Scénarios pour une stratégie nationale de développement de la fibre optique en Suisse



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WIK-Consult Rapport Etude réalisée sur mandat de l'office fédéral de la communication (OFCOM) Scénarios pour une stratégie nationale de développement de la fibre optique en Suisse Auteurs: Dragan Ilic Karl-Heinz Neumann Thomas Plückebaum Avec la collaboration de Desislava Simeonova Konrad Zoz Bad Honnef, décembre 2009 Résumé 1. En Europe, la Suisse est à l avant-garde en matière de déploiement des réseaux d accès de nouvelle génération (Next Generation Access NGA) via la technologie VDSL. Actuellement, environ 75% de la population peuvent déjà accéder au VDSL. La Suisse semble également prendre un rôle précurseur en matière de réseaux FTTH. En l'état des connaissances, cette technologie garantit la meilleure performance des réseaux de communication et possède les plus grandes chances de développement au cours des deux prochaines décennies. Etant donné l'importance capitale des réseaux de fibres optiques, l'ofcom a chargé, en août 2009, WIK-Consult d'analyser, sous un angle économique, les principales questions relatives au développement de cette technologie, à savoir: Quelle portion du territoire les réseaux FTTH peuvent-ils desservir tout en restant rentables? Quels investissements faut-il consentir pour mettre en œuvre une stratégie nationale de développement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire? Quelles sont les différences de coûts entre les diverses architectures de réseau FTTH? Quelle est la différence de coûts entre un modèle multifibres et un modèle monofibre? 1

Quelles sont les implications de la rentabilité des réseaux de fibres optiques sur une éventuelle extension de l'obligation de service universel aux raccordements basés sur cette technologie? Dans quelle mesure les réseaux de fibres optiques peuvent-ils être dupliqués par des concurrents? Quelles possibilités les modèles de coopération et les modèles de dégroupage offrent-ils en matière de concurrence? 2. Pour réaliser l'analyse économique des questions susmentionnées et préparer la prise de décisions en matière de politique économique, nous avons conçu, dans le cadre de ce projet, un outil de modélisation à l intention de l'ofcom. Le modèle de réseau de fibres optiques a été développé spécifiquement pour la Suisse, compte tenu de la configuration concrète de son réseau, de la répartition de la population et des entreprises, et de la structure de l'habitat. Grâce à ce modèle, l'ofcom pourra concevoir et évaluer de nombreuses options très différentes de construction du réseau FTTH à l'échelle nationale, régionale ou même locale. En effet, le modèle permet de tirer des conclusions non seulement pour des solutions couvrant tout le territoire national, mais aussi de prévoir les investissements nécessaires et la rentabilité de la construction du réseau pour les cantons, les villes et les agglomérations, et même pour de simples zones de raccordement. 3. Le modèle développé se fonde sur une approche ascendante («bottom-up») de la modélisation des réseaux, sur la base de laquelle les coûts moyens incrémentaux à long terme du déploiement de la fibre optique peuvent être calculés en fonction d'une demande donnée. Sont pris en considération tous les éléments du réseau de raccordement (raccordements, fibres optiques, tracés, interfaces) selon la répartition des clients sur le territoire. En principe, le modèle suppose la construction complète du réseau (approche dite «Greenfield»); il évalue ainsi la totalité des éléments nécessaires à l établissement du réseau sur la base de leur valeur de remplacement, c est-à-dire comme s'ils devaient être acquis et installés sur le moment. Le cas échéant, les éléments déjà existants ne sont comptés qu'à leur valeur de remplacement actuelle, alors que les éléments déjà amortis sont virtuellement remplacés par des éléments neufs. Cette méthode est également appliquée par les entreprises qui souhaitent évaluer la rentabilité d'un investissement sur la base de ses coûts d'opportunité. Prenant quelques libertés avec une application pure et dure de l approche «Greenfield», laquelle suppose une détermination optimale de tous les nœuds de réseau, nous avons procédé à une évaluation de type «Scorched Nodes», c est-à-dire que nous avons considéré les centraux de commutation existants de Swisscom comme des composants fixes du réseau, réseau que nous avons ensuite optimisé de manière à accroître son efficacité. 4. Le modèle détermine le rayon d action territorial (i.e desserte) et la rentabilité de la construction d un réseau de fibres optiques pour les différents groupes d observations retenus (cf. «clusters»). Nous avons en effet classé les 1 491 zones de raccordement que compte le réseau suisse en 16 groupes selon la densité des connexions par km 2. Pour chaque groupe, nous montrons l'évolution des coûts et produits selon différentes parts de marché et déterminons ainsi la part de marché critique spécifique à chaque groupe, part de marché qui se caractérise par le fait que les coûts et les produits sont équivalents. La part de marché critique doit être atteinte 2

si l'on veut couvrir, dans le groupe correspondant, tous les coûts engendrés par le réseau et la fourniture des services. 5. Nos calculs révèlent qu'en Suisse, la construction d'un réseau de fibres optiques desservant environ 60% de la population est rentable. Dans le groupe 10, soit le dernier à être profitable, un exploitant devrait déjà atteindre une part de marché de 75% pour couvrir les coûts liés au réseau, à supposer que son chiffre d'affaires mensuel moyen par client se monte à 85 francs (i.e. hypothèse fixée dans le modèle). Avec un réseau multifibres, cette limite de construction peut être inférieure, notamment dans le cas où les fibres multiples sont tirées jusqu'aux centraux locaux. 6. Les investissements calculés dans notre modèle augmentent au fur et à mesure que la densité des raccordements diminue. En ce qui concerne le modèle monofibre, ils se montent à 1 980 francs pour le groupe affichant la plus forte densité (plus de 7 000 raccordements par km 2 ) et à 6 421 francs pour le groupe 12 (150 raccordements par km 2 seulement). Avec le modèle multifibres, les investissements requis augmentent de 5% à 12% par raccordement si la connexion s'opère au point de distribution, et de 10% à 26% si elle se réalise au niveau du central local. 7. Si Swisscom peut économiser 20% des frais de terrassement en co-utilisant les installations de câbles existantes, les coûts d'investissement pourraient baisser de 8% à 14% par raccordement (dans le groupe 12). 8. En Suisse, la construction d'un réseau de fibres optiques national qui desservirait 75% de tous les ménages et entreprises nécessiterait des investissements de l'ordre de 21,4 milliards de francs pour le modèle monofibre et de 23,9 milliards pour le modèle multifibres avec un accès prévu au niveau du central local. La majeure partie de ces investissements concernerait des régions rurales, où la construction d'un réseau ne serait pas rentable pour l'exploitant. Pour preuve, les investissements requis, qu ils soient exprimés en valeur absolue ou rapportés au nombre de ménages, sont environ dix fois plus élevés dans le groupe le plus cher (groupe 16) que dans le groupe le plus avantageux (groupe 1). Le dernier des groupes rentables, soit le groupe 10, nécessiterait encore 2,5 fois plus d'investissements par raccordement que le groupe 1. La construction d'un réseau qui desservirait 60% de la population exigerait des investissements d'un montant de 7,8 milliards de francs pour le modèle monofibre et de 8,9 milliards pour le modèle multifibres. Pour une desserte de 80%, les chiffres se monteraient respectivement à 12,6 et 14,2 milliards de francs. 9. Les investissements supplémentaires requis pour l'option multifibres dépendent du point choisi pour relier les réseaux des partenaires à la partie du réseau utilisée en commun. Si l accès se situe au niveau du central local, cela signifie qu une large part du réseau est dotée d une technologie quadrifibres. Ce segment du réseau générant des coûts en plus, il en résulte que les coûts supplémentaires généraux sont plus élevés que dans le cas d un accès au point de distribution. Toutefois, malgré cela, l'accès au niveau du central local reste dans la plupart des cas plus efficient sur le plan macroéconomique, car il permet d'éviter aux exploitants les doubles investissements dans le secteur de la desserte du réseau. Jusqu'à présent, cet aspect n'a pas été pris en considération dans les discussions menées en Suisse. En outre, les investissements supplémentaires requis pour le modèle multifibres varient 3

en fonction du groupe considéré: ils sont plus élevés dans les groupes caractérisés par une forte densité de population et plus faibles dans les groupes peu peuplés. Dans les six premiers groupes, où la construction d'un réseau à fibres optiques serait rentable, ces coûts d investissement supplémentaires se montent à 8,5% dans le cas d un accès au point de distribution et à 17,5% dans le cas d un accès au niveau du central local. 10. Les résultats que nous avons obtenus permettent ainsi d'évaluer les déclarations très diverses entendues en Suisse à propos des coûts d'investissement supplémentaires. Jusqu'ici, Swisscom a mentionné dans diverses publications une fourchette de 10 à 30%, que nous pouvons évaluer et situer plus précisément sur la base de nos résultats. Le surcoût de 22% récemment articulé par Swisscom qui concerne l'accès dans les centraux locaux se rapproche fortement de la valeur obtenue avec notre modèle. Par contre, les 30 à 50% avancés par Sunrise nous semblent exagérés. Dans l'étude réalisée par Polynomics sur mandat de Swisscom, l'augmentation de 10% mentionnée s'applique tout au plus à l'accès au point de distribution. Quant aux coûts supplémentaires des principales variantes d accès, ils ont été nettement sous-estimés. 11. Du point de vue de la politique de la concurrence, le modèle multifibres peut être comparé d'une part avec un modèle supposant une pure concurrence entre les infrastructures, dans lequel plusieurs exploitants développent en parallèle un réseau de raccordement comportant une fibre optique unique, et d'autre part avec un modèle dans lequel plusieurs concurrents accèdent à un réseau monofibre via une obligation de dégroupage de la fibre optique au niveau du central de commutation. Les résultats que nous avons obtenus sont les suivants: a) Théoriquement, la duplication d'un réseau monofibre n'est envisageable que dans les trois groupes les plus peuplés. Cela signifie qu'une duplication des raccordements de fibres optiques n'est théoriquement rentable que pour 16,4% de tous les raccordements au maximum. b) Une concurrence basée sur le modèle multifibres est envisageable pour une part nettement plus grande des raccordements qu'une pure concurrence entre les infrastructures. D'après nos résultats, le modèle multifibres permet de donner libre cours à une concurrence entre deux exploitants jusqu'au groupe 9, soit pour 54% de tous les raccordements. En théorie, quatre exploitants peuvent coexister dans le modèle multifibres pour 36% des raccordements, à condition toutefois que l'accès soit prévu dans les centraux locaux. S'il s'opère aux points de distribution, les possibilités de concurrence sont plus limitées. Théoriquement, le marché offre des perspectives de rentabilité pour deux fournisseurs jusqu'au groupe 7, à savoir pour 42,1% de la population, et pour quatre fournisseurs jusqu'au groupe 3, soit pour 16,4% de la population. Compte tenu des incertitudes concernant la distribution future des parts de marché, l impact possible du modèle multifibres sur la desserte sera, dans les faits, nettement en deçà des possibilités théoriques mentionnées. c) Par contre, une concurrence basée sur le dégroupage de la fibre optique est possible partout où la construction d'un réseau de fibres optiques est rentable. Selon nos résultats, 60% de tous les raccordements sont concernés. 4

d) Il va sans dire qu'une concurrence basée sur le dégroupage de la fibre optique est possible partout où une pure concurrence entre les infrastructures ou une concurrence basée sur le modèle multifibres est réalisable. De même, une concurrence basée sur le modèle multifibres est possible partout où une pure concurrence entre les infrastructures est réalisable. e) La liberté technologique en matière de fourniture de services est à peu près la même que l opérateur utilise une ligne de fibre optique dans le cadre d un modèle basé sur le dégroupage ou qu il recoure à une solution multifibres. Dans les deux cas, chaque utilisateur de la ligne dispose d'un accès physique à la fibre optique et peut sans restriction déterminer et contrôler lui-même son offre de services grâce à ses propres équipements électroniques actifs sur le réseau. Aucune restriction ne peut être imposée par l installateur et l'exploitant de l'infrastructure passive de fibres optiques. L'illustration suivante présente les taux de desserte des trois modèles de base. Le choix que fera un concurrent dépendra fortement de ses attentes concernant la part de marché qu'il peut obtenir. Même si la part de marché escomptée ne correspond pas à sa part de marché actuelle, elle sera néanmoins fortement déterminée par la situation dans laquelle le concurrent se trouve au moment de prendre sa décision. Les parts de marché étant pour l heure réparties de manière (très) asymétrique sur le marché suisse, les taux de desserte qui pourraient être obtenus avec les différents modèles de concurrence considérés représentent des maximums théoriques, qui reposent implicitement sur une ventilation symétrique des parts de marché.. Illustration 0-1: Taux de desserte des trois modèles de base en matière de concurrence infrastructurelle % des raccordements Concurrence pure entre les infrastructures (2 exploitants) Modèle multifibres (4 exploitants, PD) Modèle multifibres (4 exploitants, PPP) Modèle multifibres (2 exploitants, PD) Modèle multifibres (2 exploitants, PPP) Dégroupage Limite de rentabilité en matière de construction 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% PD: point de distribution 5

PPP: point de présence principal Source: WIK-Consult 12. Si les concurrents ont le choix entre un accès dégroupé et une coopération dans le cadre d'un modèle multifibres, ils se décideront pour le modèle le plus compétitif. Ce choix ne produira pas les mêmes résultats dans toutes les zones prévues pour accueillir un réseau de fibres optiques. Le modèle multifibres s'imposera là où les concurrents disposent déjà d'une infrastructure de fibres optiques dans la partie qui dessert le réseau ou dans les régions où ils pourront installer de la fibre à des conditions très avantageuses. Par ailleurs, le modèle multifibres sera privilégié dans les scénarios dans lesquels le concurrent dispose soit d'une part de marché initiale élevée, soit de bonnes perspectives à cet égard. La probabilité que les acteurs du marché participent au modèle multifibres est d autant plus élevée que les parts de marché critiques nécessaires pour assurer la rentabilité du réseau sont faibles. 13. Si l'on compare avec les résultats obtenus pour d'autres pays, on constate qu en Suisse un réseau de fibres optiques peut être déployé de manière rentable pour une part bien plus grande de la population qu'ailleurs. Il ne faut toutefois pas en conclure que la construction d'un tel réseau s'avère plus avantageuse en Suisse ou que la densité de population y est plus élevée. Ce résultat provient clairement du fait que le niveau des prix des services de télécommunication est plus élevé en Suisse que dans la plupart des autres pays européens; en outre, on peut s'attendre à ce que les clients des offres «triple play» soient plus nombreux qu'ailleurs. Cela implique que les recettes obtenues sur la base de la modélisation spécifique des services sont supérieures de 50% par rapport à d'autres pays. 14. Le fait que les exploitants de réseaux fixent des marges et des prix de détail élevés ne se justifie, au plan macroéconomique, que si la rentabilité ainsi obtenue permet de passer plus rapidement à une infrastructure de télécommunication ultramoderne. Sinon, facturer les services à des prix surfaits entraîne, dans une perspective statique, des pertes de bien-être sur le plan macroéconomique. En revanche, si les bénéfices réalisés avec les services de télécommunication sont utilisés aujourd'hui pour que la Suisse dispose demain, avant d'autres pays européens, de l'infrastructure la plus performante à moyen terme, il peut en résulter un avantage pour la Suisse dans une perspective dynamique. Pour garantir ce résultat, il importe toutefois que l Etat prenne les mesures nécessaires et ne laisse pas les acteurs du marché décider seuls de la solution la plus rentable pour eux. 15. En Suisse également, un développement n'est envisageable, économiquement parlant, que dans les régions à forte densité de population, et principalement dans les grandes villes. L'examen des groupes d un point de vue spatial montre que la part du territoire qui peut être rentablement desservie par de la fibre optique est limitée. En effet, seuls 60% de la population et des entreprises suisses établies dans 6,3% des zones très peuplées sont susceptibles d être connectés à un réseau de fibres optiques déployé de manière rentable. 16. Le marché ne mènera pas de lui-même à une couverture de tout le territoire suisse en raccordements de fibres optiques. Une obligation de service universel relative à une desserte totale entraînerait des coûts nets considérables. A elle seule, 6

la desserte d'environ 250 000 ménages et entreprises dans les zones les plus avantageuses exigerait des investissements équivalents à ceux nécessaires à l aménagement d un réseau de radiocommunication mobile dans toute la Suisse. 17. Il existe une série de mesures susceptibles d'étendre la desserte en fibres optiques sans qu'il soit forcément nécessaire de recourir au mécanisme du service universel prévu dans la LTC. On peut se demander cependant si le projet de couvrir toute la Suisse en raccordements de fibres optiques résisterait à une analyse coûtsbénéfices. Selon nos projections, les investissements requis semblent trop importants. Il ne s'agit toutefois que d'une présomption, étant donné que nous n'avons pas, dans cette étude, examiné les avantages d'une couverture nationale autres que ceux exprimés par la disposition à payer (hypothétique) des usagers. 18. Les scrutins réalisés à Zurich et à St-Gall, et plus généralement l'engagement affiché par les entreprises électriques communales, prouvent que l'aménagement rapide de réseaux en fibres optiques revêt une grande importance pour les citoyens et les milieux politiques suisses. La participation de sociétés dont le but n'est pas exclusivement de maximiser les profits permet d'envisager une couverture territoriale plus étendue. Grâce au mécanisme de subventionnement interne permis sur la base des recettes engrangées dans les régions rentables, le déploiement du réseau peut s'étendre aux zones non rentables, sans qu il en résulte automatiquement des pertes pour les entreprises concernées. Compte tenu de la fonction de coûts des réseaux de fibres optiques, ce mécanisme est susceptible de donner une impulsion forte au développment de la couverture en Suisse. Notre étude a montré en détail que le but recherché par l'entreprise exerce une influence sur l'étendue du réseau; suivant les cas, la différence de desserte, mesurée en termes de population, s'élève à 20%. 19. Nos résultats confirment qu'en Suisse également, le modèle d'une concurrence pure entre plusieurs réseaux de fibres optiques construits en parallèle relève de l'illusion économique. Si, dans de rares zones urbaines, la duplication de l'infrastructure pourrait s'avérer économiquement envisageable, cette approche ne tient toutefois pas la route en tant que modèle de concurrence, en raison de la structure de coûts propre aux réseaux de fibres optiques. Cela n exclut cependant pas la concurrence entre un réseau câblé et un réseau de fibres optiques. En effet, le premier, avec sa structure de coûts différente, peut rivaliser efficacement avec le second dans certains segments importants du marché. Vu que notre étude porte sur les réseaux de fibres optiques, nous n'avons cependant pas approfondi ce point. 7

20. Jusqu'ici, il n'a presque été question en Suisse que du modèle de concurrence développé et diffusé par Swisscom, modèle qui, rappelons-le, table sur une concurrence insfrastructurelle basée sur le déploiement d'un réseau multifibres. Notre analyse montre que ce modèle est important car, par rapport à une pure concurrence entre infrastructures, il accroît les possibilités de dupliquer les réseaux. Nos résultats soulignent également sa portée concurrentielle limitée, qui peut toutefois s'étendre lorsqu'on passe d'une répartition systématique des coûts à une répartition fondée sur les parts de marché, ou que l'accès s'effectue non pas au niveau du point de distrubution, mais dans le central local. Quoi qu'il en soit, même en tenant compte de ces éléments, la participation des autres acteurs du marché à un tel modèle de coopération ne se révèle pertinente que dans un petit nombre de cas. Dès lors que la répartition des coûts ne concorde pas étroitement avec les parts de marché réalisées ex post, il peut arriver dans plusieurs scénarios pertinents que les acteurs les plus faibles subventionnent en réalité les plus forts. Un tel contexte n'est guère favorable à l'instauration d'un modèle de marché stable et durable. 21. Jusqu'ici, le modèle de la concurrence basée sur le dégroupage n'a guère retenu l'attention en Suisse. Nous avons démontré que le dégroupage des lignes de fibres optiques permet d'instaurer une situation de concurrence entre plusieurs fournisseurs partout où la construction d'un réseau de fibres optiques s'avère rentable. Ce scénario permet, en théorie, la meilleure desserte obtenue par un modèle de concurrence basée sur les infrastructures. Si la Suisse veut optimiser la concurrence également dans le domaine des fibres optiques, elle devrait intégrer l'option du dégroupage dans ses considérations de politique économique. Pour certains acteurs du marché, participer à un modèle de coopération basé sur l'approche multifibres peut sembler judicieux, vu l'infrastructure dont ils disposent. Les acteurs ne choisiront cependant pas tous cette voie. Par conséquent, la Suisse ne pourra exploiter réellement le potentiel de la concurrence que si les fournisseurs suisses auront la possibilité d opter pour un modèle commercial reposant sur un modèle de concurrence adapté à leurs besoins. 22. L'étude se termine par 30 recommandations qui devraient permettre à la politique des télécommunications de soutenir le déploiement de la fibre optique en Suisse. 8