de la musique, la société par actions simplifiée Cité de la musique - Salle Pleyel et la future Philharmonie de Paris La Cour a procédé au contrôle des comptes et de la gestion de l'établissement public de la Cité de la musique, pour les exercices 2004 à 2012, et de sa filiale, la société par actions simplifiée (SAS) Cité de la musique - Salle Pleyel (SAS CM-SP), pour les exercices 2006 à 2012, sur le fondement des articles L. 131-1, L. 133-2, et L. 143-3 du code des juridictions financières. À la suite de ce contrôle, la Cour m'a demandé, en application de l'article R. 143-1 dudit code, d'appeler plus particulièrement votre attention sur les aspects suivants, qui relèvent de vos pouvoirs d'orientation, d'impulsion et de tutelle sur cet établissement et sur cette société. La maire de Paris et le président de l'orchestre de Paris ont été, par ailleurs, informés de la fin du contrôle et des principales conclusions pouvant les concerner. L'établissement public de la Cité de la musique a été créé sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (ÉPIC) entre 1993 et 1995 à La Villette avec «la mission d'entreprendre des activités consacrées au développement de la vie musicale en conjuguant trois activités : diffusion de concerts ; conservation et exposition d'un patrimoine musical ; pédagogie, documentation et édition musicales». Il s'est adjoint, en 2006, la Salle Pleyel exploitée par sa filiale, la SAS CM-SP, puis a acquis, en 2009, la propriété de l'ensemble de l'immeuble Pleyel. 13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00- www.ccomptes.fr

Cour des comptes - Référé n 69997 2/6 Cette prise de contrôle de Pleyel est survenue au terme d'une succession de décisions incohérentes, en partie causées par des revirements concernant la réalisation de la Philharmonie de Paris. Ces errements commencèrent par le refus d'acquérir l'immeuble Pleyel en 1998 et se poursuivent encore aujourd'hui avec la fermeture programmée de la Salle Pleyel aux concerts symphoniques et, plus généralement, à la musique classique pour laquelle cette salle a été pourtant conçue et rénovée. La prochaine livraison du bâtiment de la Philharmonie de Paris sur le site de La Villette a d'ores et déjà conduit à l'adoption de cinq décisions stratégiques concernant respectivement : 1/la création d'un nouvel ensemble fusionnant la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris et l'orchestre de Paris ; 2/la coordination de la programmation des concerts ; 3/l'éviction de la Salle Pleyel de ce regroupement ; 4/le choix d'une politique de l'offre pour développer les publics ; 5/ et le financement paritaire de son fonctionnement. Les orientations ainsi dégagées sont encore trop imprécises et appellent des arbitrages avant l'ouverture au public du nouvel établissement public. La programmation exclusive, sur le site de la Villette, et la perte de tout autre lieu de résidence pour l'orchestre de Paris, en 2015, obligent à trancher certains points dans l'urgence. 1. La fusion de la Cité de la musique, de la Philharmonie de Paris et de l'orchestre de Paris La création par le législateur d'une nouvelle catégorie d'établissement public national industriel et commercial (ÉPIC) sui generis pour en assurer le financement conjoint par l'état et la ville de Paris est en cours. Ce nouvel établissement regroupera la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris et l'orchestre de Paris. Or la Cour constate le retard pris dans l'adoption des dispositions législatives et réglementaires qui conditionnent la création du nouvel ÉPIC, censé être opérationnel dès janvier 2015. Certes, l'exploitation dans le cadre des structures existantes est juridiquement et techniquement possible. L'association de préfiguration de la Philharmonie, bien que principalement chargée de la construction, est en effet habilitée à assurer aussi le lancement de son exploitation. Cependant, le démarrage des activités de la Philharmonie, sans cadre juridique et administratif clair et sans gestion unifiée, ne peut être qu'une source de surcoûts et de tensions entre les équipes des différentes entités. Plutôt que de mutualiser les missions et les moyens de la Cité de la musique, de la Philharmonie de Paris et de l'orchestre de Paris, l'état et la ville de Paris ont décidé, en septembre 2013, de les fusionner, pour une meilleure coordination artistique et une gestion plus efficace et économe de l'ensemble ainsi constitué. L'instruction conduite par la Cour a cependant fait apparaître que cette fusion restait encore controversée à maints égards. Ainsi, l'orchestre de Paris semble ne pas interpréter de la même façon que la Cité de la musique les modalités selon lesquelles devront être arrêtées les décisions concernant son intégration dans les activités du nouvel ÉPIC et sa programmation artistique. Il revendique le maintien d'une large autonomie de ses choix artistiques. Recommandation no 1 : La Cour recommande que soient adoptées, d'urgence, les dispositions législatives et réglementaires nécessaires à la constitution du nouvel ensemble fusionné et que soient levées par l'état et la ville de Paris les incertitudes concernant la programmation commune aux trois entités fusionnées. 13 rue Cambon -75100 PARIS CEDEX 01- T +33 1 42 98 95 00 -www.ccomptes.fr

Cour des comptes - Référé n 69997 3/6 Il. La coordination de la programmation des concerts L'Orchestre de Paris, pour des raisons artistiques et d'identité, semble très réservé en ce qui concerne l'arbitrage rendu en septembre 2013 en faveur de son intégration au sein d'un nouvel ÉPIC. Il aurait préféré une simple mutualisation de certains moyens et fonctions avec le nouvel établissement. Or cette question non encore réglée est centrale pour la programmation des concerts comme pour la gestion et le financement du nouvel établissement. À Pleyel, au cours des dernières années, la SAS CM-SP et les orchestres résidents - Orchestre de Paris et Orchestre philharmonique de Radio France - ont établi et développé de bonnes relations dans des conditions qui, en termes de coordination artistique et de transparence des informations, demandent encore à être optimisées. Aussi le ministère de la culture attend-il de la fusion, comme il l'indique dans sa réponse à la Cour, une «parfaite coordination artistique de la Philharmonie de Paris, de la Cité de la musique et de l'orchestre de Paris» ; c'est-à-dire «que leurs démarches artistiques, culturelles, éducatives respectives soient complémentaires et non concurrentes sur un même site, (et que soient garanties) la cohérence des missions du futur établissement dans sa globalité, ainsi que la coordination de ses différentes actions (concerts, pédagogie, médiathèque, expositions, musée)». Toute la difficulté réside dans la définition du niveau de coordination recherché, dans le contenu du processus de décision pour y parvenir, et dans la portée de l'autorité conférée à cette fin aux dirigeants de la future Philharmonie au service d'un objectif central qui est d'assurer la pérennité et la vitalité de la musique classique au sein du Grand Paris. La programmation annuelle des concerts dans les nombreuses salles de la Philharmonie et de la Cité de la musique et la place offerte aux orchestres résidents - l'orchestre de Paris, ainsi que l'ensemble lntercontemporain -, aux grandes phalanges françaises et étrangères, comme aux autres formations de moindre renommée, sont une question clé et potentiellement une source de discorde. La création de la Philharmonie a, en effet, pour but d'ouvrir la programmation à des orchestres invités prestigieux, mais vise aussi à favoriser l'essor et le rayonnement de l'orchestre de Paris. Recommandation no 2: La Cour recommande, en conséquence, que soient clairement posées dès à présent les règles et les responsabilités concernant la programmation des concerts qui seront donnés dans toutes les salles du futur établissement, afin d'arbitrer définitivement les divergences sérieuses qui semblent subsister encore à ce sujet, tout en tenant compte des différents modes de production de ces concerts. Ill. Le sort de la Salle Pleyel dans cette fusion L'État semble découvrir seulement aujourd'hui que l'exploitation simultanée de la Salle Pleyel et de la Philharmonie risque de créer une inflation de l'offre de concerts et de désorienter le public fréquentant habituellement Pleyel. Cette probabilité était pourtant parfaitement connue, puisque le retour de Pleyel dans le giron de l'état en 2004 était, en effet, pour partie justifié par la nécessité de mieux maîtriser l'offre de concerts classiques à Paris. La réouverture du grand auditorium de Radio France (1 460 places) en 2014 et l'inauguration en 2015 de la grande salle de La Villette (2 400 places) modifient en profondeur l'offre de concerts dans les prochaines années. La décision d'interdire la musique classique à Pleyel, pourtant rénovée à grand frais, en découle. Elle peut s'expliquer mais est irrationnelle au regard des décisions antérieures qui ont conduit au rachat et à la rénovation de la Salle Pleyel. 13 rue Cambon -75100 PARIS CEDEX 01- T +33 1 42 98 95 00 -www.ccomptes.fr

Cour des comptes- Référé n 69997 4/6 La question du devenir de la Salle Pleyel, comme de l'ensemble du bâtiment qui l'abrite, se pose déjà. La Cité de la musique s'est, en effet, rendue propriétaire des lieux en 2009 pour 60,5 M et a financé cette acquisition par une avance du Trésor, remboursée au rythme annuel d'environ 2,4 M sur 25 ans avec une charge d'intérêt de l'ordre de 0,88 %. Aujourd'hui, la Cité de la musique et l'état prévoient d'introduire une clause d'interdiction totale des concerts classiques dans toute convention d'utilisation du bâtiment par des tiers. Ils envisagent de concéder aussi la Salle Pleyel en occupation temporaire, plutôt que de vendre l'immeuble. Cette solution se fonde sur l'intérêt de l'apport de l'immeuble Pleyel au futur établissement, ainsi que sur la perspective d'autofinancer, par les loyers nets perçus, le remboursement de l'avance faite par le Trésor pendant les 22 années restant à courir. La possession et la location de la salle permettent ainsi à la Cité de la musique de disposer de ressources propres. Le ministère de la culture a indiqué à ce propos à la Cour qu'«il n'a jamais été envisagé d'extraire l'ensemble immobilier Pleyel des actifs de la Cité de la musique- et donc du futur établissement public unique». Or cette question pourrait se révéler en contradiction avec la position exprimée par la ville de Paris au cours du contrôle de la SAS CM-SP: «La Salle Pleyel n'a pas vocation à demeurer au sein de l'ensemble constitué par la Cité de la musique, la Philharmonie et l'orchestre de Paris. La ville de Paris a fait part de sa volonté de revendre ses parts 1 de la SAS-Cité de la musique Salle Pleyel dès 2014. Une délibération au Conseil de Paris en ce sens est prévue pour le premier semestre 2014. La ville se retirera ainsi de la gestion et du fonctionnement de la Salle Pleyel.». La Cour observe que si la propriété du bâtiment Pleyel est conservée par la Cité de la musique, elle figurera parmi les apports de l'état à la fusion. La ville de Paris pourrait donc s'en retrouver de facto copropriétaire si une attention n'était pas portée au statut patrimonial de cette salle au moment de la fusion. Recommandation no 3 : La Cour recommande de procéder à une étude juridique et financière comparative des différentes options possibles, principalement la concession de la Salle Pleyel (avec ou sans interdiction des concerts classiques) et la vente du bâtiment Pleyel. Cette étude devra également prendre en compte les résultats de l'expertise demandée par la Cité de la musique sur les valorisations possibles du bâtiment. IV. Le choix d'une politique de l'offre pour développer les publics L'objectif du ministère de la culture avec la création de la Philharmonie est d'élargir et de démocratiser les publics de musique classique pour enrayer «l'attrition» (ou encore «l'atrophie») de sa clientèle actuelle résultant notamment, comme pour «toutes les pratiques culturelles codifiées et traditionnelles», de sa «séniorisation»croissante, dont il estime qu'elle «engendrerait, à terme, la disparition des publics de la musique classique, des pratiques artistiques et culturelles afférentes, et in fine, de la musique classique elle-même». Le ministère de la culture assume donc, dans un premier temps, le risque de perdre une partie de la clientèle habituelle de la Salle Pleyel, au profit de nouveaux publics plus jeunes et aux origines sociales plus diverses dont il convient d'encourager la venue : «Il n'est pas pertinent de fonder une politique publique sur l'analyse de la demande des publics, mais plutôt d'apprécier les champs dans lesquels une politique de l'offre devrait être développée». La fréquentation de la Philharmonie par de nouveaux publics est un enjeu déterminant de sa réussite. Pourtant l'association de préfiguration et le ministère de la culture ne se sont attelés que modestement et tardivement à la réalisation de cet objectif. Il reste en outre à démontrer que les champs déterminés pour la création d'une offre rencontrent leurs publics et qu'une telle vision volontariste est adaptée aux longues années à venir de contrainte 1 La ville de Paris détient 20 % du capital de la SAS CM-SP. 13 rue Cambon - 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00- www.ccomptes.fr

Cour des comptes- Référé ll 0 69997 5/6 budgétaire pour l'état comme pour la ville de Paris. Certaines questions nécessitent donc d'être clairement posées : le coût de cette nouvelle offre pourra-t-il être maîtrisé? Les nouveaux publics remplaceront-ils, et au-delà, la part des spectateurs habituels de Pleyel qui ne suivraient pas jusqu'à La Villette? L'effet sur les recettes de l'élargissement attendu des publics compensera-t-il le fort abaissement stratégique des tarifs? Les objectifs recherchés sur les plans éducatif, artistique et numérique sont clairement explicités dans le projet de la Philharmonie daté de novembre 2013. Si les intentions sont novatrices et s'inscrivent bien dans l'esprit de la Cité de la musique, seul l'avenir dira si ces objectifs d'activité ont été réalisés et à quel coût, compte tenu des moyens alloués et des cibles de publics retenues. À cet égard, la politique volontariste de l'offre oblige à mieux cerner les accroissements inéluctables de charges nettes qui en résulteront. En effet, la multiplication annoncée du nombre de concerts que permet une capacité d'accueil d'une dizaine de salles sera jumelée à une forte baisse des tarifs. L'objectif d'autofinancement des coûts de plateaux des concerts sera ramené de 100 %, taux obtenu à Pleyel, à 80 %, et constituera un manque à gagner. Il est loin d'être acquis que la mise en service de 1 800 m 2 de nouveaux espaces pédagogiques et d'exposition temporaire à la Philharmonie attire un public, alors que les espaces muséaux de la Cité de la musique, plus vastes encore, ne parviennent déjà pas à susciter une fréquentation acceptable. Enfin, les ambitions fixées pour le numérique risquent de faire double emploi avec la médiathèque de la Cité, dont la fréquentation suscite, dès à présent, de sérieuses interrogations. Recommandation no 4 : La Cour recommande en conséquence de fixer des objectifs ciblés fondés sur une comptabilité analytique en coûts complets liant fréquentation et financement. V. La soutenabilité financière et le principe de parité financière Le choix de la fusion impose pour les trois entités du futur ensemble, comme dans les rapports entre l'état et la ville, de comparer la valorisation de leurs apports respectifs, que ce soit en actifs nets financiers, en moyens physiques et immatériels, ou en effectifs et en compétences. La Cour n'a pas connaissance, à ce jour, d'une telle évaluation partagée entre l'état et la ville de Paris. Des incertitudes pèsent également sur l'issue des négociations entre l'état et la ville de Paris sur le financement paritaire du fonctionnement de la Philharmonie dont le principe a été posé en 201 O. En effet, après avoir relevé les différences entre les pourcentages de subventions actuellement allouées respectivement par l'état et par la ville de Paris à la Cité de la musique (100%- 0 %), à la Philharmonie stricto sensu (50%- 50%) et à l'orchestre de Paris (60%- 40 %), le ministère de la culture écrit : «Il est prévu que la parité de financement ne concerne donc que les activités liées stricto sensu au périmètre des nouveaux équipements et activités de la Philharmonie». Dès lors que I'ÉPIC constituera un seul ensemble, rien ne permet de dire quelles seront finalement les quetes-parts respectives de l'état et de la ville de Paris dans le financement global du fonctionnement de cet ensemble. L'équilibre financier du futur établissement fusionné est censé être assuré dans la durée avec un montant supplémentaire annuel de 18 M de subventions, allouées paritairement à hauteur de 9 M par la ville de Paris et par l'état. Il est même annoncé que ce dernier ne devrait, en fait, débourser annuellement que 4 à 5 M en subventions nettes supplémentaires grâce au redéploiement des 5 M de subventions actuellement allouées à la Salle Pleyel. Les autres subventions versées à la Cité (23 M ) et à l'association de préfiguration de la Philharmonie (5,7 M ) seraient reconduites au profit du futur ÉPIC, qui bénéficierait au total de 33,7 M de subventions de l'état (hors Orchestre de Paris). 13 rue Cambon- 75100 PARIS CEDEX 01 - T +33 1 42 98 95 00- www.ccomptes.fr

Cour des comptes - Référé n 69997 6/6 Le ministère de la culture reconnaît néanmoins dans sa réponse à la Cour que le niveau de subvention «n'est pas encore totalement établi», ce qui fragilise considérablement les estimations précédentes. Il est donc urgent d'établir un plan d'affaires prévisionnel qui puisse être audité et soit approuvé par les tutelles, sur la base d'une analyse précise des tâches actuellement assumées par les personnels de la Cité de la musique et de sa filiale et des tâches e:xternalisables. Recommandation no 5 : La Cour considère comme urgent et impératif que les modalités de financement public du futur établissement soient arrêtées par l'état et la ville de Paris. Elle recommande aussi de fixer sans attendre des indicateurs de performance du nouvel ensemble. -=ooo=- Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à l'article L. 143-5 du code des juridictions financières, la réponse que vous aurez donnée à la présente communication. Je vous rappelle qu'en application des dispositions du même code : deux mois après son envoi, le présent référé sera transmis aux commissions des finances, et, dans leur domaine de compétence, aux autres commissions permanentes de l'assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse 2 - sous votre signature personnelle exclusivement - si elle est parvenue à la Cour dans ce délai. À défaut, votre réponse leur sera transmise dès réception par la Cour (article L. 143-5); dans le respect des secrets protégés par la loi, la Cour pourra mettre en ligne sur son site internet le présent référé, accompagné de votre réponse (article L. 143-1); en tant que destinataire du présent référé, vous devez fournir à la Cour un compte rendu des suites éventuelles données, en vue de la présentation par la Cour, dans son rapport public annuel, des suites apportées à ses observations (article L. 143-10-1). Ce compte rendu doit être adressé à la Cour, selon les modalités de la procédure de suivi annuel coordonné convenue entre la Cour et votre administration. Didier Migaud 2 La Cour vous remercie de lui faire parvenir votre réponse sous forme dématérialisée (un fichier PDF comprenant la signature et un fichier Word) à l'adresse électronique suivante : greffepresidenœ@ccomptes.fr. 13 rue Cambon -75100 PARIS CEDEX 01- T +33 1 42 98 95 00 -www.ccomptes.fr